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Le médecin à l’école du malade

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Points de vue

728 Revue Médicale Suisse www.revmed.ch 26 mars 2014

Au fond, on pourrait supposer que le pa- tient est malade à la place du médecin. Car la mort, pour finir, n’épargnera ni l’un ni l’autre.

D’autre part, pendant la cure, médecin et malade, qu’ils le veuillent ou non, se trouvent soudés l’un à l’autre par un pacte tacite où l’enjeu du médecin est même plus important que celui du malade. Le malade, c’est vrai, voudrait être libéré de sa souf- france, mais le médecin doit se montrer ca- pable de l’aider comme il faut, entre autres en annulant la perspective de rechutes ! D’ailleurs, si l’on regarde bien, derrière une action médicale, si remplie qu’elle soit de sens et de bonnes intentions, se niche une

problématique de base que l’on pourrait même qualifier de philosophique. Et en découlent des questions somme toute fon- damentales, telles : qu’est-ce que la santé ? La qualité de vie ? Quel impact peut avoir la notion de norme ou d’optimalité dans l’action pratique et ponctuelle implicite dans toute forme de soins ? Il se pourrait alors que le médecin soit poussé une fois ou l’autre – ou mieux : plus d’une fois – à se poser ce genre de questions susceptibles de l’obliger à une remise en cause de ses convictions personnelles.

En outre, la façon dont le malade réagit à sa propre souffrance, à sa propre transgres- sion de la norme, va retentir sur l’attitude spontanée du médecin lui-même. Que se passerait-il s’il devait être contraint à se demander si par exemple lui-même tom- bait malade, ou si quelqu’un de son entou- rage se trouvait soudain affecté par une souffrance identique à celle de son patient ? Puis, supporter sans trop de plaintes une souffrance donnée est-il le signe d’un com- portement de la part du malade, d’une coopération efficace avec les soins qu’il re- çoit ? Ou s’agirait-il d’une sorte de défi que le patient lancerait à son thérapeute, lui montrant que peut-être, à sa place, le mé- decin ne pourrait pas en faire autant ? Puis encore, faut-il que le médecin s’allie émo- tionnellement quelque peu à l’entourage du patient, ou au contraire qu’il prenne éven- tuellement une position oppositionnelle vis- à-vis de cet entourage ? Tout cela toujours

en parallèle avec le vécu émotionnel que, à ce moment-là, le médecin pourrait vivre dans son propre entourage familial.

Par-dessus le marché, le médecin pour- rait-il ou non, avec un patient donné plutôt qu’avec un autre, en arriver à bien équili- brer ce qu’on nomme l’objectivité, c’est-à- dire des données cliniques précises, avec ce qu’on nomme la subjectivité, autrement dit ce qui revient aux émotions, ou même à une possible identification du médecin à son malade ?

Le médecin pourrait trop miser d’emblée sur le diagnostic qu’il a établi face à une sé- rie de symptômes, impliquant des mesures thérapeutiques présumées conséquentes, aussi bien qu’un possible pro- nostic. Le cours de la thérapie, en somme, pourrait-il l’obliger à changer d’avis et à reconnaître ses propres insuffisances ? Vivra- t-il à ce moment-là cette nécessité de rema- nier ses points de vue comme une simple variation sur le thème, ou se rendra-t-il compte que de quelque façon le patient l’a obligé à se remettre en cause ? Ce qui vou- drait dire que ce même patient lui aura procuré un bénéfice incontournable, celui de lui faire entrevoir des perspectives clini- ques autres que celles auxquelles il s’était par trop habitué. De trop conservateur que pourrait être tout médecin, d’un coup le malade pourrait le faire pencher vers une attirance soudaine envers des changements attribués à la progression de la science mé- dicale ou à l’apparition de nouveaux médi- caments.

Lassé de quelques tendances à s’accro- cher à du solide, du prouvé par sa propre expérience, le médecin se muerait soudai- nement en un apôtre visant l’avenir bien davantage que de se rassurer par le passé.

Tout cela, une fois de plus, le médecin pourrait l’attribuer à sa propre évolution personnelle, en niant par là le rôle qu’un ma- lade donné aurait pu jouer dans ces trans- formations. Regarder surtout vers l’avant ou ne pas vouloir trop tenir compte du passé pourrait subrepticement aussi signi- fier prendre position par rapport au vieil- lissement et à la mort. Problème d’ailleurs d’allure générale et concernant autant, bien sûr, le médecin que son patient. Cependant, des problèmes si fondamentaux pour l’être humain resteraient-ils dans le non-dit, ou se feraient-ils jour dans les échanges ver-

baux entre médecin et patient ?

Le médecin, lors de sa formation univer- sitaire, a été soumis à l’apprentissage de son métier au chevet de malades, vus ce- pendant comme bancs de preuve de l’ac- quisition progressive d’un savoir médical d’avance réputé indispensable pour agir correctement. Mais dans les feux de l’ac- tion thérapeutique proprement dite et la prise de responsabilité personnelle envers tel ou tel patient, tout médecin peut courir le risque de ne percevoir son action théra- peutique que dépendante de ses connais- sances. Alors que, au fond, la formation per- manente du médecin serait censée prendre surtout de ce que chaque malade pourrait lui enseigner.

Pr Georges Abraham Avenue Krieg 13 1208 Genève

Le médecin à l’école du malade

… Le cours de la thérapie pourrait-il l’obliger à changer d’avis et à reconnaître ses propres insuffisances ? …

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