RÉSULTATS NOUVEAUX SUR LA GESTATION
A CONTRE SAISON CHEZ LA BREBIS
ET CHEZ LA
CHÈVRE
POSSIBILITÉ
D’UTILISATIONPRATIQUE
L. DAUZIER, R. ORTAVANT C.
THIBAULT
Suzanne WINTENBERGER Station de
Physiologie
animale,Centre National de Recherches
Zootechniques,
Jouy-en-Josas(S.-et-O.).
De nombreuses recherches ont été effectuées pour obtenir à volonté la fécondation et la
gestation
à contre saison chez les animaux àpériode
sexuelle annuelle bien tranchée. On a cherché en
particulier
à utiliserles hormones
gonadotropes (H. G.)
etspécialement
celles contenues dansle sérum de
Jument gravide :
mais si l’ovulation esttoujours
obtenuerégulièrement
elle n’estprécédée
de l’œstrus que chez un trèspetit
nombre d’animaux.
Aussi,
mêmeaprès
des inséminationsforcées,
laproportion
de femellesgestantes
à la suite du traitement demeure-t-elle faible.Des recherches récentes faites soit sur le rat
(E VERETT , 194 8),
soitsur les oiseaux
(R O T S C HILD
etF R A P S, i 949 ),
avaient montré que la pro-gestérone qui
normalement inhibe l’oestrus etl’ovulation, pouvait
aucontraire,
dans certainesconditions,
déclencher l’ovulation non par action directe sur l’ovaire, mais par stimulation del’hypophyse.
Déjà
les observations de ZAWADOWSKI(1945),
deCO L E,
HART etM
ILLER
( 1945 ) paraissaient indiquer
que laprogestérone
étaitindispen-
sable pour la
régularisation
descycles
sexuelspendant
l’anoestruspuisque
en
présence
d’un corpsjaune
induit par unepremière injection
d’hor-mone
gonadotrope,
une secondeinjection répétée
10-17jours plus
tardétait
beaucoup plus
efhcace.I,’idée
d’utiliser laprogestérone
soitseule,
soit associée avec l’H. G.pour rompre l’anoestrus saisonnier chez la Brebis découle de ces obser- vations et
également
des recherches de DUTT et C!siD!(1948),
CHRIS-TIAN et C.!siDa
(r948),
O’MARY, POPE et CASIDA(r95i),
WILLETT(r95o),
(’) Avec la collaboration technique de )Ille E. CALLAN(!1-IN.
Recherches poursuivies en partie grâce à une subvention du Fonds national de progrès agricole (crédits du Fonds d’encouragement à l’industrie textile, accordés à l’initiative de la Fédération nationale ovine).
U I , B E R
G, GRUMMER et CASIDA
( 1951 ),
UI,BERG, CHRISTIAN et CASIDA(
1951
)
sur l’action de laprogestérone pendant
lecycle
sexuel. Simulta-nément vers la fin de 1952, DUTT aux U. S. A. et deux d’entre nous en France
( I952 ),
montrèrent que laprogestérone
seule étaitsusceptible
de provoquer
l’oestrus,
l’ovulation et la fécondation dans uneproportion
intéressante des Brebis traitées. Ils constatèrent
également
que l’asso- ciation de cette hormone avec l’hormonegonadotrope
dans certaines conditions de doses et detemps permettait
d’obtenir l’oestrus chezplus
de la moitié des Brebis et un
pourcentage
presque aussi élevé de fécon- dation.Presque
en mêmetemps
ROBINSON(IC!Sa)
avaitsignalé
cet effetfavorable de la
progestérone
sur laréponse
sexuelle des Brebis au sérum deJument gravide.
Devant la
possibilité
d’arriverrapidement
à l’utilisationpratique
de ces hormones les recherches furent
reprises
cette année non seulementsur la Brebis
(races : Ile-de-France,
Mérinos deRambouillet, Boukhara,
Limousine etPréalpes),
mais aussi sur la Chèvre par suite de l’intérêt de l’inversion de lapériode
sexuelle pour laproduction fromagère.
Pour que cette
technique puisse
être utilisée il étaitindispensable
que le nombre
d’injections
à effectuer restât limité. Or DUTT( 1952 )
avait abouti à la conclusion que 5
injections
deprogestérone
au moinsétaient nécessaires
(technique confirmée,
DUTT,1953 ) ;
c’estpourquoi,
dans ce
travail,
nous avons recherchésystématiquement
le nombre mi- nimumd’injections,
les doses àemployer,
les délais entre lesinjections.
Influence du nombre
d’injections
deprogestérone
52
Brebis ont été divisées en 4 lots recevant 2, 3, 4 ou 5
injections
de 4o mg de
progestérone,
tous les 3jours,
cesinjections
étanttoujours
suivies d’une
injection
de 1 200 U. I. d’H.G.,
3jours plus
tard.Du tableau i, il
apparaît
que lesrésultats, après
deuxinjections
de
progestérone,
sont aussi bons et mêmesupérieurs
à ceux observésaprès
3, 4 ou 5injections.
Un essai réalisé sur 6 Brebis avec une seule
injection
de q.o mgavait
permis
de constater que dans ce cas laproportion
de Brebis enoestrus baisse
sensiblement,
même enemployant
des dosesplus
élevéesd’H. G.
(5o %).
Chez la
Chèvre,
avec une seuleinjection
de 3o mg deprogestérone
suivie 3
jours plus
tard par i ooo U. I. d’H.G.,
on obtint la même pro-portion d’oestrus,
soit 50% ( 3
Chèvres sur6).
Si laquantité
de pro-gestérone injectée
est doublée(6 0 mg),
lamajorité
des Chèvres traitées entrent en chaleur( 4
sur5 ).
En fractionnant cette dose en 2,3 ou 6 in-jections
de 30, 20, IO mgrespectivement,
nous avons obtenu l’oestrus dans tous les cas ; les intervallesProg.-H.
G. varient de 2jours ( 10 mg),
à 3
jours ( 30 mg) et 4 jours (6 0 mg) (tableau 2 ).
Nous pouvons donc conclure que chez la Chèvre comme chez la
Brebis,
2injections
de 3o-qo mg deprogestérone pendant
l’anoestrussaisonnier,
suivies d’uneinjection
d’H.G.,
sont suffisantes pour provo- quer l’oestrus et l’ovulation chez presque tous les animaux traités.Iniltienee dc la dose d’hormone
gonadotrope
D
AUZIER et WmT!!rB!RG!R
( 1952 ),
DuTT( 1952 )
avaient montréqu’après
desinjections répétées
deprogestérone seule, près
de la moitiédes Brebis
pouvaient
entrer en rut et être fécondées. Dans lesexpériences
que nous venons de
rapporter précédemment,
nous avons vu que si cetraitement était suivi d’une administration d’hormone
gonadotrope
c’était la presque totalité des Brebis
qui
entraient en cestrus. D’ailleurschez la Chèvre les différences sont encore
plus
nettespuisqu’après
troisinjections
deprogestérone
nous n’avons observé aucune manifestation sexuelle chez les 8 Chèvrestraitées,
alors que ce même traitement suivi del’injection
d’H. G.provoquait
l’oestrus dans la totalité du lot(voir
tableau
2 ).
Nous nous sommes donc
posé
laquestion
de savoirquel
était ladose
optimum
d’hormonegonadotrope
nécessaire avec unequantité
déterminée de
progestérone.
Dans le tableau 3 sont
groupées
deuxexpériences comparant après
deux traitements par laprogestérone
l’effet de z 20o et de z 60o U. I.d’une hormone
gonadotrope identique.
Ainsi avec z 60o U. I. l’ovulation et l’oestrus ont été
régulièrement
obtenus
( II/II )
alorsqu’avec
1 200 U. I. d’hormonegonadotrope
le rutn’a été observé que 9 fois sur 12 bien que l’ovulation se soit invariable- ment
produite.
Mais alors que les taux d’ovulation sont normaux( I
à2 )
avec 1 200 U. I., on déclenche avec z 60o U. I. une
superovulation importante,
lespontes
variant de i à 9, cequi
estincompatible
avecles
exigences
del’élevage.
Nous avons constaté chez la Chèvre
également
la nécessité d’atteindreune certaine
quantité
d’hormonegonadotrope
pour obtenir un compor- tement sexuel normal.Le seuil chez la Chèvre nous
paraît
voisin de i ooo U. I.Délai
optimum
entre la dernièreinjection
deprogestérone
et celle d’hormone
gonadotrope
Puisque
l’action successive des deux hormones conduit à une amé- lioration des résultats obtenus en lesemployant séparément,
nous avonsrecherché finalement
quel
était l’intervalleoptimum
entre les deuxinjec- tions,
les trois lots recevant 4o mg deprogestérone.
C’est donc avec un intervalle de 3
jours
que le résultat obtenu est leplus
satisfaisant. Ceci est àrapprocher
des observations faitespendant
la saison sexuelle : on sait en effet
qu’après
desinjections
de io mg deprogestérone,
l’oestrusapparaît
3 à 4jours après
la dernièreinjection.
En
employant
des intervalles semblables chez la Chèvre nous sommesarrivés aux excellents résultats que nous avons
déjà rapportés (tableau 2 ).
Nous avons
déjà
discuté dans une note antérieure( 1953 )
le rôleprobable
de laprogestérone
dans le déclenchement des manifestations sexuelles et de l’ovulation chez lesespèces considérées ; rappelons
seu-lement que l’hormone
gonadotrope
et laprogestérone
sontindispensables
toutes deux pour obtenir
régulièrement
uncycle
sexuelcomplet.
Toutesles modifications
qui accompagnent
l’oestrusparaissent
alors se déroulernormalement
puisque
le taux defécondation,
contrôléaprès abattage
et recherche des ceufs de 2 à 5
jours après l’accouplement,
a étéégal
à 90
%
chez la Brebis( 2 i animaux) et 7 6 %
chez la Chèvre ( 7 animaux).
Toutefois
lorsque
l’onanalyse
le taux de mise bas des animauxappartenant
aux mêmes groupes que ceuxqui
ont été abattus peu dejours après l’accouplement,
on constate une différenceimportante
entreles chèvres et les brebis. De 54 Brebis ayant
accepté l’accouplement
37 ont mis bas
(6 9 %), (8o
agneaux pour 100 mèresaccouplées
ou 119 agneaux pour 100 mèresgestantes),
tandis que sur 27Chèvres,
4 seu- lement ont mis bas. Cepetit
nombre desparturitions
nepeut
résulterque d’une défaillance dans la
gestation puisque
les chèvres abattuespossédaient 7 6 %
de leurs œufs fécondés.Comme en outre nous avons observé deux avortements chez les 27 animaux
traités,
ilparaît
vraisemblable que chez la Chèvre leséqui-
libres endocriniens
qui
assurent lagestation
ne se trouvent pas, dansces
conditions, pleinement
réaliséspendant
l’anoestrus. Desexpériences
en cours nous
permettront
de vérifier cettehypothèse
et de rechercher si le fonctionnement del’hypophyse
ou du corpsjaune permet d’expliquer
cette anomalie.
On doit
mentionner,
sanspouvoir
en déduire unerelation, qu’il
existait une différence
d’âge importante
entre les Chèvresnullipares
etles Brebis
qui
avaient presque toutes euesplusieurs gestations.
Conclusion
I,es
expériences
que nous venons derapporter
nous montrent que l’utilisation combinée de laprogestérone
et de l’hormonegonadotrope apporte
une solutionpratique
auproblème
de lagestation
à contresaison chez la
Brebis, puisque
37 des 5! Brebis ainsitraitées,
mirentbas à la date
prévue,
alorsqu’aucune
des Brebis témoins ne concevaitpendant
la mêmepériode.
Mais avant devulgariser
cette méthode ilest encore nécessaire de
procéder
àplusieurs
essais sur desgrands
trou-peaux conduits selon des méthodes
d’alimentation,
d’habitat et de luttedifférentes.
Signalons
en outre, que cettetechnique présente l’avantage
de grouper
l’agnelage
sur untemps
aussi courtqu’on
le souhaite.Chez la Chèvre nous essayons de résoudre les difficultés
particulières qui empêchent d’envisager
actuellement la diffusion de cettetechnique.
(Reçu pour fiublicaiion le 28 décembre 19!!3).
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