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Arbitrage international et responsabilité parentale

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Arbitrage international et responsabilité parentale

ROMANO, Gian Paolo

ROMANO, Gian Paolo. Arbitrage international et responsabilité parentale. In: "Le règlement des différends à la croisée des chemins", Journée en l'honneur de la Professeure Gabrielle Kaufmann-Kohler, organisée par le Département de droit international privé et de droit comparé, 27 septembre 2018, Genève, 27 septembre, 2018, p. 1-11

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:135169

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« Arbitrage international et responsabilité parentale »

Intervention prononcée dans le cadre de la Journée en l’honneur de Gabrielle Kaufmann-Kohler, organisée par le Département de droit international privé et de droit comparé de l’Université de Genève sur

« Le règlement des différends à la croisée des chemins » Gian Paolo Romano,

Université de Genève, UNIMAIL, 27 septembre 2018

Mesdames et Messieurs, c’est un honneur de rendre hommage à la Professeure Kaufmann-Kohler, à notre « Gabrielle », pour les ami(e)s, dont sans doute une partie importante du public.

Gabrielle à laquelle je suis redevable à tant d’égards, et d’abord de m’avoir nommé professeur !

C’était en 2010.

Elle présidait la commission de nomination.

Et on imagine le poids de sa voix, et de son vote (comme toujours).

La Professeure Kaufmann-Kohler est donc, pour moi, la personne sans qui rien ne serait ce qui est sans qui je n’éprouverais pas la joie que j’éprouve tous les jours en fréquentant ces lieux et les étudiants et les collègues qui les fréquentent à leur tour.

***

Les innombrables qualités formant ce qu’il est tentant d’appeler le « génie » de Gabrielle seront célébrées tout au long de cette journée.

Je souhaiterais, pour ma part, en relever deux.

La première est sa capacité d’humaniser le droit, le discours sur le droit ;

de voir dans le droit un instrument au service des êtres humains, et des groupe- ments qu’ils forment, sociétés commerciales, collectivités étatiques jusqu’à la

« grande famille humaine » (pour citer Kofi Annan, récemment disparu).

J’ai rencontré la Professeure Kaufmann-Kohler il y a dix ans, à l’Institut suisse de droit comparé.

Nous l’avions invitée pour présider la session de l’après-midi de la journée de droit international privé.

Elle arrive… à temps, mais juste à temps.

Je ne l’ai jamais vue en retard, mais pas non plus en avance.

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Adhésion au credo selon lequel être à l’avance, c’est une perte de temps, ce temps dans la gestion, dans l’optimisation duquel Gabrielle est maître inégalée.

Aautre composante, et non des moindres, de son génie.

Alors, pendant cette session de l’après-midi à Lausanne, les interventions me paraissaient truffées de concepts abstraits, éthérés. Pauvres en exemples.

Voilà Gabrielle présidente ramener le débat à un niveau… terre-à-terre, celui où le plus souvent évoluent les êtres humains et où par conséquent se rencontrent les problèmes que le droit vise à résoudre.

En quelques mots de synthèse, elle a isolé avec lucidité les vrais problèmes, en les séparant des scories des raisonnements des uns et des autres, et permettant au débat de s’engager dans des voies constructives.

***

La deuxième qualité consiste à savoir puiser dans son expérience, au besoin dans son intimité, pour poursuivre une plus grande efficacité pédagogique.

Illustration.

Soutenance de thèse en 2013 d’un collaborateur du Département.

Gabrielle est membre du jury.

Dans son intervention, elle évoque un échange qu’elle avait eu la veille, au dîner, avec sa fille.

La fille qui demande à la mère (qui est en train de lui préparer à manger, ou alors c’est plutôt l’inverse… on ne le saura pas) pourquoi il est si important d’être, en droit, attentif à l’expression.

Scène d’intimité familiale exploitée par Gabrielle la pédagogue pour faire com- prendre au doctorant qu’il fallait éliminer quelques négligences formelles qui traînaient encore dans son manuscrit.

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Je souhaiterais rendre hommage à ces qualités en essayant de les pratiquer dans mon propos d’aujourd’hui, qui voudrait alimenter la réflexion sur la justice internationale arbitrale, sur la direction qu’elle prend ou pourrait prendre (quo vadit ? : où va-t-elle), en me demandant quelle place pourrait lui revenir dans le contentieux familial transnational…

…et notamment de la responsabilité parentale.

Domaine non-patrimonial.

Et c’est pourquoi, on a tendance à le considérer imperméable à l’arbitrage, à y voir l’un des remparts de la justice mono-étatique (selon le mot qui aura ma préfé- rence).

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Eh bien, pour analyser tout cela, je commencerai par vous raconter deux histoires.

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La première a pour protagonistes deux époux libanais sunnites qui se sont installés à Genève quelques années après leur mariage.

Ils ont un enfant, Naël.

Naël vit à Beyrouth, d’abord, puis à Genève.

Il parle deux langues couramment, arabe et français.

Hélas pour lui, quand il a huit ans, une crise éclate entre ses parents.

Le père retourne vivre au Liban, et il souhaite que son fils s’y réinstalle avec lui.

La mère veut que Naël continue de grandir à Genève (avec elle).

A défaut d’accord entre les parents, il faut qu’une autorité – neutre, impartiale, équidistante des parties – arbitre leur conflit.

Seulement, les juges de deux Etats ont ici « vocation » à le trancher.

Et cette double vocation juridictionnelle s’est concrétisée.

Le TPI de Genève, saisi par la mère, affirme sa compétence en vertu de la rési- dence de l’enfant.

Et c’est à la mère qu’il attribue la garde de Naël, qui devra intégrer, à la rentrée 2013-2014, le Collège du Léman.

Voilà pour le côté suisse.

***

Mais il y a un côté libanais.

Car le père s’oppose à ce qu’un tribunal helvético-helvétique ait le dernier mot.

Il saisit donc le juge de Beyrouth, lequel s’estime compétent en vertu de la natio- nalité et de la religion, des intéressés ;

il néglige la litispendance, confie la garde au père et enjoint à la mère de lui re- mettre Naël, qui devrait suvire l’Ecole américaine de Beyrouth.

Alors, le conflit parental est-il résolu ?

Nous sommes face à un conflit helvético-libanais de décisions.

Affrontement entre deux justices mono-nationales, qui se neutralisent.

Naël ne sait toujours pas qui a la garde sur lui.

Il est plongé dans ce qui a l’apparence d’un « déni international de justice ».

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Tournons-nous vers le cas d’étude numéro 2, qui a pour protagonistes Madame Sneersone, de nationalité lettone, et Monsieur Campanella, italien.

Ils se rencontrent à Rome.

De leurs œuvres (comme on dit un peu élégamment) naît un enfant, Marko, qui a la double nationalité, lettone et italienne.

Les parents de Marko vivent ensemble dans la Ville éternelle.

Mais leur union… n’est pas éternelle.

Car lorsque Marko atteint l’âge de quatre ans, ses parents se séparent.

S’estimant sans perspective en Italie, Madame Sneersone retourne en Lettonie.

Avec Marko bien évidemment.

Sans solliciter l’autorisation du père.

Techniquement, il s’agit d’un enlèvement, au regard de la Convention de La Haye de 1980.

Or le père, irrité par ce coup de force unilatéral, saisit le Tribunal de Riga, lequel refuse d’ordonner le retour de Marko à Rome, et en confie la garde à la mère.

Mais… M. Campanella s’est entre-temps adressé au Tribunal de Rome, qui statue en sa faveur et ordonne à la mère de ramener Marko en Italie.

Eh bien, le conflit entre la mère et le père de Marko a généré un conflit entre l’« Etat de la mère », la « mère-patrie » au sens propre du terme, la Lettonie, et l’« Etat du père » – Vaterland en allemand – l’Italie.

***

Ne dit-on pas l’« enfant du pays » ? Or Marko est l’enfant de deux pays.

Il a non seulement deux parents, coresponsables à titre primaire de son bien-être ; mais aussi deux Etats dont il est l’« enfant », qui en sont responsables à titre subsi- diaire.

Ces deux responsables subsidiaires – la Lettonie et l’Italie – sont tout autant en désaccord que le sont les deux responsables primaires, la mère et le père.

Et du fait de ce désaccord, ils alimentent la guerre parentale au lieu de l’apaiser.

***

Ces deux affaires n’ont rien d’exceptionnel.

Il suffit, pour s’en apercevoir, de parcourir le résumé des batailles judiciaires four- ni par la CJUE à l’occasion des décisions rendues sur Bruxelles II-bis.

Prenons, au hasard, une affaire toute récente.

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Mère lituanienne et père néerlandais.

Quinze décisions au total, six ans de lutte acharnée, coûts financiers qui explosent, pour les parents et les contribuables ;

les décisions lituaniennes quasi-systématiquement en faveur de la mère, décisions non reconnues aux Pays-Bas, dont les juges se prononcent en faveur du père.

Deux machines judiciaires mono-nationales qui auront tourné largement à vide car elles auront tourné l’une contre l’autre.

Enorme gaspillage !

Puisque le droit se dérobe, rien n’empêche que ce conflit entre humains soit solutionné par une irruption de la loi de nature – loi du plus fort, du plus rapide, du plus endurant –, celle-là même qui domine dans la jungle, et aussi dans la savane, dans la steppe et dans les océans.

***

Dans une affaire semblable – franco-suisse – le curateur m’a confié (je cite) :

« L’enfant est en très grande détresse.

Il se sent responsable du conflit entre ses parents et maintenant aussi du conflit étatique au sujet de la meilleure manière de trancher le conflit entre ses parents.

Tout cela est insupportable pour lui.

Il fait une crise suicidaire ».

***

Je crois que tout le monde est d’accord :

le bien de nos enfants impose que l’on prévienne ces situations.

Mais comment ?

Eh bien, je me suis permis de demander l’avis… l’avis de qui ?

Non, pas de Gabrielle ; enfin, j’aurais pu, mais je n’osais pas la déranger.

J’ai demandé l’avis d’un enfant.

N’insiste-t-on pas sur l’importance qui revient à la « parole » des enfants, à leur point de vue ?

Cet enfant m’est proche.

Il s’agit de ma nièce.

Elle s’appelle Matilde.

Elle a bientôt treize ans.

Elle est italienne, vit à Milan.

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Elle se prend parfois pour une star, et, comme certaines stars, elle se rend souvent en Suisse pour les vacances.

Elle aime bien des choses de la Suisse :

les pistes de ski, le soleil de l’Engadine, les trains de montagne, les cabanes avec leur drapeau…

Eh bien, lors d’une randonnée il y a quelques temps, en remuant ces questions dans mon esprit, je l’ai interrogée ainsi :

« Imagine pour un instant que ton Papa est suisse ; que Maman et Papa vivent séparés ;

Maman veut que tu habites avec elle en Italie ; Papa veut que tu habites avec lui en Suisse.

Maman va voir le juge italien.

Papa va voir le juge suisse.

Le juge italien te dit : ‘tu vivras avec Maman en Italie’.

Et le juge suisse te dit : ‘tu vivras avec Papa en Suisse’.

Qu’est-ce qu’on fait ? ».

Sa réponse, immédiate :

« On licencie les deux juges » (« li licenziamo entrambi »).

« D’accord, mais… si on licencie les deux, on fait comment, tu n’as toujours pas de réponse ? ».

« Appelons Obama » (« Chiamamo Obama »).

C’est la perception de la sagesse de l’ancien Président américain, et de son

« équi-distance » de la Suisse et de l’Italie, qui a sûrement inspiré à Matilde cette idée.

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Or imaginons que nos protagonistes s’en inspirent eux aussi.

Et que, dans la première affaire, les deux parents, pour surmonter l’impasse résul- tant du conflit helvético-libanais de décisions, s’en remettent à un « panel » suisse et libanais de trois sages qu’ils concourent de manière paritaire à former.

La mère désignera un spécialiste suisse (parmi des noms qui figurent dans une liste établie par la Suisse).

Il peut s’agir d’un juge à la retraite, ou du Professeur Hirsch (excellent candidat).

Le père désignera un juriste libanais.

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Quant au troisième membre, on peut (soyons créatifs, comme nos enfants) s’en remettre au Secrétaire général de la Conférence de la Haye ou au Président du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies.

Ne nous attardons pas sur la procédure que suivra ce Collège.

Supposons la décision de la teneur suivante : Naël vivra jusqu’à ses 16 ans à Genève ;

le père bénéficiera de larges droits de visite qu’il pourra exercer bi-territoriale- ment, au Liban et en Suisse ;

à l’âge de 16 ans, Naël sera, à moins qu’il ne s’y oppose, scolarisé à Beyrouth.

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Quelle serait la valeur d’une telle décision ?

Rien dans la Convention des Nations Unies de 1958 n’empêche les Etats qui l’ont ratifiée de l’appliquer aux litiges non commerciaux.

L’obstacle viendrait plutôt des textes nationaux définissant l’arbitrabilité.

Pour la LDIP suisse, c’est la « matière patrimoniale » qui la marque.

D’autres Etats adoptent une notion plus large : par exemple l’Allemagne et le Por- tugal.

La ZPO et la loi portugaise énoncent que, s’agissant de contestations non-patri- moniales, la voie de l’arbitrage reste ouverte…

…aussi longtemps que sont en cause des matières au sujet desquelles les parties ont la liberté de conclure un accord.

Je pense que la responsabilité parentale devrait assez largement satisfaire à tel critère.

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Mais épiloguer sur la lettre de telle ou telle loi, ne me paraît pas la meilleure ma- nière d’aborder la question.

Il faut s’attaquer aux réserves qu’inspire la justice arbitrale en notre matière.

J’ai identifié trois séries d’arguments.

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Le premier prend appui sur l’ordre public.

C’est là une matière d’ordre public.

A quoi on peut observer que le conflit entre les ordres juridiques libanais et suisse traduit en quelque sorte un conflit d’ordres publics :

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chacun des Etats a sa propre idée de la manière d’ordonner au mieux le régime transfrontalier de la garde et des visites.

Un conflit d’ordres ne procure pas de l’ordre, mais bien du désordre.

Exemple banal.

Si un couple souhaite faire de l’ordre dans son appartement, et que Madame a sa vision de comment ranger les choses et que Monsieur a sa vision de comment ranger les choses, et qu’aucun n’est prêt à faire des concessions, il y a des chances que cet espace reste en désordre.

En acceptant de remplacer leurs décisions de justice mono-nationale contradic- toires par une décision de justice internationale arbitrale – une seule – la Suisse et le Liban feraient véritablement profiter Naël et ses parents d’un ordre public digne de ce nom, qui ne peut être, ici, que bi-étatique, bi-territorial.

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Le deuxième argument tient à l’indisponibilité des droits.

Supposons que les droits en question soient vraiment indisponibles.

Soit.

C’est tout de même paradoxal d’assimiler la démarche entreprise par les parents de Naël, qui s’adressent au Collège de trois sages, à une disposition, c’est-à-dire une renonciation, de leurs droits de garde et de visite.

C’est précisément pour savoir quels sont leurs droits et leurs obligations qu’ils se tournent vers un tribunal sur-étatique.

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Troisième réserve :

l’intérêt étatique au premier plan dans ce domaine est incompatible avec le ca- ractère prétendument privé du juge arbitral.

Quel est au juste cet intérêt étatique ?

Il pourrait s’agir de la possibilité pour un Etat de contrôler la manière dont le sort de l’enfant est tranché.

Par quoi on est obligé d’admettre que si l’enfant et les parents ont des liens avec deux Etats, chacun de ces Etats peut avoir un intérêt à ce que le conflit soit tranché d’une certaine manière.

Prenons le cas d’étude n° 2.

En dessous de la dimension inter-parentale du litige au sujet de cet enfant italo- letton, qui reste prépondérante, on peut voir une dimension inter-sociétale.

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La collectivité italienne et la collectivité lettone pourraient chacune avoir un inté- rêt à exercer la responsabilité subsidiaire sur Marko et, notamment, à voir Marko grandir auprès du parent qui a des liens au sein de cette collectivité.

S’il en est ainsi, un juge italien, ne risque-t-il pas de ne plus être, pour ce qui est de cette dimension inter-étatique du conflit, « neutre et indépendant » ?

Autrement dit, si la collectivité italienne est aussi partie subsidiaire à la cause, en concours avec la collectivité lettone, le juge italien n’est pas au-dessus des parties, super partes :

mais en tant qu’organe de la collectivité italienne, il finit par être « partie d’une partie », c’est-à-dire partial.

Voyez, Mesdames et Messieurs, le paradoxe :

la présence d’un intérêt étatique dans la résolution du contentieux autour de l’en- fant bi-national, et la présence de deux Etats, loin de disqualifier la justice inter- nationale arbitrale, semble plutôt disqualifier la justice judiciaire mono-na- tionale.

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L’ouvrage de Gabrielle Kaufmann-Kohler sur l’arbitrage international indique, dans ces premières pages, que « l’avantage principal de l’arbitrage international est sa neutralité ».

La « neutralité » d’un tribunal n’est pas simplement un plus auquel l’on pourrait renoncer,

mais une caractéristique consubstantielle à la justice.

Pourquoi, au juste, une telle garantie de neutralité devrait être déniée aux indivi- dus impliqués dans un litige familial où la composante étatique, et donc le risque de partialité du juge mono-étatique, pourrait être plus accusée que dans des litiges commerciaux ?

Et d’ailleurs ce serait intéressant de poser à Naël et à Marko la question que voici :

« tu préfères que le juge qui dira si c’est ta mère ou ton père qui habitera avec toi soit un juge choisi uniquement par ton père ou uniquement par ta mère ou un juge choisi par l’un et l’autre ? ».

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J’en viens au caractère prétendument privé du juge arbitral.

D’abord, la fonction confiée au tribunal arbitral est une fonction publique : de régler les conflits entre les membres de la société afin d’éviter qu’ils ne se fassent justice eux-mêmes :

ce en quoi consiste la vraie justice privée.

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Mais surtout, qu’il relève de l’essence de l’arbitrage international de résoudre des conflits entre intérêts privés uniquement – entre sociétés commerciales – voilà qui est démenti par l’histoire, ancienne et récente.

L’arbitrage dit de l’« Alabama », dont on sait qu’il a inauguré le succès de Genève comme place privilégiée, opposait les Etats-Unis et la Grande Bretagne.

Est-ce que le turinois Sclopis, qui présidait ce vénérable collège, et ses partenaires étaient des juges privés ?

S’ils l’étaient, cela ne les a pas empêché d’arbitrer un conflit à composante inter- étatique exclusive.

Pourquoi alors des juges arbitraux seraient mal positionnés pour trancher un con- flit à composante inter-étatique modérée, tels ceux au sujet de la responsabilité parentale ?

***

Songeons ensuite à l’arbitrage en droit administratif ou en droit fiscal.

La Suisse et le Liban ont conclu une convention qui prévoit qu’un désaccord entre leurs administrations fiscales – au sujet de la résidence fiscale d’une personne qui a des affaires dans les deux Etats – doit être résolu par un tribunal helvético- libanais.

Pourquoi la Suisse et le Liban ne pourraient-ils pas s’y prendre de la même ma- nière pour trancher un conflit au sujet la résidence d’un enfant helvético-libanais ? Comment enfin ne pas mentionner l’arbitrage dit d’« investissement » au déve- loppement duquel la Professeure Kaufmann-Kohler a fourni l’apport de ses somp- tueuses ressources intellectuelles.

C’est précisément parce que l’Etat hôte peut avoir un intérêt dans le contentieux résultant de tels investissements…

…que l’investisseur est habiliter à s’adresser à un tribunal international arbitral.

***

Je reviens à nos cas d’étude.

Si l’on décide d’ouvrir aux parents de Naël ou de Marko l’accès à un tribunal international pour trancher un conflit de décisions, pourquoi ne pas leur permettre de s’y adresser dès le départ ?

On aurait fait économiser du temps et l’argent à nos personnages et aux contri- buables.

Je souhaiterais également citer un avantage supplémentaire.

Il est important.

Il y a deux semaines, j’ai invité à déjeuner, à Lausanne, Isabelle Neulinger :

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protagoniste d’une affaire célébrissime d’enlèvement israélo-helvétique de son enfant.

Madame Neulinger m’a confirmé que c’est parce qu’elle sentait qu’elle n’obtien- drait pas justice devant les juges israéliens – qui avaient pris fait et cause pour le père juïf (ultra-orthodoxe) – qu’elle s’est résolue à ce geste désespéré qu’est l’enlèvement de son enfant.

Si l’on élimine la mono-nationalité du tribunal, et la perception de partialité qui s’y attache, on préviendra des enlèvements.

On réduira la litigiosité internationale.

On épargnera à certains de nos enfants les traumatismes résultant des litiges entre leurs parents.

Cela me fait penser à ce que Pierre Lalive, autre grand genevois, disait de la clause arbitrale :

sa première fonction est de concourir à la prévention du contentieux, en conjurant la course vers le for, et le conflit de juridictions.

***

Je pense, pour conclure, qu’ouvrir aux familles transnationales l’accès à des tri- bunaux transnationaux – reflétant leur double ou multiples origines, cultures, langues, parfois religions – ce serait évoluer dans la voie du progrès.

Mesdames et Messieurs, chère Gabrielle, je vous remercie.

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