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Esthétiques périphériques. Décrire la vie périurbaine avec rigueur

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Esthétiques périphériques. Décrire la vie périurbaine avec rigueur

MATTHEY, Laurent

Abstract

Compte rendu de : Éric Chauvier, Contre Télérama. Paris: Allia.

MATTHEY, Laurent. Esthétiques périphériques. Décrire la vie périurbaine avec rigueur. Articulo - Journal of Urban Research , 2011, p. 1-4

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:76854

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Articulo - Journal of Urban Research

Book Reviews

2011

Esthétiques périphériques.

Décrire la vie périurbaine avec rigueur

Compte rendu de : Éric Chauvier, Contre Télérama.

L

AURENT

M

ATTHEY

Bibliographical reference

Eric Chauvier. 2011. Contre Télérama. Paris: Allia.

This article is a translation of:

Peripheral aesthetics. A rigorous description of peri-urban life

Full text

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Full size image Credits : © Allia 2011

Il y a un peu plus de deux siècles, les premiers romantiques (Novalis et Schlegel notamment) développaient une pratique scientifique et esthétique dite “fragmentaire”

(Schefer 2003: 92) proposant de réfléchir le monde par bribes, plutôt que dans le flux d’un discours totalisant. C’est un peu de ce projet que pourrait se revendiquer Éric Chauvier. Au discours articulé de “ceux qui observent le monde de façon professionnelle”, l’auteur oppose une pensée du fragment qui repose néanmoins sur un même principe structural que celui des experts : “se servir de mots-clefs pour faire autorité” et mener une “enquête” périurbaine dont la nécessité s’origine dans le numéro 3135 d’un “journal hebdomadaire de la capitale” (Télérama) qui décrétait la “mocheté”

du pavillonnaire périphérique.

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Le petit livre d’Éric Chauvier (63 pages) mobilise différentes thématiques qui intéresserons ceux qui, justement, font de l’observation du périurbain un élément de leur pratique professionnelle : la vie routinière ; la standardisation des existences pavillonnaires ; l’entre-soi ; le désir paradoxal de nature qui détruit de la campagne et produit de la ville (densifier les espaces vides pour garantir son espace à soi) ; la recomposition du rural et de l’urbain dans un troisième terme imaginaire — le rurbain

—, qui ne relève ni de l’un ni de l’autre ; l’avènement de nouvelles agoras (de nouveaux lieux d’échanges d’un politique dévidé de sens) autour des centralités commerciales (hyperagora des supermarchés).

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Les mots clefs dont se sert Chauvier pour “faire autorité” (pêle-mêle : “espace”,

“politique”, “néo-résidents”, “ruralité”, “science”, “franchise”), sont organisés de telle sorte qu’ils convergent vers une forme de révélation, celle de l’esthétique ordinaire de territoires réputés sans qualité. Esthétique ordinaire qui n’en est pas moins légitime – en dépit des effets de classements occasionnés par une rhétorique de la distinction qui en décrète la laideur. Le périurbain, nous dit l’un de ses habitants est tramé de fictions (“un réservoir de milliers de fictions contredisaient ce constat”) qui en font l’épaisseur, dans le même temps qu’elles sont susceptibles d’isoler ses résidents dans une capsule faite de “l’étoffe dont sont faits les rêves” (“des milliers de fictions insonorisées, justifiant, chacune à son niveau, son ensommeillement” [page 61]).

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Éric Chauvier déplie quelques-uns de ces récits fictionnels dont est fait le périurbain.

Des récits qui sont autant de techniques d’usages des mondes périurbains, des manières de faire du lieu. Éric Chauvier relève ainsi “les potentiels de fictions qui se nouent derrière chacune [des] baies vitrées” (page 50) des pavillons qui l’entourent. Ce faisant, l’auteur interroge les nouvelles esthétiques paysagères en gestation dans ces espaces au loin de la ville — et conduit son lecteur à questionner la dynamique même du paysage dans les sociétés d’Occident. Si l’on s’est interrogé sur la possibilité d’avoir du paysage dans la ville, si l’on a envisagé la mort du paysage suite à une crise de la lisibilité (le déversement de l’urbain dans le rural), il se pourrait que, paradoxalement,

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[…] nous portant vers l’édification même de cette autorité que d’autres écrivains, plus soucieux d’académisme et de sciences, incarnent dans un nous de laboratoire, le nous royal comme le disent leurs exégètes, un nous

désincarné, dont l’usage est la plupart du temps absurde — tel ce fameux enchaînement, trouvé dans un livre d’anthropologie où l’auteur, après avoir mentionné son grand isolement au cœur d’une forêt primaire de Nouvelle- Guinée, écrit : nous parvînmes au cœur de notre sujet. Nous nous sommes demandés, faussement naïfs, qui était réellement “au cœur du sujet” ; puis nous avons vérifié que notre usage de la première personne du pluriel était beaucoup plus pertinent puisque nous étions réellement – pour en avoir parlé et être tombés d’accord là-dessus — “au cœur de notre sujet”.

la rencontre de l’urbain et du rural dans ces confins que sont les tissus périurbains, réinventent du paysage hybride. Sur ses marges, la ville est confrontée au grand territoire, aux espaces vides, dans une juxtaposition de champs et de parkings, de zones industrielles et de centres commerciaux, de bourgs urbanisés et d’espaces de détente qui fournissent de nouvelles matières paysagères. Le dessin tortueux des échangeurs autoroutiers, le fatras des panneaux publicitaires, l’entrelacs d’enseignes lumineuses, la juxtaposition de bouts de ville et de labours, l’urbanisme de boîtes à chaussures des zones commerciales, la production sérielle des zones pavillonnaires annoncent de fait une nouvelle esthétique paysagère que d’aucuns disent (par exemple, Éric Chauvier), filment (par exemple, Samuel Benchetrit) ou photographient (par exemple, Jürgen Nefzger) avant que cette ville émergente ne disparaisse, recouverte par une ville qui ne cesse de se transformer.

La ligne de front sur laquelle se pose Éric Chauvier est donc celle de l’esthétique, de son inscription dans ce système de classement déjà décrit par Pierre Bourdieu, où “les classeurs sont classés par leur classement”. Le déclaratif d’un certain journal – la laideur du périurbain – est ainsi conçu comme “injuste, […] inepte”, relavant d’un

“mépris de classe intolérable” (page 58). Ce faisant, Chauvier rappelle – dans une lecture en somme très lefebvrienne – que l’espace est une projection au sol de la société ; que la ville est animé de trois vitesses (gentrification, relégation, périurbanisation – Donzelot 2004) qui sont trois modalités d’inscription dans le monde social. Les gens de la capitale, qui sont aussi ceux des villes centres, new middle class du capitalisme flexible (D. Ley) et de l’économie créative (R. Florida), ne sont de la

“capitale”, du “centre” que pour autant qu’ils aient une Province, une périphérie. Le goût a ici un puissant arôme de classement.

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Mais, dans la mise en rapport de ses fragments, Éric Chauvier nous invite aussi à penser l’articulation du texte scientifique et du texte littéraire, des genres dont relèvent ces deux écritures. On sait que le rapport de ces deux écritures est devenu plus problématique après que l’anthropologie (discipline dont est issu Éric Chauvier) se fut intéressée aux modalités de son discours et à la production de ses objets dans des procédures discursives (Mondada 2000 : 12). Plus tôt, Barthes en appelait, pour sa part, à jouer avec les “glissements”, les “parodies” du langage pour se distancier de

“l'image théologique imposée par la science” et d’“ouvrir la recherche” au plaisir de l'écriture et de ses subversions (Barthes 1967 [2002] : 17). Le détournement du nous de majesté scientifique opéré par Éric Chauvier est ici exemplaire de cette pratique de distanciation que seule permet l’écriture littéraire :

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Façon comme une autre de rappeler que la description – soit-elle scientifique – reste un acte d’organisation des “faits” réalisé à partir d’un point de vue de manière à arracher un effet de conviction. La brève enquête périurbaine d’Éric Chauvier offre ainsi une description fine de la vie en lotissement en même temps qu’une exemplification pertinente de ce que l’écriture (journalistique, scientifique, littéraire)

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References

Electronic reference

Laurent Matthey, « Esthétiques périphériques. Décrire la vie périurbaine avec rigueur », Articulo - Journal of Urban Research [Online], Book Reviews, 2011, Online since 13 April 2011, connection on 03 November 2015. URL : http://articulo.revues.org/1749

About the author

Laurent Matthey

Laurent Matthey is director of the Fondation Braillard Architectes in Geneva. He also is head of research at the Centre for Urban Studies and Sustainable Development (Ouvdd) of the

University of Lausanne and research associate at the Institute of Environmental Sciences of the University of Geneva.

By this author

Tales of the City. Storytelling as a contemporary tool of urban planning and design [Full text]

Published in Articulo - Journal of Urban Research, Special issue 7 | 2015 fait avec le réel.

Barthes R. 1967 (2002). De la science à la littérature, in Barthes R. (ed.) Le bruissement de la langue. Paris, Seuil: 11-19.

Bourdieu P. 1979. La distinction: critique sociale du jugement. Paris, Minuit.

Donzelot J. 2004. La ville à trois vitesses. Relégation, périurbanisation, gentrification. Esprit 303: 14-39.

Ley D. 1980. Liberal ideology and the postindustrial city. Annals of the Association of American Geographers 64: 491-505.

DOI : 10.1111/j.1467-8306.1980.tb01310.x

Mondada L. 2000. Décrire la ville: la construction des savoirs urbains dans l’interaction et dans le texte. Paris, Anthropos.

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Navigating the heavy seas of online publishing: Reflections on ten years editorship [Full text]

Published in Articulo - Journal of Urban Research, Special editorial | 2015 Planifier autrement la métropole [Full text]

Compte rendu: Groupe Genève, 500 mètres de ville en plus, 2013. Genève, projet pour une métropole transfrontalière. Lausanne, L’Âge d’homme.

Published in Articulo - Journal of Urban Research, Book Reviews, 2014 Le nouveau récit du paysage [Full text]

Published in Articulo - Journal of Urban Research, Special issue 4 | 2013

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Published in Articulo - Journal of Urban Research, Special issue 4 | 2013

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