• Aucun résultat trouvé

La discussion bénéfice-risque : une analyse collégiale et respectueuse du projet individuel

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "La discussion bénéfice-risque : une analyse collégiale et respectueuse du projet individuel"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Le Courrier de la Transplantation - Vol. XVI - n° 1 - janvier-février-mars 2016 35

4 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - janvier-février-mars 2016 Actualités en Médecine Physique

et de Réadaptation D O S S I E R

Le coût des greffes est aujourd’hui supporté par des protocoles de recherches clinique et médico- économique dans la mesure où les autorités de santé n’ont pas souhaité pour le moment encore que l’acte et la prise en charge soient inscrits à la nomenclature. Le coût de l’hospitalisation initiale est de 70 000 euros environ, auquel viennent s’ajouter ceux de la rééducation, estimés à un peu plus de 100 000 euros par an (les 2 premières années) et du traitement immunosuppresseur, qui est de l’ordre de 25 000 euros par an.

Dans les mois et les années à venir, les greffes d’avant- bras seront comparées, en termes de qualité de vie et de coût, aux prothèses, dont la précision et la techno- logie ne cessent de progresser, afin que soient mieux déterminées les places respectives de ces 2 moda- lités de prise en charge chez des patients bi-amputés.

L’offre de soin, pour des raisons réglementaires, se concentrera, sauf amendement à venir, sur Lyon et Paris, où 2 centres ont été identifiés comme experts pour développer cette activité. Il est important que cette information soit portée vers les centres de rééducation afin que les patients puissent accéder à cette modalité de traitement.

Accès aux greffons

L’accès aux greffons est devenu depuis quelques années un des enjeux du développement des greffes composites. Les greffons proviennent de donneurs décédés en état de mort encéphalique, au même titre que la majorité des greffons qui permettent aujourd’hui de greffer des patients du cœur, du poumon, du rein, du foie et/ ou de l’intestin, du pancréas… Après le  prélèvement, les équipes doivent assurer une res- titution tégumentaire du corps et mettent en particu- lier en place des prothèses de substitution lorsque les avants sont prélevés. Si les délais d’attente ont été courts pour les premières greffes de mains en France, certains patients se trouvent aujourd’hui sur liste d’attente depuis plus de 2 ans sans qu’aucun greffon n’ait pu être trouvé pour eux, quelquefois même sans qu’une seule proposition de greffon n’ait été faite aux

équipes de greffes. Cela pose évidemment un problème important tant pour les patients en attente que pour l’achèvement des protocoles de recherche clinique dont la progression se trouve fortement ralentie. Une meil- leure information et un travail de proximité au niveau des coordinations de prélèvement dans les grands centres hospitaliers constituent peut-être un facteur de déblocage, mais il est certain qu’un travail national de fond doit être réalisé, en particulier par l’Agence de la bio médecine, pour que cette activité soit considérée par tous les acteurs du prélèvement comme une acti- vité de transplantation à part entière.

De nombreuses questions se posent encore, et un certain nombre de réponses sont attendues d’autres protocoles de recherche clinique également en cours, qui concernent plus spécifiquement la prise en charge des amputations bilatérales chez les brûlés et la place que pourrait avoir une greffe chez des patients amputés au-dessus du coude, dont on attendrait un résultat fonctionnel moins bon que celui des greffes d’avant- bras, mais qui pourrait participer à la restitution d’une image corporelle, quelquefois premier objet de la demande des patients.

Conclusion

Nous pouvons dire aujourd’hui que les greffes d’avant- bras constituent encore une modalité de traitement

“en devenir”, qui reste du domaine de l’évaluation médicoéconomique mais dont les résultats jusqu’à maintenant sont encourageants et qui permet une resti tution de l’autonomie, de l’intégrité corporelle et une amélioration de la qualité de vie des patients concernés au prix d’effets indésirables liés au trai- tement immunosuppresseur conformes à ce que nous connaissons pour les transplantation d’organes solides. Pour  permettre de mieux définir la place de ces greffes de main dans la stratégie de prise en charge des patients, une étude comparant l’utilisation des prothèses (dont les évolutions technologiques sont permanentes) à la greffe est en cours et doit inciter les centres de rééducation à référer les patients qui souhaitent participer à cette étude.

Les auteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

MPR4-WEB-DT Badet;12_View-Retiré.indd 4 16/03/2016 15:52

21

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - octobre-novembre-décembre 2015 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation

La discussion bénéfice-risque : une analyse collégiale et respectueuse du projet individuel

The risk-benefit balance:

a collegiate analysis towards the patients expectations

J. Paysant*, I. Loiret*, C.X. Bichon*

* Institut régional de médecine physique et de réadaptation de Nancy, Ugecam Nord-Est.

Jusqu’à présent, la prothétisation du membre supé- rieur peut être considérée comme la thérapeutique de référence face à une amputation uni- ou bilaté- rale, congénitale ou acquise. L’allogreffe, d’intro duction semi-récente, vient-elle modifier l’offre dans les théra- peutiques de compensation ? L’allogreffe, qui est bien une thérapeutique de substitution et non une tech- nique de réparation comme la réimplantation d’un membre sectionné, pourrait-elle être une alternative à la prothèse à proposer aux patients amputés ? Cette proposition thérapeutique, ne concernant aujourd’hui que les amputations acquises, ne doit-elle être pro- posée qu’en deuxième intention, en recours après un appareillage ou, au contraire, en première intention ?

La transplantation : une idée floue pour les équipes de MPR

et d’appareillage, une idée fixe ou refoulée pour les amputés

La question de “se faire greffer un bras” ou de retrouver un “bras humain de chair et d’os” était, jusqu’à un passé récent (et pour nous, au Centre de réadaptation et d’appareillage à l’Institut régional de réadaptation, jusqu’en 2010), une question qui planait vaguement, plus qu’elle ne hantait les pratiques. En effet, cette question peut se trouver posée (ou gardée comme refoulée) à différents moments du parcours du patient, parfois de façon insistante, comme la question de la

marche chez le paraplégique… Cependant, chez le para- plégique, cette étape, quelquefois nécessaire dans la construction d’un projet thérapeutique et de vie réaliste, est simple… et la solution réversible ! De plus, les essais de marche avec des attelles, chez le para plégique, sont, et sauf exception, non concluants.

En ce qui concerne les personnes amputées d’un membre supérieur, l’objectif des équipes de médecine de réadaptation et d’appareillage est de leur redonner des capacités et une indépendance en leur proposant une solution d’appareillage personnalisée, adaptée à leur projet de vie, solution qui s’avère le plus souvent une aide et un progrès. Une forme de scepticisme et de réticence face à la transplantation s’appuyait sur les résultats assez satisfaisants obtenus avec les solutions prothétiques, mais aussi sur les médiocres résultats des repositions de main (1). Ainsi, lors des repositions de main, la récupération lésionnelle, en termes tant de sensibilité que de motricité, était faible, avec des compensations – certes efficaces, mais importantes – du tronc et de l’épaule, pour suppléer, en particulier, au raccourcissement et à la mobilité réduite de la main.

Mais les problématiques de la réimplantation et de la transplantation sont bien différentes : “une réimplan- tation s’impose, une transplantation se discute”.

C’est toute la différence entre une situation d’urgence requérant la réimplantation lorsque les conditions de transport du membre sectionné, l’état clinique et les compétences sont au rendez-vous, et une situation de chirurgie réglée, donnant le temps à la réflexion.

POINTS F ORTS

Mots-clés : Prothèse - Membre supérieur - Transplantation -

Responsabilité Keywords: Prosthesis - Upper limb - Transplantation -

Responsibility

Le résultat obtenu par les allogreffes oblige aujourd’hui les médecins traitants et les médecins de réadaptation à informer et discuter de l’allogreffe, thérapeutique alternative aux prothèses.

Cependant, compte tenu des risques et de la lourdeur du suivi post-transplantation, un screening précis et une discussion collégiale (entre médecins de MPR, chirurgiens, immunologistes, psychiatres…) sont indispensables.

Dans l’hypothèse de faisabilité, la personne amputée doit pouvoir décider en pleine information et en toute liberté.

Comme dans toute thérapeutique, la satisfaction finale dépendra de la cohérence entre les résultats objectifs et les attentes du patient, ces dernières devant donc faire l’objet d’une analyse précise et sereine.

Paysant.indd 21 30/03/2016 10:50

CTR 1 2016 DT-SOFMER.indd 35 30/03/2016 11:34

(2)

Le Courrier de la Transplantation - Vol. XVI - n° 1 - janvier-février-mars 2016 36

D o s s i e r

Xxxx

22 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - octobre-novembre-décembre 2015 Figure. Le rêve du bedeau : Saint Côme et Saint Damien procédant à une

guérison miraculeuse par la transplantation d’une jambe. Huile attribuée au Maître de Los Balbases, vers 1495 (© Wellcome Library, Londres).

Actualités en Médecine Physique

et de Réadaptation D O S S I E R

La transplantation :

une connaissance nouvelle des résultats mais aussi du parcours du transplanté

Face aux résultats décrits par L. Huchon et al. dans ce dossier, et après l’examen et l’exploration fonction- nelle de cas comparant des résultats analytiques et fonctionnels entre les patients amputés d’avant-bras bilatéraux transplantés par l’équipe lyonnaise et des patients de même âge et de même niveau d’amputa- tion, appareillés par l’équipe nancéienne spécialisée, le doute s’est insinué dans nos certitudes… En effet, les bilans analytiques des personnes transplantées, à la fois sur les plans moteur et sensitif, mais également fonctionnel, effectués à l’aide d’épreuves comme le bilan 400 points, le test “Box and Block” et le Minnesota Rate of Manipulation Test en position assise et debout, sont surprenants… Il ne s’agit pas d’une étude scien- tifique comparative (d’ailleurs extrêmement difficile à monter, sur le plan méthodologique, d’une part, et en raison de la faible incidence, d’autre part), mais les résultats sont là. Ainsi, il est apparu que la mobilité du

membre transplanté s’avère évidemment moyenne en comparaison de celle du membre sain (et non compa- rable pour le membre appareillé, en raison des degrés de liberté d’une prothèse, bien différents). La mobi- lité est cependant globalement satisfaisante, avec un potentiel d’amélioration par des gestes chirurgicaux complémentaires. Le déplacement monomanuel et la dextérité s’avèrent légèrement supérieurs à ceux de la personne amputée appareillée. Le déplacement bimanuel et la coordination sont très supérieurs à ceux du patient amputé appareillé. En revanche, la force est nettement inférieure à celle de l’appareillé, tant pour la prise pollicidigitale terminale (de type Pinch) que pour la pince cubitale (de type Jamar), cette dernière étant désormais possible par les prothèses de type polydigitales dite “bioniques”. À plus de 15 mois de la transplantation, un patient bi-amputé des avant-bras avait des mains totalement appropriées, une excel- lente récupération sensitive, une motricité distale moyenne mais une très bonne intégration et coordi- nation bimanuelle, une force de serrage faible, une grande satisfaction avec une reprise de travail dans une supervision de chantier de bâtiment. Le suivi clinique médicochirurgical et les examens d’imagerie étaient décrits comme très exigeants et prolongés ; la lour- deur du traitement médicamenteux au long cours était également mentionnée.

L’information sur la transplantation : une obligation nouvelle des équipes de MPR et d’appareillage

pour une décision éclairée

Ces résultats, qui ont été une surprise, témoignaient de notre méconnaissance. Cela a conduit à une nou- velle contrainte pour les médecins de MPR, celle du “devoir d’informer de cette solution chirurgicale d’exception”. Des questions fondamentales, relatives aux indications, doivent être posées : en cas d’ampu- tation unilatérale ou bilatérale ? d’avant-bras ou de bras ? après appareillage prothétique ou en première intention ?

Sans vouloir minimiser la difficulté et la complexité de l’acte chirurgical et de la thérapie immunologique, la question centrale concerne l’indication.

L’indication de la transplantation, les screening et suivi pluridisciplinaires

Il me semble que tout résultat doit être mesuré, certes, par des performances absolues, en parti- culier fonctionnelles et de participation sociale, mais au-delà, par la satisfaction et la qualité de vie du patient (santé perceptuelle). Or, les perceptions du résultat ainsi que la satisfaction du patient corres- pondent à l’adéquation (ou non) entre les attentes du patient et ses réalisations. Les réalisations dépendent évidemment de la qualité médicochirurgicale du travail complémentaire et de la réadaptation, mais le niveau

Paysant.indd 22 30/03/2016 10:50

23

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - octobre-novembre-décembre 2015 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation

Face à l’aventure de l’allogreffe, le patient doit être extrêmement déterminé et observant dans le temps, compte tenu du besoin de screening, du bilan de prétransplantation nécessaire, de la transplantation elle-même, des suites rééducatives, du suivi médical, des chirurgies complémentaires et des traitements au long cours.

Le screening est indispensable pour s’assurer que le patient ne présente pas de contre-indications chirurgi- cales et médicales, mais aussi pour bien tenir compte de sa situation psychologique et sociale. Des situa- tions doivent être exclues, telles que l’immaturité et l’irresponsabilité quant aux soins, les troubles de la personnalité authentifiés, une idéalisation de l’équipe médicale, une quête de publicité… Par ailleurs, pour entrer dans un tel programme, il faut être dans de bonnes dispositions, et notamment avoir réglé ces problèmes fréquents que sont les troubles de l’humeur mais aussi les grandes instabilités de la vie affective, familiale ou sociale.

Conclusion

Le rêve magnifique représentant la greffe d’une jambe par saint  Côme et saint  Damien (figure), est aujourd’hui possible grâce à l’excellence médicochirurgicale. Mais peut-être faut-il que le patient ait un certain goût du risque et de la trans- gression ? Il est vrai qu’il nous est arrivé de constater ces caractéristiques transgressives dans les compor- tements ayant conduit aux amputations de membre supérieur, en particulier bilatérales…

Et la transgression n’est-elle pas aussi une source de progrès en médecine ?

de récupération comporte, bien sûr, des limites et des incertitudes. En conséquence, il est primordial de déterminer avec le patient quelles sont exacte- ment ses attentes.

La demande d’identité corporelle et d’esthétique semble fondamentale, car elle constitue la plus-value majeure.

Les résultats fonctionnels sont globalement moyens à bons, mais contrastés (avantage en termes de fluidité du geste et de coordination, en particulier bimanuelle, chez la personne transplantée, avantage en termes de force chez celle qui est appareillée). Compte tenu de ce contraste sur le plan fonctionnel, il est indispensable de bien peser les avantages et les inconvénients de chacune des solutions disponibles.

L’allogreffe ne me semble pas devoir constituer une solution “par défaut”, motivée (exclusivement) par l’échec d’appareillage, mais positive face à une demande d’intégrité/identité corporelle et d’esthétique.

Cependant, il nous paraît indispensable, dans l’état actuel des connaissances, d’avoir essayé un appareil- lage dans des conditions optimales pour avoir un avis éclairé. Cette intervention d’allogreffe ne peut pas être proposée en thérapeutique de première intention, mais elle doit s’inscrire dans un projet de vie et un projet thérapeutique évolutifs. Il s’agit, en effet, selon les principes de la médecine de réadaptation globale et humaine, de construire le projet de vie progressivement et de l’adapter en définissant successivement, avec le patient, des attentes réalistes. Il s’agit de mettre en œuvre tous les moyens de rééducation et d’appareil- lage, mais aussi les possibilités médicales et chirurgi- cales, essentiels à l’acquisition de ces objectifs. Il faut éviter les idées préconçues sur les moyens à mettre en œuvre et avancer pas à pas dans cette reconstruc- tion, dans laquelle interviendront, au moment optimal, toutes les options thérapeutiques.

Référence bibliographique

1. Paysant J, Beyaert C, Berhili-Lansac H et al. Évaluation clinique et cinématique 3D du membre supérieur après réimplantation de la main. [Clinical and three-dimensional kinematic features of the upper limb after replantation of the hand]. Ann Readapt Med Phys 2004;47(3):119-27.

Paysant.indd 23 30/03/2016 10:50

CTR 1 2016 DT-SOFMER.indd 36 30/03/2016 11:34

(3)

Le Courrier de la Transplantation - Vol. XVI - n° 1 - janvier-février-mars 2016 37

22 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - octobre-novembre-décembre 2015 Figure. Le rêve du bedeau : Saint Côme et Saint Damien procédant à une

guérison miraculeuse par la transplantation d’une jambe. Huile attribuée au Maître de Los Balbases, vers 1495 (© Wellcome Library, Londres).

Actualités en Médecine Physique

et de Réadaptation D O S S I E R

La transplantation :

une connaissance nouvelle des résultats mais aussi du parcours du transplanté

Face aux résultats décrits par L. Huchon et al. dans ce dossier, et après l’examen et l’exploration fonction- nelle de cas comparant des résultats analytiques et fonctionnels entre les patients amputés d’avant-bras bilatéraux transplantés par l’équipe lyonnaise et des patients de même âge et de même niveau d’amputa- tion, appareillés par l’équipe nancéienne spécialisée, le doute s’est insinué dans nos certitudes… En effet, les bilans analytiques des personnes transplantées, à la fois sur les plans moteur et sensitif, mais également fonctionnel, effectués à l’aide d’épreuves comme le bilan 400 points, le test “Box and Block” et le Minnesota Rate of Manipulation Test en position assise et debout, sont surprenants… Il ne s’agit pas d’une étude scien- tifique comparative (d’ailleurs extrêmement difficile à monter, sur le plan méthodologique, d’une part, et en raison de la faible incidence, d’autre part), mais les résultats sont là. Ainsi, il est apparu que la mobilité du

membre transplanté s’avère évidemment moyenne en comparaison de celle du membre sain (et non compa- rable pour le membre appareillé, en raison des degrés de liberté d’une prothèse, bien différents). La mobi- lité est cependant globalement satisfaisante, avec un potentiel d’amélioration par des gestes chirurgicaux complémentaires. Le déplacement monomanuel et la dextérité s’avèrent légèrement supérieurs à ceux de la personne amputée appareillée. Le déplacement bimanuel et la coordination sont très supérieurs à ceux du patient amputé appareillé. En revanche, la force est nettement inférieure à celle de l’appareillé, tant pour la prise pollicidigitale terminale (de type Pinch) que pour la pince cubitale (de type Jamar), cette dernière étant désormais possible par les prothèses de type polydigitales dite “bioniques”. À plus de 15 mois de la transplantation, un patient bi-amputé des avant-bras avait des mains totalement appropriées, une excel- lente récupération sensitive, une motricité distale moyenne mais une très bonne intégration et coordi- nation bimanuelle, une force de serrage faible, une grande satisfaction avec une reprise de travail dans une supervision de chantier de bâtiment. Le suivi clinique médicochirurgical et les examens d’imagerie étaient décrits comme très exigeants et prolongés ; la lour- deur du traitement médicamenteux au long cours était également mentionnée.

L’information sur la transplantation : une obligation nouvelle des équipes de MPR et d’appareillage

pour une décision éclairée

Ces résultats, qui ont été une surprise, témoignaient de notre méconnaissance. Cela a conduit à une nou- velle contrainte pour les médecins de MPR, celle du “devoir d’informer de cette solution chirurgicale d’exception”. Des questions fondamentales, relatives aux indications, doivent être posées : en cas d’ampu- tation unilatérale ou bilatérale ? d’avant-bras ou de bras ? après appareillage prothétique ou en première intention ?

Sans vouloir minimiser la difficulté et la complexité de l’acte chirurgical et de la thérapie immunologique, la question centrale concerne l’indication.

L’indication de la transplantation, les screening et suivi pluridisciplinaires

Il me semble que tout résultat doit être mesuré, certes, par des performances absolues, en parti- culier fonctionnelles et de participation sociale, mais au-delà, par la satisfaction et la qualité de vie du patient (santé perceptuelle). Or, les perceptions du résultat ainsi que la satisfaction du patient corres- pondent à l’adéquation (ou non) entre les attentes du patient et ses réalisations. Les réalisations dépendent évidemment de la qualité médicochirurgicale du travail complémentaire et de la réadaptation, mais le niveau

Paysant.indd 22 30/03/2016 10:50

23

Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation - 04 - octobre-novembre-décembre 2015 Actualités en Médecine Physique et de Réadaptation

Face à l’aventure de l’allogreffe, le patient doit être extrêmement déterminé et observant dans le temps, compte tenu du besoin de screening, du bilan de prétransplantation nécessaire, de la transplantation elle-même, des suites rééducatives, du suivi médical, des chirurgies complémentaires et des traitements au long cours.

Le screening est indispensable pour s’assurer que le patient ne présente pas de contre-indications chirurgi- cales et médicales, mais aussi pour bien tenir compte de sa situation psychologique et sociale. Des situa- tions doivent être exclues, telles que l’immaturité et l’irresponsabilité quant aux soins, les troubles de la personnalité authentifiés, une idéalisation de l’équipe médicale, une quête de publicité… Par ailleurs, pour entrer dans un tel programme, il faut être dans de bonnes dispositions, et notamment avoir réglé ces problèmes fréquents que sont les troubles de l’humeur mais aussi les grandes instabilités de la vie affective, familiale ou sociale.

Conclusion

Le rêve magnifique représentant la greffe d’une jambe par saint  Côme et saint  Damien (figure), est aujourd’hui possible grâce à l’excellence médicochirurgicale. Mais peut-être faut-il que le patient ait un certain goût du risque et de la trans- gression ? Il est vrai qu’il nous est arrivé de constater ces caractéristiques transgressives dans les compor- tements ayant conduit aux amputations de membre supérieur, en particulier bilatérales…

Et la transgression n’est-elle pas aussi une source de progrès en médecine ?

de récupération comporte, bien sûr, des limites et des incertitudes. En conséquence, il est primordial de déterminer avec le patient quelles sont exacte- ment ses attentes.

La demande d’identité corporelle et d’esthétique semble fondamentale, car elle constitue la plus-value majeure.

Les résultats fonctionnels sont globalement moyens à bons, mais contrastés (avantage en termes de fluidité du geste et de coordination, en particulier bimanuelle, chez la personne transplantée, avantage en termes de force chez celle qui est appareillée). Compte tenu de ce contraste sur le plan fonctionnel, il est indispensable de bien peser les avantages et les inconvénients de chacune des solutions disponibles.

L’allogreffe ne me semble pas devoir constituer une solution “par défaut”, motivée (exclusivement) par l’échec d’appareillage, mais positive face à une demande d’intégrité/identité corporelle et d’esthétique.

Cependant, il nous paraît indispensable, dans l’état actuel des connaissances, d’avoir essayé un appareil- lage dans des conditions optimales pour avoir un avis éclairé. Cette intervention d’allogreffe ne peut pas être proposée en thérapeutique de première intention, mais elle doit s’inscrire dans un projet de vie et un projet thérapeutique évolutifs. Il s’agit, en effet, selon les principes de la médecine de réadaptation globale et humaine, de construire le projet de vie progressivement et de l’adapter en définissant successivement, avec le patient, des attentes réalistes. Il s’agit de mettre en œuvre tous les moyens de rééducation et d’appareil- lage, mais aussi les possibilités médicales et chirurgi- cales, essentiels à l’acquisition de ces objectifs. Il faut éviter les idées préconçues sur les moyens à mettre en œuvre et avancer pas à pas dans cette reconstruc- tion, dans laquelle interviendront, au moment optimal, toutes les options thérapeutiques.

Référence bibliographique

1. Paysant J, Beyaert C, Berhili-Lansac H et al. Évaluation clinique et cinématique 3D du membre supérieur après réimplantation de la main. [Clinical and three-dimensional kinematic features of the upper limb after replantation of the hand]. Ann Readapt Med Phys 2004;47(3):119-27.

Paysant.indd 23 30/03/2016 10:50

CTR 1 2016 DT-SOFMER.indd 37 30/03/2016 11:34

Références

Documents relatifs

a Psychologue FSP, Psychothérapeute, Responsable du soutien psychologique pour les collaborateurs, Psychologue d’urgence, Service de santé du personnel (SSP), HUG, 1211 Genève 14,

• On peut imaginer que le projet permette à Sofiane de s’approprier les notions en lien avec sa question de grand oral :. o Critères de choix

Dans ma préface, j'imagine que Marianne s'adresse à moi, mais pas à moi en tant que Henri Pena-Ruiz, mais à tous les citoyens, à toutes les citoyennes qu'elle unit, non

La Clinique des Adolescents ; Unité d’hospitalisation temps plein pour adolescents de 12 à 16 ans domiciliés dans le département a pour fonction de dispenser des

Malgré un taux de chômage généralement plus élevé que la moyenne, reflétant en grande partie l’importance du travail saisonnier dans ce domaine, la grande majorité des 62

Les cahiers autocorrectifs mis en circulation ont remporté beaucoup de succès: les enfants font environ trois pages de cahier autocorrectif durant le temps nécessaire

L'OMS complète cette définition en ajoutant des exemples : « un facteur de risque est tout attribut, caractéristique ou exposition d’un sujet qui augmente la

Clapier-valladon (1980) (2) propose, de manière pratique, trois prin- cipales étapes d'analyse de contenu thématique: des lectures répétées nous familiarisent avec le