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Bilan fossile et ADN : le temps retrouvé

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Academic year: 2022

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Bilan fossile et ADN : le temps retrouvé

ZANINETTI, Louisette, et al.

ZANINETTI, Louisette, et al . Bilan fossile et ADN : le temps retrouvé. Info 2: Bulletin der Abteilung Mathematik, Natur- und Ingenieurwissenschaften , 1999, vol. 10, p. 8-14

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:4721

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info2 Dezember '99

L Z:aninetti'· 2, C. de Vargas', R. Mar- tini2 et J. P'awiowski', Université de Genève

Le fossile, 1.m jakm du temps Le fossile, qui est la représentation pétrifiée d'un événement biologique s'étant produit avant l'époque ac- tuelle, apparaît comme un événe- ment unique dans le passé géologi- que de la Terre. Le caractère unique du fossile en fait un événement his- torique, au même titre qu'une guerre, un règne, une dynastie, etc., dans le passé plus récent de l'histoire de l'humanité. Relativement à la très longue histoire de la vie, le fossile est donc un repère de grande précision, et c'est bien pour ses exceptionnel- les qualités de jalon du temps, qu'il se place au rang privilégié de premier élément de datation des roches sé- dimentaires.

La tectonique dialogue avec la vie La Pangée

Les continents et les mers, dont les surfaces respectives ont peu varié au cours des temps géologiques, ont en revanche connu des rivalités cons- tantes en regard de leur distribution relative à la surface du globe. Parfois même de spectaculaires fusionne-

1 Département de Zoologie et Biologie animale

2 Département de Géologie et Paléonto- logie

ments des terres émergées se sont produits, limitant ainsi la géographie planétaire à un seul continent, la célèbre Pangée, dont la formation ré- duisit presque à néant les espaces jusque là réservés aux mers épicon- tinentales. On peut penser y eut de nombreux événements de type Pangée dans l'histoire de la Terre, mais seuls les deux plus récents, qui encadrent l'ère Primaire et que 300 millions d'années environ séparent, ont laissé à la surface du globe des témoins, aussi bien géologiques que paléontologiques, de leur existence passée.

Le jeu renouvelé des dispersions et des rassemblements de blocs conti- nentaux, on le comprend, n'a pas été sans conséquence pour la vie dans les océans, modifiant également les contraintes écologiques pour les or- ganismes terrestres. De manière très générale, la régression des mers épi- continentales, en tant que lieux de prédilection pour la vie, est de nature à expliquer bon nombre d'extinc- tions biologiques, dont la fréquence se manifeste avec une certaine pé- riodicité dans le passé géologique de la Terre. L'éloignement de la mer fut aussi à l'origine de l'établissement de conditions climatiques défavora- bles au développement de la vie ter- restre, qui auraient répercuté un état de crise également dans le monde vi- vant continental. L'histoire de la planète montre que de tels événe- ments onttoujours été suivis de nou-

velles dislocations des masses con- tinentales, accompagnées du retour de la diversité biologique des mers côtières, dont la Pangée était dé- pourvue.

La Téthys

Ce vaste océan largement ouvert à I'E des terres émergées, a été pen- dant longtemps la seule étendue ma- rine directement associée à la géo- graphie planétaire (Fig. 1). Cette mer, qui communiquait avec Panthalassa, l'hypothétique ancien Pacifique, était comprise entre les deux blocs formant la Pangée, Laurasia au N, et Gondwana au S, les seuls continents que la surface du globe ait compté pendant près de 300 millions d'années, depuis l'ère Primaire jusqu'au Crétacé.

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L'histoire très étudiée de la Téthys re- flète à la perfection la dynamique continentale, révélant aussi, si l'on sait les déchiffrer, les continuelles redistributions des terres dispersées et des mers qui leur étaient asso- ciées, dont la richesse offre un con- traste frappant avec le déficit biolo- gique affiché, à toutes les époques, par les étendues pourtant infiniment plus vastes des profondeurs océani- ques.

L'évolution de la Téthys est com- plexe et des études récentes ont en effet montré que plusieurs Téthys ont existé à différentes époques du passé géologique de la Terre. Ces océans successifs, qui occupaient toujours le même emplacement entre Laurasia et Gondwana, n'ont cependant pas eu les mêmes éten-

Fig. 1: Paléogéographie planétaire au Permien supérieur (-260 Ma); Gondwana et Laurasia formaient l'unique continent de l'époque, la Pangée.

On notera l'étendue de l'océan Téthys et l'absence de mers épicontinentales.

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dues ni certes les mêmes rivages, et n'étant pas non plus du même âge, ils n'ont pas été habités par les mê- mes formes de vie. Dans l'histoire de la géodynamique planétaire, ces dif- férentes Téthys ont connu des fer- metures précoces, bien avant l'occlu- sion tardive du dernier océan téthy- sien au Tertiaire, lors de l'orogenèse alpine. L'une de ces fermetures, dont l'accomplissement marque la fin de l'ère Primaire, fut sans doute la cause de la plus grande vague d'extinction jamais observée dans les peuple- ments de Protistes et d'Invertébrés marins, pour les 600 derniers mil- lions d'années. L'impact de cet évé- nement majeur pour l'évolution de la vie, connu sous le nom de crise permo-triasique, constitue un in- épuisable champ d'investigation dans le domaine plus général des re- cherches sur les extinctions biologi- ques qui jalonnent l'histoire de la biosphère depuis ses origines, prenant parfois l'allure de véritables catastrophes.

la plupart des enseignements que nous possédons sur l'évolution paléogéographique planétaire sont tirés d'interprétations de tectonique globale, mais aucune des nombreu- ses hypothèses relatives, notam- ment, à la paléodynamique téthy- sienne ne trouverait de véritable sup- port, ou de confirmation en géologie, sans une étude minutieuse de la na- ture et de la séquence des peuple- ments biologiques de l'ancien océan téthysien, peuplements en continuel renouvellement au cours des millé- naires. Et c'est bien dans la carac- térisation de ces associations suc- cessives d'organismes à travers les

âges, que les études paléontologi- ques conduites dans le domaine téthysien trouvent leur vrai fonde- ment scientifique, leur pleine justifi- cation, en effet tout leur sens.

Terre et comm!.mallltés viva11tes Bilan fossile et ADN: éclaircir les branches touffues de l'arbre de la vie

la fossilisation, un événement mani- festement à caractère exceptionnel, exige des conditions favorables d'enfouissement et de diagenèse, qui sont loin d'être toujours réalisées dans la nature. le fossile néanmoins reste un événement possible, un évé- nement devient même certain comme le montre la paléontologie, compte tenu de la durée excep- tionnelle du temps à la disposition de l'évolution de la vie, et de l'infinie di- versité des conditions environne- mentales, dont de nombreuses se sont montrées propices à la conser- vation des organismes (Fig. 2). C'est bien pour cela que le bilan fossile, autrement dit tout ce que la planète peut encore révéler des êtres qui l'ont habitée, offre une vision globale plutôt satisfaisante de la diversité biologique tout au long de l'histoire de la Terre. En outre, la progression des connaissances scientifiques ne cesse de contribuer à l'enrichisse- ment du bilan fossile; de nouvelles morphologies sont découvertes cha- que jour, qui permettent de recon- naÎtre des taxons jusqu'alors ignorés et, pour les applications en géologie, d'affiner les échelles biostratigraphi- ques.

C'est là le rôle traditionnel du fossile dans l'interprétation géologique, mais de manière plus marquée au- jourd'hui les études paléontologi- ques s'orientent vers une meilleure compréhension des relations phylo- génétiques entre les êtres, à travers le milliard d'années de l'évolution des seuls Eucaryotes. Démêler le ré- seau complexe des liens unissant les espèces actuelles et anciennes per- met de comprendre comment les phénotypes se sont transformés, et comment les plans d'organisation de la vie se sont établis et modifiés à tra- vers le temps et l'espace.

Dans ce domaine, le bilan fossile, malgré son incomplétude certaine, reste d'une importance cruciale en tant que cadre objectif d'étude. N'ou- blions pas que le bilan fossile de- meure aussi le seul accès aux nom- breuses espèces ou aux groupes

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Fig. 2: Neo- schwagerina craticulifera (Schwager).

Foraminifère fusulinide du Permien téthysien.

longueur 2,5 mm

disparus. Cependant, deux problè- mes majeurs entachent l'interpréta- tion de l'histoire évolutive des orga- nismes, basée sur le bilan fossile (Fig. 3A): comment interpréter la va- riabilité morphologique en terme d'espèces, c'est-à-dire en unités bio- logiques stables dont les individus auraient partagé, ou partagent, leur matériel génétique? et surtout, après avoir plus ou moins arbitrairement défini les limites morphologiques de l'espèce, ou d'un groupe d'espèces, quels sont les liens phylogénétiques entre ces lignées morphologiques?

Cette dernière question est particu- lièrement importante et difficile à élucider par l'analyse du bilan fos- sile, car, s'il est relativement simple de repérer et de suivre une morpho- logie donnée à travers les couches sédimentaires, il est beaucoup plus hypothétique, sinon vain, d'affirmer

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que telle morphologie dérive de telle ou telle autre, contenue dans des ni- veaux sous-jacents. En paléontolo- gie, de telles hypothèses phylo- génétiques reposent exclusivement sur des analyses de ressemblances

A Microfossiles

(caractères morphologiques)

des caractères morphologiques dans un cadre stratigraphique.

L'introduction récente des méthodes de la biologie moléculaire dans la re- cherche de l'origine des groupes, notamment l'analyse comparative

B Séquences d'ADN (caractères moléculaires)

Extraction de l'ADN Amplification par PCR

Séquençage d'un gène TTTTCGGCTA espèce i ATTTGGGCCA espèce 2 AATTGGCCCA espèce 3

~

sp.l sp.2 sp.3

PLEISTOŒ,;. ,?" .. --~.,----...,-.,---...,----

= E

Fig. 3: Exemple théorique de l'utilisation complémentaire des données du bi- lan fossile et de l'analyse moléculaire pour la résolution de problèmes de phy- logénie.

A. Les barres verticales représentent les extensions stratigraphiques des espè- ces morphologiques, dont les liens phylogénétiques demeurent hypothétiques.

B. L'analyse des séquences d'ADN d'espèces vivantes permet de reconstruire un arbre phylogénétique qui éclaircit la phylogénie et peut être calibré dans le temps à l'aide du bilan fossile.

Les étoiles aux nœuds de l'arbre marquent les événements de séparation génétique (spéciation) donnés par l'analyse moléculaire, et qui permettent d'ar- ticuler les extensions stratigraphiques fossiles.

de séquences de l'ADN extrait d'êtres vivants représentant tous les échelons de la vie, a donné un nou- vel essor aux sciences de l'évolution.

D'une part, les données moléculaires permettent d'établir rapidement des arbres phylogénétiques repré- sentent les relations (les nœuds de l'arbre) et l'éloignement (la longueur des branches) entre les espèces ou les lignées considérées (Fig. 38). Les analyses moléculaires sont donc un moyen indépendant et objectif pour tester les hypothèses phylogéné- tiques basées sur les données mor- phologiques et stratigraphiques du bilan fossile (Fig. 3).

D'autre part, les données moléculai- res permettent de cerner les espèces dans leur essence même, c'est-à-dire sur la base de leur matériel géné- tique. Dès lors, la combinaison d'étu- des génétiques et morphologiques chez des espèces vivantes offre un moyen efficace de distinguer les ca- ractères morphologiques soumis à l'impact de l'environnement (éco- phénotypiques) de ceux possédant un véritable fondement génétique, une information prec1euse pour réinterpréter le bilan fossile.

Temps, stratigraphie et horloge moléculaire

Une question centrale en Evolution est celle de l'origine des taxa. En paléontologie, l'apparition d'un groupe d'organismes ou d'une espèce est datée d'après la couche sédimentaire la plus profonde dans laquelle le groupe en question est ob- servé pour la première fois. Dans les études comparatives de séquences d'ADN, le nombre de mutations dif-

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férenciant les lignées (distances génétiques) est, sous l'hypothèse de l'horloge moléculaire, proportionnel à la durée du temps qui les sépare.

L'analyse des séquences génomi- ques devrait donc permettre de révi- ser la datation des origines des grou- pes et de leurs radiations basées sur les données du bilan fossile, datation qui netientpascomptede l'existence de formes ancestrales non-fossi- lisées, ou de fossiles rares plus an- ciens, ou encore d'organismes in- connus.

Les microfossifes au secours de l'ADN

Pour remonter dans le temps à l'aide de l'analyse des séquences d'ADN, il est indispensable de donner une di- mension temporelle à l'arbre phylo- génétique moléculaire ainsi recons- titué. Aujourd'hui, seules les données fossiles sont à même de fournir des repères temporels per- mettant le calibrage des données moléculaires.

Par ailleurs, la datation par l'analyse comparative de l'ADN n'est possible que sous l'hypothèse de l'horloge moléculaire, qui assume un taux de mutation constant pour un gène donné. Ce modèle simple et large- ment admis, est loin d'avoir été ob- jectivement testé. Pour évaluer le concept de l'horloge moléculaire, nous pensons qu'un retour vers le temps plus concret exprimé dans les bases stratigraphiques est inévi- table.

Par leur abondance et leur bilan fos- sile très complet, les microfossiles, notamment les foraminifères, se prê- tent particulièrement bien à l'étude

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des taux de l'évolution moléculaire.

Dans ce cadre, il devient donc possi- ble de dater un maximum de nœuds dans l'arbre phylogénétique molé- culaire, puis de calculer et comparer les taux de mutation, sont de l'or- dre de quelques substitutions de nucléotides par million d'années pour le gène ribosomique, dans les différentes lignées analysées. Les travaux effectués sur les gènes ribo- somiques des foraminifères ont montré pour la première fois des dif- férences de vitesses d'évolution al- lant jusqu'à 50 fois entre les divers groupes taxonomiques. Ces taux né- anmoins semblent être plus stables à l'intérieur d'un même groupe, avec toutefois des espèces à horloge ra- pide, c'est-à-dire ayant accumulé beaucoup plus de mutations que les taxa voisins, pour un gène donné.

Nos résultats montrent clairement que l'horloge moléculaire n'est cer- tes pas unique chez les foraminifè-

res, mais s'est scindée en plusieurs horloges locales ou même spécifi- ques, battant à des rythmes très dif- férents.

De tels progrès, encore difficilement concevables il y a à peine dix ans, ont donné une impulsion nouvelle et considérable aux sciences paléonto- logiques, par la reconnaissance du fossile à sa vraie valeur de témoin de la vie passée, et non de seul mar- queur historique assez éloigné de tout contexte biologique et phylo- génétique. L'implication de l'analyse génétique dans les études morpho- logiques a en quelque sorte trans- posé la paléontologie au niveau des gènes, pour une meilleure com- préhension de l'expression phéno- typique du génome, et consécutive- ment pour des perspectives d'avenir plus solidement fondées dans l'ap- proche de !'évolution biologique dans son infinie complexité.

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