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Duchamp. Collection «Icônes»

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Academic year: 2022

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Texte intégral

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Duchamp

Collection « Icônes »

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Arnaud Labelle-Rojoux

François Bourin | Icônes

DUCHAMP

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Sommaire

7 Introduction – M. D.

15 Duchamp frères et sœurs 21 L’école de Montmartre 29 L’écrivain clandestin 37 Pseudos ?

51 Ready-mades 67 La Mariée

79 Le joueur d’échecs 91 La tonsure et la pipe

99 L’Homme le plus intelligent du XXe siècle 109 Étant donnés

119 Conclusion – L’héritage M. D.

128 Lexique

133 Dates essentielles

138 Bibliographie somme toute assez peu sélective La collection « Icônes » est dirigée

par Jean Cléder et Emmanuel Tibloux.

Conception graphique : Catalogue Général

© Éditions François Bourin, 2020.

Tous droits réservés Éditions François Bourin 21, rue Trousseau 75011 Paris www.bourin-editeur.fr

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Duchamp 6

Marcel Duchamp (M. D.) : une œuvre de bout en bout pro- prement infixable. Réseau infini de complexités, de pistes déroutantes, contradictoires souvent, d’équations aux incon- nues multiples. Il y a bien sûr le chapelet des interprétations zélées aux allures de discussions talmudiques égrené depuis des décennies qui participe de cette insaisissabilité. Mais pas seulement. Quoique hantant la modernité artistique, M. D.

échappe aux entreprises de synthèse. Rien de surprenant à cela. « Le grand artiste de demain passera à la clandestinité », avait-t-il prophétisé un jour.

Vertu de l’éclipse volontaire.

Et des zones d’ombre.

Il court, il court, le furet, et disparaît soudain. Vivons caché, vivons heureux ? C’est une forme d’art en soi. Et un style de vie. Dandysme ? Si on entend par là un culte assumé de la singularité, assurément.

Une singularité qui fascine.

La clandestinité vécue, pour authentique qu’elle fût, cesse

Introduction M. D.

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comme si. Tous les filtres ont été appliqués à son œuvre : his- toire de l’art, philosophie, psychanalyse, sémiologie, linguis- tique, sociologie, géométrie, économie, alchimie. Hypothèses démultipliées – M. D. sous toutes les coutures – qui ouvrent à leur tour le champ à une herméneutique interprétative sans fin. Sa vertu paradoxale : aucune contribution – ses pas se confondraient-ils en apparence avec ceux de quelques pré- décesseurs ? – n’est comparable à une autre. Car la figure de l’auteur est évidemment essentielle. Surtout si cet auteur est un artiste. Qu’il ambitionne ou pas de redistribuer les cartes, il n’est jamais neutre. Il arrive même qu’il agisse en plaideur pro domo. Effet regrettable ? Pas pour M. D., qui proclamait en une sentence demeurée célèbre : « Ce sont les regardeurs qui font les tableaux. »

Qu’est-ce à dire tout de même ? Aux seuls « regardeurs » le dernier mot ?

Cela semble trop simple, vraiment, quoique, on l’imagine, les regardeurs ne soient certainement pas tous logés à la même enseigne dans la littérature duchampienne. M. D.

aurait-il tourné sept fois sa langue dans sa bouche avant de la prononcer, sa formule catégorique mérite assurément un addendum. Pas pour y déceler de façon impudente une quel- conque faiblesse, mais pour préciser que le libre épanouisse- ment de la subjectivité du « regardeur » se fonde malgré tout sur quelque chose. Il me semble donc que cette phrase, pro- noncée par M. D. en 1957, doit être éclairée par cette autre, formulée dix ans plus tard : « Il y a le pôle de celui qui fait une œuvre et le pôle de celui qui la regarde. Je donne à celui qui la regarde autant d’importance qu’à celui qui la fait. » Voilà : autant, dit M. D. Fort de cette mise au point, corri-

geons donc : ce sont les regardeurs aussi qui font les tableaux.

Le mot compte. Autant, précisément, que ceux qui l’encadrent dans la phrase. Il signifie que si toutes les interprétations, y compris les plus tirées par les cheveux, participent de l’œuvre

Introduction pourtant d’être une réalité pour M. D. à l’orée des années 1960.

Le voilà redécouvert. Ou plutôt découvert. Et la machine lancée : articles, entretiens, colloques, livres, rétrospectives.

Dans le catalogue de celle que lui consacre la Tate Gallery de Londres en 1966, le peintre Pop Richard Hamilton s’ex- clame : « Aucun artiste vivant ne jouit d’un plus grand pres- tige auprès de la jeune génération. » Quelqu’un parle même alors de « saint-patron des nouveaux Pop-people ». Toutes les gloires de son âge viennent, c’est un fait, de prendre un irré- médiable coup de vieux. Place à l’étrange « Marchand du Sel » dont on dissèque à présent les calembours.

Fin du mystère alors ? Au contraire ! Si M. D . est désormais en pleine lumière, c’est, à l’évidence, de son occultation des années durant que naît l’aura qui l’entoure. Elle ne le quit- tera plus.

M. D. objet d’étude aujourd’hui, la chose pourtant ne va pas de soi. Un ami m’a du reste demandé : « Pourquoi as-tu accepté d’écrire sur Duchamp ? Sujet impossible. Tout a été dit ! » Surpris, j’ai bredouillé mon intérêt pour tout ce qu’il

« représente ». Formule floue. Insuffisante. En réalité, j’aurais dû lui répondre autre chose. Prendre le contrepied. Répliquer ce que Michel Leiris note dans son beau livre de méditation littéraire Le Ruban au cou d’Olympia : « Qu’est-ce que, prati- quement, je poursuis ? – La combinaison de mots, phrases, séquences, etc., que je suis seul à pouvoir bricoler [...]. » Car oui, je suis, moi aussi, une sorte de bricoleur de mots. Ce que

« je poursuis » ? Je sais, et je ne sais pas. Plus ou moins tissées, plusieurs formes d’écriture toujours, dépôts de savoirs et de techniques : narration, analyses critiques délestées de théo- ries trop encombrantes, digressions intimes. Voilà.

Mais c’est vrai, la surabondance des approches et leur diversité impressionnent particulièrement dans le cas de M. D.

Terrifient même ! Impossible de partir de zéro. De faire

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coup : « Regarde de tous tes yeux, regarde » , comme me revient que Georges Perec la mettra en exergue de La Vie mode d’em- ploi. L’inconscient doit parler ! Y repensant, je dirais en effet que, face à Why Not Sneeze Rose Sélavy ?, écarquillant tout grands mes yeux, me frappait l’absence de mode d’emploi, ce qui lui conférait une incomplétude stimulante. Ou, pour le dire autrement : une manière d’inachèvement, mais fécond (au « regardeur » en somme de prendre le relai).

J’ai, de cette rencontre quasi initiatique avec M. D., gardé ce sentiment trouble. Par quel bout devais-je me saisir des œuvres ? C’était un sentiment que je connaissais déjà, mais je ne le pensais possible qu’avec la poésie. Ou avec les films de Jean-Luc Godard.

Chose curieuse, et très peu relatée : j’ai découvert tout récemment que M. D. aurait assisté, cela probablement en 1966, à une projection d’Alphaville. Et que ce film l’enthou- siasma au point qu’il le considéra comme la plus belle des œuvres d’art qu’il lui avait été donné de voir depuis des années.

Étrange concrétisation d’une rencontre rêvée. Car si, comme le remarquait Richard Hamilton, aucun artiste vivant ne jouis- sait alors d’un plus grand prestige auprès de la jeune généra- tion que M. D., aucun cinéaste vivant ne jouissait pareille- ment à la même époque d’un plus grand prestige auprès de la jeune génération que Godard. Résonance contemporaine partagée, avec cette différence de taille : M. D. superstar avait quatre-vingts ans.

Il nous faut donc remonter le temps.

Sans viser la reconstitution strictement historique.

Quelques moments significatifs, et œuvres majeures, ser- viront de fil conducteur.

Ainsi, par exemple, l’épisode de Fountain, particulière- ment emblématique de tous ceux qui la jalonnent. Il consti- tue une sorte de plat de résistance dans sa biographie. Parce (regarder vise la mise à nu), celle-ci, au fond, résiste. Soumise

à l’ensemble infini des points de vue comme autant de tirs croisés, elle n’en garde pas moins son intégrité. Personne, à l’arrivée, n’aura raison d’elle. On ne peut que souscrire à ce principe, et dès lors très sereinement aborder l’œuvre de M. D.

sans craindre la cour martiale des spécialistes.

Ma formation (quel autre mot ?) de « regardeur », c’est en par- tie avec M. D. qu’elle s’est faite. Pour situer d’une façon plus générale la chose : je la dois d’une part à la Cinémathèque française de Chaillot, où je m’intoxiquai de films, et d’autre part, situé à deux pas du Palais de Tokyo, au Musée national d’art moderne, que je fréquentai assidûment. C’est là, entre quantité d’expositions visitées (je me souviens de l’une d’elles consacrée à Dada, et d’une autre à Van Dongen), que j’ai vu celle réunissant Raymond Duchamp-Villon et Marcel Duchamp et présentant des œuvres que je n’avais jusqu’alors fait qu’en- trevoir dans des publications.

Rétro historique.

Nous sommes en 1967.

J’ai dix-sept ans.

M. D., « en vrai » ? Quel souvenir ? Moins l’étonnement que l’impression soudaine d’être face à une évidence atten- due (tel le messie). Un peu comme le touriste visitant l’Acro- pole et se disant, face au Parthénon : « J’y suis, voilà, c’est ça.

C’est exactement ça ! » Je me suis pareillement dit, face à Why Not Sneeze Rose Sélavy?, « voilà, c’est ça, c’est exactement ça ! » Ça quoi ? Une cage à oiseaux remplie de petits cubes de marbre que l’on pense être des morceaux de sucre, un ther- momètre et un os de seiche. Il s’agissait de regarder, mais de regarder de tous mes yeux, cette aveuglante énigme, à la façon de Curd Jürgens dans Michel Strogoff. Je songe à vrai dire moins, citant ce film qui m’avait frappé enfant, à la fameuse scène qu’à la phrase même de Jules Verne qui me revient d’un

Introduction

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que l’histoire inscrit le ready-made (« objet usuel promu à la dignité d’objet d’art par le simple choix de l’artiste », selon la définition contestable qu’en donnera André Breton) parmi les icônes de la Modernité, en même temps qu’elle en fait l’étendard de l’iconoclastie en art (l’urinoir) , parce que M. D.

y apparaît, plus qu’à n’importe quel autre moment, insaisis- sable. Imbroglio exemplaire : M. D. refuse de signer l’œuvre de son nom, laissant celui énigmatique de R. Mutt, mais s’in- génie à faire en sorte, tel Fantômas à l'égard de ses forfaits, que ce geste (ou non-geste) soit identifiable comme le sien.

Là, comme souvent, on le verra, les éléments contradictoires donnent à toutes les gloses leur chance. Mieux : les pro- voquent. Richesse ? Bien sûr. Mais avec ce revers tout de même à la médaille : leur multiplication brouille les pistes et in fine rend évidemment discutable tout portrait de M. D.

Celui proposé ici ne saurait donc revendiquer une fidélité irréfutable.

Les analyses de M. D., on l’a dit, ressemblent à leurs auteurs. Chacun y glisse ses obsessions.

Je ne partage évidemment pas le contenu de toutes, mais on comprendra aisément que je préfère personnellement, tenant compte de l’étincelle qui résulte des deux pôles de l’œuvre évoquée par M. D., celles qui donnent vie « à quelque chose ». Le dictionnaire précise : « quelque chose, locution indéfinie ».

« Indéfinition » ?

Ce pourrait être le sous-titre à ce livre : Marcel Duchamp, Indéfinition.

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