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Academic year: 2021

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(1)

HAL Id: jpa-00216433

https://hal.archives-ouvertes.fr/jpa-00216433

Submitted on 1 Jan 1976

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TURBULENCE

A. Craya

To cite this version:

A. Craya. TURBULENCE. Journal de Physique Colloques, 1976, 37 (C1), pp.C1-35-C1-55.

�10.1051/jphyscol:1976106�. �jpa-00216433�

(2)

JOURNAL DE PHYSIQUE

Colloque Cl, supplément au n° 1, Tome 37, Janvier 1976, page Cl-35

TURBULENCE

A. CRAYA (f)

Institut de Mécanique de Grenoble, Université Scientifique et Médicale BP 53, Centre de Tri, 38041 Grenoble-Cedex, France

Résumé. — Une revue de l'état actuel de la turbulence est présentée, en insistant sur les aspects théoriques, mais en ayant en vue les problèmes concrets sous-jacents. On examine successivement les divers écoulements turbulents et la formation probabiliste, les champs turbulents homogènes, les petites échelles de la turbulence et l'intermittence, les représentations d'un champ turbulent homo- gène, les théories analytiques de la turbulence homogène, les approches phénoménologiques à la turbulence inhomogène.

Abstract. — A review is presented of the present state of the problems of turbulence, with emphasis on the theory, but in relation to the needs of applications. The following topics are examined : various turbulent flows and probabilistic formulation, homogeneous turbulent fields, small scales of turbulence and intermittency, representations of a homogeneous turbulent field, ana- lytical theories of turbulence, inhomogeneous turbulence and phenomenological approaches.

1. Ecoulements turbulents. Formulation probabiliste.

Parler de turbulence est difficile. Essayer d'être clair et significatif en peu de temps devient acrobatique.

Je voudrais préciser au départ mes préoccupations et mes orientations.

D'abord quelques évidences. Il s'agit principalement en turbulence, de fluides en tant que milieux continus.

Une loi de contrainte généralement suffisante est celle des fluides visqueux newtoniens, mais l'intérêt porté notamment aux injections pariétales de polymères conduit à s'intéresser à des fluides non linéaires et à mémoire. Lorsque la masse volumique varie et fluctue (par exemple fluide non isotherme), la pesanteur apporte des forces massiques, alors même que les variations de densité sont insignifiantes en tant que coefficient d'inertie (approximation de Boussinesq).

Pour les fluides conducteurs électriques (métaux liquides, gaz ionisés) il y a lieu de tenir compte des forces massiques d'origine magnétique. Pour des fluides diélectriques avec injection de charge, on doit cette fois prendre en compte les forces massiques électriques. Dans les deux cas il faut joindre aux équa- tions générales de la dynamique celles convenablement simplifiées du champ électromagnétique. Lorsqu'un écoulement est supersonique par rapport à une paroi fixe, il y a production intense et fluctuations d'entropie.

D'une façon générale dès qu'un écoulement n'est pas isotherme, il faut considérer l'équation de l'énergie interne et les contraintes thermodynamiques. Des aspects spécifiques de la compressibilité sont d'autre part les phénomènes de rayonnement acoustique. Il nous faut mentionner enfin le problème des mélanges, de la dispersion de contaminants, sans oublier les mélanges réactifs (combustion, flammes). Pourquoi cette revue de presque toute la mécanique des fluides ?

(t) décédé le 13 Février 1976.

Simplement pour souligner que la plupart des écoule- ments à l'échelle terrestre (ou même astrophysique) sont turbulents, et qu'une mécanique des fluides tur- bulents a une importance pratique considérable (je souligne en particulier les applications aux diverses techniques des fluides, à l'aéronautique et à l'espace, à la dynamique de l'atmosphère, des océans, e t c . ) .

Depuis plus de cent ans, les connaissances accumu- lées à cet égard ont été surtout expérimentales (en laboratoire ou en site géophysique). Les progrès dans l'anémométrie (fil chaud, laser) et dans le traitement du signal, ont apporté une richesse considérable (et iné- puisable) d'informations. Nous savons beaucoup de choses, qui se compliquent à plaisir chaque fois que l'on affine l'exploration, mais peu de résultats suffisam- ment simples et généraux émergent. Quoi qu'il en soit, ces finalités pratiques ne doivent pas être perdues de vue quand on s'enfonce dans la théorie. C'est à celle-ci que je m'intéresserai en priorité dans cet exposé en ayant présents à l'esprit les problèmes concrets sous- jacents.

La formulation théorique généralement retenue est probabiliste (il convient toutefois de signaler la voie dissidente suivie en France par Bass [1]). Les compo- santes de la vitesse par exemple sont alors des fonc- tions aléatoires de P(M, t). Chaque réalisation d'un champ turbulent peut être considérée comme un point m dans un espace de probabilité. C'est surtout dans les travaux les plus fondamentaux (et je rends ici un respectueux hommage à ceux de Kampe de Feriet [2]), qu'il est fait appel explicitement à cette source axio- matique. En pratique plutôt que de considérer les fonctions aléatoires en bloc, on préfère (ce qui d'ailleurs est à peu près équivalent), considérer les variables aléatoires à 3 « dimensions (3 composantes de la vitesse en n points P assignés). On admet de plus l'existence d'une densité de probabilité. On en déduit

Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/jphyscol:1976106

(3)

toute moyenne statistique, et le fait qu'elles obéissent à quatre règles dites de Reynolds, à partir desquelles on peut déduire mécaniquement et en toute sécurité, tout un arsenal d'équations de moments, à partir des équations aux dérivées partielles vérifiées par chaque réalisation. Il n'y a donc là (quoi qu'on en ait dit par- fois) rien que de très légitime ; ce qui l'est moins c'est le parti qu'on peut tirer de cette suite sans fin d'équa- tions de moments.

Dans le présent exposé je me limiterai aux fluides visqueux newtoniens incompressibles et isothermes ; il y a là un abrégé de toutes les difficultés. De plus je considérerai exclusivement une turbulence tridimen- sionnelle. La turbulence bidimensionnelle est intéres- sante pour représenter la turbulence de l'atmosphère à l'échelle planétaire, mais elle est assez spéciale en rai- son de la dynamique particulière de l'enstrophie qui caractérise la dimension deux. De même j'écarterai la turbulence (dite aussi burgulence) associée à une équation modèle à une dimension, fabriquée par Bur- gers (il s'agit ici d'un mécanisme encore plus particulier de formation et de coalescences de chocs). Les deux cas exclus n'en sont pas moins très intéressants, notamment comme épreuve pour certaines théories qui ne font pas de référence à la dimension de l'espace Dans ce qui suit la moyenne statistique d'une compo- sante de la vitesse sera désignée par U i , et le supplément aléatoire (ou fluctuation) par u,. Il est entendu que toute moyenne d'une grandeur f, sera toujours la moyenne statistique (ou d'ensemble) et désignée par le symbole f (moins encombrant que < f >).

La moyenne d'ensemble a l'inconvénient (comme toujours en physique théorique) de ne pas correspondre à un procédé opératoire expérimental. 11 convient donc de s'inquiéter de la manière de l'approcher à partir de moyennes temporelles assez longues sur une seule réalisation (qui sont la règle en pratique). Il faut pour cela que la turbulence soit stationnaire (invariance de toute moyenne pour une translation sur l'axe des temps, d'un groupe d'instants ti). On a ici un critère très précieux. Considérons F(t) dont la moyenne sta- tistique est F(indépendant du temps) et la fluctuation aléatoire f (t). On introduit la covariance

f (t) f (t + 2)

=

b(l

2

1) (par stationarité) (1.1) .et la fonction d'autocorrélation

Soit d'autre part la moyenne temporelle sur une réali- sation (donc aléatoire)

FT = ' J

- T i 2

F(t +

T)

d i .

On calcule aisément que :

avec

Une moyenne temporelle sur un temps suffisant (pré- cisé par @), revient ainsi à considérer un grand nombre de réalisations indépendantes. Prenons par exemple F

=

v2" avec Ü

=

O. Si pour fixer les idées

u

est gaussien on a :

et ce rapport augmente vite avec n (pour n

=

1, 2, 3, les coefficients sont 3213, 22615, 128017). On s'est avisé de cette nécessité évidente récemment (Tennekes [3], Orszag [4]).

En pratique on se contenterait volontiers de simples moyennes en un seul point. C'est ainsi que l'on forme les équations bien connues de Reynolds pour la vitesse moyenne Ui, qui introduisent - les moyennes cruciales ui uj. En particulier p 112 u,

u ,

constitue l'énergie cinétique turbulente par unité de masse en' un point. On l'exprime habituellement par la notation sans ambiguïté 113

,=

u2.

C'est également sans peine que l'on forme ensuite des équations d'évolution pour

dt lagrangienne

-

d désignera toujours

dt

d'où en particulier une équation d'évolution de l'énergie cinétique, qui introduit une grandeur fonda- mentale qui est le taux de dissipation visqueuse moyenne de la turbulence :

La première expression (où eij est le tenseur taux de déformation)

est rigoureuse pour un fluide visqueux newtonien à un

seul coefficient de viscosité, ce qui est le cas pour un

fluide incompressible. Les deux autres sont des iden-

tités compte tenu de l'incompressibilité. L'importance

de Ë apparaîtra mieux par la suite, parce qu'il s'identifie

à une autre grandeur, qui est en fait indépendante de la

viscosité (c'est un fait central en turbulence), qui est le

flux spectral moyen d'énergie cinétique entrant dans le

domaine d'équilibre dans l'espace de Fourier.

(4)

TURBULENCE Cl-37

Indépendamment de l'expression (1.6) la dyna- mique de l'enstrophie est capitale en mécanique des fluides et en turbulence. On est donc conduit à former une équation d'évolution pour

d

--

-

coi coi

(O

= rot U) d t

et en particulier pour 112 coi mi

-

qui est par définition l'enstrophie par unité de volume. Former une telle équation revient d'après (1.6) à former une équation d'évolution pour dE/dt. Les approches les plus récentes de la turbulence inhomogène s'expriment à partir des trois relations que je viens d'évoquer ; j'y reviendrai à la fin de cet exposé.

Il est commode en turbulence quelconque (inhomo- gène) de former des échelles de longueur et de temps définies comme suit. Pour les échelles énergétiques on part de u et de E (considéré dans sa deuxième accep- tion) formant ainsi les échelles de longueur, temps et vitesse

Pour les échelles diss'ipatives on part de E et v formant ainsi les échelles

On désigne sous le nom de nombre de Reynolds de la turbulence l'expression

Il est simple à partir de ces définitions de calculer le rapport y/l qui est R ; ~ ' ~ . Dans la pratique expéri- mentale il est commode d'écrire une quantité comme ( û ~ , / û x , ) ~ sous la forme u?/a2. Cette échelle de Taylor

A (qui est hybride), est aussi commode pour certaines évaluations d'ordre de grandeur. On peut donc intro- duire en parallèle le nombre de Reynolds

En turbulence isotrope on montre aisément que

= 15 u2/Â2. On en déduit le lien

On retiendra de ce qui précède qu'aux très grands nombres de Reynolds de la turbulence, l'écart entre l'échelle énergétique 1 et l'échelle dissipative y, se creuse en un énorme fossé.

Les échelles énergétiques 1, 8 sont les plus impor- tantes pour les applications ; toutefois les échelles plus grosses bien qu'elles contiennent en moyenne peù d'énergie sont très intéressantes par les structures

qu'elles révèlent et l'expérimentation leur accorde actuellement un intérêt renouvelé. Les petites échelles (jusqu'à q) sont intéressantes par certaines propriétés assez universelles qui les caractérisent ; au-dessous de y on trouve une structure spatiale assez curieuse (inter- mittence), qu'on aimerait connaître en détail.

2. Champs turbulents homogènes.

-

Il s'agit d'un fluide illimité, pour lequel en moyenne, aucune région de l'espace n'est privilégiée, c'est-à-dire tel que toute moyenne statistique relative à un groupe quelconque de points M à un instant donné, soit invariante pour toute translation de ce groupe de points (il y a là en somme une extension spatiale de la stationarité dans le temps). Ainsi les moments des fluctuations ui en un point sont uniformes ; ceux concernant deux points x et x + r ne dépendent que de r, ceux concernant trois points x, x + r', x + r" ne dépendent que de r' et ru.

L'intérêt de la turbulence homogène est qu'elle est un peu moins inabordable par la théorie. Cependant on s'est trop confiné à la turbulence pure (vitesses moyennes Ui nulles), donc au problème de l'interaction des fluctuations turbulentes avec elles-mêmes. D'autre part pour plus de simplicité, on la suppose générale- ment isotrope (invariance pour toutes rotations et symétries d'un groupe de points). On pourrait .penser que la présence de vitesses moyennes Ui est incompa- tible avec l'idée même de champ turbulent homogène.

On notera cependant que la fluctuation aléatoire est à moyenne nulle (donc uniforme par définition) ; on peut consi,dérer un champ déterministe Ui(x) et s'assu- rer que les équations de la dynamique permettent de lui associer une turbulence homogène ; on ne se heurte ainsi à aucune contradiction, pourvu que l'on prenne ûUi/ôxj = Ai, (constantes données). On a alors une action directe du champ imposé Ui(x), qui modèle pour une part importante (mais incomplète) l'évolution des moments

Ce point de vue a été préconisé par l'auteur de la

présente revue [ 5 ] , peu après Burgers et Mitchner [6] ;

pour des prolongements numériques récents on pourra

consulter Courseau [7] et Loiseau [8]. Une telle turbu-

lence diffère bien sûr profondément d'une turbulence

inhomogène, parce qu'il n'y a pas de réaction de la

turbulence sur le champ imposé et de ce fait pas

d'échelle spatiale (autre que celle de la turbulence ini-

tiale). Les tentatives récentes de modèles phénoméno-

logiques ont besoin de s'appuyer sur des prototypes

simples bien explorés par la théorie et l'expérience ;

c'est pourquoi je pense qu'un élargissement des

classes de turbulence homogène serait bénéfique. Il

faut reconnaître cependant qu'en contrepartie d'une

dramatisation peut-être excessive de certains aspects,

les recherches de turbulence pure ont forgé des outils

utilisables ailleurs.

(5)

Un autre intérêt de la turbulence homogène est faut souligner qu'il s'agit alors d'une circonstance très qu'on peut la réaliser expérimentalement (du moins de particulière.

manière approchée). Les nombreux essais sur la On obtient aisément l'équation d'évolution de turbulence à peu près isotrope obtenue par passage Rii(r) (en supposant pour simplifier que la turbulence d'un courant uniforme à travers une grille sont bien possède un centre de symétriè, c'est-à-dire que

connus. On a moins étudié le retour à l'isotropie d'une

Rij(r)

=

Rij(- r) .

turbulence initialement anisotrope, et encore moins l'interaction avec un champ imposé ôUi/axj. Deux

cas simples sont à cet égard, la déformation pure a Rd')

-

&(r) + 2 vk2 -

at 2 2 (2.2)

plane

E i i

=

a , Ez2

=

- a , E,,

=

O Il y a avantage à former les transformés de Fourier

et le cas Qij(k) =

-

j Rij(r) e-" dr

(2 7.4, (2.3)

au,=s

8x2

-

lQiU(k)

= -

1 Qilj(r) eëikr dr

qui correspond en fait à l'addition d'une déformation (2

74,

(2 .4)

pure plane El, = E2,

=

s et d'une rotation instan-

tanée d'où

Il faut mentionner enfin les cas (que j'ai exclus de cet

exposé) cun champ thermique ou magnétique associé. en termes desquels on a une équation d'évolution de On notera que par extension de la propriété ergo- @id')

dique mentionnée à propos de la stationarité, une

moyenne statistique d'un champ homogène peut être a Q>ii(k) @ii(k)

- - =

kl Oili(k)

-

2 vk2

-

at 2 2 . (2.6)

approchée en probabilité, par une moyenne spatiale sur une seule réalisation (propriété précieuse pour les

On a avantage, même en turbulence anisotrope, à calculs numériques directs à partir des équations de

introduire des intégrales sur des sphères Zk de rayon k Navier-Stokes (Orszag et Patterson [9])).

Il faut souligner enfin qu'à moins d'un deus ex machina qui serait constitué par une force massique aléatoire (en fluide neutre isotherme, ce peut être un utile instrument de pensée, mais difficilement réalisa- blej, une turbulence homogène est essentiellement instationnaire ; à ce propos, il y aurait même avantage à favoriser volontairement l'instationarité (qui est spontanément un déclin).

En turbulence homogène anisotrope, les moyennes les plus simples sont les moments en deux points, qui sont en désignant ui(M) par ui, uj(M') par u; et par c,

une composante de r :

de sorte que (2.6) devient

Par transformés de Fourier inverse on constate que

1-

- w

Les corrélations pression-vitesse

-

pu;, n'interviennent e

=

2 v j k2 E(k) dk

P

O

(2.9)

pas en turbulence homogène, dans la contraction

--

Rii(r) à laquelle nous nous limiterons ici ; en revanche mi mi

m

elles jouent un rôle capital d'échanges entre les Rij, --

=

1 k2 E(k) dk .

2

O

tendant à les rendre isotropes. Lorsque la turbulence

est supposée d'emblée isotrope, cet effet n'a pas bien Ces expressions apportent une décomposition de

sûr l'occasion de se manifester, et dans ce cas les corré- l'énergie cinétique, de la dissipation et de l'enstrophie

lations pression-vitesse sont identiquement nulles ; il moyenne, en contributions (elles aussi moyennes), de

(6)

TURBULENCE diverses échelles k dans l'espace de Fourier, et llk dans

l'espace physique.

En intégrant (2.8) de zéro à l'infini on voit que

a:

Tdk = O

O

(car la variation de l'énergie cinétique ne peut être due qu'à la seule dissipation visqueuse). On a donc

de sorte qu'en intégrant (2.8) de k à l'infini on voit que n(k) représente le flux d'énergie cinétique moyenne entrant dans la sphère Z,.

Anticipant et préparant la section suivante, on sup- pose maintenant que pour R, s 1, il existe un domaine de grand k (dit de l'équilibre), oii la variation tempo- relle aE/at est négligeable devant le bilan, flux entrant- dissipation, de sorte que dans ce domaine

On suppose de plus R, si grand, que le domaine d'équi- libre comporte à son'extrémité inférieure un domaine de k toujours grand, mais tel que la dissipation étant reportée beaucoup plus loin, y soit négligeable. Dans cette zone dite inertielle, on aurait alors

J'insiste à nouveau sur cette deuxième signification de 2, comme flux d'énergie entrant dans le domaine inertiel et le traversant sans modification sur une certaine gamme de k. Défini par la zone productrice d'énergie (à échelle I dans l'espace physique, 111 dans l'espace de Fourier), ce flux identique à sa dissipation finale aux grands k, serait donc indépendant de la viscosité (pour une séparation suffisante entre la source et le puits d'énergie, c'est-à-dire pour R, 9 1).

Il me paraît nécessaire de rappeler (bien qu'elles soient classiques, mais de valeur permanente) quelques relations concernant la turbulence isotrope. D'abord parce que nous en aurons besoin dans la section sui- vante relative à l'équilibre (qui est isotrope) ; ensuite parce qu'il est bon d'avoir un tableau clair de quelques formules déduites d'une algèbre élégante mais un peu longue ; enfin parce que tant d'acharnement a été consacré à la turbulence isotrope qu'il est utile de se souvenir de son expression au bremier stade de la théorie.

Deux scalaires E(k) et T(k) suffisent à exprimer la dynamique de la turbulence isotrope dans l'espace de Fourier. On a en effet :

E(k) k. k .

Qij(k) = - Aij(k) avec Aij(k) = dij - LJ

4 nk2 k2

d'où

De même dans l'espace physique, il suffit d'introduire les moments

- ul(xl)ul(xl+r)=F(r) et u~(x,)u,(x,+r)=K(r)

(2.15) à partir desquels on trouve

Il y a correspondance de transformés de Fourier entre Rii(r)/2 et aii(k)/2 et entre Tii(r) et Qii(k). On en déduit :

1 "

E(k)

=

- Rii(r) kr sin kr dr n

O

T(k)

= - L

) zi(r) kr sin kr dr n

O

sin kr dr

m

sin kr

Ti(r)

=

1

O

T(k) 7 dr

Je rappelle enfin que la relation (2.2) entre Rii et Ti, se traduit en turbulence isotrope en une équation entre F et K. En vue d'une utilisation ultérieure, je l'écris sous une forme un peu moins usuelle :

On aura besoin dans la suite, d'introduire les diffé- rences de vitesse en deux points. Désignant toujours ui(M) par ui et ui(M') par ul on pose :

et on s'intéresse aux moments

(7)

Pour une turbulence à centre de symétrie, on calcule aisément que

En turbulence isotrope, il suffit de considérer les composantes (où la direction Ox, est d'ailleurs quelconque)

- 2

Bi 1(r, 0,O)

= W l

Passant sur quelques détails on obtient ainsi

-

F = U 2 - -

W'

K Z 6 w 1 . 1 3 (2.24) 2 '

On en déduit la transposition suivante (rigoureuse) de l'éq. (2.19)

La raison pour laquelle j'ai tenu à expliciter cette ,expression peu connue est la suivante. Admettons à nouveau les deux seules hypothèses suivantes : a) exis- tence d'une zone d'équilibre pour R, % 1 telle que a/at soit négligeable devant le reste ; b) existence pour R, très grand d'une zone inertielle appartenant à l'extrémité inférieure de la zone d'équilibre, telle que la viscosité y soit encore négligeable. Dans ces conditions et sans autre hypothèse complémentaire, la relation (2.25) nous enseigne que

Ce résultat souligné par Landau [IO], doit demeurer vrai, pour n'importe quelle formulation ultérieure plus détaillée de l'équilibre ; sa simplicité tient à la présence de

Ë SOUS

formè linéaire.

Une dernière remarque concerne la notion de l'échelle intégrale. En turbulence isotrope on peut définir une échelle L directement accessible à l'expé- rience par

On peut s'assurer à l'aide de formes approchées de E(k) valables aux grands R, que les échelles L et E = u3/z ne diffèrent que par un facteur numérique voisin de l'unité.

3. Les petites échelles de la turbulence. L'intermit- tence. - Les théories de l'équilibre aux petites échelles de la turbulence sont à la fois fondamentales,

délicates et controversées. Leur support (même dans l'esprit de Kolmogorov) est intuitif. Mais il s'agit d'une intuition profonde : la mécanique statistique de la turbulence n'est pas celle de l'équipartition de:

l'énergie entre un grand nombre de degrés de liberte dans un système conservatif, mais celle d'un flux d'éner- gie entre une source et un puits dans un système dissi- patif. On traduit volontiers ces idées par les images parlantes de cascade, de générations de tourbillons et de concassage de cailloux ; il convient évidemment de commencer par les préciser.

Nous avons déjà introduit deux échelles extrêmes : l'échelle énergétique I et l'échelle dissipative y ; il nous faut maintenant définir les échelles intermédiaires. Un bon moyen d'y arriver est de découper l'espace de.

Fourier en sphères concentriques, dont le rayon croît en progression géométrique. Le volume un aura un rayon médian k, et sera limité par deux sphères de rayon kn et kn avec :

Il peut y avoir avantage (Tennekes et Lumley [Il]) à choisir

- -

A k n - 1 soit a=1,618, a 2 = l + a = 2 , 6 1 8 . (3.2) k"

Si le spectre E(k) obéit à une loi de puissance k-"

on obtient pour chaque cellule

-

une énergie cinétique kE(k) - kt-" et une vitesse caractéristique k1 -"/',

-

une échelle caractéristique dans l'espace phy- sique l/k,

-

une échelle de temps caractéristique

-.

une dissipation (ou enstrophie) - k3-".

Dans le domaine inertiel (où l'od trouvera qua n

=

5/3), on voit que pour les diverses cellules, l'énergie cinétique varie comme E-2/3, la dissipation et l'enstrophie comme k4I3 et que leur temps caractè- ristique varie comme k-'l3. Cette petitesse du temps de réaction des petites échelles est à la base de l a notion de l'équilibre, car les variations globales sont commandées par une échelle de temps beaucoup plus longue

D'autre part partant de k, - 111 et terminant à

k , - 1/y on voit que

(8)

TURBULENCE Cl-41

n =

---

1 log - kn =

----

1 1 log

-

2 log a k, 2 log a y

- I J - --

0,418 4 log R, - 1,8 log Rl .

Entre la zone de production d'énergie du spectre (k, - 111) et la zone de dissipation (k, - ]/y) il y aura donc un nombre de cellules d'autant plus grand que RI est grand. Si à chaque étape, la pression agit comme un agent égalisateur des composantes de l'éner- gie cinétique, on peut escompter une tendance à l'isotropie aux petites échelles.

Il plane, il faut l'avouer, un certain vague sur le mécanisme de l'interaction entre les diverses cellules.

On le suppose agir en similitude, et son action pourrait être qualitativement la suivante ; à une cellule d'une certaine échelle on attache une déformation pure, et pour une cellule de plus petite échelle on porte son attention sur sa vorticité : la dynamique bien connue du vecteur tourbillon montre que celui de la petite échelle tendra à s'aligner sur un axe principal du tenseur de déformation du gros, qu'il en résultera une augmen- tation de son enstrophie et finalement de son énergie cinétique. Il y aurait donc par là (en dimension 3) une tendance à une dispersion de l'énergie cinétique en direction du puits d'énergie où elle est engloutie par la dissipation, et une concentration de la dissipation et de l'enstrophie aux grands k. La notion de la zone inertielle de l'équilibre se présente naturellement à la limite extrême de R, très grand ; dans ce cas la zone d'équilibre peut fort bien comprendre une portion, où par surcroît, la dissipation (donc la viscosité) n'est pas opérante. Ces notions peuvent être analysées plus en détail en considérant deux développements asympto- tiques raccordés, valables d'un pour la zone inertielle, l'autre pour l'ensemble de la zone d'équilibre. On peut préciser ainsi avec plus de précision (Tennekes et Lum- ley [Il]) les conditions à réaliser pour avoir une chance raisonnable d'obtenir une zone d'équilibre (RI > 102), et un domaine inertiel (RI > IO5).

Après ces préliminaires on peut rappeler la formu- 'lation précise de Kolmogorov [12] (première version 1941) qui a constitué un progrès considérable et une pierre d'angle de la turbulence. Il me semble préfé- rable pour diverses raisons (notamment pour une meilleure comparaison des deux versions) de revenir à la présentation originelle de Kolmogorov, en diffé- rences de vitesses dans l'espace physique. Cette formu- lation en différences de vitesses (au même instant) est capitale, car une perturbation de beaucoup plus grosse échelle (qui se traduit localement par un dépla- cement en bloc d'une constellation de points rappro- chés), ne peut alors avoir aucune influence sur la statistique du mouvement de ces points. Kolmogorov considère donc un point M, autour de lui des points rapprochés Ml, M,, M,, et les différences de vitesses

correspondantes wtl), w ( ~ ) , ..., w("). Il introduit même des décalages de temps entre M et Mn et corrige pour cela les effets de convection. Il suffira pour l'essentiel de se limiter à deux points, au même instant.

L'hypothèse de base de la première version est que les seuls paramètres de l'équilibre, (pour RI 9 1 et r < 1) sont E flux d'énergie pénétrant dans la zone d'équilibre, et la viscosité v qui localise la dissipation.

A partir de ces deux seules grandeurs, on forme donc les échelles v

=

(vË)"~ et y = (v3/E)'I4 déjà introduites précédemment. Si l'on rapporte les différences de vitesses w à v et les longueurs r à y on est amené à considérer par exemple pour w,

Ik est postulé que la statistique des w;, et par consé- quent les moments correspondants sont des fonctions universelles de r/y (pour R, 9 1 et r -+ 1) (hypothèse 1) soit

S'il existe une zone inertielle (pour y 4 r -+ 1) où v n'intervient pas, l'expression de y entraîne (hypo- thèse 2)

avec

P -

n

= -

soit wf

=

c , ( ~ Ë ) ~ / ~ .

3 (3.8)

-

En particulier avec p

- =

2 on obtient w f = c2(rq2I3 et avec p = 3 wl

=

C , r i (ce dernier cas est bien recoupé par le résultat déjà obtenu sans aucune hypo- thèse sur les paramètrks de l'équilibre, avec la précision que C , = - 415).

-

On peut de w f passer à et de là à E(k, t ) (formules (2.16), (2.17), (2.18)). On obtient les résultats suivants bien connus :

-

zone d'équilibre

(9)

-

zone inertielle et à partir de v et

E,

l'échelle interne (aléatoire)

Le spectre en - 513 a connu un succès inespéré, car on l'obtient presque trop souvent alors qu'on devrait l'atteindre plutôt aux grands RI réalisés dans les écoulements géophysiques. Cette première version de la théorie de Kolmogorov embarrasse donc par son trop grand succès, mais d'autre part certaines de ses conséquences sont contredites par l'expérience.

Il a d'abord paru curieux à Landau 1101 que l'expres- sion wl, dans le domaine inertiel, fasse intervenir E - p / 3 ; s'il se trouve que la variable aléatoire

E

fluctue beaucoup, ne faudrait-il pas prendre en compte dans l'équilibre sa variance ?

En second lieu, la théorie générale de l'équilibre entraîne que lorsque RI -+ oo des rapports sans dimen- sions tels que

- -

[(Tl

devraient tendre vers des constantes. Or Batchelor et Townsend [12] ont observé depuis longtemps déjà qu'ils révèlent une dépendance croissante par rapport à R,. Ces effets sont encore plus frappants dans la turbulence atmosphérique à grands R,. On a donc été amené à soupçonner que les dérivées des composantes de la vitesse, obéissent à des lois de probabilité très différentes par exemple de la loi normale, pouvant se traduire A première vue par une intermittence de périodes calmes suivies de périodes de vive activité.

Un remodelage de la première version devenait donc nécessaire et il a été l'œuvre en 1961 de Obukov [13]

et de Kolmogorov [14] ; des précisions intéressantes ont été apportées par Yaglom [15].

L'hypothèse concernant l'obtention d'une struc- ture universelle grâce à des échelles convenables de vitesse et de longueur est conservée, mais ces échelles sont modifiées. Au lieu de

Ë

on introduit la variable aléatoire

E,

moyenne spatiale de

E

dans une sphère de rayon r (où r est la distance entre les points M et M' considérés)

Par homogénéité on aura rigoureusement

On forme ainsi a partir de r et

E,

l'échelle de vitesse (aléatoire)

113 113

V, =

r

E,,

(3 .14)

Un nombre de Reynolds est enfin défini par

Considérant par exemple w,(r, O, O) et prenant pour échelle de longueur q, et pour échelle de vitesse v, on écrit encore

avec

et on admet (hypothèse 1) que w ; a une statistique et des moments qui ne dépendent pour R, >> 1 et r 4 1, que de R, soit

On étend ensuite la notion de zone inertielle, pour laquelle (hypothèse 2), lorsque RI >> 1 et q < r < Io, la fonction

fp

serait indépendante de v , c'est-à-dire de R,

On voit que l'objection de Landau est prise en compte et que pour p

=

3 on retrouve encore le résultat général ,vl - r i . Il s'agit en fait d'un replatrage ingénieux de l'ancienne version et de plus il est désor- mais nécessaire de connaître la loi de probabilité de

E,

; c'est ici qu'intervient l'hypothèse très spéciale 3.

Essentiellement on admet que les grandeurs aléa- toires positives

E

et

E,

ont chacune une loi de probabi- lité log-normale. Appelant plus généralement p une telle variable aléatoire positive, on suppose donc que Log q obéit A une loi normale caractérisée par

de sorte que la densité de probabilité de cp est

1 1

-

-

erp [- (Log

<p

- m)'] (3. 21)

JG Dq 2 o2

et que tout moment P s'en déduit par

On ajoute maintenant une hypothèse très précise

(10)

TURBULENCE sur m et D concernant respectivement

gr

et r. Les

expressions brutes postulées sont

m, = Log E + A l ( x , t ) + p Log - 1 r

D?

=

1

A(x, t ) + c2 Log

-

r

(3.23)

D

2

= 1

A(x, t ) + oz Log

-

.

Y

La motivation de ces lois, à première vue peu évi- dente, est bien explicitée par Yaglom f151. Il faut pen- ser aux échelles emboitées que nous avons introduites .dans l'espace de Fourier et qui ont leur contrepartie dans l'espace physique. L'idée d'un mécanisme sem- blable, agissant d'une cellule à l'autre, le fait que ces échelles sont en progression géométrique, une hypo- thèse d'indépendance enfin, conduisent en prenant le logarithme et en additionnant ainsi un grand nombre de variables aléatoires indépendantes, à l'obtention par le théorème central limite d'une loi log-normale.

La condition rigoureuse E,

=

E entraîne les condi- tions

de sorte que l'on a plus précisément

A c 2 1

m,

=

Log r - - - - Log

-

2 2 r

Dr

2 =

1

A + c2 Log

-

r (3.25)

A partir de là on calcule aisément

et comme

W~

- A (r1/3 113)~

1 - p gr

on en déduit

En particulier

On obtient encore

-

Én particulier les coefficients de dissymétrie et d'aplatissement deviennent dans le domaine inertiel

d'où il résulte un lien

On note enfin que l'on étend facilement les raison- nements concernant les moments en un point 2, à la covariance de

8

en deux points différents :

Ce résultat s'étend d'ailleurs à toute grandeur positive,

2

comme (2) ; on obtient ainsi

et un spectre unidimensionnel corrélatif en k - l + " Z . Il y a là un moyen assez direct d'accéder expérimentale- ment à la constante c2 dont la valeur est trouvée voi- sine de 0,5.

La nouvelle version de l'équilibre pose quelques questions :

-

quelles sont les modifications perceptibles qu'elle apporte par rapport à la théorie originelle ;

- dans quelle mesure ces effets sont-ils vérifiés par l'expérience ;

-

la formulation choisie est-elle unique et est-elle cohérente ?

En ce qui concerne wi w i l'exposant 213 de r dans la loi inertielle est modifié de la valeur c2/9 - 0,05, et

l'exposant de la loi spectrale - 513 de k est changé d'une même valeur ; il s'agit donc à ce niveau d'un effet pratiquement imperceptible.

En revanche, pour les moments d'ordre supérieur,

(11)

les effets sont plus importants. Il semble que les résultats expérimentaux récents (pour des nombres de Reynolds assez grands, obtenus dans la basse atmo- sphère) vont dans le sens des prédictions générales de la nouvelle théorie. II y aurait lieu cependant de compléter ces mesures difficiles, et d'en approfondir l'analyse (la mesure des moments d'ordre élevé exige beaucoup de précautions).

Sur le plan de l'unicité de la formulation, la critique a pris surtout pour cible la loi log-normale. Mandel- brodt [16] montre que les concepts de Yaglom peuvent conduire à d'autres lois de probabilité ; il introduit aussi, chemin faisant, pour caractériser le volume dissipatif, une notion qui pourra se révéler très utile de dimension fractionnaire de l'espace. Kraichnan [17]

pense que l'abandon de la première version conduit à une boite de Pandore de nouvelles formulations, mais n'accepte pas pour autant la première version, et enveloppe le tout d'un voile épais de mystère. Aucune théorie en turbulence n'est absolue ni éternelle ; il existe cependant parfois des approximations heureuses, et il semble bien que les deux versions de l'équilibre soient de celles-là.

Une dernière question concerne la structure spatiale des petites échelles de la turbulence. Saffman 1181 a tenté d'élaborer un modèle ; Kuo et Corrsin [19] ont essayé en interprétant leurs essais, d'imaginer la forme la plus probable des petits tourbillons tubes minces : rubans plus ou moins contournés. On rêve d'une microvisualisation au grand ralenti ; peut-être la physique peut-elle nous apporter quelque idée heu- reuse à cet égard.

4. Représentations d'un champ turbulent homogène.

- Un instrument très utile pour la compréhension et l'étude théorique de la turbulence, est celui d'une représentation du champ aléatoire de vitesse.

En vue de tourner la difficulté due à ce qu'un tel champ n'est pas de carré sommable, et aussi pour la commodité apportée par des variables dénombrables, on a souvent employé (spécialement Kraichnan), la série de Fourier pour une boîte répétée par périodicité ; à la limite où la dimension de la boîte tend vers l'infini, on retrouve le champ complet, s'étendant à l'infini.

Un autre moyen consiste à employer l'intégrale de Fourier pour un champ tronqué, pour lequel la vitesse est prise nulle au delà d'un grand volume v . En faisant tendre v vers l'infini N. Wiener [20] avait précisé les propriétés du passage à la limite (analyse harmonique généralisée). Cette écriture a été adoptée par Batchelor [21].

Plus récemment l'extension de la notion classique de fonction, par celle des distributions a permis d'utiliser l'écriture relative aux bonnes fonctions, dans un sens rCnové, s'appliquant aux distributions. L'usage systé- matique en turbulence de cette technique est bien résumé par Lumley [22].

Nous écrirons donc avec cette acception nouvelle (surtout pour a,(k))

Au cours du rappel de quelques notions de base en turbulence homogène, j'ai écrit les moments en deux points Üi(x) ui(x + r)

=

Ri,.(r). Pour une petite com- modité d'écriture, on adopiera désormais la notation ui(x

f

r) trj(x)

=

Rij(r) (qui correspond en somme à Rij(r) de l'ancienne) et on désignera par Qij(k) le transformé de Fourier de la nouvelle écriture.

Une étude systématique conduit à s'intéresser ensuite aux moments en trois points

--

U: U; U k =

Rijk(r, ï')

et à leurs transformés de Fourier Qijk(k, k').

Pour plus de trois points (quatre par exemple), il faut se rappeler qu'en partageant les quatre points en groupes de deux, lorsque deux groupes sont fortement éloignés, le moment double relatif à chacun d'eux tend à devenir indépendant de l'autre. On est ainsi conduit pour pouvoir définir des transformés de Fourier, à former la différence ou cumulant

dont le transformé de Fourier sera désigné par aijkl(k, kt, kt').

Les moments des contributions ai(k) de l'espace de Fourier conduisent aisément aux divers transformés de Fourier définis ci-dessus :

ai(k) aj(kl)

=

aij(k) S(k

$-

k') (4.3) où la fonction de Dirac tridimensionnelle 6(k) est définie formellement par

S(k) = (2 n)" '

- ikx

d x .

De même on obtient

--

ai@) a j@') ak(kl') a,(k"')

-

C ai(k) a j(k'). ak(kl') a,(k'")

=

=

Qijki(k, k', k") 6(k + k' + k" + k"') (4.6) où d'après (4.2) C est une somme de trois termes du type

Qij(k) S(k + kt). @,,(k") S(k" + k"') . (4.7)

On obtient l'équation dynamique vérifiée par ai(k)

en appliquant aux équations de Navier-Stokes la

transformation (4.1). en éliminant la pression par la

(12)

TURBULENCE Cl-45 condition d'incompressibilité ki a i

=

O et en appli-

quant une petite variante d'écriture destinée à plus de symétrie :

aà, z

-

= -

iAij,(k) J aj(kt) a,(k

-

k") dk'

-

vk2 a, at

(4 8)

Aij,(k)

=

k j Aik(k) + k , Aij(k) avec

On en déduit moyennant un peu d'algèbre une suite d'équations un peu compliquées vérifiées par les divers cumulants Qij, Qijk, Qijkl. Il convient de souligner d'ailleurs qu'elles peuvent aussi bien être obtenues directement à partir des équations des cumulants dans l'espace physique, en prenant leurs transformés de Fourier. L'intérêt de (4.8) est surtout de faciliter des recherches de mécanique statistique.

On écrir,a à titre d'exemple l'équation relative à

Q i

j(k)

Qjlm(- k, kt) dk'

- -

i A jLm(- k)

X

2

En contractant Qli(k) on obtient ainsi une forme ins- tructive du terme k, Oili(k) qui apparaît dans la formulation (2.6).

De même l'équation suivante (que nous n'écrirons pas complètement) donne

sous forme d'une. intégrale du cumulant d'ordre 4 et d'une somme de termes du type

où il est entendu que k + k' + k

=

0.

On peut désirer pour certains développements une autre décomposition du champ ui(x) qui remplace les ondes ai(k) eik' (s'étendant à tout l'espace) par des structures d'extension finie, qu'on appellera tour- billons.

Lumley [22] s'est inspiré à cet effet d'un concept utilisé dans la théorie du bruit engendré dans un tube à vide par les impacts d'électrons sur l'anode. Dans ce cas chaque électron engendre un signal qui lui est propre et il suffit de combiner leurs effets pour engen- drer le signal correspondant au bruit.

Cette représentation peut se transposer à un champ de vitesse aléatoire mais il est commode de considérer dans ce cas trois structures tourbillonnaires élémen-

taires déterministes f im)(s) données, et de leur associer trois fonctions aléatoires g(")(xt). On écrira le champ aléatoire homogène ui(x) au moyen de la convolution

On suppose que chaque g(")(x) a une statistique du second ordre de bruit blanc g(x) g(x + r)

=

(2 7 ~ ) ~ S(r) et que ceux-ci ne sont pas corrélés entre eux de sorte que g ( P ) ( ~ ) gcq)(x + r) est nul pour p # q.

En prenant les transformés de Fourier ai(k), y(")(k) et xim'(k) respectivement de ui(x), g ( m ) ( ~ l ) et f im)(s) on transforme la relation de convolution en

ce qui conduit à

et d'après le choix de bruit blanc pour g(x)

Cette expression conduit à choisir les trois vecteurs complexes X(P) orthogonaux et à faire coïncider leur directions avec celles de la base principale du tenseur hermitien Qij(k). Dans une telle base les tourbillons (tout au moins leurs transformés de Fourier) s'expri- ment simplement à partir des valeurs propres de Qij(k) et des vecteurs propres orthonormés corres- pondants.

En particulier on aboutit ainsi à une expression très simple d'une turbulence isotrope à partir de J ~ ( k ) / 4 zk2 et d'un bruit blanc. Cette représentation est très utile pour les simulations numériques d'une 'turbulence isotrope donnée à l'instant initial (Orszag

Pl).

Le problème de la représentation d'un champ aléa- toire a été repris récemment d'un point de vue beaucoup plus général par Chorin

(l).

Il semble toutefois à pre- mière vue que les résultats indiqués dans une première version sont plus adaptés aux dimensions 2 et 1 de l'espace.

5. Théories analytiques de la turbulence homogène.

-

La théorie s'est acharnée à tirer quelque parti de la chaîne infinie d'équations des cumulants dans l'espace de Fourier (chaîne non fermée, puisque chacune contient un moment d'ordre supérieur).

Avant de dire un mot de ces efforts, je voudrais rappeler qu'en turbulence toute hypothèse intuitive ou toute approximation mathématique doit être soigneu- sement pesée, quant à son contenu et à ses conséquen- ces, un postulat d'apparence anodine pouvant se révé- ler désastreux. Le terrain que nous allons reconnaître est à cet égard particulièrement difficile et périlleux ;

(1)

Cours sur « Analysis of turbulent flow with shear >>, University of Berkeley.

4

(13)

Cl-46 A.

il faut d'abord se former une bonne intuition de la dynamique dans l'espace de Fourier ; il faut également pour parvenir à une appréciation correcte, traquer les calculs dans le détail ; tout ceci exige une spécialisation prolongée et on peut excuser l'impatience de plus d'un chercheur, souvent pressé par d'autres travaux, et qui ne sait pas quelle est la part exacte de cendre ou de diamant qu'il tiendra dans sa main après un long effort.

11 convient de rendre ici un particulier hommage à l'impulsion profonde créée en France depuis plusieurs années par Frisch et ses collaborateurs (cf. par exemple [23]). En ce qui concerne le rapide survol actuel je m'appuierai beaucoup sur le très lucide exposé général récent de Orszag [4] ; je convie le lecteur à s'y reporter pour plus de détails ainsi qu'à la monographie de Leslie [24].

Orszag a mis en lumière de manière très parlante quelques aspects généraux de la mécanique statistique de la turbulence dans l'espace de Fourier.

D'abord un fait connu depuis longtemps mais sur lequel il convient de s'arrêter. Prenons des degrés de liberté dénombrables, grâce à une boîte périodique et à une série de Fourier. De plus limitons-nous à un nom- bre fini de degrés de liberté en les tronquant par une condition 1 k 1 < k. Supposons enfin le fluide rigou- reusement non visqueux (v = O). On arrive ainsi à un système mécanique conservatif, possédant un grand nombre de degrés de liberté. Pour préciser ceux-ci on note que a(k) est normal à k par l'incompressibilité, et que par la réalité de a(x), a(k) = a * ( - k). On considérera donc la partie réelle a, et la partie imagi- naire Pt de la composante de a(k) sur un plan normal à k. L'énergie cinétique associée à un degré de liberté est alors a l + /?: en chaque point k, et on appelle E, l'énergie totale, correspondant à tous les points k que l'on convient de retenir.

Le théorème de Liouville s'applique, on peut définir une densité de probabilité F(a,, Pt), prendre pour celle-ci une fonction f (Et) et plus particulièrement la loi gaussienne

d'où l'on déduit

On voit que ceci correspond à une turbulence en équilibre, dans laquelle l'énergie cinétique se partage également entre tous les degrés de liberté (ensemble d'équilibre en équipartition). On vérifie aussi que tous les cumulants supérieurs sont nuls comme il convient à une loi gaussienne. Lorsque k tend vers l'infini, l'éner- gie cinétique par unité de masse, tend vers l'infini, car E(k)

=

C 4 zk2. Enfin des distributions initiales arbi- traires de l'énergie doivent tendre pour t

-+

co vers le régime d'équilibre si le système est ergodique.

Finalement comme le souligne avec raison Orszag,

tout ceci n'a rien à voir avec la turbulence qui est dissi- pative, alors que les considérations habituelles de mécanique statistique concernent des systèmes méca- niques conservatifs. Les remarques qui précèdent peuvent seulement rendre service à titre de contrôle pour des théories analytiques de la turbulence qui devraient tendre en y faisant v = O et pour t

-+

oo vers un régime d'équipartition.

Une idée naturelle pour résoudre le problème de la turbulence est de trancher arbitrairement la chaîne infinie des équations de cumulants, en prenant ceux-ci identiquement nuls au-delà d'un certain ordre. C'est ainsi qu'on a fondé quelque espoir il y a une vingtaine d'années sur le cas le plus simple (dit de l'approxima- tion quasi-normale), consistant à annuler le cumulant d'ordre 4. On sait que les déboires ont été à la mesure de l'espoir, et qu'une telle solution a conduit à des énergies négatives dans des régions significatives du spectre d'énergie. Cet échec a amené Orszag à s'inter- roger sur les raisons très profondes qui interdisent la suppression des cumulants à n'importe quel ordre.

On peut pour cela considérer l'effet d'une suppression des cumulants sur le modèle inviscide (v

E

O), à un nombre fini de degrés de liberté évoqué précédemment.

Ce modèle ainsi doublement tronqué possède bien encore un régime d'équilibre d'équipartition. Seule- ment il vérifie aussi une propriété très indésirable de réversibilité par rapport au temps, le sens de cette affirmation étant que les équations des moyennes demeurent invariantes en y changeant t en

-

t , en laissant inchangés les moments d'ordre pair et en changeant le signe des moments d'ordre impair. Une conséquence de cette remarque simple est que si l'on part au temps t

=

O avec des conditions initiales en non équilibre (pour les moments d'ordre 2 et 3), et si on veut les annuler au temps t

=

t, par une perturba- tion appropriée, on reviendra tout simplement au temps 2 t , à l'image dans un miroir de la situation au temps t

=

O. On en déduit que le système doublement tronqué ne tend pas pour t -+ co vers la solution d'équi- libre, mais qu'il présente (ainsi que des simulations numériques l'ont confirmé) des oscillations sans fin autour de l'équilibre.

L'argument de base qui s'oppose aux fermetures par

suppression de cumulants a été résumé par l'expression

de réversibilité statistique. Il s'agit maintenant de

comprendre où se situe profondément l'irréversibilité

de la turbulence. On peut en retenir, principalement

deux manifestations. On a vu que le flux d'énergie

cinétique dans l'espace de Fourier a (en turbulence

tridimensionnelle) une direction privilégiée allant des

petits k aux grands k ; le flux étant une dérivée par

rapport au temps, il y a là une distinction claire entre le

passé et le futur. Orszag ne pense pas cependant que

cette irréversibilité de cascade soit la seule et la plus

importante. Une deuxième cause d'irréversibilité est

liée à la chaîne infinie d'équations de moments, s'il

s'avère que les équations allant de l'ordre n à l'infini

(14)

TURBULENCE

Cl-47

contiennent une information essentielle ne pouvant pas être négligée ; le .nom d'irréversibilité stochastique a été donné à ce dernier effet. L'importance relative des deux peut être estimée en comparant ce que peut donner la première, quand on écarte la seconde ; il semble que cette dernière soit capitale. Il en résulte que ceci constituerait une des différences les plus profondes entre la turbulence et d'autres problèmes de physique statistique.

Revenons maintenant à l'approximation quasi- normale qui est, comme on l'a déjà souligné fondamen- talement, incorrecte. Analysant les raisons de son insuccès, Orszag a été amené à remédier à ses contra- dictions au moyen de deux correctifs purement formels.

L'équation (4.11) donne une expression explicite du moment d'ordre trois (si l'on admet qu'à l'instant initial la distribution est gaussienne) soit :

et il suffit ensuite d'insérer cette expression dans (4.10).

La théorie a été essentiellement développée en turbu- lence isotrope, pour laquelle la co'ndition

se traduit par des intégrales concernant les longueurs k' et kt', qui nécessitent tout un arsenal de formules simples de la géométrie du triangle. Le défaut de (5.2) (et de sa spécialisation en turbulence isotrope) est qu'elle n'introduit qu'un amortissement visqueux, qui est beaucoup trop faible, alors qu'un amortissement bien plus puissant est apporté par le brassage turbulent inclus dans le cumulant négligé d'ordre 4.

Les modifications consistent à remplacer la mémoire par paliers

par un coefficient instantané

avec

9

=

if [rl(k, 0) + il(k1' 4 + v(k.7 41 do (5.4)

et corrélativement à évaluer les Qij(k, z) non au temps passé z mais à l'instant actuel t. On dit qu'on a substi- tué un amortissement tourbillonnaire à l'amortissement visqueux. De plus on traduit le fait que la dérivée temporelle de E(k, t ) ne dépend que de sa valeur actuelle en disant qu'on a une formulation markovienne.

Orszag montre que le modèle ainsi amendé (assez artificiellement, il faut le reconnaître) possède quelques vertus notables. La condition de Cramer (en particulier la positivité de E(k, t)) est vérifiée. Dans le cas v r O on approche asymptotiquement d'un régime d'équi-

libre d'équipartition, etc ... On peut d'autre part chercher à obtenir un régime inertiel de Kolmogorov, il suffit pour cela de prendre

(que l'on obtient en bâtissant avec E(k) un coefficient ayant ; 1 dimension appropriée qui est l'inverse d'un temps). La constante de Kolmogorov est obtenue avec b

N

0,35.

Nous arrivons -maintenant à la théorie la plus énig- matique de la turbulence homogène, la célèbre appro- ximation dite de l'interaction directe ou D. 1. A.

Objet de critiques acerbes des uns, de l'admiration enthousiaste des autres, je dirai pour ma part qu'elle a de la Joconde la beauté singulière, mais aussi l'ambi- guïté.

On peut prendre connaissance assez rapidement des idées directrices et de la dérivation originelle des équa- tions de la D. 1. A. ; l'exposé introductif de Leslie [24]

est à cet égard le plus direct. Tout d'abord il est néces- saire d'adopter une formulation en série de Fourier ; k sera donc discret, et dans les équations vérifiées par les ai(k) (4.1) et (4.8) il faut remplacer les intégrales par des sommes. En second lieu Kraichnan introduit dans l'espace physique une force massique fictive grâce à laquelle il peut considérer une turbulence à la fois homigène e; stationnaire ; il faut donc dans l'espace de Fourier introduire une contrepartie de cette force soit qi(k, t).

Une première idée majeure de la D. 1. A. est de considérer la réponse d'une réalisation individuelle de ai(k, t) à une petite perturbation de la force 6qi(k, t ) . S'agissant d'un problème linéarisé, on peut considérer d'abord la réponse à une impulsion unité au temps t' écrite Ain(%) 6(t

-

t'). s i Gin(k, t, t') est cette fonction réponse, on aura pour un 6pi(k, t') quelconque :

6ai(k,

t ) = J t

Gin(k, t, t') 61p~&, r') dt' . (5 . 6 )

- C o

Ainsi Gin est une fonction aléatoire qui vérifie une équation linéaire, simple succédané de (4.8). Si on prend la moyenne statistique pour avoir F n ( k , t, t') on est confronté avec une moyenne ui(k) G,,(kl, t

-

t').

La deuxième idée majeure de cette D. 1. A. origi- nelle était d'affecter le terme de corrélations triples dans l'éq. '(4.8) d'un petit paramètre

8,

puis de consi- dérer pour a et G les développements (avec a, pris gaussien) :

ai(k, t)

=

alo)(k, t) + sal1)(k, t)

(5.7) Gin(k, t - t')

=

~:;)(k, t

-

t') + & ~ p ( k , t

-

t') .

On obtient ainsi deux couples d'équations (pour a i et G) à l'ordre O puis 1, en

E.

Jusqu'ici tout est ingénieux et novateur (la fonction

réponse) et rationnel, et l'on obtient des équations pour

(15)

qui sont des approximations à l'ordre 1 en

E .

Mais voici que brusquement, sans crier gare, Kraichnan accomplit un grand pas : il remplace dans ses équations G::' par 5, et négligeant délibérément le fait que

E

est un petit paramètre, le prend égal à l'unité. Il convient de souligner ces points, car on fait souvent la moue quand dans une théorie on se résoud à une hypo- thèse ad hoc, mais l'auréole du sacré ne paraît pas entamée lorsqu'on pose une approximation mathéma- tique difficile à justifier.

Bien entendu la question s'est très vite posée de la justification des hypothèses de Kraichnan. Celui-ci avait d'abord tenté d'invoquer deux principes de hasard maximum et d'interaction faible. Le premier s'est révélé une simple conséquence triviale de l'homo- généité ; le second n'apparaît pas décisif pour prouver que les termes négligés sont réellement négligeables.

On a même soupçonné (Proudman [25]) que la D. 1. A.

n'était en définitive qu'une version glorifiée de l'appro- ximation quasi-normale et que la différence entre ces deux théories était une mesure de leur erreur commune.

Ce jugement (excessif) a pesé sur la D. 1. A., et durant plusieurs années Kraichnan et ses disciples et exégètes ont un peu prêché dans le désert. Une analyse démon- tant pièce à pièce, de manière axiomatique, la théorie initiale de Kraichnan a été effectuée en 1967 par Saffman [18], dans le cas (pour simplifier les notations) de l'équation de Burgers. Saffman dénombre 6 hypo- th8ses et considère aussi que deux d'entre elles sont entièrement injustifiées. Du reste plus personne aujourd'hui (Orszag, Leslie, Kraichnan lui-même) ne considère cette dérivation de la D. 1. A. à partir des équations de Navier-Stokes comme autre chose qu'une indication heuristique. L'interprétation s'est en effet 'complètement déplacée vers la solution exacte de deux

équations stochastiques.

Car l'histoire de la D. 1. A. ne faisait que commencer, et Kraichnan a consacré à sa défense, illustration, prolongation, une œuvre majeure, véritable somme de statistique de la turbulence qui ne peut qu'inspirer le respect. Il s'agit de mémoires nombreux et austères et je dois me borner à en souligner quelques conclu- sions tantôt positives, tantôt négatives ; pour un examen de détail le lecteur pourra se reporter à Orszag 141 et Leslie [24].

D'abord la D. 1. A. est exempte de contradictions internes. Elle ne peut conduire à des énergies négatives, car elle vérifie un modèle stochastique (équation de Langevin). D'autre part pour v

=

O, elle admet le régime d'équilibre d'éq~ipartition et y tend à partir d'un état initial arbitraire pour t -,

W .

Seulement ces propriétés appartiennent aussi à l'approximation quasi-normale amendée par Orszag.

On peut, partant (pour t

=

t,) d'un état initial gaussien, développer exactement E(k, t), soit en séries

en ( t - t,)", soit en séries en Rn (où R est le nombre de Reynolds). La comparaison avec les solutions de la D. 1. A. montre un accord jusqu'à n

=

3 (inclus), ce qui est consolant mais pas glorieux.

Enfin (et sans doute surtout), Kraichnan a montré que les équations de la D. 1. A. sont les solutions rigoureuses d'un autre modèle stochastique, ayant quelques propriétés communes avec les équations de ai(k, t). Il semble toutefois difficile d'en déduire que la D. 1. A. pourrait par ce biais être une solution de la turbulence valable du point de vue quantitatif même aux grands nombres de Reynolds (alors que rien dans son établissement n'autorise à l'affirmer).

La D, 1. A. possède un domaine inertiel

Ce résultat est très fâcheux. Il ne s'agit pas en effet d'une différence minime avec la loi de Kolmogorov, mais d'un désaccord fondamental où l'erreur est du côté de la D. 1. A. Kraichnan s'est aperçu en effet que le modèle stochastique dont sa théorie est une solution exacte, recèle une déficience subtile ; si l'on ajoute à chaque réalisation d'un écoulement turbulent une vitesse uniforme de convection, prise au hasard et dont la moyenne statistique est nulle, Ies moments à un même instant, du nouvel ensemble, ne doivent pas en être affectés, ce que l'on traduit, en disant qu'il doit y avoir invariance galiléenne statistique. Or il apparaît que les équations de la D. 1. A. ont perdu en cours de route cette propriété qui est pourtant à la racine des équations de Navier-Stokes.

Ceci a conduit Kraichnan à un édifice trés élaboré de modifications de la D. 1. A. La première a consisté à l'exprimer en variables de Lagrange ; mais le nouveau modèle (L. H. D. 1. A.) est beaucoup plus complexe, et le gain en invariance galiléenne est payé de la perte du modèle stochastique de la D. 1. A. Ensuite une version abrégée en a été donnée. Enfin plus récemment le modèle du champ d'épreuve (T. F. M.) apparaît comme une version moins ad hoc, mais apparentée à l'approximation quasi-normale amendée de Orszag.

Peut-on imaginer un développement permettant d'obtenir la D. 1. A. comme une première approxima- tion dans une séquence. Des travaux profonds ~(exi- geant une illustration par des diagrammes) ont ét6 consacrés à cette grande question ; les résultats géné- raux de cet effort considérable sont instructifs mais plutôt décevants, pour diverses raisons. La D. 1. A.

demeure finalement comme une solution exacte de deux modèles stochastiques ; elle y constitue un pro- totype au carrefour de quelques autres formulations apparentées. Elle n'insiste plus sur sa filiation aux équations de Navier-Stokes, ce que le mécanicien des fluides peut regretter.

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