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Le problème majeur en jeu est celui de l’escalade de l’usage de la marijuana à celui de l’héroïne

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Academic year: 2021

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1336 m/s n° 11, vol. 13, novembre 97

NOUVELLES

médecine/sciences 1997 ; 13 : 1336-8

Les dangers du cannabis :

accoutumance et syndrome de sevrage

La marijuana est-elle la drogue douce que certains présentent et dont ils demandent la libéralisation de la vente ? Deux articles parus dans Science posent la question car ils mettent en évidence une similitude frappante des effets sur le cerveau du tétrahydro-can- nabinol, le principe actif de la mari- juana et du haschisch, drogues dites douces car n’entraînant pas de dépen- dance, et des drogues dites dures, telles que l’héroïne et la cocaïne, mais aussi l’alcool et la nicotine. Le problème majeur en jeu est celui de l’escalade de l’usage de la marijuana à celui de l’héroïne. Il faut, en outre, mentionner d’emblée l’apparition sur le marché du

« cannabis rouge » à teneur très élevée en tétrahydro-cannabinol (20 %) qui pourrait induire une dépendance.

Les réponses comportementales à l’abus de drogue sont relayées par la voie dopaminergique mésolimbique.

L’activation de ces neurones provoque le déclenchement du système de récompense et une sensibilisation com- portementale. L’équipe de Di Chiara (Cagliari, Italie), qui a déjà montré que l’héroïne, la cocaïne, l’alcool et la nicotine déclenchaient la libération de dopamine par la zone superficielle du noyau accumbens [1], rapporte les mêmes effets avec le tétrahydro-canna- binol. Le tétrahydro-cannabinol et l’héroïne injectés par voie intravei- neuse finissent par aboutir à l’activa- tion des mêmes neurones dopaminer- giques, et l’effet du tétrahydro- cannabinol est inhibé par un antago- niste spécifique des récepteurs des opiacés, la naloxone. Ces résultats sug- gèrent que le cannabis pourrait provo- quer la libération de substances opioïdes endogènes agissant, comme le fait directement l’héroïne, sur les récepteurs µ des opiacés [2]. Le pré- traitement par l’antagoniste spécifique des récepteurs CB1 du tétrahydro-can- nabinol, le SR141716A, inhibe toute

stimulation du système dopaminer- gique après injection de tétrahydro- cannabinol, alors qu’il n’inhibe pas les effets de l’héroïne, ce qui confirme que les récepteurs CB1 sont en amont de ceux des opiacés dans la chaîne qui conduit à la stimulation dopaminer- gique. L’activation du système dopami- nergique serait à l’origine des proprié- tés psychotropes de ces drogues : la sensation de plaisir déclenchée par le système cérébral dit d’« autorécom- pense » excite le désir de renouveler la prise de drogue d’où découle une cer- taine dépendance psychique.

La dépendance vis-à-vis des sub- stances illicites se manifeste aussi par un syndrome physique marqué lors du sevrage. On ne peut le mettre en évidence avec le cannabis chez l’homme, ni expérimentalement chez l’animal, du fait de la longue durée de vie des cannabinoïdes.

Cependant, cette difficulté peut être contournée expérimentalement par l’utilisation, après un long traitement des animaux par le cannabis, d’un antagoniste compétiteur qui sup- prime brutalement l’interaction entre le tétrahydro-cannabinol et les récepteurs CB1 [4]. C’est la voie qu’ont suivie Rodriguez de Fonseca et al. (Madrid, Espagne et Institut de recherche Scripps, La Jolla, CA, USA) qui ont analysé, dans ces condi- tions, la libération de CRF (corticotro- pin releasing factor) ; ce neuropeptide a déjà été impliqué dans la réponse physiologique au stress (sudation, agi- tation, dépression, anxiété, ano- rexie…) et dans le syndrome de sevrage. L’injection aiguë d’un ago- niste du tétrahydro-cannabinol inhibe la libération de CRF. A l’inverse, après exposition prolongée au cannabis, le sevrage brutal par injection de SR141716A, l’antago- niste du tétrahydro-cannabinol, s’accompagne d’une augmentation

importante de la libération de CRF ; le même phénomène est induit par le sevrage de l’alcool, de la cocaïne ou des opiacés [5]. L’élévation de la concentration extracellulaire du CRF est parallèle à la progression des symptômes de manque. L’administra- tion au long cours du cannabis altère la fonction CRF dans le système lim- bique en déclenchant des processus neurologiques d’adaptation qui contribuent au développement de la dépendance. L’induction de c-Fos par les cellules qui libèrent le CRF a per- mis d’étudier la distribution des neu- rones stimulés lors du sevrage. Cette large distribution mime celle des neurones activés au cours du syn- drome de manque à l’héroïne.

Peut-on, pour autant, franchir le pas de « mettre dans le même sac » haschisch et héroïne et en conclure que l’usage du haschisch sensibilise aux drogues dures ? Les études épi- démiologiques récentes n’appuient pas cette hypothèse ; en effet, si presque tous les consommateurs d’héroïne ont consommé du canna- bis, seuls 5 % des usagers du cannabis ont pris de l’héroïne [6].

E.B.

1. Di Chiara G. The role of dopamine in drug abuse viewed from the perspective of its role in motivation. Drug Alcohol Depend 1995 ; 38 : 95-137.

2. Kieffer B, Matthes H, Maldonado R. Méca- nisme d’action de la morphine. Med Sci 1997 ; 13 : 232-5.

3. Tanda G, Pontieri FE, Di Chiara G. Cannabi- noid and heroin activation of mesolimbic dopa- mine transmission by a common µ1 opioid recep- tor mechanism. Science 1997 ; 276 : 2048-50.

4. Santucci V, Storme JJ, Soubrie P, Le Fur G. Arou- sal-enhancing properties of the CB1 cannabinoid receptor antagonist SR 141716A in rats as assessed by electroencephalographic spectral and sleep- waking cycle analysis. Life Sci 1996 ; 58 : 103-10.

5. Rodriguez de Fonseca F, Carrera MRA, Navarro M, Koob GF, Weiss F. Activation of corticotropin releasing factor in the limbic system during can- nabinoid withdrawal. Science 1997 ; 276 : 2050-3.

6. Académie des Sciences. Aspects moléculaires, cel- lulaires et physiologiques des effets du cannabis. Paris : Lavoisier Tec Doc, 1997.

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