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L'employeur insolvable

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. L'employeur insolvable. In: Thévenoz, Luc.. et al. Journée 1992 de droit du travail et de la sécurité sociale. Zürich : Schulthess, 1994. p. 105-138

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12254

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L'EMPLOYEUR INSOLVABLE

Gabriel AUBERT professeur à la Faculté de droit

Genève

I. INTRODUCTION

La récession qui frappe actuellement la Suisse provoque des fail- lites de plus en plus nombreuses: alors que l'on en recensait 3040 en 1981 et 3488 en 1982, il s'en est produit 6207 en 1990, 7228 en 1991 et 9819 en 19921 Cet état de fait ne reste pas sans conséquences sur les rapports de travail. Plus souvent que naguère, les salariés se demandent quels sont leurs droits lorsque leur employeur paraît insolvable, sollicite un sursis concordataire ou tombe en faillite.

Après avoir analysé le droit aux sûretés en cas d'insolvabilité de l'employeur, nous examinerons la position du salarié dans le cadre des tentatives d'assainissement. Nous étudierons ensuite le sort du contrat de travail après la faillite de l'employeur, puis nous décrirons la protec- tion des créances du travailleur, soit le privilège découlant de la loi sur la poursuite pour dettes et la faillite, ainsi que les effets de l'assurance- insolvabilité et de l'assurance-chômage. Nous terminerons par quelques observations d'ordre procédural2.

1. La Vie économique, no 1/1989, p. 36; no 7/93, p. 36.

2. Sur ce sujet, cf. BRUNI Guglielmo, Die Stellung des Arbeitnehmers im Konlrurs des Arbeitgebers, BJM 1982, p. 281 ss; GROB-ANDERMACHER Béatrice, Die Recbtslage des Arbeitnebmers bei ZahlungsunÏabigkeit und Konkurs des Arbeitsgebers, Zurich 1982; BRÔNNIMANN Franz, Der Ar- beitgeber im Konlrurs, thèse multicopiée de Bâle, 1982. Voir aussi l'étude importante, mais à bien des égards dépassée de HUG Walther, Die Ein- wirkung von Schuldbetreibung und Konkurs auf das Arbeitsverbiiltnis, in festgabe rur den schweizerischen Juristentag, St. Gall 1944, p. 75 ss.

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Il. L'INSOLVABILITE ET LE DROIT AUX SURETES A. Définition de l'insolvabilité

L'employeur est considéré comme insolvable lorsque ses actifs ne couvrent plus les prétentions de ses créanciers, y compris les dettes qui, n'étant pas encore exigibles, le deviendront bientôt, selon toute proba- bilité3. De l'insolvabilité, qui résulte d'un surendettement durable, il faut distinguer l'absence temporaire de Iiquidités4.

En pratique, le salarié dispose rarement d'informations sûres et complètes sur la situation financière de son employeur. Ce dernier, au contraire, pour éviter d'alarmer ses fournisseurs, sa clientèle et son per- sonnel, sera particulièrement peu disert s'il traverse une période de dif- ficultés. Généralement, néanmoins, l'insolvabilité de l'entreprise se manifeste au travers de circonstances visibles, par exemple des retards non négligeables et répétés dans le paiement des salaires ou dans le ver- sement des cotisations aux institutions de sécurité sociale. Lorsque de tels événements se produisent, le salarié peut considérer, de bonne foi, que l'employeur est devenu insolvableS.

B. Le maintien du contrat de travail et la fourniture de sûretés L'employeur supporte les risques économiques de l'entreprise. En- vers les salariés, il doit donc assumer les conséquences de son insolva- bilité. Lorsque cette dernière survient, il ne saurait résilier le contrat de travail avec effet immédiat, pour se délier prématurément de ses obliga- tions. Au contraire, il demelJre tenu, jusqu'à leur terme, par les contrats de durée déterminée; il ne peut résilier les contrats de durée indétermi- née qu'en respectant le délai contractuel ou légal de congé. S'il procé- dait à une résiliation avec effet immédiat, l'employeur resterait devoir

,

3. ATF 104 IV 77; BOURQUIN Gérald-Cbarles, La divergence apparente entre les textes allemand et français de l'article 725 alinéa 2 CO (Ueberschuldung-Insolvabilité), SJ 1980, p. 193. Voir aussi GROB-AN- DERMACHER, p. 2 ss; GlLLfERON Pierre-Robert, Les privilèges du tra- vailleur dans l'exécution forcée, Recbt. und Recbtdurcbsetzung, Fest- scbrift fiir Hans Ulrich Walder zum 65. Geburtstag, Zuricb 1994, p. 454, note 3.

4. BUERGI Friedrich Wolthart, Zürcher Kommentar, n. 9 ad art. 725 CO.

5. Cf. STRElFF Ullin et VON KAENEL Adrian, Arbeitsvertrag, Zurich 1992, n. 8 ad art. 337a.

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le salaire jusqu'à l'échéance normale du contrat; il devrait même payer une pénalité supplémentaire (art. 337c CO).

Le travailleur ne perçoit en principe son salaire qu'après avoir ef- fectué son travail6. Or, en cas d'insolvabilité de l'employeur, il court un risque accru de se trouver les mains vides quand bien même il a déjà fourni sa prestation. Cette situation est d'autant plus déplorable que le travailleur a besoin de son salaire pour son entretien et celui de sa fa- mille. De son CÔté, même insolvable, l'employeur ne peut se passer de la collaboration de ses travailleurs s'il entend continuer son exploitation pour se redresser.

Vu les différents intérêts en présence, la loi a posé le mécanisme suivant. L'insolvabilité de l'employeur ne constitue pas, en soi, un juste motif de résiliation du contrat de travail avec effet immédiat par le tra- vailleur. Toutefois, pour garantir ses prétentions contractuelles, le sala- rié peut exiger des sûretés, que l'employeur est tenu de fournir dans un délai convenable. Ce délai accordé à l'employeur doit lui permettre d'accomplir les démarches nécessaires non pas pour rétablir sa situa- tion, mais simplement pour trouver les sûretés requises. Dès lors que le salarié continue de travailler malgré l'insolvabilité de l'employeur, le délai sera relativement court. On verrait mal qu'il dépasse une se- maine7.

Si, à l'expiration du délai raisonnable, l'employeur n'a pas fourni les saretés appropriées, le travailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat (art. 337 CO). La résiliation intervenant pour un juste motif qui lui est imputable, l'employeur devra réparer intégralement le dom- mage causé, compte tenu de toutes les prestations résultant du contrat de travail (art. 337b al. 1 CO). Le dommage consistera dans le salaire da jusqu'au terme normal du contrat; cependant, le travailleur imputera sur sa créance ce qu'il a épargné par suite de la cessation du contrat de

6. Cf. STREIFFlvON KAENEL, n. 2 ad art. 337a.

7. STREIFFlvON KAENEL, n. 7 ad art. 337a; BRUNNER Christiane, BÜHLER lean-Michel, WAEBER lean-Bernard, Commentaire du contrat de travail, Berne 1989, 1 ad art. 337a; BRAND, D., DÜRR, L., GUTKNECIff, B., PLATZER, P., SCHNYDER, A., ST AMPFLt, C. et W ANNER, U., n. 7 ad art.

337a: Der Einzelarbeitsvertrag im Ohligationenrecht, Berne 1991, consi- dèrent que le délai maximum serait de dix jours. Ce délai ne nous semble acceptable que s'il apparaît, d'après les circonstances, que l'employeur a de bonnes chances de pouvoir fournir les sûretés.

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travail, ainsi que le revenu qu'il a tiré d'un autre travail ou auquel il a intentionnellement renoncé8.

C. La nature et l'étendue des sOretés

Les sOretés doivent être sérieuses. Il peut s'agir, notamment, de la constitution d'un gage ou du cautionnement donné par une personne dont la solvabilité ne suscite aucun doute. De simples assurances ver- bales ne suffisent naturellement pas9 .

On le sait, les sl1retés doivent garantir les prétentions contractuelles du salarié. Elles correspondront donc au salaire dl1 pour le travail déjà fourni et pour celui à exécuter jusqu'à l'échéance du délai de résiliation du contrat de durée indéterminée ou jusqu'à l'échéance du contrat de durée déterminée. Lorsque le contrat a été conclu pour une durée indé- terminée, la créance du travailleur doit être garantie jusqu'à l'échéance du délai de congé, pendant lequel le salarié se trouve effectivement lié à l'employeur. Si le contrat a été conclu pour une durée déterminée, les sl1retés garantiront le paiement du salaire pendant toute cette durée, même si elle est fort longue. En effet, le travailleur doit être en mesure de résilier le contrat avec effet immédiat s'il craint légitimement que l'employeur ne le respecte pas, car il pourrait préférer conclure un contrat de même durée déterminée avec un autre employeurlO.

Dès lors qu'elles garantissent les prestations contractuelles du sala- rié, les sOretés couvriront également les autres créances découlant du contrat, par exemple le salaire des vacances, le remboursement des frais, le paiement de l'indemnité à raison des longs rapports de travail,

etc. 11 ,

8. STREIFF/vON KAENEL, n. 2 ad art. 337a; GILLlERON, p. 456. Contra:

KREN Jolanta, Konkurseriiffnung und schuldrechtlicbe Vertrage, Berne 1989, p. 64, à tort à notre avis: selon cet auteur, la résiliation aveC effet immédiat oe serait pas justifiée, parce que la faillite ne constitue pas un juste motif au sens de l'art. 337 CO; il faut voir, au contraire, que c'est le refus de sOretés, par un employeur insolvable, qui constitue, de par la loi, un juste motif de résiliation du contrdt avec effet immédiat.

9. STREIFF/vON KAENEL, D. 6 ad art. 337a, avec réf.

10. Cf., pour une solutioD plus nuancée, KREN, p. 60-6J.

Il. Cf. le message du Conseil fédéral concernant la révision des titres dixième et dixième bis du code des obligations, du 25 aoOt 1967, FF 1967 Il 398; BRAND, n. 5 ad art. 337a.

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L'employeur insolvable 109

D, La suspension du travail par le salarié?

La question est disputée de savoir si, en cas d'insolvabilité, plutôt que d'exiger des sûretés ou en attendant ces dernières, le travailleur peut suspendre unilatéralement le travail.

Certes, selon les principes généraux, la partie dont les droits sont mis en péril par l'insolvabilité de l'autre peut refuser d'exécuter sa propre prestation jusqu'à ce que l'accomplissement de l'obligation contractée li son profit ait été garanti; si la garantie ne lui est pas four- nie dans un délai convenable, l'intéressé peut se départir du contrat.

Cette règle découle de l'art. 83

co.

S'agissant toutefois de l'insolvabilité de l'employeur, il faut appliquer la disposition spéciale, qui figure à l'art. 337a CO : selon ce texte, le travailleur peut exiger des sûretés, mais ne se trouve nullement autorisé à refuser sa prestation.

En conséquence, le refus, par le travailleur, d'exécuter sa propre pres- tation, en attendant la fourniture de sûretés, constituerait une violation de ses obligationsl2.

La conséquence pratique de cette règle demeure toutefois limitée.

En effet, on verrait mal que l'employeur hors d'état de payer son salarié puisse le licencier avec effet immédiat pour le seul motif que ce dernier aurait suspendu momentanément sa prestation. L'atteinte aux rapports de confiance entre les parties ne serait pas suffisamment grave. L'on ré- servera cependant les circonstances exceptionnelles (par exemple l'urgence d'un travail ou son importance en vue du rétablissement de l' entreprise).

E, Résiliation avec effet immédiat sans demande de sûretés Fréquemment, lorsque le travailleur s'en trouve informé, l'insolvabilité de l'employeur est si grave que la demande de sûretés pa- rait d'emblée vouée à l'échec. Or, on ne saurait exiger du salarié qu'il entreprenne une vaine démarche. On le dispensera donc, dans un tel cas, de suivre la procédure fixée par l'article 337a CO. Ainsi, selon les circonstances, un important retard dans le paiement du salaire justifie la résiliation du contrat avec effet immédiat même sans demande préalable de sûretés 13. Encore faut-il que, d'après l'ensemble des circonstances,

12. Sic: STREIFF/vON KAENEL, n. 3 ad .rt. 3378; JAR 1985, p. 150, avec réf.; contra: JAR 1984, p. 229; BECKER Hans, Berner Konunentar, D. 2 ad art. 354.

13. BRuNNERIW AEBER/BüHLER, n. 1 ad art. 337 •.

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la fourniture de sOretés, par l'employeur, paraisse pratiquement impos- sible.

Cette hypothèse n'est pas négligeable. En effet, souvent, lorsque le salarié apprend l'insolvabilité de l'employeur, la faillite est imminente.

Il n'y a plus de temps pour la mise en oeuvre de l'article 337a CO. Cela explique probablement pourquoi ce dernier semble rarement invoqué dans la pratiquel4 .

F. Demande de sûretés en cas d'absence de liquidités ? On ne voit pas pourquoi l'application de cette procédure serait li- mitée aux cas d'insolvabilité caractérisée. Même une absence tempo- raire, mais relativement longue, de liquidités justifie la demande de sû- retés par le travailleur, si ce dernier peut craindre légitimement que son salaire ne lui soit pas versé conformément au contrat. Certes, un retard exceptionnel et de peu d'importance ne saurait compromettre la confiance du travailleur dans le respect, par l'employeur, de ses obliga- tionsl5 . Il ne faut pas oublier, toutefois, que le salaire revêt un carac- tère alimentaire pour le salarié et sa famille; de plus, le travailleur en a besoin pour ses échéances régulières (Ipyer, assurances, etc.). On ne saurait donc lui imposer l'obligation de continuer le contrat même lorsqu'il apparaît, selon les circonstances, que l'employeur ne pourra ou ne voudra pas s'acquitter, sans un retard excessif, de ses obligations.

Dans une telle hypothèse, il est normal que le salarié soit mis en mesure d'exiger des sOretés et de résilier son contrat avec effet immédiat si ces dernières ne lui sont pas fournies.

III. LES PROCEDURES D'ASSAINISSEMENT

Lorsqu'approche ou survient l'insolvabilité, l'entreprise tente gé- néralement son assainissement pour éviter la faillite l6 . Nous traiterons donc celui-là avant de considérer celle-ci.

14. BRUNNER/W AEBER!BüHLER, D. 1 ad art. 337a; GROB-ANDERMACHER, p. 19.

15. JAR 1984, p. 229.

16. Les procédures d'assainissement De sont pas très développées eD droit suisse. Cf. à ce sujet: SIEGWART Hans, CAYTAS Ivo G. et MAHARI, Ju- lian 1., Zur NotweDdigkeit eiDes schweizerischeD Sanierungsrecht, RDS 1988 1 p. 123 55; DALLEVES Louis, Pour une procédure de réorganisation

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L'employeur insolvable 11\

A. L'ajournement de la faillite

Lorsqu'il revêt la forme d'une société anonyme, d'une société à responsabilité limitée ou d'une coopérative, le débiteur peut obtenir l'ajournement de la faillite si l'assainissement de l'entreprise paraît pos- sible. Le juge doit alors prendre les dispositions nécessaires à la conservation de l'actif social l7.

Pendant la période d'ajournement, le débiteur du salaire reste l'employeur. Le travailleur court donc le risque non négligeable de n'être que partiellement payé. Il peut dès lors, li tout moment, exiger les garanties prévues li l'art. 337a CO et, si ces garanties ne sont pas four- nies, résilier son contrat de travail avec effet immédiat.

D'autre part, bien que l'ajournement provoque la suspension des poursuites contre l'employeur, il faut admettre que les poursuites in- tentées par les créanciers privilégiés (en particulier les salariés) ne sont pas suspendues. Elles suivent donc leur coursl8.

B. Le sursis concordataire

Le débiteur insolvable peut proposer un sursis pour négocier un accord avec ses créanciers. Dans le cadre de cet accord (concordat), ces derniers renonceront à la déclaration de la faillite contre le versement, pour solde, d'un dividende, c'est-à'{)ire d'une partie des sommes dues (concordat ordinaire) 19 . Lorsque les conditions ne sont pas réunies pour la conclusion d'un concordat ordinaire, le débiteur peut échapper à la faillite en obtenant l'établissement d'un concordat par abandon d'actif, qui permet aux créanciers de disposer des biens du débiteur20 A vrai dire, le concordat par abandon d'actif constitue moins une procédure d'assainissement qu'une forme atténuée de la faillite.

des entreprises en difficulté, Mélanges Robert Patry, Lausanne 1988, p.

65 ss; DALLEVES, Louis, L'assainissement des entreprises insolvables, SJ 1992, p. 345 $S. Voir aussi FRITZSCHE, Hans et WALDER-BoHNER, H.

U., Schuldbetreibung und Konkun;, t. II, Zurich 1993, p. 700 $S.

17. Cf. les art. 725a al. 1; 817 et 903 al. 5 CO.

18. Cf. DALLEVES, L'assainissement..., SJ 1992, p. 351, avec réf.

19. Cf. les art. 173a et 293 ss LP.

20. Art. 316a ss LP. Il peut aussi arriver que le concordat soit négocié après la déclaration de faillite.

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1. Le concordat ordinaire

D'une manière générale, les créanciers ne peuvent exercer aucune poursuite contre le débiteur au bénéfice d'un sursis. Cette règle connait une exception relative aux salariés. En effet, ces derniers sont habilités à intenter une poursuite par voie de saisie en recouvrement, selon le li- bellé (démodé) de l'article 297 al. 2 LP, des "gages, traitements et sa- laires que l'article 219 colloque en première classe"21. Dans cette me- sure, le sursis n'est pas opposable aux salariés. Il sied d'apporter, à ce sujet, quelques précisions.

D'abord, le texte légal n'est pas clair quant à la nature des créances qu'il vise. Il utilise trois substantifs (gages, traitements et salaires) qui sont en réalité synonymes et recouvrent une seule notion: celle de sa- laire selon les art. 322 ss du code des obligations. Cependant, vu son but et le renvoi à l'article 219 LP (qui privilégie toutes les créances dé- coulant du contrat de travail), il faut admettre que la disposition s'applique à toutes les créances découlant de l'exécution du travail. En conséquence, même si la loi ne le dit pas expressément, le re- couvrement des frais avancés par le salarié (et qui sont à la charge de l'employeur) peut aussi s'effectuer au !)loyen de poursuites durant la période de sursis concordataire.

Le renvoi à l'article 219 LP déploie une seconde conséquence. De même que ce dernier limite le privilège aux créances nées dans le se- mestre précédant la faillite, de même le droit d'intenter des poursuites après le prononcé du sursis ne s'étend qu'aux créances nées moins de six mois avant ce sursis. La poursuite reste cependant possible s'agissant des créances nées durant la période de sursis concordataire, car le 'p'rivilège s'étend aussi à ces créances en cas de faillite subsé- quenteZ2.

Le concordat présente, pour les travailleurs, l'avantage qu'il doit, sauf renonciation expresse de leur part, garantir le paiement intégral de leurs créances privilégiées (art. 306 al. 1 ch. 2 LP), c'est-à-dire celles nées dans les six mois précédant l'octroi du sursis et durant le 'sursis concordataire. Lorsque cette condition n'est pas réalisée, l'autorité re- fuse l'homologation.

En contrepartie d'un tel avantage, les salariés ne participent pas à la décision des créanciers quant à l'approbation du concordat (art. 305

21. La réalisation peut avoir lieu même après l'homologation du concordat (ATF 83 JII lI8).

22. ATF 78 III 29; cf. FRITZSCHE!W ALDER-BoHNER, t. Il, p. 608, note 48.

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L'employeur insolvable lB

al. 2 LP). Selon le texte même de la loi, dans le calcul de la majorité nécessaire pour l'acceptation du concordat, les créanciers privilégiés ne comptent ni pour leurs personnes, ni pour leurs créances. L'exclusion tient ainsi à la qualité même de créancier privilégié. Peu importe que les créances invoquées échappent (totalement ou partiellement) au privi- lège, pour être nées, par exemple, avant la période de six mois précé- dant immédiatement le sursis. Ainsi, le salarié qui n'a pas pris à temps les mesures nécessaires à la sauvegarde de ses droits ne saurait exiger de participer à la décision concernant l'approbation du concordat, même s'il conserve des créances non privilégiées qui seraient à colloquer en cinquième classe. On notera, par comparaison, que la loi règle de façon expressément différente le cas des créances garanties par gage: dans la mesure où la valeur du gage est inférieure à celle de la créance, le créancier se trouve compté dans le calcul de la majorité requise (art.

305 al. 2 in fine).

En cas de sursis concordataire ordinaire, l'employeur reste seul re- devable des salaires dus à raison du travail exécuté pendant la période de sursis23 . Si le débiteur tombe subséquemment en faillite, ces salaires ne constituent pas une dette de la masse. Il est donc important que le travailleur qui continue son activité dans l'entreprise au bénéfice d'un sursis concordataire ordinaire exige des garanties pour couvrir sa rému- nération et, si l'employeur ne peut ou ne veut fournir ces garanties, ré- silie le contrat avec effet immédiat en application de l'art. 337a CO.

S'il se révèle impossible d'établir un concordat ordinaire, le débi- teur sera acheminé vers un concordat par abandon d'actif ou vers la faillite.

2. Le concordat par abandon d'actif

En cas de concordat par abandon d'actif, la situation du salarié n'est guère différente de celle prévalant dans le cadre d'un concordat ordinaire. En effet, le sursis concordataire ne l'empêche pas d'ouvrir une poursuite par voie de saisie contre l'employeur, en paiement du sa- laire bénéficiant du privilège de la première classe (art. 297 al. 2 et 316t LP). En outre, le concordat, pour être homologué, doit garantir le paiement intégral des créances privilégiées (art. 306 al. 2 ch. 2; art.

316t LP); en contrepartie de cet avantage, le salarié ne participe pas au vote sur l'acceptation du concordat (art. 305 al. 2 et 3161 LP).

23. Cf. ATF 105111 22-23.

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Sur un point important, toutefois, la position du salarié se trouve améliorée par rapport à celle qui serait la sienne dans le cadre d'une procédure concordataire ordinaire: la créance du travailleur pour le travail fourni avec l'assentiment du commissaire durant le sursis en vue d'un concordat par abandon d'actif représente une dette non pas du dé- biteur lui-même, mais de la masse24. Le travailleur sera donc en prin- cipe pleinement désintéressé par cette dernière, même en cas de faillite subséquente (art. 316c al. 2 LP). Différents cas de figure peuvent se présenter. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur à ce qui sera dit plus bas à propos de la reprise du contrat de travail par l'administration de la masse en faillite25.

Il arrive que le débiteur, même s'il est au bénéfice d'un sursis concordataire ordinaire, cherche à mettre sur pied un concordat par abandon d'actif; dans ce cas, la créance de salaire du travailleur qui a poursuivi son activité dans l'entreprise, après l'octroi du sursis, consti- tue une dette de la masse si cet obJectif du débiteur est indiqué dans la publication du sursis concordataire 6.

Pour parer au risque d'impécuniosité (au moins partielle) de la masse, le travailleur au service de celle-ci sera tout de même bien ins- piré de solliciter des garanties, selon la procédure prévue à l'art. 337a CO.

C. Critiques de Dallèves

Tel qu'actuellement organisée par la loi, la procédure concorda- taire ne permet pas toujours de prendre les mesures nécessaires à la survie de l'entreprise, c'est-à-dire au maintien des emplois. Nous résu- mons ici plusieurs critiques énoncées, notamment, par le professeur Louis Dallèves27 .

D'abord, le délai de six mois après le sursis, dans lequel le concordat doit être établi, suffit rarement pour mettre en oeuvre des solutions efficaces sauvegardant les emplois. L'assainissement refluiert en effet des démarches complexes, qui nécessitent davantage de temps.

24. Art. 3\6c al. 2 LP; ATF \05 III 22-23.

25. Cf. par exemple ATF 108 Il 266 et \00 III 32; voir IV.lA. infra.

26. ATF 105 III 23.

27. DALLEVES, L'assainissemen!. .. , p. 348; DALLEVES, Pour une procé- dure ...• p. 65-72.

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L'employeur insolvable 115

En deuxième lieu, pendant la durée du sursis, les efforts en vue de l'assainissement sont entravés par l'interdiction d'aliéner ou

d 'hypothéquer un immeuble ou de constituer un gage. Or, de telles opé-

rations se révèlent souvent indispensables à l'obtention des crédits né- cessaires au redéploiement de l'entreprise.

De plus, dans le calcul de la majorité qualifiée pour l'approbation du concordat, les petits créanciers jouent un rôle excessif. Malgré leur peu d'importance relative, ils peuvent faire échec à la survie de l'entreprise. L'autorité ne dispose d'ailleurs d'aucun moyen pour impo- ser à des créanciers récalcitrants l'assainissement de l'entreprise, même lorsqu'il parait possible.

Enfin, le juge doit refuser le sursis concordataire lorsque le débi- teur s'est montré déloyal, quand bien même la conclusion d'un concor- dat répondrait aux intérêts des créanciers et, en particulier, des travail- leurs. De même, l'autorité de concordat est habilitée à refuser l'homologation de ce dernier si le débiteur a commis au détriment de ses créanciers un acte déloyal ou d'une grande légèreté. Certes, il ne semble pas que la pratique fasse grand usage de ces dispositions, même si de nombreuses faillites révèlent un comportement déloyal du débi- teur. Il demeure que, de par la philosophie qui l'inspire, la loi préfère sanctionner le comportement du débiteur plutôt que de favoriser l'assainissement de l' entreprise28 .

Le projet de révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite remédie dans une certaine mesure à ces inconvénients, mais, selon Dallèves, "n'innove pas résolument en prévoyant, à l'instar des législations de certains pays voisins, une véritable procédure d'assainissement ( ... )29.

IV. LA FAILLIrEDEL'EMPWYEUR

La faillite de l'employeur touche à plusieurs égards les droits du salarié. Nous analyserons, premièrement, le sort du contrat de travail et des créances qui en découlent selon le code des obligations; deuxième- ment, le privilège attaché à certaines créances du salarié contre l'employeur, selon la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la fail- lite; troisièmement, l'assurance d'une indemnité en cas d'insolvabilité.

28. Caractéristique: ATF 106 III 34. 29. DALLEVES. L'assainissement ... , p. 349.

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A. Les effets de la faillite sur les contrats de travail en cours La faillite ne met pas fin aux contrats de travail en cours. Les inté- ressés peuvent choisir entre plusieurs options30.

1. L'administration de la mal'se met fin aux rapports de travail Si elle considère comme inutile l'emploi du salarié, l'ad- ministration de la masse refuse la continuation des rapports de travail (ce qui est très fréquent). Elle dispense le salarié, avec effet immédiat, de l'obligation de fournir ses services. Dans ce cas, le travailleur conserve les droits découlant du contrat. Il n'est pas désintéressé en priorité par l'administration de la faillite, mais ses créances tombent dans la masse3l .

Les mots utilisés prêtent parfois à discussion. Techniquement, se- lon les spécialistes du droit de la faillite, l'administration de la masse ne

"résilie" pas le contrat, mais refuse de le continuer elle-même ou d'y

"entrer". Du point de vue du salarié, cependant, la prestation de travail prend fin avec effet immédiat, à l'initiative de l'administration de la masse, qui agit à la place de l'employeur. Le refus de la prestation de travail est définitif. Il ne s'agit donc pas d'un simple cas de demeure de l'employeur (art. 324 CO), mais d'un licenciement immédiat, qui est injustifié (art. 337 et 337c CO)32. Dès lors que le lien juridique entre l'employeur et le salarié prend fin, les créances du second contre le premier deviennent immédiatement exigibles dans leur totalité (art. 339 CO et 208 al. 1 LP). Le travailleur peut prétendre au salaire dû jusqu'à l'échéance normale du contrat (art. 337c al. 2 CO); toutefois, dans cette situation particulière, vu le motif de la résiliation immédiate, il ne sau- rait, sauf exception, obtenir une pénalité au sens de "article 337c al. 3 CO.

30. Cf. notamment BRUNI, p. 284-292; DALLEVES Louis et AMMAN Martin, La protection des droits des travailleurs en cas d'insolvabilité de leur em- ployeur, étude comparative pour une assurance-insolvabilité, Centre d'études juridiques européennes, rapport no 8, Genève, sans date, p. 20- 22; DALLEVES, Louis, Les effets de la faillite sur les contrats, FJS 1003., 1987, p. 13-15; GROB-ANoERMACHER, p. 36-38; KREN, p. 59-74; GIL- LIERON, p. 455-456.

31. ATF 10411J 91; contra: KREN, p. 68.

32. ATF 52 III 209.

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L'employeur insolvable 117

Est bien sOr différent le cas dans lequel l'administration de la masse continue le contrat et, s'estimant en droit d'invoquer de justes motifs, résilie ce contrat avec effet immédiat.

2. L'administration de la masse continue les rappons de travail Si elle souhaite bénéficier des services du salarié durant la liquida- tion, l'administration de la masse maintient les rapports de travail. Il faut distinguer trois cas de figure.

Premièrement, l'administration de la masse indique formellement au salarié qu'elle ne veut pas continuer les rapports de travail tels quels;

elle entend conclure un nouveau contrat avec lui. Dans cette hypothèse, la masse n'est pas tenue des dettes de l'employeur envers le salarié nées avant la faillite; ces dernières tombent dans la masse. D'autre part, les conditions de travail sont modifiées. Comme il s'agit d'un nouveau contrat, l'administration de la masse, pour calculer les droits liés à l'ancienneté (salaire en cas d'empêchement de travailler, délais de congé, indemnité à raison des longs rapports de travail, etc.), n'aura pas à tenir compte des années passées par le salarié au service de l'employeur avant la faillite. Ainsi, le travailleur peut être soumis à un nouveau temps d'essai33 . Le salarié peut refuser la proposition de l'administration de la masse et quitter son emploi avec effet immédiat.

Toutefois, si la masse est vraiment intéressée à reprendre le salarié à son service, ce dernier pourra probablement négocier des conditions plus favorables.

Deuxièmement, l'administration de la masse se déclare prête à continuer les rapports de travail, mais n'admet comme siennes que les dettes contractées par elle envers le salarié après le prononcé de la fail- lite, les autres créances du travailleur tombant dans la masse (en parti- culier les salaires arriérés, les vacances non prises, les frais non rem- boursés, etc.). Comme il s'agit de la continuation du contrat existant, toutes les obligations de l'employeur liées à l'ancienneté du salarié se mesureront compte tenu de la période passée par le travailleur au ser- vice de l'employeur failli. Si le salarié conserve des créances contre l'employeur, nées avant la faillite, l'administration de celle-ci ne saurait lui imposer la continuation du contrat, à moins de reprendre à sa charge ces dettes de l'employeur: on verrait mal, en effet, que le salarié soit tenu de continuer un contrat qui n'a pas été honoré. Il faut, au

33. BRUNI, p. 291-292.

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contraire, lui reconnaître le droit de résilier ce contrat avec effet immé- diat34 .

Troisièmement, la masse continue l'exécution du contrat tel quel (art. 211 al. 2 LP). Elle accepte, dès lors, que les créances afférentes aux arriérés et au salaire dû jusqu'à l'échéance normale des rapports de travail deviennent celles de la masse et soient acquittées en priorité.

Dans cette hypothèse, si la masse est en mesure de faire face à ses obli- gations, le salarié ne peut refuser la continuation du contrat. En effet, la faillite de l'employeur ne constitue pas un juste motif de démission avec effet immédiat. S'il abandonne son emploi abruptement, le salarié perd son droit au salaire; il s'expose en outre à devoir une pénalité égale au quart de son salaire mensuel et, le cas échéant, la réparation du préju- dice supplémentaire subi par l'employeur (art. 337d CO). En pratique, l 'hypothèse du maintien pur et simple du contrat de travail se rencon- trera rarement, car c'est la solution la plus coûteuse pour la masse.

L'administration n'y recourra que si elle ne peut se passer des services du salarié.

La distinction entre ces hypothèses n'est pas toujours facile à faire.

En général, si, sans autre démarche, elle laisse le salarié poursuivre son activité dans l'entreprise, l'administration de la masse est réputée avoir choisi de continuer les rapports de travail sans assumer les dettes nées antérieurement à la faillite35 . Parfois, pour dissiper toute ambiguïté, l'administration de la masse résilie formellement le contrat tout en pro- posant la continuation des rapports de travail sans modification. A notre avis, un tel état de fait correspond à la deuxième situation évoquée ci- dessus: les rapports de travail étant continués tels quels, les droits liés à l'ancienneté du travailleur sont mesurés compte tenu de la période passée par le salarié au service de l'employeur failli.

Dans tous les cas, le travailleur conserve, contre l'employeur in- solvable, une créance en indemnité correspondant au salaire dû jusqu'à l'échéance du délai de congé ou jusqu'à la fin du contrat de durée dé- terminée; il devra cependant admettre l'imputation, sur cette cr~ance,

des gains réalisés au service de la masse.

34. D'un avis apparemment différent: KREN, p. 6Hi2.

35. Cf. ATF 108 II 266; 100 III 32.

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L'employeur insolvable 119

3. Le salarié résilie le contrat de travail

La faillite ne constitue pas un luste motif de résiliation du contrat avec effet immédiat, par le salarié3 . Toutefois, ce dernier conserve la faculté de résilier le contrat en respectant le délai de congé contractuel ou légal. De plus, s'il a sollicité de l'administration de la masse des sû- retés qu'il n'a pas obtenues à temps, il peut résilier le contrat de travail avec effet immédiat. La résiliation étant justifiée, la créance du travail- leur correspond au salaire afférent au délai de congé ou à la durée dé- terminée du contrat (art. 337b CO).

B. La protection des crbnces du salarié en cas de faillite de l'employeur

1. Les gages et les privilèges

En cas de faillite, les dettes garanties par un gage sont acquittées les premières, au moyen de la réalisation de ce dernier. Il en va de même des créances garanties par une sûreté, lorsque l'employeur l'a te- nue hors de son patrimoine (art. 330 al. 4 CO)l7 .

Viennent ensuite les dettes non garanties par un gage ou par une sûreté. Parmi celles-ci, on distingue deux catégories. Dans la première se regroupent les dettes résultant de contrats qui ont été continués par la masse; elles sont réglées en priorité par celle-ci. Dans la seconde caté- gorie figurent les autres dettes qui, selon leur fondement, se répartissent en cinq classes (les quatre premières étant dites privilégiées, la cin- quième comprenant les dettes non privilégiées); elles sont réglées selon les disponibilités38.

Dans la mesure où elles ne sont pas garanties par un gage ou des sûretés et où elles ne résultent pas d'un contrat continué par l'administration de la faillite, les créances des salariés bénéficient du

36. ATF 53 III 209.

37. Cf. le message du Conseil fédéral concernant un projet de loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce, du 30 septembre 1960, FF 196011992.

38. Sur l'évolution des privilèges en Suisse, cf. AMONN Kurt, Yom Wild- wucbs der Konlrursprivilegien, in Festschrift 100 Jabre SchKG, Zurich

1989, p. 343 ss; dépassé: BRACHER, René, Die Privilegierung der Di- enstboten, Angestellten und Arbeiter im Konkurs, Lachen 1933.

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privilège de la première c1asse39. Ce privilège n'est pas illimité: il convient d'en dessiner les contours.

2. Les salariés privilégiés: le cas des employés dirigeants Selon l'art. 219 al. 4 LP, les créanciers privilégiés sont le travail- leur et l'ouvrier à domicile. Vu les mots utilisés, la notion de travail- leur, au sens de l'art. 219 LP, est la même que celle visée à l'art. 319 CO. Bénéficie donc du privilège, à première vue, tout travailleur lié par un contrat de travail au sens du code des obligations.

La jurisprudence récente du Tribunal fédéral se montre toutefois plus restrictive. Selon elle, ne sont titulaires du privilège que les tra- vailleurs qui méritent une protection particulière, à savoir ceux qui se trouvent, envers l'employeur, dans un rapport de subordination caracté- risé et qui, en raison de ce rapport, ne peuvent prendre d'autres dispo- sitions lorsque l'entreprise affronte une situation financière difficile40.

Ainsi, selon cette jurisprudence, le salarié ne bénéficie pas du privilège de la première classe lorsqu'il revêt la qualité d'administrateur de la so- ciété, quand bien même cette fonction présenterait un caractère fictif et qu'en fait le travailleur serait effectivem,ent subordonné aux autres ad- ministrateurs ou à l'actionnaire principal. Si le salarié exerce les fonc- tions de directeur, l'on devra s'interroger, à la lumière des circons- tances, sur l'indépendance et l'autonomie dont il dispose effectivement dans chaque cas particulier4l .

Cette opinion n'est pas vraiment convaincante.

D'abord, en effet, la jurisprudençe ne peut s'autoriser du texte lé- gal lui-même, dès lors qu~ ce dernier ne distingue pas entre diverses catégories de travailleurs. Au contraire, lors de la révision de l'art. 219 LP, il fut expressément déclaré par le Conseil fédéral que "le privilè~e

est étendu à toutes les créances découlant d'un contrat de travail"4 . Dans l'arrêt le plus ancien, auquel il est fait constamment référence, le privilège fut refusé à l'intéressé non pas parce qu'il était un employé di- rigeant, mais parce que, en réalité, il se trouvait lié par un contrat de

39. Le privilège s'attache à la créance et non à la personne du créancier; il peut donc être invoqué par le cessionnaire de la créance (A TF 49 III 201;

cf. aussi SJ 1985, p. 579-580).

40. ATF 118 II15!.

4!. ATF 118 III 50 et 52.

42. FF 1960 II 992.

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L'employeur insolvable 121

travail fictif: bien que l'entreprise se trouvât au nom de sa femme (en raison d'une faillite antérieure), c'était lui qui dirigeait les affaires. Le Tribunal fédéral n'a donc pas eu à distinguer entre deux catégories de travailleurs, mais entre un travailleur effectif (lié à l'employeur par un rapport de subordination) et un travailleur fictif (non soumis aux ordres d'un supérieur)43. Lors de la révision de l'art. 219 LP, cette jurispru- dence ne fut pas mentionnée; sans doute le Conseil fédéral avait-il à )' esprit sa portée réelle, qui n'est pas contestabl~ .

En outre, l'on voit mal quel but pratique vise la jurisprudence du Tribunal fédéral. Comment admettre que, en cas de difficultés finan- cières de l'entreprise, l'employé dirigeant doive veiller à se faire payer avant les autres? Est-ce opportun vis-à-vis des travailleurs qui partici- pent à l'effort de maintien ou de redressement de l'entreprise et qui, eux, devraient ainsi attendre la faillite pour faire valoir leurs droits?

Est-ce opportun vis-à-vis de l'entreprise, que la patience des cadres di- rigeants peut aider à traverser une mauvaise passe ? Et quel intérêt la masse peut-elle éprouver à ce que les employés dirigeants se soient fait payer avant la faillite, plutôt qu'après cette dernière, au bénéfice du privilège? Y gagne-t-elle un seul sou? Songerait-on à punir par prin- cipe les employés dirigeants, alors même que la faillite ne leur est pas nécessairement imputable et que la masse peut se retourner contre eux s'ils encourent une véritable responsabilité? En vérité, se sachant non privilégiés, les employés dirigeants se trouveront poussés à quitter l'entreprise dès que s'accumulent les difficultés. Il faudra, à tout le moins, leur conseiller de le faire. C'est d'ailleurs ce qu'avait reconnu le Tribunal fédéral dans un arrêt un peu plus ancien: "( ... ) le travailleur qui exerce des responsabilités élevées et dont les avantages financiers en sont une conséquence ne devrait pas pour cette seule raison ~tre

privé du privilège de collocation. Le contraire pourrait au demeurant dissuader cenaines personnes de rejoindre une entreprise en difficulté qui cherche précisément Il embaucher du personnel paniculièrement qualifié pour contribuer Il son redressement. Le critère principal doit dès lors résider dans le rappon de subordination entre les panies au contrat de travail. Et peu impone Il cet égard la terminologie adoptée:

le fait que le salarié pone le titre de directeur ou de fondé de pouvoir ne supprime pas ipso facto tout lien de subordination. Cenains auteurs estiment d'ailleurs que le directeur, soumis aux injonctions du conseil d'administration, doit pouvoir bénéficier du privilège de première 43. ATF 52 III 148.

44. Cf. FF 1960 Il 991-992.

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classe (Blumenstein, Handbuch des schweizerischen Schuldbetreibung- srecht, p. 684; Bruni, Die Stellung des Arbeitnehmers im Konkurs des Arbeitgebers, BJM 1982 p. 295-296). Ce point de vue semble raison- nable"45.

Du reste, les solutions retenues ne semblent pas très cohérentes.

D'un côté, en effet, les juges déclarent vouloir rechercher la réalité du rapport de subordination, mais, d'autre part, refusent par principe le privilège aux administrateurs, sans se préoccuper du point de savoir s'ils sont ou non, comme salariés, dans un rapport effectif de subordi- nation. Or, pourquoi refuser le privilège à un salarié revêtant la qualité d'administrateur, tout en étant soumis à des instructions détaillées du conseil d'administration, alors qu'un directeur recevant les mêmes ins- tructions serait considéré comme suffisamment subordonné pour mériter ce privilège ? Bien plus, aux yeux du Tribunal fédéral, la possession d'actions, par le salarié, et le nombre de ces dernières ne permettent pas de déterminer le degré de subordination: ce serait un "sachfremdes Kriterium"46. Voilà qui parait vite dit. Il saute aux yeux, en effet, que la dépendance du salarié, dans l'entreprise, dépend au premier chef de son rôle économique. Un actionnaire majoritaire n'a certainement pas le même poids que l'administrateur qui possède une action à titre fidu- ciaire. Le vocabulaire péremptoire du Tribunal fédéral ne laisse donc pas de surprendre.

Au surplus, on le verra, les employés dirigeants peuvent obtenir, comme tous les travailleurs, une indemnité en cas d'insolvabilité de l'employeur. Or, lorsqu'elle paye cette indemnité, l'assurance se su- broge aux droits du salarié contre l'entreprise; elle jouit du même pri- vilège que l'assuré. Si l'employé dirigeant se trouve écarté du privilège, c'est l'assurance qui, subissant le même sort, en fera les frais. Le Tri- bunal fédéral a-t-il envisagé cette conséquence, dont il ne souffle mot?

Et cette conséquence est-elle raisonnable?

A notre avis, qui suit celui de la jurisprudence cantonale domi- nante47, il faut s'en tenir au texte de la loi et reconnaître le privil~ge de 45. ATF du 8 septembre 1989, non publié, consid. 4; dans un autre arrêt non publié, le Tribunal fédéral considère que le privilège du salarié se justifie essentiellement par la situation sociale modeste de ce dernier (ATF du 23 février 1985, consid. 2).

46. ATF \18 Il 51.

47. Cf. l'Obergericht zurichois, critiqué par le Tribunal fédéral in ATF 118 Il 51, de même que in RSJ 1978, p. 363; la Cour de justice de Genève, dans un arrêt Masse en faillite A., du 28 janvier 1992, non publié (voir

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L'employeur insolvable 123

la première classe à tout travailleur. Il suffit donc que le salarié se trouve dans un rapport de subordination au sens de l'art. 319 CO. Peu importe que ce rapport soit ou non particulièrement étroit. 1\ faut néan- moins qu'il existe réellement, faute de quoi le contrat de travail serait fictif. Dans le cas des directeurs, des administrateurs ou des action- naires, le degré de subordination dépendra de la nature et de l'étendue des instructions reçues et de la position effective du salarié sur le plan économique. En particulier, une véritable subordination sera niée si l'intéressé possède assez d'actions pour être le maitre de la société, soit qu'il détienne la majorité de celles-ci, soit qu'il en contrÔle un nombre tel qu'il puisse bloquer les décisions auxquelles il entend s'opposer.

3. Les créances privilégiées

Selon l'art. 219 al. 4 LP, sont couvertes par le privilège: premiè- rement, les créances nées pendant le semestre précédant immédiatement l'ouverture de la faillite; deuxièmement, les créances résultant d'une ré- siliation anticipée du contrat de travail pour cause de faillite de l'employeur; troisièmement, les créances en recouvrement de sOretés48 .

a) Les créances nées dans le semestre précédant la faillite La première catégorie de créances du travailleur bénéficiant du privilège de première classe comprend toutes les créances que le salarié peut faire valoir en vertu du contrat de travail et qui sont nées dans les six mois précédant immédiatement l'ouverture de la faillit~9.

aussi SI 1964, p. 104); la Cour d'appel de Berne, RIB 1991, p. 145;

comparer Cour d'appel de Fribourg, BISchK 1989, p. 194. Voir aussi les opinions de BRUNI, p. 294-295; GROB-ANDERMACHER, p. 59-60; DAI.,.

LEVES/AMMANN, p. 36-38.

48. Le projet de révision de la loi fédérale sur la poursuite pour delles et la faillite ne modifie guère la position du salarié s'agissant du privilège.

Pour une proposition novatrice (institution d'une participation sans pour- suite préalable), cf. GILLIERON, p. 476.

49. Rappelons qu'en visant expressément toutes les créances résultant du contrat de travail, le législateur avait à l'esprit non seulement les créances de salaire (salaire au temps, aux pièces, à la tâche; gratification; provi- sion; participation au bénéfice ou au chiffre d'affaires), mais aussi ceUes en remboursement de frais (art. 327 ss CO).

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La période de six mois se calcule rétroactivement à partir de la dé- claration de faillite. Ne sont pas couvertes par le privilège les créances nées antérieurement à cette période.

Pour la mise en oeuvre de la période privilégiée de six mois, il faut distinguer la naissance de la créance d'avec son exigibilité. Ainsi, par exemple, le droit au salaire nait au fur et à mesure de l'exécution du travail; toutefois, la rémunération n'est exigible qu'à la fin du mois (art.

323 al. 1 CO). De même, le droit à la provision naît dès que l'affaire a été valablement conclue avec le tiers; cependant, la provision n'est exi- gible qu'à la fin du mois; toutefois, lorsque l'exécution de certaines af- faires exige plus d'une année, l'échéance peut être différée par accord écrit (art. 323 al. 2 CO)50. Enfin, le droit à la participation au résultat de l'exploitation nait durant la période de décompte (en général l'année civile); néanmoins, si le résultat n'est pas constaté, la participation n'est exigible que six mois après la fin de l'exercice (art. 323 al.· 4 CO). Il peut donc se produire que le salarié ne puisse exiger la provision que plusieurs mois après que celle-ci est née.

En prenant pour critère la naissance de la créance et non pas son exigibilité, le législateur a voulu ne protéger la rémunération du salarié que dans la mesure où elle se rapporte au travail accompli dans les six mois précédant la faillite. S'il avait retenu comme critère l'exigibilité, les créances nées avant cette période, mais devenues exigibles durant celle-ci, eussent aussi bénéficié du privilège; or, comme, à la fin du contrat, toutes les créances deviennent exigibles (art. 339 al. 1 CO), le salarié payé à la provision aurait joui d'un avantage excessif: il aurait pu se réclamer du privilège non seulement à propos des créances résul- tant de la totalité du travail fourni durant la période de six mois, mais aussi à propos du travail exécuté avant cette période.

Dans certains domaines, il est difficile de déterminer l'étendue du privilège, car on voit mal à quel moment faire remonter la naissance de la créance.

Selon la jurisprudence, le droit au treizième mois de salaire 'lait du- rant l'année, même s'il ne devient exigible qu'à la fin de cette dernière.

Le privilège ne couvre donc que la part proportionnelle du treizième mois née dans le semestre précédant la faillite51 La même règle s'applique aux gratifications qui sont dues prorata temporis en cas de fin des rapports de travail durant l'année; en revanche, si le droit à la gratification nait exclusivement à une date déterminée pendant le se- 50. ATF 90 III 113.

SI. B1SchK 1984, p. 221-222; BRUNI, p. 300.

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L'employeur insolvable 125

mestre protégé (et non pas progressivement durant l'année), il est entiè- rement couvert par le privilèg~2.

Le salaire des vacances allouées durant la période de protection bénéficie entièrement du privilège. Peu importe que ces vacances aient été méritées antérieurement. En effet, le salaire des vacances est insépa- rable de la prise effective de ces dernières. Si, au moment de la faillite, l'employeur n'a pas accordé au travailleur le plein de ses vacances, ce- lui-ci peut prétendre à une indemnité indépendante de la prise effective des vacances. Liée à la résiliation anticipée du contrat pour cause de faillite, elle bénéficie entièrement du privilège de la première classe53

Le cas de l'indemnité à raison de longs rapports de travail est également problématique. Avec l'opinion dominante, il faut admettre que le droit à cette indemnité ne naît pas simplement à partir du moment où le salarié atteint cinquante ans d'âge et vingt ans d'ancienneté dans l'entreprise; encore faut-il que les rapports de travail cessent (art. 339b al. 1 CO). Ainsi, dans la mesure où ces rapports ont pris fin moins de six mois avant l'ouverture de la faillite, l'indemnité bénéficie du privi- lège de première classe54.

Les privilèges de la première classe ont souvent pour conséquence que les créanciers colloqués dans les classes suivantes ne peuvent point ou guère être désintéressés. Aussi la commission d'experts préparant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite a-t- elle proposé de diminuer les privilèges du salarié. Selon elle, ne de- vraient plus être couvertes par le privilège de la première classe les créances portant sur des indemnités à raison de longs rapports de tra- vail, même si elles sont nées dans le semestre précédant la déclaration de faillite; ces créances seraient colloquées en deuxième classe55. Vu les résultats de la procédure de consultation, cependant, le Conseil fédé- rai n'a pas repris cette idée. Selon son projet, l'indemnité à raison de longs rapports de travail demeurerait colloquée en première classe si le contrat a pris fin durant la période de protection.

Comme la procédure tendant à la déclaration de faillite ne suspend pas l'écoulement du délai, le temps rendu nécessaire par l'ouverture

52. BRUNI, p. 300-301.

53. BRUNI, p. 301-302.

54. BRUNI, p. 303; KREN, p. 62, n. 214; GROB-ANoERMACHER, p. 13 ss;

contra: BRÔNNIMANN, p. 103. A noter que la faillite de l'employeur ne conslitue pas un motif de réduclion de l'indemnité selon l'art. 339c al. 3 CO: BJM 1919, p. 129.

55. BRUNI, p. 305; GROB-ANDERMACHER, p. 15.

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d'une poursuite ou d'une action en libération, voire en reconnaissance de dette, diminue d'autant la protection du travailieurS6; lorsque la pro- cédure dépasse six mois (ce qui sera très souvent le cas), le privilège se trouvera anéanti, s'agissant de tout le travail accompli avant la faillite.

Le législateur laisse subsister depuis longtemps cette situation visible- ment anormale. Le projet de révision de la loi fédérale sur la poursuite apporterait toutefois un remède, puisqu'il prévoit qu'un procès relatif à la créance n'est pas compté dans le délai de six moisS7 . Cependant, le Conseil fédéral refuse expressément de suspendre le délai durant le temps nécessaire à la procédure de poursuite proprement dite, au motif que ce temps serait courtS8. En réalité, lors même qu'aucun procès ne survient, il faut souvent attendre plusieurs semaines, voire deux ou trois mois entre la réquisition de poursuite et la déclaration de faillite, c'est- à-dire le tiers ou la moitié de la période privilégiée. C'est dire que l'optimisme officiel (dont la naïveté saute aux yeux) prive' largement d'effet la protection voulue.

En cas de sursis concordataire, le grivilège se calcule rétroactive- ment à compter du prononcé du sursisS . Lorsque le salarié a travaillé durant la période de sursis concordataire et que ce sursis a été suivi d'une faillite, le privilège couvre non s~ulement les créances nées dans le semestre précédant le prononcé du sursis, mais aussi celles nées du- rant le sursis. De ce point de vue, on peut dire que la durée du privilège est prolongée60. Le projet de révision confirme cette pratique. Il dis- pose, en outre, qu'une telle suspension se produit également en cas d'ajournement de la faillite61 .

La brièveté de la période de protection incitera le travailleur im- payé (ou payé seulement en partie) à entamer le plus vite possible les démarches nécessaires pour provoquer la faillite de son employeur. On peut se demander si c'est vraiment son rÔle, compte tenu des consé-

56. Art. 219 al. 4 LP; ATF 97 1319; DALLEVES/AMMANN, p. 21.

57. Cf. le projet d'al. 5 de l'art. 219 LP accompagnant le message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite, du 8 mai 1991, FF 1991 1II 19, 160-161 et 281.

58. FF 199111119.

59. ATF 97 1 318.

60. ATF 76 II 282; BRAND Ernest, Computation des délais pour le maintien du privilège de première classe, ancienne FJS 998a (1951); DAL- LEVES/AMMANN, p. 21.

61. Cf. le projet d·al. 5 de l'art. 219 LP; FF 19911II 19, 160-161 et 281.

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L'employeur insolvable 127

quences inéluctables de la faillite (perte de l'emploi) et des coOts liés à la procédure62.

b) Les créances résultant d'une résiliation anticipée du contrat de travail pour cause de faillite

Lorsque l'administration de la masse, refusant de continuer le contrat, n'occupe pas le salarié, les rapports de travail prennent fin prématurément. L'insolvabilité de l'employeur ne constituant pas un juste motif de licenciement immédiat, le salarié .conserve son droit au salaire, sans être tenu d'accomplir son travail; il doit imputer sur sa créance les gains obtenus ailleurs. Cette créance, qui résulte d'une

"résiliation anticipée du contrat de travail pour cause de faillite de l'employeur" ("vorzeitige Autlôsung des Arbeitsverhiiltnisses"), est privilégiée selon l'art. 219 al. 1 Lp63.

Il Y a aussi résiliation anticipée du contrat de travail pour cause de faillite de l'employeur lorsque le salarié démissionne avec effet immé- diat, selon l'article 337a CO, parce que l'employeur ne lui a pas fourni les sOretés destinées à garantir ses prétentions. Les droits du salarié sont ceux prévus à l'article 337b CO.

Selon l'ancien droit, la question de savoir si le privilège couvrait les créances résultant d'une résiliation anticipée du contrat de travail pour cause de faillite faisait l'objet de controverses. Ces dernières n'ont été dissipées par le lééjslateur qu'en 1964, lors de l'adoption de la loi fédérale sur le travail . Bien que la question soit, aujourd'hui, réglée clairement, les commentateurs persistent parfois à citer, sur ce sujet, des arrêts dépassés65 .

c) Les créances en recouvrement de sûretés

L'art. 219 al. 1 LP prévoit la collocation en première classe des créances en recouvrement de sûretés remises à l'employeur par le tra-

62. Cf. les critiques importantes de GILLIERON, p. 478.

63. Sous l'ancien droit: ATF 48 III 161.

64. FF 1960 II 991-992.

65. Cf. les deux arrêts résumés par FRITZSCHEIWALDER-BoHNER, t. II, p.

190 en baut (arrêts zuricbois du 13 mai 1955 et bâlois du 7 août 1958).

Voir aussi BRÜGGER Erwin, Die Schweizerische Gerichtspraxis im Scbuldbetreibungs- und Konkursrecht 1946-1984, Adligenswil 1985, p.

729-730 (nos 13, 15 16 et 18). Exacts: BRUNt, p. 298; KREN, P . 73.

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vailleur, pour assurer l'exécution de ses obligations (cf. l'art. 330 al. 1 CO). Cependant, d'après l'art. 330 al. 4 CO, dans la faillite de l'employeur, le travailleur peut réclamer la sûreté que l'employeur a te- nue hors de son patrimoine.

L'art. 219 LP, sur ce point, date de 1964. L'art. 330 al. 4 CO, adopté en 1971, constitue une règle postérieure et spéciale, qui y dé- roge.

L'on distinguera, en conséquence, selon que les sûretés ont été ou non tenues hors de son patrimoine par l'employeur. Dans le premier cas, en application de l'art. 330 al. 4 CO, le salarié sera désintéressé, avant tous les autres; sa position sera donc assimilable à celle d'un créancier muni d'un gage; peu lui importera le privilège. Dans le se- cond cas, en application de l'art. 219 LP, sa créance concourra avec celle des autres créanciers privilégiés de première classe, que le droit à la restitution des sûretés soit ou non né dans la période de six· mois pré- cédant immédiatement la faillite66.

4. Le cas des employeurs non soumis à la procédure de faillite Lorsque l'employeur n'est pas soumis à la procédure de faillite, le salarié doit agir par la voie de la saisie. Dans ce cas, les créanciers sont désintéréssés par séries chronologiques. C'est seulement lorsque les biens réalisés dans le cadre d'une série sont insuffisants pour désinté- resser le salarié qu'est dressé un état de collocation, où le travailleur peut faire valoir le même privilège qu'en cas de faillit&7.

V. L'ASSURANCE EN CAS D'INSOLVABILITE DE L'EMPWYEUR

A. Généralités

Introduite en 1982, l'assurance en cas d'insolvabilité de l'employeur atténue doublement les conséquences de la faillite, en fa- veur du salarié. En premier lieu, elle garantit la rémunération du travail fourni durant une certaine période précédant la faillite; en second lieu,

66. GROB-ANDERMACHER, p. 72-73.

67. DALLEVES/AMMANN, p. 22.

(26)

L'employeur insolvable 129

elle permet aux intéressés de toucher rapidement au moins une fartie des sommes dues, sans devoir attendre la liquidation de la faillit& .

B. Les bénéficiaires

Bénéficient de l' assurance-insolvabil ité tous les salariés payant des cotisations à l'assurance-chômage. Il faut toutefois examiner quelques situations particulières.

1. Les rentiers A VS

Selon la conception actuelle, les personnes qui ont atteint l'âge au- quel elles ont droit à une rente simple A VS (62 ans pour les femmes, 6S ans pour les hommes) n'ont plus besoin de travailler pour vivre: elles doivent jouir de leur pension (complétée par le second pilier) et peu- vent, en conséquence, se retirer du marché du travail. Libre à elles, évidemment, de rester salariées. Comme telles, elles ne paient pas de cotisation à l'assurance-chÔmage. Dès lors que le paiement de cotisa- tions représente l'une des conditions à l'ouverture du droit aux presta- tions de l'assurance-insolvabilité, les rentiers A VS ne sauraient pré- tendre à ces dernières69 .

L'idée que les rentiers AVS sont présumés quitter le marché du travail pourrait ne pas résister à l'épreuve des faits. Même complété par le deuxième pilier, le montant des rentes n'est pas tel qu'il permette à tout un chacun d'en vivre sans autres ressources. Lorsqu'ils se trouvent réduits à travailler pour survivre, les rentiers ne souffrent pas nécessai- rement moins que d'autres de l'insolvabilité de leur employeur. En conséquence, il parait injustifié de leur refuser la protection dont béné- ficient les salariés plus jeunes.

68. Cf. le message du Conseil fédéral concernant une nouvelle loi fédérale sur l'assurance-<:hômage obligatoire et l'indemnité en cas d'insolvabilité, du 2 juillet 1980, FF 1980 III 504 ss. Sur l'assurance-insolvabilité, voir outre DALLEVES/AMMANN, p. 30 à 48; AMMANN, Martin, Eine Insolvenzentschidigung IDr den Arbeitnehmer, SZS 1980, p. 212 ss.

69. Cf. l'art. 2 al. 2 lit. c et l'art. 51 al. 1 LACI; à propos de la réduction de l'horaire de travail, ATF 111 V 388-390.

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