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Hanoteau et Letourneux: les avatars de la traduction/interprétation juridique

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Texte intégral

(1)

tion/interprétation

j u

ridique.

Bouteldja RICHE / Université

de

Tizi

Ouzou

Adoiphe Hanoteau (1814-1897)

fut un

des premiers 'cher- cheurs français à investir Ie

terrain.

Diplômé de l'Ecole Polytechni- qLre, cc général de carrière. que rien ne destiuait atix sciences sociales.

fut

nonrrré. clt Novenrbre 1 860, au poste de Commandant Supérier-rr clLr Cerclc nrilrtaire de Fort-Napoléotr. après

qu'il

er-rt parlicipé aLrx

expéditions de 1854 et 1856 en Kab1,lie. C'est sur ordre de sa hiérar- chie c1u'il s'atte la dès 1862, avec la collaboration de

A.

Letourneux.

magistrat conseiller à la CoLrr d'Alger. à l'entreprise de codification

-jLlridiqLre des cor.rtLrnres kabyles. «C'est en se référant à ces couturr,;;s kaby,lcs que Ies-juges cie paix français ont adrninistré la jLrstice en Ka- bylie drrrant toutc: la période coloniale poLrr les affaires relatives au statlrt persounel et à une partie du droit civil »(Alain Mahé , La Kctbv-

lie et

les c'oultrme.y kobyles, Eci. Bouchèue. Paris.2003). HanoteaLr

lr ait

puhlie aupflia\

ant trois

ou\ r'ae.c5: Essoi clr, grantmttirt' ku- ô1.'/e(1858). Essui tlc gt'unmtctire de

lu

ltutgua TamcrcheÆ (1860), et Poésies populctire.s cle lo Kctbylic tfu Julura(1E67). que Boulifa, eritre aritrcs. allait oser critiquer publiquerrrent quelqLres années plLrs tard.

Natureliernent. l'æuvre de Hanoteau et Letourneux est globa- lement très utile: on

v

troltve une

sonlle

considérable d'infbrntations collectées patien.rnrcnt sur norlbre cl'autres aspects. rnônte si le locuteur kabyle y décèle ici et .a des erreurs de traduction et/ou d'interprétation, indLritq5. pensons-nous.

le

plr-rs souvent par

la

r.néconnaissance de Ia

langue et/or-r

la

non-frabilité des infbrmateurs indigènes. L'ob.iectif premier de cette,'ntleplise. cle I'aveu urêrre de ses commanditaires et de I-lanotear-r Iui-ntême. était de connaître et d'infiltrer au nrieux le peLr-

ple algérien . por.lr nricLrx le dorniner. Selon le nraréchal

Randon,"

il s'agit en elfet dc lrontrer aLrx indigènes, et sllr1ollt à ceux dans lesquels l'instnrction incornplète des zaouias a développé cette présomption si

commllne à l'ignorancc . que ltt-ruS conltâissons rnieux qu'eux-mêtnes

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(2)

les mceurs, la religion. les conquêtes et Ies revers de.leurs ancêtres"

( circulaire aux Bureaux Arabes. 1853).

L'occirpant rre lésina poirrt srrl les n-ro1,eirs ri'arriver à ses fins;

des primes furent offeftes aLr profit des candidats à I'apprentissage de

l'Arabe et dLr Kabyle, avec le prontpt concours de l'université

d'Alger.

Des Algériens y appoftèrent aussi, hélas, leur précieuse aide moyednant prébendes; c'est ainsi qLre l'informateur principal de I-lanotean et Le- tourneux dans ie territoire relevatrt du Cercle de Forl-Napoléon était d'une famille de nrarabouts.''anrie de la France". selon le Cornrnan- dant'Supérieur du Cercle. La collecte et la mise en folnre des Qanouns kabyles ne dura que de 1862

à

l865 (Clf.

Alain

Mahé : La Kabylie er

les coutumes kabyle,s). QLrand on sonse qr"re la conquête de la Kabylie du Djurdjura n'eltt lieu que cinq années plLrs tôt. et au regard de la di- versité et de la complerité de la tâche, l'on est err

droit

de penser que l'ceuvre ne puisse n'avoir que des aspects

positifs:

cinq ou di.r aus représentent une période trop"courle por-rr prétendre rnaîtriser les subti- lités d'une langue, qLri plLrs est orale, et ce en dépit de toute sa volonté.

En plus, l'infonnateur, poLlr de rnLrltiples raisolrs, n'est pas toujours de bonne foi ;comnrent sal,oir

s'il

ne présente pas les choses à son avan- tage personnel, ou à celLli de son groupe ou de sa conllLtnauté ? Un autre obstacle qui vient se r.nettre elt travers d'une réelle investiqatiorl scientifique objective réside dans les préjugés . nontbreur. qui habitent indiscutablement les auteurs, et qui sont trop ér,idents pour être exposés

ici.

Relevons, enfin, Ies desseins inavoués assignés à cette entreplise.

globalement renvover

de l'Algérie,

son peuple. sou histoire

et

sa

culture, I'image telle qLre voulue par la puissance colouisatrice, tout en prenant soin

d'y

insérer une part dob.jectivité dans le bLrt de donner le

change. Mamnteri

l'a

vite compris. qui écrivit dans Poèmes kabyles anciens, «Les ethnologues. alroLlsna\\, tronqLrés

de

I'Occident, uous enrobaient des rets de leur raisonnentent poLlr nous exorciser. l.arrelter notre étrangeté à leur raison, cltri était la raison» .

En rratière de codillcation. nous avons décelé un ceftain nom- bre d'écarts par rappoft aux qanouns en Llsage. écar1s parfois délibérés et voulus, nous semble-t-il. conforméurent à la ligne générale devarrt marqucî une telle entreprise:

il

imporle q,.:e !a senteltce finale qui s'err

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(3)

dé-rragera soit globalement désavantageuse pour les vaittcus, crédibili- saut

du

coup l'æuvre prétendument civilisatrice qu'etrtreprenait la France . Des passages entiers de cefiains qanouns sont airrsi escamotés ,

car jugés faisant honneur aux indigènes; ainsi, celui-ci : « Losqtte nous sornures en guerre, si un homme dépouille ttn moft ou enlève un objet quelconque appafienant à ce rnofi"

il

doit payer 50 fr. d'arnende, et est

voué à I'intàmie»(p.113), traduit comrre suit:

"Celuiqili,

sur le charnp

de bataille

,

dépoLrille les morts de son çof , ou le cadavre d'Lrn allié

\/enu au secolrrs du village est voué au ntépris. sans préjLrdice de la peine pécuniaire et rnême du bannisser-nent". On

voit

clairement la

volonté sournoise de bannir toute idée d'esprit cltevaleresque

et

de

droiture nrorale exigés sans discenrement du combattant kalryle, quali- tés dont bien des combattants de natious dites

civilisées,

dont la Frauce. ne pouvaient se prévaloir . Une autre coutunre algérienne an- cestrale de grande portée sociale, Timechret.( en arabe, lewzisa), s'y trouve ravalée par ces tirroniêrs colonialistes au raug de vLrlgaire fes- toiement que réclameraient avidement les Kabyles qui,

«

corrme les

Anglo-Saxolrs, se font remarquer par leur appétit pour Ia viande. La chair des anirnaux domestiques, sutlottt celle du bceuf. est leur mets de préclilection : aussi emploient-ils en timecltret. c'est-à-dire en repas de

viande, presque tout l'argent qui provient des amendes et les bestiaux compris dans les confiscatioirs» (p.121). L'égalitarisrne, la solidarité.

l'entraide. la cor.nmunion des tletnbres de la comrlunauté. la fonctitln d'exorcisme attendLr de l'immolation des bêtes... toLrt çà M.M. Hano- teair et Letourneur lc passent par pertes et profits. En vérité

.

l'arqcnt

provenant des arlendes n'est pas dépensé 'presque entièrenrent' en

timecrevin , coumle le prétenclent HahoteaLr et Letourneux , car sinon conrment seraient pa1és

l'Amin .

les

vamen

et les Temman'7 Qui paierait le nralabotrl en chalge des appcls à Ia prière et autres offices religierrr (cérénrorties cliverses coulne Iors de nrariages ou

d'

enter- rements) : une bonne parlie de cet argent est engloLrti airssi par de nre-

nus travaur

d'rrtilité pLrblique

ne reclLrér'ant que des intervention-;

ponctuelles.

Les fi'éclLrentes réfections et l'entretieu des cheurins clrr village sont-ils exclLrsiverrent à caractc\r'c collcctil ?

AL

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(4)

Naturellement uon, et des ouvriers sont payés par la Djerlaa pour s'en occllper chaque fois que celle-ci en sent la nécessité. QLrand il 1' a lieLr de curer le bassin ou Ia fontaine du village , y envoie-t-on tous les habitants dans

le

cadre d'une ticemlit

?

Pour battre

en

brèche l'argurrentaire de Hanoteau et Letourneur, qLroi de plus net qrre cet extrait du Qanoun du village d'Azeffoun ( triblr des lzer$fawefl )

: "

L'argent qLri sert à acl-reter de la viande porrr les hôtes clrr r illage est pris sur les fbnds d'antendes de la Djemaa. Si ces fonds ne suffisent pas. on

fera un impôts extraordinaire(Tabzeft) par ntaison (n"7. p.295). Par rapport toujours à timecret,

il

est bon de rappeler clue les altteurs cle cet oLrvrage semblent avoir oublié qLr'ils avaient signalé auparavaut à leLrrs

lecteurs que le Kabyle mangeait souvent cie la viande. bien plLrs cltre beaucoup de paysans de la Métropole, avaient-ils précisé. non pas par la grâce cle ces sornptueux festins, rrais bien parce ciir"il y at,ait ntarché r{ans chaque tribu au ntoins uue fois par semaine: tout Kabvle . tirt-il parrni

les

plus dérnunis, pouvait se

faire offrir

qLrclques tranches d'abats, qr-relques lrorceaLlx ne serait-ce qLre de deLrxiènre choix. Nous I'avons vu , réduire timecreî à l'occasion pour les l,illageois de se ga- ver de viande est non seulement faux. ntais égalenrent péjoratif et ten- dancieux.

Nous croyons, porlr notre part. qLr'aucun corlpte-rendLl, ellcore ruroirrs une traduction au pied levé. ne saurait refléter un phénontèrre de

ce geure sans

la

connivence cultr,rrelle. C'est du reste ce défaut de connivence cLrltLrrelle, -- rloLrs ne voulons pas croire un instant que ceci est délibéré--, qui a laissé à croire aLlx auteLlrs que la feurrre kabyle «

est Lln hien nreuble ». autrement

dit

Lrne vulgaire rnarchatrdise. Hano- teau et Letourneux ne se donnèyent pas la peine, ou ne voulurent pas.

explorer les sens et les applications du radical verbal

'a$' (yu$

ta- meÎîut

),

et retinrent'acheter', duquel ils inférèrent leur sentence pell crédible. Nous ne pouvons pas, par ailleurs, exclure la responsabilité, pour des raisons à détenniner', du ou des informateurs dans ce contre- sens . A ce propos. les Qanouns contiennent un grand nonrbre de dispo- sitions faisant, contre tout bon sens, la parl belle aux rrarabouts dans tune société que mêrne l'occupant recontraît colrlrle étant égalitariste.

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(5)

Que l'ou médite les alticles suivants:

'Celtti

qtti vole darts le village,

le jour,20 réaux,

s'il

est rnajeltr'(no42, p.273):

'Celui qui vole cltez les Ouiacl Sitii Brahinr ( famille de marabouts du

village) orr perce r-tne de leLtrs rraisorts. qr"r'il leur vole utl tnttlet, ur.t bærrf ou toute autre chose. pave i00 réatrx'(noa3 , p.213).

«

Si

Lrn marirbout

(dii

t,illage) vole tttr liabitant(du village)^ il paye 20 réaux'(rto.14.

rrêue

page). Les trois eretrples ci-desstts sont tirés dLr Qanor-rr.r dLr viilage

At

Frah (tribu des

At

Iraten). Le sttivattt est

extrait clu Qanoun r-i'urt village de marabottts de la confédération des IgoLrchdhal

:

'CelLri qui tnarie tttre tènrtttc dont

il

dispose avec utt Ka- byle (Barbari). oLr clrri répudie sa fèrnnte pour la faire épotrser trtr Ka- byle, paye 20 réaLrx ii'aruendc >> (rtoi,1. p.234).

-['out

locLrterrr kabyle est au fàit de la polvséruie qtti caractérise un grand nonrbre de l,ocables " dont " en l'occLtrrence.'a$'' : yu$ tiyi- ta (

ita

pris urr coup . oLr il en a pâti

),

yu$ tasga ( il est alité, malade)

, yu$ abrid (

il

a pLis ie ciremin

),

yu$

tannumi

(

iia

pris l'habitude,

il

est habittré

).

etc....

"A$"'s'ernploie

artssi cotttntltttétlettt clans la sphère de I'aericulture

,

plus particulièrertre

nt

l'arboricultttre. avec le sens de "llrenclre" , "se développei".irotanrrlerrt etr parlatrt d'un gref- fon :

yu$

ppelqim-nni . soit

"la

greffè a réLts:i" .

Cor.nnre on le r,'oit " dans les erpressions et Ies iriionres utiiisarrt ce radical . celiri-ci signifie pius souvent

''

pt'endre" c1rt"'acheter". ce que du reste BoLrlitir s'est ér'ertué à Ircntt'cr et déntorttrer à la sortie de

l'olrvrage

.

Hanoteau et LetoLtnreLtx ett reLtlettt pottr prel-lye de la -itrs- tesse de leLrr conceptiott de la iètunre al-l:érienne elt général, et de la

fèmrre kabl'le partrcuiièrer.Irent.la taemamt, traclLrit par

''prix

cie la

mal'iée". Que de uralentenciits etioLt de triauvaise foi . eucorel

Daus

la

plupart des agglrrnérations en

Kabllie si

ce n'est dans l'Algérie errtière,

taemamt

reste encore aLrioLrrcl'irLti largerretrt syrrboliqr"re et ne représente qu'une sonune d'argent très tnodiclue. se

Iirnitant souvent à 50

ou

100 ciinars: sa sigirificatiou ne sar-rrait être autre chose que la perpétuatie.n d'une coutume ancestrale énrinetlrnent désintéressée .

En page I

l7 .

les auteuts proposent la tradLrction littérale"

lxanger l'argent cie la Djeuraa

''.

pour. en fait, "dilapider I'areent pu-

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(6)

blic"

: aussi, ces soi-ürsant parfàits connaisseirrs de la langue kabyle dévoilent leurs lirnites. ignorant , selon toute vraisentblance

.

la riche polysémie ciu radical

eçç .

Ainsi, yeçça tiyita

( il

a pris un coup) . yeÇÇa tijeeeal

( il

est corrompLr ) . ou encore yeçça ras el mal lfaire faillite ) , n'ont strictement rieu à voir avec

"

rnariger".

QLre dire de cetie peine réservée dans les qaltouns à un certairr nombre de délits graves, appelée tuqqda en k aby,le , et rendue par

"

cautérisation"(p.85). La lLnalité de tLrqqda , châtiment corporel destiné à faire expier Lrn délit particLrlièrement grave . est diamétralement op- posé

à

l'objectif thérapeutiqLre'de

'

cautérisation'. quand bien même i'instrunrent utilisé pourrait être identiqLre

. Ici

également, nolls nous trouvons clevant ce qui s'appareute à un coutresens en traduction .

Le rasaqe ou la tonte des cheveux , et de la barbe et lronsta- clres pour l'homme, peine des plus infarnarües dans la Kabylie d'alors,- --ce châtin-rent était aussi parfbis appliqué aux ferrrnes reconulres cou- pables ije délits nrajeurs" conlme I'adultère, avant mêrne. qLrelquefbis, Ieur nrise li mort, ceci n'i,itant pas rappofté par les alrteurs---" qstcprali- fié assez cllrieuse:r-rel:]r d'ab,st:i,;ion de Ia barbe et des rnoustacites, terme dérir,é cie rzôscisre, cr: vltcable d'origine greccllle elt Lrsage en géomé-

trie. La méirilire collectiv,-,.r.-itient que cette coLltLlitie se traciuisait le plus souvent par ia r,:nle des cireveur rie la tête. et Ie rasage de la rlous- tache pour les iromtt-res. :ii,'Jlioall et Letoiil'iieLrx serlblent. oLr feignent.

d'ignclrer la syrnLroliqLre de la nti:Lrst;tihe chez Ies rvj,li,tlrrébins. en parfi- cr-rlier i\ cette epcqLie-11i. crr',

s'iis

I'avaieilt sr,t. ils auraient g-t'obable-

uent rtrodulé leur appr[ri,rlicrn

dr

geste.

En page 209. ils expt,j.r'r1 :-iir qanoun leur paraissaut éti'ange;

(( lror-rs ne polrvolts résister

à

l'envie de donner en entier ce cuneu\

règlerneut », affinnent-iis

.

« Si Line feulne t'ieuï au bassin épLrlatoire avec de l'huile ( taêvunt ), nLris ciép,:se sa cruche pour retollrrrer cliez elle chercher le reste de

I

ituile. c't qit'Lrrre autre fentute survienne pen- dant son absence, oit épiir*ra d'aï:ord I'hLrile de cette dentière. pLris la

première reprendra scu tout trprès'elle. Dans le cas oir der.rx fèn'rnres

arrivetit ettsemblc. salls qr.re

l'on

puisse déceler d'utre ilanière prce i.e laquelle a le droit de passer'[a première, ces dL-u\ fernrnes dcrroilt rerr-

trer au viliace » (extrait des qanouns de Taourirt Abdellah).

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MUTaRT-;irvr na LZ,JUIL

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Tout d'abord, nous sommes cc)uvanlcus que

"

repartir au vil- lage

"

serait plus jr-rste qLre

"

rentrer au village

", qlli

irnplique moir.rs

un déplacement en sens inverse , évident pour quiconclue baigne suffi- sarnment dans I'univers culturel : quel autrc lxoyen porrrrait clonc per- rrettre de douner la priorité à celle à laquelle elle est due ? LeLrr faire

faire le'trajet

r-rne nouvelle

fois a

toutes

les

chanccs

de

fournir l'occasion d'en décider en toute justice.

Il

y a par ailleurs dans les Qanouns un grand nornbre d'afticles gravitant autour de ce11e coutume ernblérrratiquo de l'Aanaya , traduit tantôt

par'garantie','caution',

tantôt par'protection', ce qlre nous estimons du reste torrt à fait correct: nous croyolts cependant qLr'il était absolument nécessaire d'en clire beaLrcoup plus, cl'en situer le plus ex- haustivement possible son rôle érninemnrent social dans

la

Kabylie d'alors, et l'on est en droit de penser que desjuges irançais durent res-

ter perplexes devant bien des cas en râppott avec sa violation. La sévé-

rité avec laqLrelle de tels crimes _.-- car. allx )ieux des Kabyles. c'était bel et bien des crilres--, étaient punis par les qanorrns ne pouvait se

concevoir qu'étant convair.rcu soi-mêrne qlle ce gertre de sauf-conduit engageait véritablement l'honneLrr-

(

la êorma) de la personne

qui

le

délivre. Ainsi , la violer. qLri plLis est sciernment. est lrautentent attenta- toire et constitue un crinte pour les Kabvles. Dans beaucoLrp de tribus

d'alors,

celui qui osait tuer rllt hortrrne \reltLl se lnettre sous la protec- tion d'un village se voyait confisquer tous ses biens et était mis à mort

s'il

ne fuyait. Un des plus grands bardes de la région. Yucef-U-Qasi (18"'n" siècle ), ne l'a-t-il pas rnarlelé dans un de ses poèrnes

"

laÊnaya

d-adrar n nnar", soit : Iaenaya est corrme un volcan (entendez : celui qui l'enfreint encourt sa colèr'e). Ceci étant,

il

faLrt bien admettre qu'au- delà de la rigueur des dispositions

y

afférentes, laenaya

,

qui faisait

sans allcun doute consellslls au sein des communaLrtés kabyles , a rendu possible d'éviter bien des corrflits3 a pennis de sauver d'innombrables vies qui, sans elle, auraient eté à coup sûr sacriflées.

A la page 245

,azduz

> arffre alors cl'usage réparrdu, est renciu par 'maillet', ce qui nous semble à tout le moins inexact : en effet, si le

rnaillet fut bien uue arrne nraniée à deux mains au Moyen-Age,

il

rre

saurait traduire 'azdüz', fait en bois dur, étant lui-rnême fait de fer oLr

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(8)

de plourb

I

PlLrs tard, le rnaillet est devenu. dans son acception géné- rale, un outil , plLrtôÈqu'une arme. Cette tentative d'adaptation, on Ie

voit, n:est point heureuse. Dans

Azduz

gît la racine duz qui r,éhicule

la

notion d'insensibilité. d'engourdissement. de perte de conscieuce ('idr.rz'

.

en parlant de qLrelquechose. signifie en efl'et 'insensible' ^ 'itterte', bref, 'sans réaction'. C'est que 'azduz'est destiné à cet usage.

assorlfirer l'ennemi, voire le tuer ]

L'arnende sanctionnant un rnêr.ne délit peut varier du sirrple au

double, voire du sirnple ar-r triple en considération d'un ceftain nornbre d'élérnents. par exemple selon qne le délit est conin'ris de

jour

ou de

riuit, en temps cle paix ou de guerre. Les écafts out pll décontenancer ties uragistrats français. et

il

eut été souhaitable de circonstancier da- vantage les tenarrts et les aboutissants d'un tel état de fàit. En effèt, de

jour

chacun est cieirsé veiller sur soi. les siens. ses biens et les leurs, tandis que ia nuit, toirt le monde doit pouvoir récLrpérer tlanquillernent et en toute sécurité

dii

ialreur de la jounrée:

il

fàut dire que les gens

trirnaient dur

à

l'époqLic r:t

ccu\

rlLri oslient rellettre en catrse cette espèce de trê,,c pendant

ia nuit lc

payaient irrgicluertrent cher. Porir donirer i:ne idée de la riur.reLrr cle Ia loi vis-à-r is r-les roler-rrs noctrrrnes.

quoi de plLrs iioqr"rent LlLr;,,,:.'.;r',noill] relelé à la page )47 ;

"'I'out

ini'ii'"'idLr qLii. pcirdiilrt la irLrit" rcllera clu reisin dans irne

vigrre payer-a tine iiineiirii:,1i:.1 réaux. c1'.lc la viene appartienne à un habitant du village {.lil à ri;l ii;rL:iLrr;rf 11 'uu village viri:.il.

Si le',,-.i a eu iieLr peirciartt le.ioLrr, I'ameirde sera de

!i

de r'éal.''

Le

propriétaiie cl:

i

sLirpiendrait

un voleur Ia nuit

1tL;Ln,aii

rnême.-- et

il

ne s'en privait qr: ."ir:ierlent pas--. le tuel sairs enci-trrir Ia

dette de sang, dans cerlaines tribus. er la D]enraa punisisait d'unc trùs lofie arnende quiconque I'eri ei:rirêcirait.

La traduction ci'Lrrr e:,tlait ile clanoun. eu page 245 " ne iaisse pas de nous intriguer: ''CelLri cpri, cn se lrattant avec Llit individLr'', dit cet article.

"lui

aura rlonne uli coLlp iivec un bâton, oLl a!'ec unc tlir-r're.

ou avec Lrn pot(sic) qLrelconriiie. et arila r-assd une rrollaire ou Lrne ine j- sive à cet individLr. sera pLrni cir:5

réaux":

pourcluoi clonc les c'nirirrcs sont-elles erclues'? N'est-ii point possible qu'elies en soieirt aiiectées ?

AL

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MUTARëIM

NO

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(9)

Nous pensons er-r réalité que la versiorr originale devait vrai- semblableurent faire référerrce à toutes les dents sans exclusive, et que Ie mot les désignant était très probablement tu$rnas.

A

la mênre page,

'Akh'

est traduit par

"parent",

ce qui fausse significativement la por- tée de

l'afticle;

qu'on en

juge: "Si

un individu tue ur.r parent dont il est héritier injusternent et pour en hériter, la Djemaa prendra tous les biens dr-r meur1rier...". Rappelons que ce sout des Marabouts, en fait à l'époque seLrls détenteurs du pouvoir scriptr:raire, qLri ont fixé proba- blement la totalité des Qanouus kabyles; en arabe,'akh' signifie toLrt

d'abord'frère'de

père et de mère. ou cle l'ur.r ou l'autre. et nous pen- sons

qu'il

ne saurait

y

être qr"restion d'une quelcoltque extensiorr sé- rnantique.

En page

il5,

Hanoteau et Letourneux traduisent littéralerrent 'Eulama' par

'

savauts', dans un des qanoLuts traitant de la {àLrsse nton- naie, de la contrefàçon, d'une manière générale. En fait,'expert', ou à

la limite 'orfèvre' , aurait r-nieux rendu.jr-rstice à l'esprit du texte. dLrquel

s'écartent aussi bien'savant'

qLle'tulama',

clui ne véhiculent norn-)a- lenrent pas cle connotation négative. Les auteurs or.rt souvent recoulu à des traductions qui collent excessivement au texte, en arabe, ou. à dé- faut, aux informations transmises oralement, conlue cela nous parait être le cas dans ae qauouu :

"Celui

qLri sortira ceint de sa maison avec l'intention de se quereller,' ur.r réal d'arlende" (p. 132).

"Ceint"

est certainement la traduction au prernier degré du

mct'yebbges',

Iequel , outre'porter ulre ceinture', signifie collraln-

me ,rt

'

s'anref

'

, 'être an-né'.

Ceci étant,

il

faut tor-rt de rrênte rappeler qLre

ni

Hauoteau, ni

Letourneux, n'était traducteur

attitré,

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