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Les pensions en Suisse : architecture, régime de base public, régimes professionnels

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Les pensions en Suisse : architecture, régime de base public, régimes professionnels

GREBER, Pierre-Yves

GREBER, Pierre-Yves. Les pensions en Suisse : architecture, régime de base public, régimes professionnels. Cahiers genevois et romands de sécurité sociale , 1994, no. 12, p. 59-99

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43508

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 59

DOCTRINE P.-Y. GREBER

LES PENSIONS EN SUISSE : *

ARCHITECTURE, REGIME DE BASE PUBLIC, REGIMES PROFESSIONNELS Pierre-Yves GREBER

Professeur à la Faculté de Droit de Genève

Membre du Bureau de l'Institut européen de sécurité sociale

1. INTRODUCTION

1.1 La sécurité sociale en Suisse : un rappel général 1.2 Les caractéristiques du système actuel

2. L'ARCHITECTURE DES PENSIONS EN SUISSE 2.1 L'origine

2.2 L'architecture

2.3 L'évaluation de l'architecture

3. LES CARACTERISTIQUES ET TENDANCES MAJEURES DU REGIME PUBLIC DE PENSIONS

*

3.1 Les éventualités couvertes

3.1.1 Les définitions sont juridiques 3.1.2 L'éventualité retraite ou vieillesse

Texte établi sur la base de trois rapports présentés dans le cadre du Séminaire inter- national du droit comparé du travail, des relations professionnelles et de la sécurité sociale, Université "Attila Jozsef", SZEGED (Hongrie), 3e session - 22 au 26 août 1994, et d'une conférence destinée aux cadres de la Sécurité sociale hongroise, à l'Université de Szeged, le 25 août 1994.

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P.-Y. GREBER

3.1.3 3.1.4

L'éventualité invalidité

L'éventualité décès du soutien de famille ou survivants 3.2 Le champ d'application personnel

3.3 La fonction du régime 3.4 La nature du régime 3.5 Le calcul des prestations

3.6 Une portée limitée, des compléments nécessaires 4. LES REGIMES PROFESSIONNELS DE PENSIONS

4.1 Une modification fondamentale de l'environnement 4.2 Les fondements juridiques

4.3 Les éventualités couvertes

4.3.1 L'éventualité vieillesse ou retraite 4.3.2 L'éventualité invalidité

4.3.3 L'éventualité décès du soutien de famille ou survivants 4.4 Le champ d'application personnel

4.5 La fonction des régimes et les principes 4.6 Le calcul des prestations

5. CONCLUSION

DOCTRINE

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 61

DOCTRINE P.- Y. GREBER

1. INTRODUCTION

1.1 La sécurité sociale en Suisse un rappel général

1. Les éventualités vieillesse ou retraite, décès du soutien de famille et invalidité sont incluses dans la sécurité sociale suisse. Il en va d'ailleurs de même des autres éventualités considérées par la Convention OIT n° l 02 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952), à savoir : soins médicaux, indemnités de maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles, chômage, charges familiales1,2.

2. Toutes ces éventualités ne sont pas prises en considération dans un système ration:.

nel de sécurité sociale, qui aurait des finalités bien définies et qui serait cohérent dans toutes ses composantes : conception de la protection, champ d'application personnel, champ d'application matériel (éventualités), prestations, organisation administrative, fi- nancière et contentieuse. Il n'y a pas, en Suisse, d'architecture générale de la sécurité so- ciale, de vision d'ensemble. Au contraire, la protection résulte d'une série de régimes, adoptés à des périodes différentes (de 1912 aux années quatre-vingt-dix), fondés sur des lois différentes. Le législateur n'a pas suivi de modèle, c'est ainsi la diversité qui prévaut, de la conception de la protection à l'organisation3 . Cependant, la Constitution fédérale - en partie, en raison même de la nécessité de distinguer clairement les compétences entre la Confédération (l'Etat Central) et les Cantons - contient des dispositions relativement pré-

1 Pour la Convention OIT n • 102 et les instruments qui élèvent cette norme minimum, voir p. ex. : - Alexandre BERENSTEIN : La Suisse et le développement international de la sécurité sociale. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung [Bern] 1981, pp. 161 sv. - Pierre LAROQUE : L'Organisation in- ternationale du travail et la sécurité sociale. Revue internationale de sécurité sociale 1969, pp. 513 sv. - Carlos MARTI BUFILL: Les conventions sur la sécurité sociale et le rôle joué par !'OIT dans l'établissement de normes. Revue internationale de sécurité sociale 1969, pp. 538 sv. - OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (34e session-1951, 35e session-1952) : Rapport IV (1) et IV (2) : Objectifs et normes minima de la sécurité sociale. Rapports Va (1) et Va (2) : Norme minimum de la sécurité sociale. Bureau international du Travail. Genève 1950, 1951 et 1952. - Albrecht OTTING : Les normes internationales du travail, ossature de la sécurité sociale. Revue internationale du Travail 1993, pp. 183 sv. - Guy PERRIN : Le rôle de !'Organisation internationale du travail dans l'harmonisation des conceptions et des législations de sécurité sociale. Droit social [Paris] 1970, pp. 457 sv. - Pierre-Yves GREBER : Droit suisse de la sécurité sociale. Avec un aperçu de théorie générale et de droit international. Réalités sociales.

Lausanne 1982, pp. 59 sv. - Günther NAGEL/Christian THALAMY : Le droit international de la sécurité sociale. Collection "Que sais-je", n • 2872. Presses Universitaires de France. Paris 1994.

2 La Convention OIT n · 102 a ainsi apporté une définition, classique, de la sécurité sociale incluant neuf éventualités. Sous la pression des besoins, deux éventualités "nouvelles" devraient s'ajouter à cetté liste : la dépendance du grand âge, la pauvreté et l'exclusion.

3 Voir p. ex. : Philippe BOIS : Spécificités de la politique sociale en Suisse. In : Droit et politique sociale. Tra- vaux réunis par P. de Laubier et J.-P. Fragnière. Delta. Vevey 1980, pp. 29 sv. - Jean-Pierre FRAGNIERE:

Spécificités helvétiques. Revue française des affaires sociales 1985, n • 4, pp. 7 sv. - Arnold GYSIN : Mannigfaltigkeit und Koordination in der schweizerischen Sozialversicherung. Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung 1958, pp. l sv. - Jürg SOMMER: Das Ringen um soziale Sicherheit in der Schweiz. Thèse de St. Gall. Reihe Arbeits- und Sozialwissenschaft, Band 1. Rüegger. Diessenhofen 1978. - Hans Peter TSCHUDI : La politique sociale depuis 1950. In : La politique sociale dans les pays occidentaux. Diagnostics 1945-1980. Travaux réunis par R. Girod et P. de Laubier. Réalités sociales. Lausanne 1982.

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P.-Y. GREBER DOCTRINE

cises qui montrent les perspectives générales. Nous verrons ainsi que le but des régimes de pensions est fixé par ce texte fondamental.

3. Les reg1mes qui composent la sécurité sociale en Suisse peuvent être représentés sous la forme du tableau suivant :

Régime d'assurance- maladie

Régime d'assurance- chômage

Assurance militaire

Régime d'assurance- accidents

Régimes d'alloca- tions familiales

Régime concernant perte de gain pour service militaire

3

2

Régimes d'aide sociale

Retraite, décès, invalidité (pensions) Prévoyance indi- viduelle

Régimes facultatifs

complémentaires--- de pensions obligatoire

Régime de base de pensions

4. Les raisons de la diversité générale, qui vient d'être rappelée, sont les suivantes : le choix par les autorités et le peuple d'une approche pragmatique et prudente, le fédéra- lisme, la démocratie directe (dans sa dimension du référendum législatif facultatif)4 .

5. La Suisse est partie tard dans l'édification d'un réseau d'assurances sociales, celui-ci étant très limité avant 1939-1945. En revanche, un rattrapage important a été entrepris dès 1946 jusqu'aux années quatre-vingts. Nonobstant ses lacunes (cf. notamment la protection en matière de maternité, les indemnités journalières de maladie, l'aide sociale) et sa com- plexité trop grande, la législation a atteint un stade qui permet de parler de sécurité so- ciale.

4 Voir les références indiquées dans la note précédente.

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DOCTRINE P.-Y. GREBER

1.2 Les caractéristiques du système actuel

6. La sécurité sociale en Suisse peut être caractérisée en recourant à la figure architec- turale de la pyramide, en mentionnant quelques chiffres, l'état de la législation, les enga- gements internationaux, l'effet de la récession économique.

7. La pyramide. Il existe une tendance générale à concevoir la protection sous la forme d'une pyramides :

Protection individuelle

Régimes professionnels Régimes publics

8. Nous verrons que cette construction apparaît le plus clairement pour les éventualités retraite, décès, invalidité (pensions) et qu'elle est d'ailleurs inscrite, depuis 1972, dans la Constitution fédérale. Mais elle est présente également pour les éventualités maladie (soins), perte de gain en cas de maladie et àccidents; avec cependant ici des différences importantes : le régime public est développé en ce qui concerne l'accès aux soins en cas de maladie et la protection en cas d'accidents, il est en revanche presque inexistant pour ce qui a trait aux indemnités journalières. Au regard de l'éventualité chômage, une telle construction est parfois évoquée avec l'intention de réduire la protection publique, inten- tion qui se heurte à des vives résistances. L'idée qui fonde la construction envisagée sous la forme d'une pyramide est bien sür la répartition des responsabilités et des coûts entre les différents acteurs : collectivités publiques, entreprises et travailleurs, individus.

L'évolution pendant les années cinquante à quatre-vingts a montré un accroissement de l'intervention de l'Etat (cf. p. ex. la révision de l'assurance-maladie de 1964, le passage à une assurance-chômage obligatoire en 1976, l'institution d'un régime complémentaire obli- gatoire de pensions par une loi de 1982). Il y a actuellement stabilisation à cet égard.

5 Sans que cette figure architecturale ne soit expressément mentionnée. La discussion théorique, générale et prospective est toujours écartée au profit d'une approche pragmatique et à court terme.

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9. Quelques chiffres concernant la sécurité sociale suisse, présentés de manière sché- matique:

En 1992, les recettes de la sécurité sociale ont représenté le 22,3 % du produit na- tional brut.

En juin 1994, le taux de chômage s'est élevé à 4,6 % (tendance à la baisse). Le chô- mage de longue durée (chômeurs inscrits depuis plus d'un an) a représenté le 29,6 % du total des chômeurs (tendance à la hausse).

En 1992, la structure générale de la population se présentait comme suit : classe d'âge jusqu'à 19 ans : 23 %, de 20 à 64 ans : 62 %, de 65 ans et plus : 15 %.

L'évolution sera marquée par le vieillissement démographique au XXIe siècle. Selon l'OCDE, la classe d'âge de 65 ans et plus représentera le 16,8 % en 2000, le 24,4 % en 2020, le 28,6 % en 2040 de la population. Le vieillissement sera encore plus marqué pour les personnes de 75 ans et plus: 6,8 % en 1986, 7,5 % en 2000, 11,7 % en 2020, 15,8 % en 20406.

En 1992, les prix ont augmenté de 4 % et les salaires dans l'industrie de 4, 7 %.

10. La législation ne comprend pas de Code de la sécurité sociale, qui réunirait de ma- nière cohérente l'ensemble des normes, en commençant par les institutions communes et en poursuivant par les spécificités des régimes. C'est, au contraire, la diversité qui règne. Le droit fédéral en matière de sécurité sociale comprend une vingtaine de lois et d'arrêtés et plus de l OO ordonnances du Gouvernement. Ces textes émanent de périodes différentes et ne sont pas rédigés selon la même systématique. A cela, il convient d'ajouter : le droit in- ternational, les droits cantonaux (qui jouent un rôle de complément en assurance-maladie et règlent l'essentiel des prestations familiales et de l'assistance sociale), parfois les droits communaux, les règles adoptées par certaines institutions (notamment les caisses du régime de l'assurance-maladie et les caisses du régime complémentaire de pensions), les instruc- tions administratives des autorités de surveillance. L'ensemble est éclairé par la jurispru- dence (l'autorité suprême, comme son nom ne l'indique malheureusement pas, est le Tri- bunal fédéral des assurances). Le tout forme un ensemble compliqué, manquant de trans- parence, en révisions régulières. Cette situation n'est satisfaisante ni pour l'application pratique ni pour le pilotage du système.

11. Quelques mots sur les engagements internationaux de la Suisse en matière de sécu- rité sociale. Dans l'orientation de l'harmonisation-convergence7, la Suisse a ratifié :

6 OCDE : L'avenir de la protection sociale. Etudes de politique sociale, n • 6. Organisation de coopération et de développement économiques. Paris 1988, p. 12.

7 L'orientation du droit international de la sécurité sociale relative à l'harmonisation (au sens qui lui est prêté à !'Organisation internationale du Travail, OIT /ILO, et au Conseil de l'Europe), ou à la convergence (pour reprendre la terminologie actuelle de la Communauté européenne) vise le rapprochement des législations nationales dans certaines de leurs composantes essentielles (définition du champ d'application personnel, des éventualités, du niveau des prestations). Ce droit demeure intentionnellement très vague pour ce qui a trait à l'organisation administrative et financière, en raison de la diversité des solutions nationales. Enfin, il se distingue nettement de l'unification.

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DOCTRINE P.-Y. GREBER

partiellement la Convention OIT n° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952) (pour les accidents du travail et maladies professionnelles, pour la retraite, le décès du soutien de famille, l'invalidité et pour les prestations familiales;

la Convention OIT n° 128 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants (1967);

la Convention OIT n° 168 concernant la promotion de l'emploi et la protection contre le chômage (1988);

la Convention OIT n° 159 concernant la réadaptation professionnelle et l'emploi des personnes handicapées (1983 );

partiellement le Code européen de sécurité soda le, du Conseil de l'Europe (1964) (pour les mêmes branches que pour la Convention OIT n° 102)8 .

12. Toujours en ce qui concerne les engagements internationaux, mais cette fois-ci dans l'orientation de la coordination9 , la Suisse s'est pratiquement tenue à l'écart de tous les systèmes multilatéraux pour leur préférer l'approche traditionqelle des conventions bilaté- rales. Elle a ainsi conclu de telles conventions avec les Etats suivants : Allemagne, Au- triche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Grande-Bretagne, Grèce, Italie, Israël, Liechtenstein, Luxembourg, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Saint-Marin, Suède, Tur- quie, USA, Yougoslavie. Une convention est au stade de la finalisation avec le Canada;

des négociations sont menées avec les pays suivants : Chili, Chypre, Hongrie, Irlande, Ré- publique tchèque, Slovaquie. Au contraire de la solution européenne, adoptée par la Com- munauté - soit le Règlement n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité so- ciale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non-salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté10 - et étendue à !'Espace économique européen, la Suisse demeure attachée à une conception très traditionnelle. Cette position est due à la proportion élevée de non-nationaux résidant ou travaillant en Suisse (une co- ordination convenable augmenterait les dépenses de sa sécurité sociale), à la volonté de

8 Pour ces instruments, outre les références indiquées à la note 1, il convient de mentionner: - Gérard LYON- CAEN/Antoine LYON-CAEN: Droit social international et européen. 8e édition. Dalloz. Paris 1993, pp. 133 sv. - Guy PERRIN : Histoire du droit international de la sécurité sociale. Tome V. In : La sécurité sociale.

Son histoire à travers les textes. Association pour l'étude de !'Histoire de la Sécurité Sociale. Paris 1993. - Charles VILLARS : Le Code européen de sécurité sociale et le Protocole additionnel. Etudes suisses de droit européen, volume 23. Centre d'études juridiques européennes. Georg. Genève 1979. - Pierre-Yves GREBER : Les principes fondamentaux du droit international et du droit suisse de la sécurité sociale. Réa- lités sociales. Lausanne 1984.

9 L'orientation du droit international de la sécurité sociale relative à la coordination vise les étrangers, les mi- grants, voire - en droit communautaire - les travailleurs et leurs familles qui se déplacent, quel que soit le motif (professionnel ou privé) de ce déplacement. Les principes de la coordination sont ceux de l'égalité de traitement (entre nationaux et non-nationaux), du maintien des droits acquis et des droits en cours d'acquisition, de la coopération administrative, de la désignation de la législation applicable.

10 Voir p. ex. : Nicole CATALA/René BONNET : Droit social européen. Litec. Paris 1991. - Bettina KAHIL : Sécurité sociale et libre circulation des personnes en droit communautaire. Collection blanche de l'IRAL, n • 8. Institut de recherches sur le droit de la responsabilité civile et des assurances. Lausanne 1992. - Gérard LYON-CAEN/Antoine LYON-CAEN: Droit social international et européen. 8e édition. Dalloz. Paris 1993.

- Charilaos TANTAROUDAS : La protection juridique des travailleurs migrants de la CEE en matière de sécurité sociale. Economica. Paris 1976.

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maîtriser le contenu et l'évolution des accords internationaux, à une politique plutôt stricte à l'égard des étrangers.

13. La récession économique. La récession économique n'a pas entraîné de démantèle- ment de la sécurité sociale en Suisse. Ses effets consistent plutôt dans l'essai de maîtriser les dépenses (p. ex. pour les soins de santé, p. ex. l'élévation de l'âge de la retraite pour les femmes) et dans l'allongement des processus de révision des lois (davantage de recours aux expertises; difficultés de trouver des consensus entre tendances politiques, entre parte- naires sociaux). Cela correspond aux tendances générales observées par l' Association inter- nationale de la sécurité sociale11 . Il faut aussi dire que la situation financière des divers régimes12 , l'assurance-chômage étant mise à part, est pour l'instant saine (des correctifs seront nécessaires au vu de l'évolution démographique)l3.

2. L'ARCHITECTURE DES PENSIONS EN SUISSE14

2.1 L'origine

11 AISS : Développements et tendances de la sécurité sociale, 1990-1992. Rapport du Secrétaire général pré- senté à la XXIVe Assemblée générale de l'AISS (Acapulco, 1992). Revue internationale de sécurité sociale 4/1992, pp. 7 SV.

12 Cf. ci-dessus le n • 3.

13 Cf. ci-dessus le n • 9.

14 - Walter ACKERMANN : La prévoyance vieillesse dans une société post-industrielle. Scénarios concernant la prévoyance vieillesse en Suisse à la lumière de l'évolution démographique, économique et sociale. Institut für Versicherungswirtschaft an der Hochschule St. Galien. Edité par l'Union Suisse des Assureurs privés Vie.

St. Galien 1990. - Jean-François AUBERT : Exposé des institutions politiques de la Suisse à partir de quelques affaires controversées. Payot. Lausanne 1978. - Alexandre BERENSTEIN : L'assurance-vieillesse suisse. Son élaboration et son évolution. Réalités sociales. Lausanne 1986. - Peter BINSWANGER : Histoire de l'AVS. Assurance-vieillesse et survivants suisse. Publications Pro Senectute, tome 3. Traduction par D.

Bride!. Zürich 1987 /Geschichte der AHV. Schweizerische Alters- und Hinterlassenenversicherung. Pro Senectute Schriftenreihe, Band 3. Zürich 1986. - Thomas FLEINER : Avis de droit concernant la si- gnification de l'article 34quater Cst pour la promulgation d'une loi fédérale sur la prévoyance professionnelle.

RCC 1978, pp. 337 sv. - Pierre-Yves GREBER : Art. 34quater. In : Commentaire de la Constitution Fédérale de la Confédération Suisse du 29 mai 1874. Edité par J.-F. Aubert, K. Eichenberger, J. P. Müller, R. Rhinow, D. Schindler. Helbing & Lichtenhahn, Basel/Schulthess Polygraphischer Verlag, Zürich/Stampfli, Bern. 5e livraison, 1993. - Riccardo JAGMETTI : Avis de droit concernant la portée des dispositions de la Constitution fédérale sur la prévoyance professionnelle. RCC 1978, pp. 363 sv. - Message du Conseil fédéral à l'Assemblée fédérale à l'appui d'un projet portant révision de la Constitution dans le domaine de la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité et rapport sur l'initiative populaire pour une véritable retraite populaire, du 10 novembre 1971. Feuille fédérale 1971, II, pp. 1609 sv. - Hans Peter TSCHUDI : Die Altersvorsorge auf der neuen Verfassungsgrundlage. Schweizerische Zeitschrift für Sozial- versicherung 1974, pp. 171 sv. - Hans Peter TSCHUDI : La Constitution sociale de la Suisse (L'Etat social) Traduction par Isabelle Hauriet. Documents de l'Union syndicale suisse. Berne 1987 /Die Sozialverfassung der Schweiz (Der Sozialstaat). Schriftenreihe des Schweizerischen Gewerkschaftsbund. Bern 1986. - Helmut SCHNEIDER/Hans SCHMID/Bernd SCHIPS/Ulrich KOHLI/Pierre-Yves GREBER : 5 Expertenberichte zur Dreisaulenkonzeption der Schweizerischen Alters-, Hinterlassenen- und lnvalidenvorsorge. Eidgenos- sisches Departement des Innern. Bern 1991.

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DOCTRINE P.-Y. GREBER

14. Les pensions (retraite, décès, invalidité) comprennent trois grands secteurs, organisés de manière cohérente depuis 1972, selon une architecture inscrite dans la Constitution f é- dérale (art. 34quater Cst). Ces trois secteurs ou étages de protection (ou encore piliers) sont, dans l'ordre de leur apparition, la prévoyance individuelle, les régimes de pensions professionnels, le régime public et universel de pensions.

15. L'origine de la prévoyance individuelle se perd dans la nuit des temps. A chaque époque, certains individus ont épargné pour leurs vieux jours, pour les cas d'un décès du soutien de famille ou d'une invalidité. Cette forme de protection suppose une double ca- pacité : financière d'abord, d'appréciation des risques susceptibles de se réaliser ensuite.

L'encouragement fiscal relatif à cette épargne ciblée remonte à une époque récente.

16. Les premières caisses de pensions ont été créées en Suisse au XIXe siècle. Mais c'est surtout au cours de ce siècle que les régimes de pensions professionnels se sont dévelop- pés, d'abord dans le cadre des administrations publiques et des grandes entreprises. Ces régimes, depuis une loi de 1982, sont généralisés à une partie importante des salariés oc- cupés en Suisse. Ces efforts de nature professionnelle bénéficient de longue date d'encouragements fiscaux, tant pour les employeurs que pour les travailleurs. Cette deuxième forme de protection, à caractère collectif, est plus solide que la première. Elle fait partie de la sécurité sociale suisse et en représente, pour les pensions, une part im- portante.

17. Le reg1me public de pensions, de portée universelle, est la plus récente des trois formes de protection. Il a été institué en trois étapes : en 1948, introduction de l'assurance-vieillesse et survivants (A VS); en 1960, introduction de l'assurance-invalidité (AI); en 1966, adjonction des prestations complémentaires à l' A VS/ AI soumises à des conditions de ressources15 . Ces deux assurances sociales (A VS, AI) et les prestations liées à l'état financier, bien que fondées sur trois lois fédérales distinctes16, sont étroitement liées et forment un véritable régime public de pensions. Nous verrons que celui-ci se ca- ractérise à la fois par une portée très large, l'universalité, et des prestations assez limitées.

2.2 L'architecture

18. Avant 1972, ces trois formes de protection relatives à la retraite, au décès du soutien de famille et à l'invalidité - protections publique, professionnelle et individuelle - ont coexisté, avec certaines règles de coordination17. A la suite du dépôt de trois initiatives

15 Le nom de "prestations complémentaires" peut prêter à confusion : il s'agit de prestations subsidiaires, sou- mises à des conditions de ressources (revenus et fortune), qui font partie du régime de base public. Elles n'ont donc strictement rien à voir avec les régimes professionnels complémentaires (2e niveau de protection).

16 - Loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAYS), du 20 décembre 1946 (en vigueur depuis le 1er janvier 1948). - Loi fédérale sur l'assurance-invalidité (LAI), du 19 juin 1959 (en vigueur depuis le 1er janvier 1960). - Loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et in- validité (LPC), du 19 mars 1965 (en vigueur depuis le 1er janvier 1966). Depuis leur adoption, ces lois ont bien entendu subi une série de révisions partielles, parfois numérotées, parfois non, contribution modeste à la complexité de la législation !

17 Les caisses de pensions (du 2e niveau) ont tenu compte du régime de base.

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P.-Y. GREBER DOCTRINE

populaires, la Suisse a connu un grand débat relatif à l'architecture des pensions, pendant la période 1970-1972. L'alternative était la suivante:

le maintien des trois formes de protection (publique, professionnelle et individuelle) mais en intégrant celles-ci dans une conception globale, une architecture;

ou, le passage à un système public, exclusivement ou de manière très prépondérante.

19. Le premier terme de l'alternative a été qualifié de système des trois piliers18 , le se- cond de pensions populaires. Considérant les avantages et limites des trois formes de pro- tection, la nécessité de répartir les responsabilités entre l'Etat, les partenaires sociaux et les individus, la combinaison des techniques financières de la répartition (pour le régime de base) et de la capitalisation (pour les 2e et 3e étages de protection)19, le Gouvernement puis le Parlement ont opté pour le premier terme de l'alternative. Tel a ensuite été le choix exprimé lors de la votation populaire du 3 décembre 197220.

20. Cela signifie donc que les trois formes de protection coexistant depuis 1948 ont été confirmées et qu'elles ont été inscrites dans une véritable architecture des pensions figu- rant dans la Constitution fédérale. Ce choix mérite d'être souligné : c'est la seule fois en Suisse où, en matière de sécurité sociale, le pragmatisme a été combiné avec une vision d'ensemble. Cette alliance judicieuse mériterait d'être reprise dans d'autres domaines, sin- gulièrement dans celui des soins. Mais une telle architecture implique l'existence d'un ré- gime public solide (cf. la figure de la pyramide), efficace, et, pour le deuxième niveau, d'entreprises aptes à supporter le poids d'une protection professionnelle.

21. A la suite de plusieurs interventions, le débat de 1972 a été repris : faut-il ou non maintenir l'édifice, en modifier la répartition des différents niveaux ? Cinq experts indé- pendants, consultés par le Gouvernement fédéral, ont conclu à la validité générale de cette architecture à trois étages, tout en variant quant à l'importance respective de ces derniers et quant à certains de leurs éléments21 . Les autorités fédérales devraient prochainement communiquer leur position et adopter une stratégie relative aux pensions. Nous ne sommes pas en présence d'expériences de laboratoire, les régimes de pensions sont axés sur le long terme : il y a donc besoin de stabilité pour que les trois acteurs puissent assumer leurs

18 L'expression a connu quelque succès tant en Suisse que sur le plan européen. Pourtant elle n'est pas fa- meuse : d'une part, les trois formes de protection "ne se placent pas les unes à côté des autres" : il s'agit de protections qui se superposent, pour améliorer les garanties en matière de pensions, ce qui est mieux rendu par le terme d'étages de protection; d'autre part, les piliers (cf. les temples grecs et romains !) devraient avoir une importance identique ou au moins assez proche, or, pour une grande part de la population, la prévoyance individuelle ne joue qu'un rôle restreint (cf. la double capacité évoquée ci-dessus, au n • 15).

19 Soit une approche classique. Cf. Jean-Jacques GOLLIER : Analyse comparative des régimes complémen- taires, dans les systèmes de protection sociale des Etats membres du Conseil de l'Europe et perspectives d'avenir. Rapport spécifique aux Etats membres de la Communauté européenne. In : Colloque sur le rôle des régimes complémentaires dans les systèmes de protection sociale. CONSEIL DE L'EUROPE, Lisbonne, 26 octobre 1990. Conseil de l'Europe. Strasbourg 1990 (Doc. CDSS-CR [90] 2).

20 Voir les références indiquées dans la note 14. Résultat du vote : Feuille fédérale 1973 1 69, 750.

21 Helmut SCHNEIDER/Hans SCHMID /Bernd SCHIPS/Ulrich KOHLI/Pierre- Yves GREBER : 5 Experten- berichte zur Dreisiiulenkonzeption der Schweizerischen Alters-, Hinterlassenen- und Invalidenvorsorge.

Eidgenossisches Departement des Innern. Bern 1991.

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DOCTRINE P.- Y. GREBER

missions. D'autant que nous vivons une période de mutations importantes et que le vieil- lissement démographique s'avance à grands pas22.

22. Les caractéristiques de l'architecture relative aux pensions, telle qu'inscrite dans la Constitution fédérale en 1972, sont les suivantes :

a) La base constitutionnelle (art. 34quater Cst) est une disposition qui attribue des compétences à la Confédération (c'est-à-dire à l'Etat fédéral), qui donne à celle-ci des mandats de légiférer, selon un programme ou une conception générale;

b) Dans une première approche, cette architecture peut être représentée comme suit :

Architecture relative aux pensions 3 Protections individuelles

2 Régimes professionnels de pensions Régime public de pensions

c) L'intervention du législateur est, logiquement, dégressive :

la Confédération (l'Etat fédéral) institue le régime public de base, soit l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (A VS/ AI), selon du droit public, fédéral, impératif et exhaustif;

la Confédération impose des règles minima aux régimes complémentaires pro- fessionnels de pensions, les partenaires sociaux bénéficiant d'une autonomie pour modeler ce deuxième étage de protection;

la Confédération encourage par des mesures fiscales, dans certaines limites, les protections complémentaires individuelles;

d) Les fonctions respectives des trois étages de protection sont complémentaires : le régime public de pensions a pour but la "couverture des besoins vitaux dans une mesure appropriée". Cet objectif, bien que modeste, a été fixé par la révision constitutionnelle de 1972 (il était inférieur avant);

le deuxième étage, professionnel, doit "permettre aux personnes agees, aux survivants et aux invalides de maintenir de façon appropriée leur niveau de vie antérieur", compte tenu des prestations servies par le régime de base.

L'objectif, nettement plus ambitieux que le premier, est également nouveau;

le troisième étage, individuel, permet d'améliorer les deux premiers;

22 Voir p. ex. : - AISS : Développements et tendances de la sécurité sociale, 1990-1992, cité à la note 11. - INSTITUT EUROPEEN DE SECURITE SOCIALE : Annuaires IESS/Yearbooks EISS. Acco. Leuven. - Jean-Jacques DUPEYROUX : Droit de la sécurité sociale. 12e édition. Dalloz. Paris 1993, pp. 95-222.

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P.-Y. GREBER DOCTRINE

e) Il convient de souligner que les fonctions de garantie de base et de protection amé- liorée pour les salariés correspondent aux orientations indiquées par la Recomman- dation du Conseil du 27 juillet 1992 relative à la convergence des objectifs et poli- tiques de protection sociale (92/422/CEE)23,24;

f) Le champ d'application personnel du régime public de pensions est universel (couverture de l'ensemble de la population domiciliée ou travaillant en Suisse, affi- liation obligatoire) 25; celui de l'étage professionnel est partiellement généralisé (couverture obligatoire des salariés dès un revenu prescrit et jusqu'à un plafond), il y a à la fois possibilité d'un accès facultatif pour les indépendants et de protections surobligatoires; celui de l'étage individuel devrait être ouvert à toutes les catégories (la législation, pour l'instant, restreint cependant les mesures fiscales aux salariés et aux indépendants);

g) Le régime public et l'étage professionnel, sans sa partie obligatoire, portent sur les trois éventualités retraite (ou vieillesse), décès du soutien de famille (ou survivants) et invalidité. L'étage professionnel, dans sa partie facultative, et les protections in- dividuelles peuvent se rapporter aux trois éventualités ou à une partie seulement de celles-ci26.

23. L'architecture qui vient d'être exposée est concrétisée de la manière suivante : a) Le régime public est fondé sur la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants,

sur la loi fédérale sur l'assurance-invalidité et sur la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité27;

b) L'étage professionnel se divise en deux. En effet, la Constitution fédérale n'impose au législateur que l'adoption de normes minima28 :

le régime complémentaire obligatoire est fondé sur la loi fédérale sur la pré- voyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité29 , complétée par les règles adoptées par les caisses de pensions;

les régimes complémentaires surobligatoires (ou facultatifs) sont essentielle- ment fondés sur les règles émanant des caisses de pensions30;

23 Journal officiel des Communautés européennes du 26 août 1992, n · L 245/49.

24 - Commission des Communautés européennes. Bruxelles/Luxembourg 1992. - Michel VOIRIN : Sécurité so- ciale et marché intérieur européen : Quelles mesures pour faire face à l'échéance de 1993 ? Revue interna- tionale de sécurité sociale 1-2/1991, pp. 49 sv. (spc. pp. 75-76).

25 Sous réserve du droit international.

26 La protection contre les risques peut être seule améliorée (décès-invalidité) ou, au contraire, l'épargne re- traite.

27 Voir la note 16.

28 Cf. ci-dessus le n' 22, lettre c.

29 Loi du 25 juin 1982, en vigueur pour la plupart de ses dispositions, dès le 1er janvier 1985.

30 Pour la question du droit applicable dans le cadre du deuxième étage professionnel, voir : - Carl HELBLING : Les institutions de prévoyance et la LPP. Présentation générale des bases juridiques, économiques et techniques de la prévoyance professionnelle en Suisse. Haupt. Berne 1991. - Hans Michael RIEMER : Das

Recht der beruflichen Vorsorge in der Schweiz. Stampfli. Bern 1985.

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 71

DOCTRINE P.-Y. GREBER

c) Les protections individuelles ne sont évidemment encouragées par des mesures fis- cales que dans certaines limites. Le troisième étage se divise donc également en deux:

la prévoyance individuelle encouragée est reg1e par une ordonnance (OPP 3) fondée, assez curieusement, sur la loi fédérale sur la prévoyance profession- nelle (cf. le n° 22, lettre f), et par les droits cantonaux;

la prévoyance individuelle libre ne fait l'objet d'aucun traitement particulier.

24. Le concrétisation de la norme constitutionnelle permet d'affiner le tableau proposé ci-dessus (cf. le n° 22).

Architecture relative aux pensions

3b Prévoyance individuelle libre 3

3a Prévoyance individuelle encouragée

2b Régime Protection supralégale,

complémentaire facultative de pensions

2

2a Régime Normes minima prescrites

complémentaire par la loi sur la prévoyance de pensions professionnelle, obligatoire

.

1 Régime de base de pensions : Assurance-vieillesse, survivants et invalidité (A VS/ AI). Prestations corn- plémentaires à l' A VS/ AI (LPC).

2.3 L'évaluation de l'architecture

25. Terminons par quelques remarques sur l'évaluation de l'architecture relative aux pensions. Les points positifs sont :

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72 CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N°

P.- Y. GREBER DOCTRINE

a) La présence même d'une architecture, c'est-à-dire d'une réflexion globale sur les pensions, ayant débouché sur un ensemble de normes cohérent. Il y a conjugaison d'une approche théorique et de pragmatisme, alors que, le plus souvent en Suisse, seul le second a droit de cité en sécurité sociale;

b) Le partage des responsabilités entre l'Etat, les partenaires sociaux et les individus, permettant à ces acteurs d'être mieux sensibilisés aux enjeux sociaux, économiques et démographiques et de modeler la protection. Si l'on y ajoute la démocratie et singulièrement les instruments de démocratie directe, on voit que le domaine est un vrai objet de débats publics. Le pilotage est certainement alourdi - la lOe révision A VS en est un trop bel exemple - mais les solutions qui pourront être trouvées ga- gneront en solidité; ce n'est pas négligeable dans notre période de mutations im- portantes et au regard de l'évolution démographique31;

c) En matière de financement, la combinaison des techniques de la répartition (pour le régime public) et de la capitalisation (pour les régimes professionnels, avec quelques exceptions, et les protections individuelles). Même si la sécurité absolue n'existe pas, le recours à ces deux techniques s'avère judicieux au regard des perspectives sociales, économiques et démographiques32;

d) La combinaison d'une protection légale (régime public, régime complémentaire obli- gatoire), c'est-à-dire garantie à chaque personne protégée qu'elle soit ou non "un bon risque" et d'une protection contractuelle, plus souple, permettant de faire du

"sur mesure", mais génératrice par là de solutions inégales. Comme cela a déjà été relevé, cette construction pyramidale implique que le premier niveau, public, soit solide;

e) La concordance avec l'évolution générale constatée aujourd'hui en Europe Occiden- tale, probablement à l'avenir en Europe Centrale, qui tend à associer des régimes publics, des régimes professionnels et des compléments individuels. C'est devenu, dans le domaine des pensions, un élément de convergence spontanée dans la Com- munauté européenne33. Et cette association de protections vise à répondre à la fois à un besoin universel 34 d'une garantie de base et à une demande de garantie plus élevée, en relation avec le niveau de vie antérieur35 . Il y a ici concordance avec la Recommandation communautaire sur la convergence des objectifs et politiques de protection sociale36, comme avec le rapport "Assurances sociales et protection so- ciale", présenté par le Directeur général du BIT lors de la 80e session (1993) de la Conférence internationale du Travail37,38;

31 - Cf. ci-dessus le n ° 9. - Pour les mutations, voir p. ex. : Bernd von MA YDELL : L'avenir de la sécurité so- ciale. Revue internationale du Travail 1994, n ° 4, pp. 551.

32 Voir l'étude de Jean-Jacques GOLLIER citée à la note 19.

33 Communication de la Commission au Conseil : Régimes complémentaires de sécurité sociale : la place des ré- gimes complémentaires de retraite dans la protection sociale des travailleurs et leur incidence sur la libre circulation. Commission des Communautés européennes. SEC (91) 1332 final. Bruxelles, 22 juillet 1991.

34 De toute la population résidente.

35 Voir, pour cette problématique, notamment : Jean-Jacques DUPEYROUX : Droit de la sécurité sociale, cité

à la note 22, pp. 79 sv.

36 Voir ci-dessus le n ° 22, lettre e.

37 OIT-CONFERENCE INTERNATIONALE DU TRAVAIL (80e session-1993) : Assurances sociales et pro- tection sociale. Rapport du Directeur général. Bureau international du Travail. Genève 1993, pp. 83 sv.

38 Cf. Pierre-Yves GREBER : L'évolution de la sécurité sociale vue sous l'angle des besoins. In : Sécurité so- ciale : le défi du futur. Association genevoise des employés d'assurances sociales. Genève 1994, n ° 46-48.

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CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 73

DOCTRINE P.- Y. GREBER

f) La participation des acteurs autres que l'Etat - population, partenaires sociaux - à l'évolution et à la gestion du système. D'une manière générale, par les instruments de démocratie directe (initiative populaire tendant à une modification de la Constitution; référendum facultatif pouvant être demandé à l'égard des lois et ar- rêtés); d'autre part, par la gestion paritaire prescrite par la loi dans le régime com- plémentaire professionnel obligatoire39.

26. Les problèmes portent, eux, sur les aspects suivants :

a) Les inégalités de traitement entre femmes et hommes, qui ne sont compatibles ni avec le sentiment de la justice ni avec l'article 4 alinéa 2 de la Constitution fédérale.

La révision en cours du régime de base devrait les faire disparaître;

b) Le but très limité, même s'il représente déjà le résultat d'une conquête sociale, du régime public : la protection des besoins vitaux. Cette garantie n'est, en plus, pas complètement réalisée (au regard du grand âge). Au fur et à mesure du dévelop- pement des régimes complémentaires, la situation s'améliore substantiellement;

c) La complexité de la législation40 , laquelle gagnerait à être rationalisée (une cin- quantaine de lois, d'arrêtés et d'ordonnances concernent le domaine des pensions; à cela s'ajoutent la jurisprudence, les règles adoptées par les caisses des régimes professionnels, la pratique des autorités de surveillance);

d) Le statut des non-Suisses dans le régime public, selon le droit interne; l'absence d'adhésion à un système multilatéral de coordination41 ;

e) L'adaptation au vieillissement démographique, qui caractérisera la première moitié du XXIe siècle.

27. Dans l'ensemble et avec les réserves qui viennent d'être émises, il m'apparaît que l'architecture adoptée pour les pensions en 1972 représente une bonne solution à court et long terme.

3. LES CARACTERISTIQUES ET TENDANCES MAJEURES DU REGIME PUBLIC DE PENSIONS

3.1 Les éventualités couvertes 3.1.1 Les définitions sont juridiques

28. Le régime public de pensions couvre, de manière classique, les trois éventualités re- traite (ou vieillesse), décès du soutien de famille (ou survivants), invalidité. Ces concepts

39 Michel VOIRIN : L'organisation administrative de la sécurité sociale. Un enjeu social et politique. Bureau international du Travail. Genève 1991.

40 Voir ci-dessus le n • 10.

41 Voir ci-dessus le n • 12.

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P.-Y. GREBER DOCTRINE

représentent des passages obligés pour l'octroi des prestations : p. ex., c'est parce qu'une personne est invalide, non pas au sens médical ou commun du terme, mais selon les cri- tères prescrits par le régime, qu'elle pourra recevoir des mesures de réadaptation et/ou des pensions. Autrement dit, il s'agit de définitions juridiques.

29. La nuance n'est pas toujours comprise des usagers de la sécurité sociale. Premier exemple : soit un couple non marié, avec une vie commune depuis une trentaine d'années, en appliquant par analogie le "modèle bourgeois traditionnel" (l'homme exerce une activité rémunérée, la femme s'occupe du foyer). En cas de décès de l'homme, soutien financier de ce couple, la femme ne recevra aucune prestation du régime public, la concubine n'ayant pas la qualité de survivante à l'égard de celui-ci42 . Deuxième exemple : un assuré est atteint gravement dans sa santé (paralysie des membres inférieurs); il peut cependant continuer d'exercer son activité lucrative sans réduction aucune de son salaire. Il ne pourra pas prétendre à une pension d'invalidité (en revanche, il pourra bénéficier de mesures de réadaptation43 .

30. L'importance de la définition des éventualités de la sécurité sociale en général, in casu des pensions, n'a évidemment pas échappé au législateur international et européen.

Ainsi, la Convention OIT n° 102 concernant la norme minimum de la sécurité sociale (1952) définit les éventualités vieillesse, survivants et invalidité à ses articles 26, 60 et 5444 . La Convention OIT n° 128 concernant les prestations d'invalidité, de vieillesse et de survivants (1967) procède de même à ses articles 15, 8 et 21, le Code européen de sécurité sociale (1964), à ses articles 26, 60 et 54, le Code européen de sécurité sociale révisé (1990) à ses articles 26, 58 et 6445 .

31. Pour terminer cette subdivision, il convient de relever l'utilité de la distinction entre la définition des éventualités, d'une part, les prestations, d'autre part. Indépendamment du fait qu'elle est opérée par le droit international, elle a une signification concrète : pour avoir droit aux prestations d'un régime, il faut être touché par l'éventualité couverte par ledit régime. P. ex., l'assuré X. peut prétendre à une pension de retraite parce qu'il a at- teint l'âge prescrit par la législation. Et le législateur peut définir de manière plus ou

42 Voir p. ex. : - Thomas LOCHER: Grundriss des Sozialversicherungsrechts. Stampfli. Bern 1994, pp. 97-98. - Alfred MAURER: Bundessozialversicherungsrecht. Helbing & Lichtenhahn. Base! 1993, pp. 57-58, 87.

43 P. ex. : - Thomas LOCHER : Grundriss des Sozialversicherungsrechts, cité à la note 42, pp. 187 sv., 258 sv. - Alfred MAURER : Bundessozialversicherungsrecht, cité à la note 42, pp. 147 sv. - Des tableaux montrent aussi clairement la situation : Ueli KIESER/Gabriela RIEMER-KAFKA : Tafeln zum schweizerischen So- zialversicherungsrecht. Schulthess Polygraphischer Verlag. Zürich 1994, pp. 19 sv., 71 sv.

44 Citons, à titre d'exemple, l'art. 26 :

"1. L'éventualité couverte sera la survivance au-delà d'un âge prescrit.

2. L'âge prescrit ne devra pas dépasser soixante-cinq ans. Toutefois, un âge supérieur pourra être fixé par les autorités compétentes, eu égard à la capacité de travail des personnes âgées dans le pays dont il s'agit.

3. La législation nationale pourra suspendre les prestations si la personne qui y aurait eu droit exerce certaines activités rémunérées prescrites, ou pourra réduire les prestations contributives lorsque le gain du bénéficiaire excède un montant prescrit, et les prestations non contributives lorsque le gain du bénéficiaire, ou ses autres ressources, ou les deux ensemble, excèdent un montant prescrit".

45 - Pour une présentation de ces instruments, voir les références indiquées à la note 1. Le lecteur soucieux de se limiter à une information générale, à la fois récente et synthétique, consultera avec profit l'ouvrage de Günther NAGEL/Christian THALAMY (note 1), pp. 14 sv. - Voir ci-dessus le n • 11.

(18)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 75

DOCTRINE P.- Y. GREBER

moins libérale tant les éventualités que les prestations. Pour prendre un exemple extrême : un régime pourrait garantir des prestations de retraite très élevées (90 % du gain anté- rieur), tout en fixant l'âge d'admission à pensions à 75 ans. Son impact social serait limi- t - ' e.

3.1.2 L'éventualité retraite ou vieillesse

32. Dans le reg1me public de pensions suisse, la définition de l'éventualité retraite ou vieillesse consiste dans la survenance d'un âge prescrit; il s'élève actuellement à 65 ans pour les hommes et à 62 ans pour les femmes. L'abandon d'une activité lucrative n'est pas exigé.

33. L'âge d'ouverture à pension pour les hommes est stable : l'âge de 65 ans a été fixé dès l'origine du régime, soit en 1948. Il n'a pas varié. La situation est différente pour les femmes : au début du régime (1948), l'âge d'admission à pension était également de 65 ans. En 1957 ( 4e révision), il a passé à 62 ans. Les raisons invoquées pour ces deux modi- fications ont été les suivantes :

les forces physiques de la femme diminuent plus tôt que celles de l'homme, ce qui se répercute sur le moment de la cessation de l'activité rémunérée;

"Pour la femme seule, des raisons de pure technique actuarielle militent également en faveur d'un abaissement de la limite d'âge. Au taux de cotisation de 4 %46 ne correspond, en effet, pour la femme seule qu'une rente de vieillesse simple47. Le même taux de cotisation versé par un homme marié ouvre en revanche un droit à un supplément pour couple et surtout à des rentes de survivants. Ce sont là des avantages qui ne sont pas entièrement compensées par le fait que la femme vit en moyenne plus longtemps".48;

les améliorations apportées à la rente de couple lors de la 6e revlSlon, jointes à l'argument de la capacité de travail, ont motivé la deuxième diminution.

34. En ce qui concerne l'avenir, trois tendances peuvent être indiquées :

la fixation de deux âges différents, 65 ans pour les hommes et 64 ans pour les femmes, avec des possibilités de retraite flexible, dans le cadre de la lOe révision du régime. Cette réforme a fait l'objet d'une demande de référendum législatif; le peuple sera ainsi invité à accepter ou à refuser la dixième révision lors d'une vota- tion dans le cours de 1995.

la fixation du même âge pour les hommes et pour les femmes, à 62 ans (position de la gauche et des syndicats, concrétisée en une, bientôt deux initiatives populaires);

46 Actuellement de 8,4 % pour les salariés, la moitié étant à la charge de l'employeur.

4 7 Idem pour un homme seul 1

48 Message du Conseil fédéral (= Gouvernement fédéral) à l'Assemblée fédérale relatif à un projet de loi modi- fiant celle sur l'assurance-vieillesse et survivants ( 4e révision AVS), du 25 juin 1956. Feuille fédérale 1956 I pp. 1461 SV. (p. 1497).

(19)

P.- Y. GREBER DOCTRINE

la fixation du même âge, mais à 65 ans (position d'une partie de la droite).

35. Le débat se déroule avec en toile de fond des données sociales (inégalités de salaire persistant au détriment des femmes, doubles tâches pour elles au foyer et à l'extérieur), économiques (quelle est la solution la meilleure au regard de l'emploi ?) et démogra- phiques (la Suisse connaîtra, au XXIe siècle, le plus fort vieillissement de la population de toute la zone OCDE)49 . Mon sentiment est que le facteur démographique - qui va aussi peser sur le domaine des soins de santé - jouera un rôle prédominant et que le résultat aura de bonnes chances de se résumer à l'alternative suivante : 64-64 ou 65-65 ans, femmes et hommes, avec des modalités de retraite flexible (avec ou sans réduction de la pension, selon les situations). Un élément doit être considéré, celui de l'évolution écono- mique : une croissance réelle allège le poids du vieillissement. Certes, l'on peut raisonna- blement compter sur des gains de productivité, mais il est difficile de situer l'évolution de l'économie dans un contexte mouvant (relation avec l'Union européenne, Ouest-Est, Nord- Sud, mondialisation, limites dues à la protection de l'environnement). Et l'évolution obser- vée dans un pays voisin, dont le poids n'est pas négligeable - l'Allemagne fédérale - va dans le sens d'une égalité entre femmes et hommes par élévation progressive de l'âge de la retraite pour arriver à 65 ans.

36. A ces éléments s'ajoute la question du grand âge ou de la dépendance. Elle n'est que partiellement résolue en Suisse. Certes, une prestation mensuelle - l'allocation pour impo- tence - peut s'ajouter à la pension de retraite (rente de vieillesse), ainsi que des presta- tions également mensuelles servies sous condition de ressources (prestations complémen- taires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité)50 . Cependant, en cas d'encadrement médico-social coûteux à domicile ou de séjour en home, le total des diverses prestations (y compris celles des régimes professionnels complémentaires) et d'une épargne personnelle peut se révéler inférieur - et parfois nettement, c'est-à-dire plusieurs milliers de francs suisses par mois - aux frais : le recours à l'assistance sociale devient nécessaire. Même si elle ne touche qu'une minorité de pensionnés, une telle situation n'est pas convenable.

3.1.3 L'éventualité invalidité

3 7. La définition principale de l'invalidité présente les caractéristiques suivantes51 :

a) Elle se rattache à la conception de l'incapacité générale de gain, examinée au regard de l'ensemble des activités raisonnablement exigibles. Elle écarte tant la conception de l'invalidité physique ou médicale que la notion d'incapacité professionnelle, examinée au regard du seul métier antérieur. En d'autres termes, l'assuré peut être amené à changer d'activité professionnelle;

49 Cf. ci-dessus le n • 9.

50 Voir la note 15.

51 - Alexandre BERENSTEIN : L'invalidité. In : Etudes de droit social 1936-1977. Hommage de la Faculté de Droit. Mémoires publiés par la Faculté de Droit de Genève, n • 62. Georg. Genève 1979, pp. 304 sv. - Michel VALTERIO : Droit et pratique de l'assurance-invalidité. Réalités sociales. Lausanne 1985, pp. 51 sv. - Gabriele VETSCH-LIPPERT : Die Bemessung der Invaliditat nach dem Bundesgesetz über die Inva- lidenversicherung vom 19. Juni 1959. Thèse de Zürich. Schulthess. Zürich 1968. - Les trois ouvrages cités aux notes 42 et 43.

(20)

CAHIERS GENEVOIS ET ROMANDS DE SECURITE SOCIALE N° 12-1994 77

DOCTRINE P.- Y. GREBER

b) La définition, comme relevé ci-dessus, est juridiques. Le dernier mot n'appartient pas au médecin, mais à la caisse de sécurité sociale compétente (l'office AI) ou, en cas de recours, au juge;

c) Le premier critère de la définition est médical : l'assuré souffre d'une atteinte à la santé, physique ou psychique. Peu importe la cause de cette atteinte : maladie (la cause la plus importante sur le plan statistique), accident ou infirmité congénitale;

d) Le deuxième critère de la définition est économique : l'atteinte à la santé doit en- traîner une diminution de la capacité de gain. L'assuré doit mettre en valeur, éco- nomiquement parlant, la capacité de gain qui lui reste, au besoin dans une autre activité raisonnablement exigible. Dans une telle perspective, plusieurs éléments doivent être considérés : 1° l'avis du médecin doit être requis (le médecin décrira les champs d'activités à éviter, p. ex. les métiers durs du bâtiment, et ceux qui restent possible : p. ex. magasinier, travail dans un bureau); 2° il faut tenir compte de l'âge;

des aptitudes physiques et mentales, de la formation professionnelle; 3° un "recul social" important n'est pas demandé; 4° un changement de domicile est exigible, mais en tenant compte des possibilités de logement et de la famille;

e) Le troisième critère de la définition est temporel : l'atteinte à la capacité de gain, due à une raison médicale, est présumée permanente ou de longue durée, traçant une limite à l'égard de l'éventualité maladie.

38. Il va de soi que cet exposé général ne permet que d'aborder les grandes lignes. La question de l'invalidité - son existence, son importance - est complexe et requiert une instruction fine des dossiers. La législation, la jurisprudence, la pratique administrative affinent, concrétisent les critères mentionnés.

3.1.4 L'éventualité décès du soutien de famille ou survivants

39. En droit actuel, trois catégories de personnes peuvent avoir la qualité de survivants au sens de la loi : la veuve, la femme divorcée dont l'ex-époux est décédé (des conditions supplémentaires sont prescrites), l'orphelin. La 1 Oe révision inclura le veuf. Le droit à pension de la veuve ou de la femme divorcée, dont l'ex-époux est décédé, suppose un certain âge (45 ans) et une durée prescrite de mariage ou la présence d'un ou de plusieurs enfants à charge. Aucune condition de ressources n'est imposée52 , une présomption de dé- pendance économique n'est pas non plus exigée (s'il s'agit d'une femme divorcée, il faut cependant qu'une pension alimentaire ait été prévue53. L'évolution ne va pas dans le sens d'une suppression des pensions de veuves, ni dans leur remplacement par une prestation limitée dans le temps ou en capital; elle va dans le sens de l'égalité, avec l'introduction de pensions de veufs (aux conditions d'octroi cependant plus sévères).

40. Les enfants, dont le père ou la mère décède (peu importe s'ils étaient ou non ma- riés), ont droit à une pension d'orphelin. Le droit est inconditionnel jusqu'à l'âge de 18

52 Sauf évidemment pour les pensions non contributives.

53 - ATF 110 V 245, 110 V 243, 109 V 241, 105 V 49. - Voir aussi: Martin STETTLER: La prise en compte de la sécurité sociale des conjoints dans le règlement des effets accessoires du divorce. Semaine judiciaire 1985, pp. 305 SV.

(21)

P.- Y. GREBER DOCTRINE

ans; au-delà et jusqu'à 25 ans au maximum, il est lié à l'accomplissement d'un apprentis- sage ou d'études. Peu importe l'état de fortune et les revenus, tant du parent décédé que de l'orphelin. Il s'agit d'un droit propre; le calcul de la prestation fait cependant référence à la situation du parent décédé (durée de cotisation, revenu). En complément, relevons que le droit à une allocation familiale est lié au statut de salarié (dans quelques cas d'indépendant) du père ou de la mère. Si ce statut prend fin, p. ex. par décès, le droit à l'allocation se termine également.

3.2 Le champ d'application personnel

41. Le régime public de pensions est, depuis son origine (1948/1960), de conception universelle :

l

il s'étend à l'ensemble de la population domiciliée ou travaillant (statut de dépendant ou d'indépendant) en Suisse;

le critère alternatif susmentionné est valable quelle que soit la nationalité. Cepen- dant, si une convention internationale est applicable54 , elle peut déroger aux règles de rattachement du droit interne55;

l'affiliation au régime est obligatoire56 et automatique, c'est-à-dire qu'il y a entrée dans le champ d'application personnel dès que les conditions légales sont remplies, indépendamment de toute démarche de l'administré ou d'une caisse de sécurité so- ciale (caisse de compensation A VS)57. En revanche, l'affiliation à la caisse com- pétente n'est "automatique" que pour les salariés qui travaillent pour un employeur assujetti au régime58 , cet employeur ayant l'obligation (de droit public, responsa- bilité, le cas échéant, sanctions pénales) d'accomplir les formalités (affiliation à la caisse, prélèvement et versement des cotisations, soumission aux contrôles); dans les autres cas (emploi pour un employeur non assujetti, activité indépendante, sans ac- tivité lucrative avec domicile en Suisse), il appartient à la personne concernée de s'annoncer à une caisse (même remarque);

le champ d'application personnel comprend, indépendamment des conventions inter- nationales rappelées ci-dessus, trois catégories d'exceptions : les ressortissants non- Suisses au bénéfice de privilèges et d'immunités diplomatiques ou d'exemptions fiscales particulières59; les personnes assujetties également, de manière obligatoire, à

54 Voir ci-dessus le n ° 12.

55 La Suisse et la France sont liées par une convention de sécurité sociale. Ce texte contient des dispositions sur la législation applicable, qui donnent la priorité au lieu de travail (v. art. 7). Soit un Français domicilié en Suisse et travaillant en France : selon le droit interne suisse, il serait assujetti au régime public suisse de pensions, de par son domicile; la convention prévoit, dans une telle situation, la désignation de la législation du lieu de travail. Résultat : cette personne est assujettie au système français et non suisse.

56 S'y ajoute une affiliation facultative pour les Suisses à l'étranger, non assujettis au régime à titre obligatoire.

57 La sortie du champ d'application personnel obéit à la même règle.

58 Si l'employeur se trouve hors de Suisse ou s'il a un statut international (privilèges et immunités diploma- tiques; p. ex. !'Organisation internationale du Travail) il n'est pas assujetti au régime public de pensions.

59 L'exemption est ex lege.

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