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Texte intégral

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DESCARTES

Œuvres et Lettres

TEXTES PRÉSENTÉS PAR ANDRÉ BRIDOUX

GALLIMARD

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Tous droits de traduSiion, de reproduÛion et d'adaptation réservés pour tour les pays.

© Éditions Gallimard, 19 )}

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POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

RÈGLES

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Ce traité, inachevé, est assurément ce qu'il y avait de plus pré- cieux dans les papiers recueillis à Stockholm après la mort de Descartes. On connaît l'histoire de ces papiers l'ambassadeur du Roi de France, Chanut, chez qui logeait et mourut Descartes, les rassembla, les inventoria et les transmit à son beau-frère Clerselier, grand ami du philosophe et traducteur des ObjeQions et Réponses consécutives aux Méditations. Dans l'inventaire les Règles figurent sous l'indication suivante « Neuf cahiers, reliés ensemble, conte- nant partie d'un traité de règles utiles et claires pour la direction de l'esprit et la recherche de la vérité. »

Les Règles étaient écrites en latin (Régula ad direftionem ingtnii).

Elles ne furent imprimées que cinquante ans après la mort de l'auteur, en 1701, à Amsterdam, dans les Opuscula poflbuma phy- sica et matbematica. Mais, auparavant, plusieurs personnes en avaient pris connaissance, notamment Arnauld et Nicole qui les utilisèrent dans la Logique de Port-Royal, et Baillet qui les mentionne à plusieurs reprises dans sa Vie de M. Descartes. Plusieurs copies circulaient, c'est ainsi qu'en 1670 Leibniz put en acheter une qu'on a retrouvée dans ses papiers à la bibliothèque de Hanovre et qui constitue un contrôle précieux de l'édition d'AmSterdam, le manuscrit original de Clerselier étant perdu.

L'ouvrage est, comme nous l'avons dit, inachevé. Dans le dessein de son auteur il devait comprendre trois parties de douze règles chacune, la première sur les propositions simples, la se- conde sur les questions parfaitement comprises, la troisième sur les questions imparfaitement comprises; or nous n'avons que vingt et une règles au lieu de trente-six, encore les trois dernières ne figurent-elles que par leur énoncé.

On peut conjecturer que Descartes écrivit les Régula vers l'année 1628, avant son départ en Hollande. Arrivant à sa maturité, il dut éprouver le besoin de mettre au net et en ordre les réflexions faites au cours des années précédentes, surtout depuis la fameuse nuit de 1619. Ce qui est sûr et ce qu'il importe de noter ici, c'est que les Règles sont le premier en date des grands textes cartésiens.

Texte très important, indispensable pour l'intelligence de la doctrine, dont il contient les éléments cardinaux, analysés avec une clarté et une distinction qui ne se retrouvent pas au même

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT degré dans les ouvrages ultérieurs. Ce texte a donc sa place en tête de notre recueil. Commencer par les Règles c'est non seule- ment suivre la chronologie, mais obéir aux préceptes de la Mé- thode.

Nous sommes heureux de pouvoir donner ici l'excellente tra- duction publiée par M. Georges Le Roy, en 1932, dans la Biblio- thèque de Philosophie (librairie Boivin). M. Georges Le Roy, d'une part, MM. Boivin et Cie, d'autre part, nous ont très aimablement autorisés à la reproduire. Nous les prions de bien vouloir agréer nos vifs remerciements.

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POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

Le but des études doit être de diriger l'esprit pour qu'il porte des jugements solides et vrais sur tout ce qui se présente à lui.

Les hommes ont l'habitude, chaque fois qu'ils décou- vrent une ressemblance entre deux choses, de leur

attribuer à l'une et à l'autre, même en ce qui les distingue, ce qu'ils ont reconnu vrai de l'une d'elles. Ainsi, faisant une comparaison fausse entre les sciences, qui résident tout entières dans la connaissance qu'a l'esprit, et les arts, qui requièrent un certain exercice et une certaine disposition du corps, et voyant, par ailleurs, que tous les arts ne sauraient être appris en même temps par le même homme, mais que celui qui n'en cultive qu'un seul devient plus facilement un excellent artiSte, parce que les mêmes mains ne peuvent pas se faire à la culture

des champs et au jeu de la cithare, ou à plusieurs tra-

vaux de ce ge^ire tous différents, aussi aisément qu'à l'un

d'eux, ils ont' cru qu'il en est de même pour les sciences elles aussi, et, les distinguant les unes des autres selon la diversité de leurs objets, ils ont pensé qu'il faut les cultiver chacune à part, sans s'occuper de toutes les autres. En quoi certes ils se sont trompés. Car, étant donné que toutes les sciences ne sont rien d'autre que la sagesse humaine, qui demeure toujours une et toujours la même, si différents que soient les objets auxquels elle s'applique, et qui ne reçoit pas plus de changement de

ces objets que la lumière du soleil de la variété des choses

qu'elle éclaire, il n'est pas besoin d'imposer de bornes à

RÈGLES

RÈGLE I

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

l'esprit la connaissance d'une vérité ne nous empêche pas en effet d'en découvrir une autre, comme l'exercice

d'un art nous empêche d'en apprendre un autre, mais

bien plutôt elle nous y aide. En vérité il me semble étonnant que presque tout le monde étudie avec le plus grand soin les mœurs des hommes, les propriétés des plantes, les mouvements des astres, les transformations

des métaux et d'autres objets d'étude semblables, tandis

que presque personne ne songe au bon sens ou à cette sagesse universelle, alors que cependant toutes les autres choses doivent être appréciées moins pour elles-mêmes que parce qu'elles y ont quelque rapport. Ce n'est donc pas sans raison que nous posons cette règle comme la première de toutes, car rien ne nous éloigne plus du

droit chemin pour la recherche de la vérité, que d'orien-

ter nos études, non vers cette fin générale, mais vers

des buts particuliers. Je ne parle pas des buts mauvais et

condamnables, comme la vaine gloire ou l'amour hon- teux du gain il est évident que l'imposture et la ruse

propre aux esprits vulgaires y conduisent par un chemin

beaucoup plus court que ne pourrait le faire la connais-

sance solide de la vérité. Mais je veux parler des buts honnêtes et louables, car ils nous égarent souvent d'une façon plus détournée ainsi, quand nous voulons culti- ver les sciences utiles, soit pour les avantages qu'on en retire dans la vie, soit pour le plaisir qu'on trouve dans la contemplation du vrai, et qui en cette vie est presque le seul bonheur qui soit pur et que ne trouble aucune douleur. Ce sont là, en effet, des fruits légitimes que nous pouvons attendre de la pratique des sciences; mais si nous y pensons au milieu de nos études, ils nous font souvent omettre bien des choses nécessaires pour l'ac- quisition d'autres connaissances, soit parce qu'au pre- mier abord ces choses paraissent de peu d'utilité, soit parce qu'elles semblent de peu d'intérêt. Il faut donc bien se convaincre que toutes les sciences sont tellement liées ensemble, qu'il est plus facile de les apprendre toutes à la fois, que d'en isoler une des autres. Si quel- qu'un veut chercher sérieusement la vérité, il ne doit

donc pas choisir l'étude de quelque science particulière car elles sont toutes unies entre elles et dépendent les

unes des autres; mais il ne doit songer qu'à accroître la lumière naturelle de sa raison, non pour résoudre telle

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RÈGLE II

ou telle difficulté d'école, mais pour qu'en chaque cir-

constance de la vie son entendement montre à sa vo-

lonté le parti à prendre; et bientôt il s'étonnera d'avoir fait de plus grands progrès que ceux qui s'appliquent à des études particulières, et d'être parvenu, non seule- ment à tout ce que les autres désirent, mais encore à de plus beaux résultats qu'ils ne peuvent espérer.

RÈGLE II

Il ne faut s'occuper que des objets dont notre esprit paraît capable d'acquérir une connaissance certaine et indubitable.

>tt<OUTE science est une connaissance certaine et évi-

T dente; et celui qui doute de beaucoup de choses n'est

pas plus savant que celui qui n'y a jamais pensé il me semble même plus ignorant que lui, pour peu qu'il se soit

fait une idée fausse sur quelques-unes d'entre elles. Il vaut

donc mieux ne jamais étudier plutôt que de s'occuper d'objets si difficiles que, ne pouvant distinguer le vrai du faux, on soit obligé d'admettre pour certain ce qui est douteux, attendu qu'en ce cas il y a moins d'espoir d'ac- croître sa science que de risque de la diminuer. Ainsi, par cette règle, nous rejetons toutes les connaissances qui ne sont que probables, et nous décidons qu'il ne faut

donner son assentiment qu'à celles qui sont parfaitement

connues et dont on ne peut douter. Quoique les doftes s'imaginent peut-être que ces connaissances sont fort rares, parce que, suivant un travers commun à tous les hommes, ils ont négligé d'y réfléchir comme étant trop

faciles et à la portée de tout le monde, je les avertis cependant qu'elles sont bien plus nombreuses qu'ils ne

croient et qu'elles suffisent à démontrer d'une façon certaine une foule de propositions, sur lesquelles ils n'ont pu formuler jusqu'à présent que des vraisem- blances. Mais, ayant cru qu'il est indigne d'un homme

doâe d'avouer qu'il ignore quelque chose, ils se sont

habitués à embellir leurs fausses raisons, si bien qu'en- suite ils ont fini par se convaincre eux-mêmes, et qu'ils les ont ainsi données pour vraies.

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

En vérité, si nous observons bien cette règle, il y aura fort peu de choses, dont nous pourrons entreprendre

l'étude. Dans les sciences, en effet, il n'y a peut-être pas

une queStion, sur laquelle les savants n'aient été souvent en désaccord. Or, chaque fois que sur le même sujet deux d'entre eux sont d'un avis différent, il eSt certain que l'un des deux au moins se trompe; et même aucun d'eux, semble-t-il, ne possède la science car, si les raisons de l'un étaient certaines et évidentes, il pourrait les exposer à l'autre de telle manière qu'il finirait par le convaincre

à son tour. Nous voyons donc que, sur tout ce qui ne

donne lieu qu'à des opinions probables, il est impossible d'acquérir une connaissance parfaite, parce que nous ne pouvons sans présomption espérer de nous-mêmes plus que les autres n'ont fait, en sorte que, si notre raisonne- ment eSt juste, il ne reSte de toutes les sciences déjà connues que l'arithmétique et la géométrie, auxquelles l'observation de cette règle nous ramène.

Ce n'eSt pas une raison cependant pour que nous con- damnions la manière dont on a eu l'idée de philosopher jusqu'à présent et les machines de guerre des syllogismes

probables de la scolaStique cela exerce et excite par une

certaine émulation les jeunes esprits, qu'il est préférable de former par des opinions de ce genre, si incertaines qu'elles paraissent étant discutées entre savants, plutôt que de les abandonner complètement à eux-mêmes.

Peut-être se précipiteraient-ils en effet à des abîmes, s'ils restaient sans guide; mais tant qu'ils s'attacheront à suivre les traces de leurs précepteurs, sans doute pour- ront-ils parfois s'éloigner de la vérité, du moins ils seront certains de prendre un chemin plus sûr en ce sens qu'il aura déjà été éprouvé par de plus prudents. Nous-mêmes nous nous réjouissons de ce qu'autrefois, nous aussi,

nous avons été formés de la sorte dans les écoles. Mais

maintenant que nous voici déliés de cette obligation qui nous enchaînait aux paroles du maître, et qu'étant enfin d'un âge assez mûr nous avons soustrait notre main à la férule, si nous voulons sérieusement nous donner à nous-mêmes des règles, grâce auxquelles nous nous éle- vions au faîte des connaissances humaines, il faut assu- rément mettre parmi les premières celle qui nous avertit de ne pas abuser de notre loisir, comme font beaucoup d'hommes qui négligent toutes les choses faciles pour ne

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RÈGLE II

s'occuper que de celles qui sont ardues ils font avec ingéniosité des conjectures assurément très subtiles et des raisonnements tout à fait probables, mais après beau- coup de peines ils s'aperçoivent enfin trop tard qu'ils n'ont fait qu'accroître le nombre de leurs doutes et n'ont appris aucune science.

Pour le moment, ayant dit un peu plus haut que parmi

les sciences déjàconnues seules l'arithmétique et la géo-

métrie sont exemptes de fausseté et d'incertitude, il nous faut examiner avec plus de soin pourquoi il en est ainsi, et, à cet égard, il nous faut noter que nous parvenons à la connaissance des choses par deux chemins, à savoir, par l'expérience ou par la déduction. Il faut noter, en outre, que les expériences sont souvent trompeuses, mais que la déduction, ou la simple inférence d'une chose à partir d'une autre, peut sans doute être omise si on ne l'aper- çoit pas, mais ne saurait être mal faite même par l'enten- dement le moins capable de raisonner. Mais, pour y réussir, je trouve d'une médiocre utilité ces chaînes, par lesquelles les dialecticiens pensent gouverner la raison humaine, bien que je ne nie pas qu'elles soient excel- lentes pour d'autres usages. En effet, toutes les erreurs où peuvent tomber les hommes (et non les bêtes, bien entendu) ne proviennent jamais d'une mauvaise infé- rence, mais seulement de ce qu'on admet certaines expé- riences peu comprises ou qu'on porte des jugements à la légère et sans fondement.

Par là on voit clairement pourquoi l'arithmétique et

la géométrie sont beaucoup plus certaines que les autres

sciences c'eslt que seules elles traitent d'un objet assez

pur et simple pour n'admettre absolument rien que l'expérience ait rendu incertain, et qu'elles consistent tout entières en une suite de conséquences déduites par raisonnement. Elles sont donc les plus faciles et les plus claires de toutes, et leur objet est tel que nous le désirons, puisque, sauf par inattention, il semble impossible à

l'homme d'y commettre des erreurs. Et cependant il ne

faut pas s'étonner si spontanément beaucoup d'esprits

s'appliquent plutôt à d'autres études ou à la philosophie cela vient, en effet, de ce que chacun se donne plus har- diment la liberté d'affirmer des choses par divination dans une question obscure que dans une question évi- dente, et qu'il est bien plus facile de faire des conjectures

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

sur une question quelconque que de parvenir à la vérité même sur une question, si facile qu'elle soit.

De tout cela on doit conclure, non pas, en vérité, qu'il ne faut apprendre que l'arithmétique et la géomé- trie, mais seulement que ceux qui cherchent le droit chemin de la vérité ne doivent s'occuper d'aucun objet, dont ils ne puissent avoir une certitude égale à celle des démonstrations de l'arithmétique et de la géométrie.

RÈGLE III

Sur les objets proposésà notre étude il faut chercher, non ce que d'autres ont pensé ou ce que nous-mêmes nous conjetturons, mais ce dont nous pouvons avoir l'intuition claire et évidente ou ce que nous pouvons déduire avec certitude car ce n'efi pas

atttreJ1Jent que la science s'acquiert.

IL faut lire les ouvrages des Anciens, parce qu'il y a

pour nous un immense avantage à pouvoir utiliser les

travaux de tant d'hommes, aussi bien pour connaître ce qui jadis a été découvert de bon, que pour savoir aussi ce qui reste ensuite à trouver dans toutes les sciences. Tou-

tefois il est bien à craindre que certaines erreurs, prove-

nant d'une lecture trop assidue de leurs ouvrages, ne s'introduisent complètement en nous, malgré tous nos efforts et toutes nos précautions. Les auteurs sont en

effet naturellement enclins, chaque fois que par une aveugle crédulité ils se sont laissé prendre à quelque opi-

nion controversée, à vouloir toujours nous amener à leur conclusion par les arguments les plus subtils; tandis qu'au contraire, chaque fois qu'ils ont eu le bonheur de trouver quelque chose de certain et d'évident, ils ne le développent jamais qu'avec toutes sortes de détours, par crainte sans doute que la simplicité de la preuve ne dimi- nue l'importance de l'invention, ou même parce qu'ils nous refusent jalousement la vérité toute claire.

Mais quand bien même ils seraient tous sincères et francs, ne nous imposeraient jamais des choses dou- teuses pour des vérités et nous exposeraient tout de bonne foi, nous ne saurions malgré tout lequel croire,

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RÈGLE III

car il n'exiSte à peu près rien qui n'ait été dit par l'un et dont le contraire n'ait été affirmé par l'autre. Et il ne ser- virait à rien de compter les voix pour suivre l'opinion qui a le plus de partisans car, s'il s'agit d'une question difficile, il est plus sage de croire que sur ce point la vé- rité n'a pu être découverte que par peu de gens et non par beaucoup. Quand bien même d'ailleurs tous seraient d'accord entre eux, leur dodrine ne suffirait pas cepen- dant car jamais, par exemple, nous ne deviendrons ma- thématiciens, même en retenant par cœur toutes les dé- monstrations des autres, si notre esprit n'est pas capable à son tour de résoudre toute espèce de problème; et nous ne serons jamais philosophes, si nous avons lu tous les raisonnements de Platon et d'AriStote, et qu'il nous est impossible de porter un jugement ferme sur une ques- tion donnée en effet, nous paraîtrons avoir appris non des sciences, mais de l'histoire.

Nous sommes avertis, en outre, qu'il ne faut mêler absolument aucune conjecture aux jugements que nous portons sur la vérité des choses. Cet avertissement n'est pas de peu d'importance car la vraie raison pour la- quelle on n'a jamais rien trouvé dans la philosophie ha-

bituelle d'assez évident et d'assez certain pour pouvoir

être soustrait à la controverse, c'est d'abord que les hommes d'étude, non contents de connaître des choses claires et certaines, ont osé affirmer aussi des choses obscures et inconnues, auxquelles ils n'arrivaient que par des conjectures probables, et qu'ensuite, y ajoutant eux-mêmes peu à peu une foi entière et les mêlant indis- tinftement aux choses vraies et évidentes, ils ont fini par

ne pouvoir rien conclure qui ne parût dépendre de

quelque proposition de cette sorte et qui par suite ne

fût incertain.

Pour ne pas tomber ensuite dans la même erreur, nous allons énumérer ici tous les ades de notre entendement, par lesquels nous pouvons parvenir à la connaissance

des choses sans aucune crainte d'erreur; il n'y en a que

deux l'intuition et la dédudion.

Par intuition j'entends, non pas le témoignage chan-

geant des sens ou le jugement trompeur d'une imagina-

tion qui compose mal son objet, mais la conception d'un

esprit pur et attentif, conception si facile et si distinde qu'aucun doute ne reste sur ce que nous comprenons;

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

ou, ce qui est la même chose, la conception ferme d'un esprit pur et attentif, qui naît de la seule lumière de la raison et qui, étant plus simple, est par suite plus sûre que la déduction même, qui pourtant elle aussi ne peut pas être mal faite par l'homme, comme nous l'avons remarqué précédemment. Ainsi chacun peut voir par intuition qu'il existe, qu'il pense, que le triangle est dé- fini par trois lignes seulement, la sphère par une seule surface, et des choses de ce genre, qui sont bien plus nombreuses que ne le pourraient croire la plupart des

hommes, parce qu'ils dédaignent de tourner leur esprit

vers des choses si faciles.

Mais de peur que d'aucuns ne soient peut-être cho- qués par l'usage nouveau du mot intuition et d'autres encore que dans la suite je serai forcé de détourner de la même manière de leur signification habituelle, je déclare ici d'une façon générale que je ne m'occupe pas du tout de quelle manière ces expressions ont été employées ces derniers temps dans les écoles, parce qu'il serait très difficile de se servir des mêmes noms en ayant des idées entièrement différentes; mais je fais seulement attention à ce que signifie chaque mot en latin, afin que si les mots propres font défaut, je prenne pour leur donner mon sens ceux qui me paraissent les mieux faits pour cet

usage.

Or cette évidence et cette certitude de l'intuition ne

sont pas requises seulement pour de simples affirma- tions, mais aussi pour toute espèce de raisonnement.

Ainsi, par exemple, étant donné ceci 2 et 2 font la même chose que 3 et i non seulement il faut voir par intuition que 2 et 2 font 4 et que 3 et i font également 4, mais encore que la troisième proposition se conclut néces-

sairement de ces deux-là.

Par suite on a déjàpu se demander pourquoi, outre l'intuition, nous avons ajouté ici un autre mode de connaissance qui se fait par déduction, opération par la- quelle nous entendons tout ce qui se conclut nécessaire-

ment d'autres choses connues avec certitude. Mais il a

fallu procéder ainsi, parce que plusieurs choses sont connues avec certitude, bien qu'elles ne soient pas elles- mêmes évidentes, pourvu seulement qu'elles soient dé- duites à partir de principes vrais et connus, par un mou- vement continu et ininterrompu de la pensée qui a une

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RÈGLE III

intuition claire de chaque chose. C'est ainsi que nous

savons que le dernier anneau d'une longue chaîne est

relié au premier, même si nous n'embrassons pas d'un seul et même coup d'oeil tous les intermédiaires dont dépend ce lien, pourvu que nous ayons parcouru ceux-ci successivement, et que nous nous souvenions que du

premier au dernier chacun tient à ceux qui lui sont

proches. Nous distinguons donc ici l'intuition de la dé- duétion certaine en ce qu'on conçoit en celle-ci un mou- vement ou une certaine succession, tandis que dans celle-là il n'en est pas de même; et qu'en outre pour la déduEtion une évidence aduelle n'est pas nécessaire comme pour l'intuition, mais plutôt qu'elle reçoit en un sens sa certitude de la mémoire. D'où il résulte qu'au sujet des propositions, qui sont la conséquence immé- diate des premiers principes, on peut dire, suivant la manière différente de les considérer, qu'on les connaît tantôt par intuition, tantôt par déduction; mais les pre- miers principes eux-mêmes ne peuvent être connus que par intuition; et au contraire les conséquences éloignées ne peuvent l'être que par déduâion.

Voilà les deux voies les plus certaines pour conduire à la science pour ce qui est de l'intelligence on n'en doit pas admettre davantage, et toutes les autres doivent être rejetées comme suspectes et exposées à l'erreur. Cela n'empêche pas cependant que pour ce qui a été révélé par Dieu, nous y croyions comme à une connaissance plus certaine encore, puisque la foi, qui porte toujours sur des choses obscures, est un acte non de l'intelligence mais de la volonté, et que, si elle a des fondements dans l'entendement, ceux-ci peuvent et doivent être trouvés avant tout par l'une ou l'autre des voies déjàdites, comme nous le montrerons peut-être un jour plus am- plement.

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RÈGLES POUR LA DIRECTION DE L'ESPRIT

RÈGLE IV

La méthode eH nécessaire pour la recherche de la vérité.

LES mortels sont possédés d'une si aveugle curiosité, que souvent ils conduisent leur esprit par des voies

inconnues, sans aucun motif d'espérance, mais seulement pour voir si ce qu'ils cherchent n'y serait pas, comme quelqu'un qui brûlerait d'une envie si folle de découvrir un trésor, qu'il parcourrait sans cesse les chemins, cher- chant si par hasard il ne trouverait pas quelque chose qui aurait été perdu par un voyageur. Ainsi travaillent presque tous les chimistes, la plupart des géomètres et beaucoup de philosophes en vérité je ne nie pas que parfois ils n'aillent ainsi à l'aventure avec assez de bon- heur pour trouver quelque vérité; ce n'est pas une raison cependant pour que je reconnaisse qu'ils sont plus ha- biles, mais seulement qu'ils sont plus heureux. Il est pourtant bien préférable de ne jamais chercher la vérité sur aucune chose, plutôt que de le faire sans méthode car il est très certain que ces études désordonnées et ces

méditations obscures troublent la lumière naturelle et

aveuglent l'esprit; et tous ceux qui ont ainsi coutume de

marcher dans les ténèbres diminuent tellement l'acuité

de leur regard qu'ensuite ils ne peuvent plus supporter la pleine lumière chose que confirme encore l'expé-

rience, puisqu'on voit bien souvent que ceux qui n'ont jamais donné leur soin à l'étude des lettres, jugent beau-

coup plus solidement et clairement sur ce qui se pré- sente à eux, que ceux qui ont toujours fréquenté les écoles. Or, par méthode j'entends des règles certaines et faciles, grâce auxquelles tous ceux qui les observent

exactement ne supposeront jamais vrai ce qui est faux,

et parviendront, sans se fatiguer en efforts inutiles mais en accroissant progressivement leur science, à la con- naissance vraie de tout ce qu'ils peuvent atteindre.

Mais il faut bien noter ici deux points ne jamais supposer vrai ce qui eft faux, et parvenir à la connais- sance de toutes choses: C'est qu'en effet si nous ignorons quelqu'une des choses que nous pouvons savoir, cela vient seulement ou de ce que nous n'avons découvert aucune route qui pût nous conduire à une telle connais-

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TABLE DES MATIÈRES

A Elisabeth, 6 juin 1647 1278

A LA MÊME, juillet 1647 1280

A CHRISTINE DE SUÈDE, 20 novembre 1647 1281

A CHANUT, 20 novembre 1647 1285

A Elisabeth, 20 novembre 1647 1286

A MERSENNE, 13décembre 1647. 1288

A HUYGENS(?) 1 290

Au MÊME, 27 décembre 1647 1293

A ÉLISABETH,31 janvier 16488 1294

A CHANUT, 21février 1648 1296

Au Marquis DE NEWCASTLE, mars-avril 1648 1298

A CHANUT, mai 1648 1302

A ARNAULD, 4 juin 1648 1303

A ÉLISABETH, juin-juillet 1648 1305

A ARNAULD, 29 juillet 1648 1306

A ELISABETH, octobre 1648 1310O

A MORUS,5 février 1649 1312

A Elisabeth, 22février 1649 1321

A Chanut, 26 février 1649 1324

A CHRISTINE DE SUÈDE, 26 février 1649 1327

A CHANUT,31mars 1649 1328

Au MÊME,31 mars 1649 1329

A Elisabeth,31 mars 1649 1331I

A Morus, 15 avril 1649 1332

A BRASSET, 23 avril 1649 13399

A CHANUT, 23 avril 1649 1340

A ÉLISABETH, juin 1649 1341

A Freinshemius, juin 1649 1342

A ÉLISABETH,9 oftobre 1649 1344

A BRÉGY, 15 janvier 1650 1346

ENTRETIEN AVEC BURMAN

NOTICE par André Bridoux 1 3 51

LES MÉDITATIONS 1355f

LES PRINCIPES DE la Philosophie 1383

LE DISCOURS DE LA MÉTHODE 1397

LA MORT DE M. DESCARTES

RELATION DE BAILLET 1405f

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Références

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