• Aucun résultat trouvé

Sport et Vie n°149 Titre: Pour ou contre le casque à vélo?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Sport et Vie n°149 Titre: Pour ou contre le casque à vélo?"

Copied!
17
0
0

Texte intégral

(1)

Sport et Vie n°149

Titre: Pour ou contre le casque à vélo?

Faut-il rendre obligatoire le port du casque à vélo? Dans un article précédent, nous disions notre scepticisme sur

l'efficacité de la mesure. Cela nous a valu d'être traités d'inconscients ou parfois d'imbéciles dans des échanges de courriers et lors de conversations lourdement casquées!

Lorsqu'on conteste l'efficacité du casque à vélo, on se place automatiquement dans une situation inconfortable. Car chacun peut facilement donner l'exemple d'une personne qui eut la vie sauve grâce à son casque alors qu'à l'inverse, l'absence de casque n'a jamais sauvé la vie de personne. Du moins pas de façon ostentatoire. Cela vous rappelle quelque chose? Au temps des débats contre la peine de mort, ceux qui prônaient son abolition se voyaient immanquablement poser la question: "Et si c'était votre enfant qu'on assassinait?" Comme si cette

hypothèse était de nature à déciller les yeux de

l'abolitionniste le plus irréductible. Certes, on se trouve dans un contexte moins dramatique lorsqu'on discute de

l'équipement des cyclistes. Mais l'embarras demeure à chaque fois qu'on doit défendre un principe d'intérêt général face à des cas particuliers. "Monsieur Untel a été renversé à vélo"

apprend-on. On donne la date, l'heure et les circonstances de l'accident. Puis on ajoute: "…il serait sûrement mort sans son casque." Que voulez-vous répondre à cela? A part: "Ben oui, c'est possible." Puis de préciser qu'il s'agit d'un simple fait

(2)

divers et que pour rendre une décision sage sur n'importe quel sujet on doit précisément faire abstraction de l'émotionnel pour ne considérer que l'efficacité de mesures dans la

perspective de leur extrapolation. La peine de mort fait-elle reculer la criminalité? Non! Ce sont des réflexions de ce type qui ont permis sa suppression dans presque tous les pays. Ici, on se demande quel impact, positif ou négatif, aurait

l'obligation du port du casque à vélo. On doit pouvoir arriver à en débattre sans disparaître aussitôt à la cave pour aller chercher un vieux casque meurtri et conservé comme une relique en souvenir d'un accident grave, que l'on exhibe depuis lors comme preuve irréfutable de son indispensabilité.

(Intertitre) Des arguments de choc

De prime abord, les arguments en faveur du casque paraissent inattaquables. La tête est la partie la plus vulnérable de notre organisme. Une étude déjà ancienne montrait que les

traumatismes subis par le cerveau sont responsables de 75% des décès de cyclistes sur la route (1). Sans parler de tous ceux qui survivent mais qui conservent des handicaps très lourds. Le pire étant ces vies complètement végétatives qui prolongent parfois la douleur au-delà du supportable, pour la victime et pour ses proches. Il va de soi qu'une réduction même minime de tels drames justifierait l'interdiction d'encore rouler tête nue. D'ailleurs, celle-ci existe déjà pour les engins motorisés et l'on observe que la frontière entre ces deux mondes

s'estompe lentement avec la part grandissante des vélos

électriques sur le marché du cycle (15% des ventes). Certains

(3)

engins non bridés peuvent ainsi atteindre des vitesses

similaires à celles des motocyclettes. Il serait assez logique qu'on étende l'obligation du port du casque à leur conducteur.

D'autant que la vitesse n'est pas le seul facteur à prendre en considération. Il y a la position aussi. Assis sur la selle, on se tient souvent avec la tête à environ 1,80 mètre du sol. Si l'on chute de cette hauteur, elle mettra donc 0,6 seconde pour frapper le sol, ce qui ne laisse guère de temps pour se

protéger efficacement. Le choc survient alors à une vitesse de 21,6 kilomètres/heure, ce qui représente précisément le seuil limite au-delà duquel on enregistre des lésions cérébrales irréversibles. Or les casques actuels protègent efficacement des chocs qui se produisent à une vitesse jusqu’à 30

kilomètres/heure. La protection qu'ils offrent est donc

précieuse. Personne n'en disconvient. Certes, cela ne suffit pas à se sortir de toutes les situations. En fonction des circonstances de l'accident, la violence du choc peut croître et parfois dépasser les limites de protection du casque. Reste que, même dans les cas extrêmes, il permet d'atténuer la

gravité des lésions de façon incontestable et d'ailleurs incontestée.

(Intertitre) Excel dirige le monde

Le port du casque ne souffrirait donc aucune contrariété dans un monde où selon l'expression "toute chose resterait égale par ailleurs". Mais ce monde n'existe pas. Celui dans lequel nous vivons fait plutôt penser à un tableur "Excel" où le changement d'un seul paramètre modifie aussitôt la valeur de toutes les

(4)

autres cases. En clair, nous adaptons sans cesse notre comportement aux situations de vie. En l'occurrence,

l'impression de vulnérabilité que l'on ressent lorsqu'on roule tête nue incite à la prudence tandis qu'a contrario le

sentiment de plus grande sécurité inspiré par le casque pousse à prendre des risques. Bien sûr, l'argument est difficile à entendre pour tous ceux qui ont l'habitude de se protéger et qui pensent sincèrement que le casque n'exerce aucune influence sur leur comportement. "Après quelques temps d'acclimatation, on oublie complètement sa présence", disent-ils. "Comment pourrait-il changer quoi que ce soit?" De fait, ce genre d'adaptation ne passe pas par les circuits habituels de la conscience. On ne se dit jamais: "J'ai un casque. Je ne dois pas freiner aux carrefours". Pourtant la relation entre le danger et la perception du danger ne fait aucun doute. Les chercheurs anglo-saxons parlent de "risk compensation" à ce propos. Elle dicte nos réflexes et nos attitudes sans nous demander notre avis. Instinctivement, on cherche à protéger les parties du corps que l'on considère comme les plus vulnérables.

Prenons l'exemple des footballeurs qui forment un mur en cas de coup franc. Généralement, ils se protègent les testicules.

Mettez-leur un slip-coquille. Ils placeront les mains au niveau du visage. C'est normal! Et cela affecte aussi notre façon de tomber. Si une partie du corps est protégée, on adoptera

d'autres réflexes qui auront parfois pour conséquence d'exposer davantage la tête. Or on a dit que la protection offerte par le casque était limitée. Exposer la tête aux chocs, même casquée, cela peut avoir des conséquences gravissimes. Alors quand est- ce que le casque est utile et quand est-ce qu'il ne l'est pas?

(5)

Il est pratiquement impossible de répondre à cette question.

Chaque accident est particulier. Parfois on se retrouve au sol avant même de réaliser quoi que ce soit. Dans d'autres

circonstances, on possède une fraction de seconde pour

organiser sommairement sa chute. Dans le premier cas, il vaut mieux être casqué. Dans le second, pas forcément. On n'en fera pas un argument irréfutable. Mais retenons que parfois la

vulnérabilité peut constituer une force.

(Intertitre) Paon, t'es mort!

La vulnérabilité, une force? A priori, ces caractéristiques sont antinomiques. Pourtant on trouve un tas d'exemples de cette étroite relation dans le comportement des humains. En situation de crise, une prise d'otages par exemple, le

négociateur qui se présente sans arme auprès des ravisseurs aura plus de chance d'être écouté et peut-être d'avoir la vie sauve qu'un autre qui cacherait un poignard dans son dos. On observe la même chose chez les animaux. Les plus vulnérables sont toujours les plus rapides comme l'avait judicieusement remarqué Diogène, 4 siècles avant notre ère (lire citation). En d'autres termes, les défauts sont toujours indissociables de qualités. Et vice versa. A chaque palier d'évolution, notre phénotype a conservé des traits qui attestent de cette fine interconnexion sans que, là encore, nous n'ayons grand-chose à dire! Certains attributs sont ainsi sélectionnés alors qu'ils constituent plutôt un handicap dans la vie courante: une

couleur très vive, par exemple, une odeur très forte ou

n'importe quelle caractéristique qui rend facilement repérable

(6)

par les prédateurs. De la même manière, on pense aux ornements encombrants comme les bois du cerf qui doivent tout de même les gêner pour évoluer dans les sous-bois en s'accrochant sans cesse aux branches. Même problème pour la queue du paon. Elle permet de faire le beau devant les femelles, d'accord. Mais elle offre aussi une prise facile en cas d'attaque et, dans l'histoire, plus d'un paon s'est ainsi fait croquer par un renard pour avoir inconsidérément laissé traîner ses plumes derrière lui. Des lois de l'évolution, on s'attendrait à ce qu'elles débarrassent ces espèces d'un handicap aussi lourd.

Pas du tout! Elles ont fait juste l'inverse et les femelles choisissent préférentiellement les mâles les plus

spectaculaires. Sont-elles idiotes? Non! Elles sont sensibles au contraire aux efforts consentis par le partenaire pour se rendre séduisant et elles en déduisent intelligemment que le simple fait de rester en vie alors qu'on est doté d'un tel handicap trahit à coup sûr des qualités qui font de lui un beau parti dans l'optique d'un accouplement et d'une transmission de gènes qui assureront une progéniture vaillante. En clair, la vulnérabilité fait la force. Et c'est aussi ce que démontrent les adeptes du mouvement cyclonudiste lorsqu'ils défilent tous nus dans les rues des grandes capitales. A la manière des cerfs et des paons, ils montrent à la fois leur force et leur

faiblesse. Mettez-leur un casque. Le message n'est plus tout à fait le même!

(Intertitre) Le retour d'Odette et José

Le casque change la façon de rouler. Il affecte même le

(7)

comportement des autres usagers. Une étude menée en Grande- Bretagne avec une caméra embarquée, révélait que les voitures passaient plus près des vélos lorsque les cyclistes étaient casqués que lorsqu'ils ne l'étaient pas. Tous ces artefacts brouillent évidemment les pistes. Une façon de mettre tout le monde d'accord serait de se baser sur les statistiques

d'accidents dans les pays où le port du casque à vélo est laissé à l'appréciation des usagers et ceux où il est

obligatoire comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande, certaines provinces du Canada et des Etats-Unis. En Europe, c'est le cas aussi de l'Islande. Enfin, plusieurs pays rendent le port

obligatoire pour les enfants de moins de 15 ans: Suède,

Slovénie et Tchéquie. En Espagne aussi, il est obligatoire hors des villes, sauf si l'on escalade une côte (sic). Ces mesures ont-elles permis de faire régresser le nombre de traumatismes graves? La réponse est oui. Clairement oui! Une étude

comparative avait été menée dans l'Etat australien de Victoria juste avant et juste après l'obligation du port du casque

décrétée en 1990. A l'époque, les auteurs avaient enregistré une baisse des hospitalisations et des décès de l'ordre de 70%

(2). Cela rejoint les conclusions d’un travail similaire aux Etats-Unis (3). Un résultat formidable! Cela suffit-il à

justifier qu'on adopte d'urgence des mesures coercitives? Pas sûr! Car d'autres experts rétorquèrent que cette diminution des chiffres résultait en réalité d'un recul de la pratique.

Précisément parce qu'elle est désormais jugée trop

contraignante. Pour rendre la situation avec plus de clarté, imaginons les trajectoires opposées de deux personnages fictifs que nous appellerons Odette et José. Toute ressemblance avec

(8)

des personnages existants ou ayant existé ne serait cependant pas totalement fortuite et indépendante de notre volonté

puisque ces deux prénoms nous ont déjà servi dans le cadre d'une autre démonstration qui portait sur l'obligation faite aux sportifs de présenter un certificat médical avant de prendre part à une épreuve de masse (4). Odette roule à vélo depuis des lustres. Un soir qu'elle rentrait chez elle, elle s'est malheureusement pris une portière en longeant une file de voitures garées. L'accident classique! Sa tête frappa durement le sol et elle s'évanouit. Par chance, elle portait un casque.

Elle en fut quitte pour quelques jours dans le noir et deux semaines de récupération. Sans protection, elle ne serait peut- être plus de ce monde. A présent, voici l'histoire de son

collègue José. D'ordinaire, il roule en voiture. Mais l'exemple d'Odette a fini par l'inspirer et il s'est promis lui aussi de venir désormais au bureau à vélo. Autour de la machine à café, il a expliqué à tout le monde que ce nouveau choix de vie était dicté par des considérations écologiques. En réalité, il

espérait aussi perdre quelques kilos et abaisser d'un ou deux points un score de tension artérielle qui commençait à devenir inquiétant. La résolution fit long feu. Le port obligatoire du casque lui fournissait une excellente excuse pour déroger à ses engagements à chaque fois qu'il l'oubliait quelque part. Ce qui arrivait très souvent! Finalement, il renoua avec ses anciennes habitudes. La prise de poids s'est poursuivie. La tension a continué de grimper. Dix ans plus tard, José est mort d'un infarctus causé par la sédentarité et le surpoids. Ce deuxième cas de figure est moins flagrant que le premier. Mais il est plausible, lui aussi. Pour mesurer l'efficacité d'une loi, on

(9)

doit donc se poser la question suivante: "Les Odette sont-elles plus ou moins nombreuses que les José?" En d'autres termes: le casque sauve-t-il plus de monde qu'il n'en coûte? C'est très difficile à dire! Généralement on parle d'un recul de la pratique de l'ordre de 30% (5). Une étude australienne qui tentait de chiffrer cela de façon plus précise a démontré que l'obligation ne changeait pas grand-chose pour la pratique des adultes. Après une baisse temporaire, celle-ci retrouvait les niveaux d'antan. En revanche, elle faisait reculer celle des enfants de 10% et celle des adolescents de 46%. Quant à la protection qu'il procure, une autre étude norvégienne qui

reprenait les conclusions de toutes les enquêtes parues sur le sujet mais en tenant compte cette fois des paramètres oubliés, relativisait beaucoup sa valeur. Précédemment, on évaluait celle-ci autour de 60% (*). Si l'on tient compte du recul de la pratique et du profil des pratiquants, celle-ci descendrait plutôt à 15% seulement.

(Intertitre) La tentation d'un monde idiot

Tous ces chiffres et beaucoup d'autres circulent à présent entre les mains des décideurs politiques qui doivent statuer sur le caractère obligatoire ou non du port du casque dans la société de demain. Dans des pays comme le Danemark et les Pays- Bas où les cyclistes sont particulièrement nombreux, il avait été question de changer la loi. Mais la proposition a été retoquée notamment parce qu'elle ligue contre elle l'ensemble des associations de cyclistes et 70% des usagers. En Belgique, la ministre des Transports, Jacqueline Galant, a repris l'idée,

(10)

elle aussi, lors d'une rencontre avec la presse. Personne dans son ministère n'était au courant. Après quelques jours de

tintouin médiatique, elle est intervenue pour dire qu'elle parlait en son nom personnel. En France, un document de

l'INSERM laisse penser qu'un tel changement n'est pas au goût du jour. En cause? La réticence de la population. "La promotion et l'usage du casque resteront difficiles" écrivent les auteurs du rapport. Partout le sujet fait débat! On compare les

chiffres. On fait des études. On mène des enquêtes. Bref on analyse tout sans prendre toujours en considération

l'importance d'un dernier paramètre. Il s'agit de

responsabilité individuelle. Sans caractère obligatoire, chacun est libre d'adopter l'attitude qu'il juge la plus appropriée.

Certains portent le casque. D'autres non. D'après les

comptages, les premiers sont même de plus en plus nombreux et constituent désormais près de la moitié des usagers en zone urbaine. L'adoption d'une loi reviendrait en somme à dispenser les cyclistes de ce petit exercice de réflexion. En tant que citoyens, ils seraient simplement tenus d'obéir à ce que d'autres auraient décidé pour eux. Or on possède de bonnes raisons de craindre un monde qui, sous couvert de prévention, multiplierait l'adoption des mesures infantilisantes. La

problématique ne se pose pas seulement pour le vélo. Cette inflation normative concerne tous les domaines de la société.

De façon générale, on écrit trois nouvelles lois pour une ancienne que l'on abroge (**). Or la conscience progresse à l'inverse des lois. A force de légiférer, on risque un jour de se retrouver dans un monde entièrement codifié par des règles et des conventions, qui n'exigera plus la moindre part de

(11)

réflexion de ceux qui l'habitent. Au bout du cauchemar, on se trouvera donc avec des hordes de cyclistes à la tête bien protégée. Mais rien dedans!

Gilles Goetghebuer

(*) En épidémiologie, il est courant qu'on exprime l'efficacité d'une mesure de prévention par un pourcentage. On parle de RRR ("Réduction Relative de Risque"). Pour l'obtenir, on doit

d'abord calculer le RR ("Risque Relatif"), c'est-à-dire le rapport des blessures recensées avec et sans traitement.

Imaginons qu'on observe une fréquence des fractures du crâne de 1/100.0000 heures de vélo chez les cyclistes casqués et de 1/50.0000 heures de vélos chez les cyclistes non casqués. Le RR sera donc de 50.0000/100.000 = 0,5. Pour déterminer le RRR, on applique la formule suivante: 1 – RR x 100. Dans notre exemple, cela fait: RRR = 1 – 0,5 x 100 = 50. En d'autres termes, le casque protégerait d'une fracture dans 50% des cas.

(**) Cette inflation législative varie selon les différents codes concernés. Mais elle se poursuit au rythme de +/- 5 % l'an, soit un doublement des textes tous les 15 ans.

Références

1) "The effectiveness of bicyclists helmets: A study of 1710 casualties" dans "Journal of Trauma" n°34, 1993

2) "Mandatory bicycle helmet use following a decade of helmet promotion in Victoria, Australia - an evaluation" dans

"Accident Analysis & Prevention" n°26, juin 1994

3) Helmets for preventing head and facial injuries in

(12)

bicyclists. Cochrane Database System Review. 2000

4) "A quoi bon les certificats?" dans Zatopek n°33, février 2015

5) Beaucoup des chiffres de cet article ont été recopiés des études mentionnées dans l'excellent dossier constitué sur le sujet par la FUB (Fédération Française des Usagers de la Bicyclette). Voir le site www.fubicy.org

Il l'a dit!

"Les coureurs les plus rapides que j'ai vus sont plus lents qu'un lièvre ou qu'un cerf. Il est surprenant de constater que les animaux les plus rapides sont également les plus poltrons".

Diogène (-413, -327)

Encadré 1

Douze ans après Kivilev

Le drame s'est déroulé le 11 mars 2003. Ce jour-là, le cycliste Andrei Kivilev faisait une lourde chute lors de la deuxième étape de la course Paris-Nice entre La Clayette et Saint- Etienne. Il sombra dans le coma et succomba à ses blessures quelques temps plus tard à l'hôpital de Saint-Etienne. Il

n'était évidemment pas le premier coureur à perdre la vie dans des circonstances tragiques. En 1999, cela avait été le sort de l'Espagnol Manuel Sanroma au Tour de Catalogne. On se rappelle aussi la disparition du champion olympique italien Fabio

Casartelli sur les routes du Tour de France en 1995. Un décès tous les 4 ans! C'était trop pour l'UCI qui prit la décision de

(13)

rendre le casque obligatoire chez les professionnels comme il l'était déjà chez les amateurs. Dans un esprit de cohérence, on aurait pu tout aussi bien interdire les oreillettes. Les

témoins disent que Kivilev est tombé précisément parce qu'il était en train de régler ses écouteurs au moment du drame. Mais seul le casque fit l'objet d'un oukase. Et cela n'a pas suffi pour endiguer la série noire. Le dimanche 26 novembre 2006, le pistard espagnol Isaac Galvez perdait la vie à la suite d'une embardée dans les balustrades aux Six jours de Gand. Le 10 septembre 2010, l'espoir italien Thomas Casarotto heurtait le rétroviseur d'un large 4x4 garé sur le bord de la route au Tour du Frioul. La chute lui fut fatale. Le 9 mai 2011, le coureur belge Wouter Weylandt se tuait lui aussi dans la troisième étape du Tour d'Italie. Le 23 août 2014, un sort identique frappait la spécialiste hollandaise de cyclocross Annefleur Kalvenhaar alors qu'elle participait à une épreuve de VTT à Méribel. Tous portaient leur casque. Tous furent victimes d’une fracture de crâne. Ce qui montre bien que celui-ci n'offre qu'une protection toute relative. Pourtant personne ne songe à revenir en arrière. Et c'est probablement une bonne chose. Dans l'article, il apparaît en effet qu'on règle la prise de risque sur base notamment de sa propre vulnérabilité. Or cette règle ne s'applique pas dès lors qu'on s'inscrit dans une logique de compétition. En course, on se fixe comme impératif de rouler à la même vitesse que les autres et si possible un peu plus vite pour décrocher la victoire. C'est aussi le cas dans les

randonnées et les épreuves de masse. L'effet de groupe élève la prise de risque et donc l'obligation du port du casque se

justifie pleinement. Plus on est nombreux, plus il y a de

(14)

raisons de sortir couvert!

Le chiffre qui tue

On recense 549.078 études sur le port du casque à vélo et l'on ne sait toujours pas avec certitude s'il sauve plus de vies qu'il n'en coûte. "Cette question est une saga sans fin", concluait récemment le British Medical Journal.

Encadré 2

L'objet du débat

Un casque protège la tête en absorbant la majeure partie du choc. Sa qualité première ne doit donc pas être la solidité comme on le pense souvent, mais sa capacité de bien se

déformer. Autrefois, les cyclistes se coiffaient d'ailleurs d'un drôle de treillis matelassé, baptisé casque à boudins.

Aujourd'hui, ces anciens modèles ont laissé la place à des structures plus épaisses en polystyrène expansé recouvert d'un plastique dur de protection. Ils sont aussi confortables et pèsent à peine quelques centaines de grammes. Toutes ces

qualités font qu'on oublie facilement leur présence, sauf peut- être dans les situations extrêmes. Lorsqu'il fait très froid, on leur reproche de ne pas maintenir la tête au chaud comme le fait un bon bonnet de laine. Lorsqu'il fait très chaud, c'est le contraire. Malgré les progrès accomplis, il gêne

l'évaporation de la sueur par rapport à la situation tête nue.

Encadré 3

Attention à ne pas refaire le coup des certificats!

(15)

La question du port du casque ressemble très fort à celle des certificats médicaux de non contre-indication à la pratique sportive que l'on exige en France avant de participer à n'importe quelle compétition. A l'origine, cette mesure

entendait lutter contre le nombre important de morts subites enregistrées chaque année parmi les pratiquants. Quinze ans plus tard, on doit bien admettre que les effets escomptés ne sont pas au rendez-vous. Les morts subites n'ont pas disparu.

Pas même régressé! Sans recommandation précise, la délivrance de ces documents continue de ne répondre à aucune logique.

Beaucoup sont des faux! Bref le bilan est tellement mauvais que le ministère des Sports envisage à présent de faire machine arrière, à l’instar de ce qui a déjà été décidé en Suisse où la même erreur avait été commise.

Encadré 4

Les têtes molles

La réflexion sur le port du casque à vélo doit inclure

plusieurs paramètres: le contexte, le terrain, l'âge. D'après les statistiques, la probabilité de faire une mauvaise chute culmine à l'âge 12-13 ans et diminue ensuite au fil de

l'existence, sauf chez les Seniors où il repart à la hausse. Le sexe aussi exerce une influence. Les garçons sont trois à

quatre fois plus souvent victimes d'accidents que les filles.

Attention aussi aux risques majorés par l'obscurité, la pluie, le verglas. Ces différents facteurs sont généralement pris en considération. Mais il reste un paramètre que tout le monde

(16)

semble ignorer: la sensibilité personnelle aux chocs. Cela paraît incroyable. Mais les recherches en neurologie montrent que nous ne sommes pas tous égaux face aux traumatismes

cérébraux. Tout a débuté avec des statistiques qui montraient que le risque de développer une maladie d'Alzheimer était multiplié par trois chez les personnes qui possèdent une

variante particulière (ApoE4) du gène codant pour une protéine (l'apolipoprotéine E) à l'origine de la formation de substances bêta-amyloïdes dans le cerveau. Le risque est même multiplié par 7 si les deux gènes sont défectueux. Plus tard, on a

découvert que cette prédisposition à la dégénérescence nerveuse allait de pair avec la difficulté rencontrée pour se remettre d'une commotion. Chez certaines personnes, celle-ci disparaît en quelques jours sans laisser de séquelle. Chez d'autres, elle initie un processus d'involution qui, au fil des années, peut conduire à des maladies extrêmement graves. Bref, il existe clairement des cerveaux plus fragiles que d'autres et il se pourrait qu'à l'avenir, on prenne aussi ce facteur en

considération dans le questionnement proposé à chacun sur l'opportunité ou non de porter un casque.

Le saviez-vous?

Un simple test génétique permet d'ores et déjà de savoir si l'on est porteur du fameux gène ApoE4 et donc plus exposé aux maladies nerveuses. Il y a quelques années, il avait été

question de rendre ce test obligatoire à tous les boxeurs de l'Etat de New York. On abandonna le projet lorsqu'on se rendit compte que cela revenait à conditionner l'exercice d'une

profession à une caractéristique génétique et que cela ouvrait

(17)

la voie à d'innombrables dérives!

Références

Documents relatifs

3- Ne cessant d’améliorer notre commande, nous avons constaté qu’un phénomène d’oscillation de l’eau autour d’un niveau provoque de nombreux démarrage et arrêt

Bref, ce document refléterait bien la « réalité » sociale de l’époque et, même si, le professeur prend soin de dire que « c’est une caricature », il n’est pas sûr que

On décompose le volume du liquide en rotation en couronnes cylindriques de rayon r, d’épaisseur dr et de hauteur z(r). Exprimer le volume dV d’une telle couronne. En supposant que

Ils sont ensuite émis sans vitesse par la source S, puis accélérés par un champ électrostatique uniforme qui règne entre S et P tel que.. U sp

À ce stade, il semble qu'aucun programme open source ne permette d'implémenter de ma- nière simple un système distribué de factorisation avec l'algorithme GNFS, comme

De plus, certains professionnels du droit prétendent que les médecins qui croient avoir droit de subordonner le désir de bien-être de leurs patients pour servir leur propre

Compétences : comparer des mots, écrire des mots Consignes : reconstruis ce texte à l’aide des étiquettes, écris les mots du texte.. LE RENARD

A midi, nous nous installons pour déjeuner à l'ombre des grands arbres, car courir nous a donné faim.. Maman nous donne une tomate juteuse que nous croquons avec un peu