6.1 Avant-propos
La description simple de la constitution d’un noyau et de la distribution du cortège électronique de ce noyau a mise en évidence le rôle des électrons de cœur et de valence. Il reste à voir en quoi cette description peut permettre de prévoir la nature des liaisons chimiques des molécules et ions, ainsi que leur potentielle réactivité.
6.2 Liaison covalente
6.2.1 Partage d’électrons
Autant prévenir tout de suite, nous entrons ici dans le royaume de la règle empirique et du modèle qualitatif. La seule approche formelle de la liaison covalente est quantique et hors-programme en première année.
Mais le modèle que l’on va développer n’est pas dénué d’intérêt pour autant et permet d’expliquer pourquoi H2 et O2 existent alors que H3 n’existe pas, mais que O3, lui, existe. Et la bonne nouvelle dans tout ça, c’est qu’il n’y a presque pas de nouvelles connaissances à acquérir par rapport aux deux chapitres précédents.
Commençons par discuter de la liaison chimique, plus particulièrement de la liaison covalent : Liaison covalente
On appelle liaison covalente la mise en commun, par deux atomes, de deux électrons formant un doublet liant partagé entre les atomes.
Tout se passe alors comme si les deux électrons appartenaient aux deux atomes à la fois mais en restantlocalisé entre les deux atomes.
Bien sûr, seuls lesélectrons de valence peuvent être ainsi partagés pour former une liaison covalente.
On peut donc reprendre le tableau périodique et représenter cesélectrons de valence sur les deux lignes qu’il nous faut connaître.
1s1
H
2s1
Li
2s2
Be
3s1
Na
3s2
Mg
1s2
He
2s22p1
B
2s22p2
C
2s22p3
N
2s22p4
O
2s22p5
F
2s22p6
Ne
3s23p1
Al
3s23p2
Si
3s23p3
P
3s23p4
S
3s23p5
Cl
3s23p6
Ar Fig. 6.1 – Électrons de valences des éléments des premières périodes
6.2.2 Règles de stabilité
Les règles sont simples, voire simplistes, et se ramènent à :
– seuls les électrons de valence peuvent être impliqués dans la formation de liaisons ;
– Lors de la formation de molécules ou ions, chaque atome tend à former des liaisons pour se rappro- cher de la configuration électronique du gaz noble qui le suit.
Les corollaires de ces deux règles seront plus directement applicables : Règle du duet
L’hydrogène et l’hélium cherchent à s’entourer de deux électrons, soit un seul doublet.
Plus généralement : Règle de l’octet
En plus des électrons de cœur, les éléments de la deuxième période cherchent à s’entourer de huit électrons, soit quatre doublets.
Bien sûr des règles aussi simples ne peuvent que présenter des failles, qui apparaissent dès la troisième période à cause des orbitalesd:
Hypervalence
En plus des électrons de cœur, le nombre d’électrons entourant les atomes de la troisième période au sein d’une molécule est souvent égal à 8 mais peut aller jusqu’à 18.
Une dernière chose avant de former des molécules : un doublet d’électrons attachés à un seul atome est appelé undoublet non liant; un doublet d’électrons engagés dans une liaison chimique est ditdoublet liant.
6.3 Schéma de Lewis
6.3.1 Comment l’établir ?
Deux maîtres-mots : essayer et vérifier !
Les énoncés vous donneront le squelette sur lequel travailler (ou l’enchaînement des atomes), et il sera à votre charge de déterminer le nombre d’électrons de valence de chaque atome et de répartir ces électrons dans des liaisons, des doublets non-liants ou des lacunes lorsque nécessaire. Il y a donc pas mal
À vous d’éviter les dernières !
Comment établir un schéma de Lewis ? Les étapes à suivre sont les suivantes :
– Établir la configuration électronique des atomes pour en déduire le nombre d’électrons de valence de chaque atome ;
– Diviser ce nombre par deux pour avoir une idée du nombre de doublets qu’il faudra repré- senter (optionnel) ;
– Répartir les doublets de façon à :
1. former la molécule demandée (attention aux charges qui peuvent apparaître) ; 2. respecter les règles de l’octet et du duet ;
3. faire apparaître le moins de charges formelles possible ; – Vérifier et recommencer si nécessaire.
6.3.2 Quelques exemples
Développons quelques exemples pour bien comprendre ce mécanisme.
Exemple
Commençons par la molécule d’eau : H2O dont le squelette est H ∼O∼H où ∼ est une liaison qui peut être simple, double, ...
– L’hydrogène est 1s1, soit un électron de valence, et obéit au duet, l’oxygène est 2s22p4, soit 6 électrons de valence et obéit à l’octet ;
– On dénombre donc 8 électrons de valence, soit potentiellement 4 doublets.
– On commence à répartir les doublets :
1. Le squelette impose de commencer par le schéma ci-contre, qui « consomme » 2 dou- blets :
H O H
2. On vérifie que chaque élément respecte la règle de l’octet ou du duet :
– L’oxygène d’une molécule doit vérifier la règle de l’octet. Il est entouré de deux liai- sons covalentes, et possède « en propre » deux doublets non liants, soit 8 électrons.
Il vérifie donc bien la règle de l’octet.
H O H
– L’hydrogène d’une molécule doit vérifier la règle du duet. Chacun est relié à une liaison covalente, soit 2 électrons. Ils vérifient donc bien la règle du duet.
H O H
3. Il faut enfin s’assurer du respect des électrons de valence pour chaque élément.
– L’oxygène en tant qu’élément doit avoir 6 électrons de valence. Il en possède en propre 4 dans les doublets non liants, et contribue pour 1 électron à chaque liaison covalente. Il a donc bien 6 électrons « en propre ».
H O H
– L’hydrogène en tant qu’élément doit avoir 1 électron de valence. Il contribue pour 1 électron à sa liaison covalente. Il a donc bien 1 électron « en propre » :
H O H
– On peut valider la structure de Lewis établie et passer aux restes des questions de l’énoncé.
H O H
Malheureusement, tout ne se passe pas toujours aussi simplement : Exemple
Prenons l’exemple d’une autre molécule bien connue : le dioxyde de carbone CO2.
– Là aussi, les structures électroniques sont établies de mémoire, avec le carbone en 2s22p2 et l’oxygène en 2s22p4;
– On dénombre donc 16 électrons de valence et 8 doublets à distribuer ; – 1. Le squelette est donné : O∼C∼O et il reste à finir le travail ;
2. (a) Une première répartition basée sur le squelette et le nombre d’électrons de valence pourrait donner ceci :
O C O
Dans cette structure l’octet n’est ni vérifié pour C, ni pour O, il faut donc l’éliminer ; (b) La suivante en revanche réconcilie le squelette donné avec le nombre de doublets et
la règle de l’octet pour chaque atome.
O C O
3. Il reste à vérifier les électrons de valence propres à chaque atome.
O C O
6 électrons « en propre » chacun
O C O
4 électrons « en propre »
– L’édifice est cohérent aussi bien pour la règle de l’octet, que pour les électrons de valence.
Mission accomplie, passons à la suite !
O C O
Enfin, les édifices ayant un nombre d’électrons de valence impair posent souvent problèmes : Exemple
On prend, par exemple NO3−.
– Là aussi, les structures électroniques sont établies de mémoire, avec l’azote en 2s22p3 et l’oxygène en 2s22p4;
– On dénombre donc 5 + 3×6 + 1 électrons de valence (la charge négative de l’ion est à prendre en compte) et 12 doublets à distribuer ;
– 1. Le squelette est donné en précisant que l’azote est l’atome central d’où partent les liaisons.
O N
O O
2. (a) Une première répartition basée sur le squelette et le nombre d’électrons de valence pourrait donner ceci :
O N
O O
Ni le nombre de doublets, ni les règles de l’octet ne sont vérifiées pour chacun des atomes, il faut donc l’éliminer.
(b) La seconde en revanche réconcilie le squelette donné avec le nombre de doublets et la règle de l’octet pour chaque atome.
O N
O O
3. Il reste à vérifier les électrons de valence propres à chaque atome.
(a) L’oxygène en rouge a bien ses 6 électrons de valence, mais les deux autres oxygènes ont « pris » chacun un électron à l’azote :
O N
O O
(b) Les oxygènes surchargés ont donc une charge formelle−car ils possèdent 7 électrons, donc un de trop par rapport à leur valence, alors que l’azote a une charge formelle + car il a 4 électrons, donc un de moins que sa valence :
O N
⊕
O O
– L’édifice global présente donc une charge − ce qui est conforme à nos attentes et valide la structure de Lewis proposée :
O N
⊕
O O