LA CHROMATOGRAPHIE
- Basée sur l’utilisation d’une phase mobile, qui contient le mélange de substances à fractionner, et une phase stationnaire, au travers de laquelle les substances sont séparées.
- les interactions des différentes substances avec la phase stationnaire ralentissent plus ou moins leur migration au travers de cette phase selon
les propriétés respectives de chaque substance
- les propriétés communément utilisées pour effectuer le fractionnement sont:
- les interactions ioniques (Chromatographie par Chromatographie par ééchange d’change d’ionsions) - la taille (Chromatographie par gelChromatographie par gel--filtrationfiltration)
- la spécificité (Chromatographie dChromatographie d’’affinitaffinitéé)
A. Chromatographie par échange d’ions
-
dans un processus d’échange d’ions, les ions liés électrostatiquement à un support insoluble sont remplacés de manière réversible par des ions en solution:R+ A- + B- R+ B- + A- - R+ A- est un échangeur d’anions, sous la forme A-
- un échangeur de cations porte des groupes chargés négativement et lierait des cations de manière réversible
- les protéines portent à la fois des charges positives et négatives et peuvent lier à la fois un échangeur d’anions ou de cations
- l’affinité avec laquelle une protéine se lie à un échangeur d’ions dépend:
1) du pH de la solution, puisque la charge nette des protéines varie selon le pH 2) de la nature et des concentrations des autres ions en solution, qui vont aussi
compétitionner pour les sites de liaison de l’échangeur d’ions
- ces deux principes peuvent être utilisés pour purifier une protéine donnée parmi un mélange de molécules biologiques.
A.1 Matrices
- les échangeurs utilisés en chromatographie des protéines dépendent de deux caractéristiques importantes:
- La nature de leur matrice.
- Le type de groupement fonctionnel utilisé pour favoriser l’attachement de la protéine
- les matrices utilisées en chromatographie sont des polymères insolubles préparés sous formes de billes, appelées familièrement résines
- les polymères le plus souvent utilisés sont des polysaccharides comme le cellulose ou des dérivés du cellulose, de l’agarose ou autres polymères
- ces polymères sont suffisamment poreux afin de permettre la pénétration d’une protéine et le réseau des pores génère une surface beaucoup plus large que la surface de l’extérieur de la bille (Figure 1)
Figure 1
Illustration de l’échelle des particules absorbantes et protéines dans une colonne typique de
chromatographie. Agrandissement 106 de droite à gauche et montrant des interactions entre des protéines et une chaîne de polysaccharides chargés positivement.
A.2 Groupements fonctionnels.
- les échangeurs d’ions exploitent la présence d’une charge nette sur la protéine à un pH donné qui leur permettent d’interagir par attraction électrostatique
- il y a deux classes d’échangeurs :
- les échangeurs anioniques qui portent une charge positive - les échangeurs cationiques qui possèdent une charge négative
- chaque classe d’échangeurs se divise en groupe dit « échangeur fort » qui reste pleinement chargé entre pH ~ 3 et ~ 10 et « échangeur faible » qui est chargé dans une gamme de pH plus restreint.
Les groupements chimiques greffés sur les matrices sont:
QAE - amine quaternaire - (N+ pKa ~ 9.5) Æ échangeur anionique fort.
sulfonates Æ échangeur cationique fort.
DEAE - amine tertiaire - partiellement chargé à partir de pH 7 à 8 Æ échangeur anionique faible.
CM - carboxyméthyle - pleinement chargé à partir de pH 4.5 Æ échangeur cationique faible.
Figure 2
Représentation schématique d’échangeurs d’ions dérivés de la cellulose
A.3 Principe d’opération.
- les protéines se lient aux échangeurs par des forces électrostatiques entre la surface de la protéine et les groupements chargés sur l’échangeur
- Cependant, les charges de l’échangeur sont contrebalancées par des contre-ions (ions métalliques, des ions de sel, ou des ions du tampon).
-Une protéine doit alors déplacer les contre-ions pour s’attacher
-En général, la protéine possède une charge nette de même signe que les contre-ions à déplacer – d’où le terme « échangeur d’ions ».
- En solution, la protéine est également neutralisée par des contre-ions
- donc la protéine doit posséder une plus grande affinité pour l’échangeur que pour les contre-ions qu’elle doit déplacer
- ceci dépend des groupements chargés et de l’échangeur utilisé (fort ou faible).
- lorsqu’on purifie une protéine donnée, le pH et la concentration saline de la solution dans laquelle la protéine est dissoute sont choisis de sorte que cette protéine se trouve immobilisée sur l’échangeur d’ion
- une fois la solution de protéines est appliqué sur le haut de la colonne contenant l’échangeur, la colonne est lavée avec une solution tampon
- les différentes protéines se lieront à l’échangeur d’ions avec des affinités différentes
• les protéines ayant une affinité relativement faible pour l’échangeur d’ions migreront plus rapidement dans la colonne que celles qui lient l’échangeur avec une plus forte affinité
• plus l’affinité de liaison d’une protéine pour l’échangeur est forte, plus la migration sera retardée
- pour permettre l’élution des protéines fortement liées, le tampon de lavage doit être remplacé par un tampon d’élution de concentration saline supérieure ou de pH différent
- donc, la concentration saline et le pH du tampon sont des facteurs importants pour la liaison de notre protéine d’intérêt à l’échangeur d’ions ET son élution.
- Élution
- les protéines liées à l’échangeur d’ions peuvent être éluées par un tampon de concentration saline supérieure au tampon de lavage => procédé d’élution fractionnée (Figure 4)
- les gradients de sels sont le moyen le plus souvent utilisés afin d’éluer les protéines adsorbées sur l’échangeur => procédé d’élution par gradient
- l’utilisation d’un gradient linéaire, où la concentration saline de la solution d’élution varie de façon linéaire avec le volume qui passe dans la colonne, permet de libérer, les unes après les autres, les différentes protéines liées à l’échangeur d’ions
- normalement le KCl ou le NaCl sont utilisés pour former des gradients;
les gradients sont fabriqués en mélangeant deux solutions de sels de concentrations différentes
- le sel déplace directement la protéine; les ions occupent les sites chargés devenus disponibles et bloquent le rattachement de la protéine
- une fois la protéine détachée de la matrice, les sites libérés sur la matrice sont réoccupés par les contre-ions
Séparation de plusieurs protéines par chromatographie d’échange d’ions par élution fractionnée
Figure 4
B. Chromatographie par gel-filtration ou tamis moléculaire
- dans cette technique de chromatographie, les molécules sont séparées selon leur taille et leur forme
- les principes de cette méthode sont assez simples:
1) la phase stationnaire (résine) consiste en un réseau de polymères réticulé possédant des pores, fabriqué sous forme de billes
2) les pores dans les billes du gel sont suffisamment grands afin de permettre la pénétration complète des petites molécules, mais ils ne laissent pas pénétrer toutes les protéines à partir d’une certaine taille => la limite d’exclusion
3) les protéines qui ne pénètrent pas dans les pores traversent la colonne plus rapidement que les protéines retenues dans les pores des billes
- l’inaccessibilité aux protéines à partir d’une certaine taille est due au fait que certains pores sont trop étroits pour laisser passer des protéines,
Molécule de protéines
Surface de la bille
- les matrices utilisées sont faites de polymères insolubles à base de polysaccharides comme le dextrane (Sephadex) ou l’agarose (Sépharose), ou de polyacrylamide (Bio- Gel), préparées sous la forme de billes réticulées (poreuses)
- la figure représente une coupe bidimensionnelle d’une bille réticulée
- dans des conditions optimales, tous les pores
sont accessibles aux protéines, mais pas n’importe quelle taille de protéines peuvent y accéder
- l’accessibilité d’un pore pour une macromolécule peut donc varier entre 0 et 100%
- la porosité des gels dépendra:
• de la masse moléculaire du polymère
• du nombre de liaisons croisées qui se forment entre les molécules du polymère (pontages) - les meilleures billes de gel ont des tailles de pore qui excluent 90% des
macromolécules qui possèdent 5 à 6 fois la taille des macromolécules retenues dans le volume interstitiel des billes –> la limite d’exclusion
- les limites d’exclusion varieront de 0.8 à 800 kDa pour le Sephadex, et jusqu’à 40 000 kDa pour le Sepharose
Principe de filtration sur gel afin de séparer des protéines de tailles différentes sur une colonne. Les protéines de grandes tailles sont exclues de la plupart de pores, et par conséquent se déplacent avec le front du tampon.
Figure 5 écoulement
de la phase mobile (tampon)
Représentation schématique de la chromatographie par gel-filtration Figure 6
- les protéines dont la masse moléculaire est inférieure à la limite d’exclusion des billes seront éluées de la colonne selon leur masses moléculaires:
les plus grosses étant éluées en premier
- Le volume d’élution d’une protéine dans une colonne de gel-filtration (Ve) peut être déterminé quantitativement => c’est le volume de solvant nécessaire pour éluer la protéine après son dépôt sur la colonne
En utilisant l’équation: Vt = Vx + Vo où Vx = le volume occupé par les billes
Vo = le volume mort (volume de solvant qui entoure les billes, ~35% de Vt) Vt = le volume total de la colonne
il est possible de mesurer le volume d’élution relatif (Ve/Vo) d’une protéine
• Cette mesure permet d’estimer la masse moléculaire d’une protéine
- il existe une relation linéaire entre le volume d’élution relatif d’une protéine et le logarithme de sa masse moléculaire (Figure 7)
- à partir du graphe à la Figure 7, il est possible d’estimer la masse d’une protéine inconnue en connaissant son volume d’élution relatif
Volume d’élution relatif en fonction du logarithme de la masse moléculaire de protéines éluées d’une colonne de dextran réticulée. Les barres en orange correspondent à l’élution des
glycoprotéines (protéines auxquelles sont liés des groupes
oligosaccharidiques).
Figure 7
B.1 La dialyse: une forme de filtration moléculaire
-
la dialyse permet de séparer les molécules selon leurs tailles grâce à l’utilisation de membranes semi-perméables qui présentent des pores de taille inférieure aux protéines- ces pores permettent aux petites molécules, comme les sels et les métabolites, de diffuser au travers de la membrane, mais empêchent la diffusion de plus grosses molécules
- les membranes utilisées sont à base de cellophane (cellulose)
- Cette technique est fréquemment utilisée pour éliminer les sels présents dans un échantillon de protéine obtenu après précipitation (salting out) ou après élution avec un tampon riche en sels d’une colonne de chromatographie par échange d’ions
- la solution de protéines et de sels est mise à l’intérieur d’un sac à dialyse, puis immergée dans un large volume de tampon. Après plusieurs heures, les solutions se retrouveront à l’équilibre grâce à la diffusion des sels de l’intérieur du sac vers le tampon de dialyse (Figure 8)
Figure 8 au début de la
dialyse
à l’équilibre
Séparation de petites et de grandes molécules par dialyse
C. Chromatographie d’affinité
- dans cette technique, un ligand, qui lie spécifiquement la protéine d’intérêt, est fixé de manière covalente à une matrice poreuse et inerte
- quand un solution contenant un mélange de protéines traverse la colonne,
la protéine d’intérêt se liera au ligand immobilisé, alors que les autres protéines ne s’y lieront pas et sortiront de la colonne (Figure 9)
- on peut alors récupérer la protéine désirée sous une forme très pure en modifiant les conditions d’élution pour faire en sorte que la protéine se détache du ligand
•soit en ajoutant un excès de ligand libre dans la colonne ( celui-ci entre en compétition pour la liaison de la protéine) ou en changeant le pH, la force ionique et/ou la température
- cette approche possède le grand avantage d’exploiter les propriétés biochimiques uniques de la protéine d’intérêt, au lieu d’utiliser des propriétés physico-chimiques qui sont aussi partagées par d’autres protéines
- possède aussi l’avantage de pouvoir purifier la protéine d’intérêt à un très haut degré de pureté en une seule étape
Figure 9 Séparation de macromolécules
par chromatographie d’affinité
C.1 L’interaction protéine-ligand
- la liaison d’une protéine P à un ligand L peut être représenté par cette équation:
P + L P-L
où le Kd représente la constante de dissociation (une mesure de l’affinité protéine- ligand)
- quand le ligand est couplé à une matrice M, l’équation devient:
P + L-M P-L-M
- la liaison du ligand sur la matrice ne doit pas interférer dans l’interaction protéine-ligand
-> le Kd’ devrait varier entre 10-4 M et 10-10 M
- la quantité de protéine retenue sur la colonne (P-L-M) dépendra:
- du Kd’ (l’interaction est trop faible si la valeur >10-4 M) - de la concentration de protéine dans l’extrait
- du degré de liaison du ligand à la matrice (concentration de L-M) Kd
Kd’
Ligand Spécificité
NAD, NADP Dehydrogénases
5’-AMP enzymes NAD-dépendantes
2',5'-ADP enzymes NADP+-dépendantes
Glutathione Glutathione-S-transferase (protéines de fusion) Chitin Chitin binding protein (protéines de fusion) Amylose Maltose binding protein (protéines de fusion)
Bleu B Kinases, déhydrogénases
Bleu F3G-A enzymes NAD+-dépendantes Rouge HE-3B enzymes NADP+-dépendantes
Vert A protéines CoA, HSA, déhydrogénases Arginine Fibronectin, prothrombin
Benzamidine protéases à Serine
Calmodulin Kinases
Gélatine Fibronectin
Héparine Lipoprotéines, protéines liant l’ADN et l’ARN Lectines, concanavaline A protéines glycosylées
Anticorps (IgG) Antigènes (protéines, etc) Protéine A fragments Fc des anticorps
Protéine G Anticorps
Poly U protéines liant l’ARN Types de ligands couramment utilisés
C.2 Liaison d’un ligand à une matrice
- la matrice utilisée pour la chromatographie d’affinité doit être:
- chimiquement inerte
- avoir une grande porosité
- présenter de nombreux groupes fonctionnels capables de former des liens covalents avec les ligands
• l’agarose est le polymère le plus fréquemment utilisé
- la liaison par lien de covalence du ligand sur la matrice d’agarose se fait en deux temps:
1) réaction de l’agarose avec du bromure de cyanogène, qui produit un intermédiaire "activé" et stable
2) le ligand réagit avec l’agarose activé pour donner un produit lié par covalence (Figure 10)
- cependant, plusieurs protéines sont incapables de se lier à leur ligand couplé
au bromure de cyanogène à cause d’interférence stérique avec la matrice d’agarose - pour éviter ce problème, un bras "espaceur" souple est
ajouté entre la matrice et le ligand (Figure 11)
Figure 10 Synthèse de l’agarose activée
par le bromure de cyanogène L’agarose activée réagit avec une amine primaire pour
former un lien covalent entre un ligand (RNH2) et la
matrice
a) Sepharose NH (CH2)6 NH2
b) Sepharose
NH (CH2)5
NH (CH2)5 COOH
c) Sepharose
O
CO N
O O O
O O
d) Sepharose O (CH2)4 CH2 CH OH
CH2 CH2
CH2 CH
N C N
H O H
L L
Figure 11
La protéine ne peut pas lier le ligand lorsque ce dernier est couplé
directement à la matrice d’agarose
L’ajout d’un bras espaceur de 6 atomes de carbones permet à la protéine d’avoir accès au ligand
Plusieurs matrices, disponibles commercialement, possèdent des groupes réactifs, comme l’époxy (d) séparées de la matrice par un bras espaceur
Détection des protéines lors de l’élution d’une colonne chromatographique
- lorsqu’on purifie une ou des protéines par chromatographie, il faut une méthode qui permette de la ou les détecter quantitativement et spécifiquement dans les différentes fractions de l’éluat
- les méthodes utilisées sont:
• absorption des protéines dans l’UV avec un spectrophotomètre - les protéines absorbent la lumière autour de 280nm - méthode non spécifique
• essai colorimétrique (essai de Bradford)
- contient un produit qui, en réagissant avec les protéines, donne une couleur mauve à la solution -> l’intensité de la couleur est
proportionnelle à la concentration de protéine en solution - méthode non spécifique
• essai enzymatique
- pratique si la protéine à purifier est une enzyme
• détection de la protéine sur gel SDS-PAGE (avec un colorant) - permet de déterminer le degré de pureté de la protéine
• détection de la protéine avec un anticorps (essai ELISA ou immunoblot) - très spécifique