• Aucun résultat trouvé

Les bienfaits du «peau à peau» en maternité et en néonatologie

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Les bienfaits du «peau à peau» en maternité et en néonatologie"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Médecine

& enfance

mai-juin 2017 page 124

Défini comme le portage d’un en- fant uniquement vêtu d’une couche et d’un bonnet contre la poitrine de sa mère ou le torse de son père, le peau à peau fait partie de la

« méthode mère kangourou » (MMK).

Cette pratique a vu le jour en 1978 à Bogota sous l’impulsion de deux pé- diatres qui faisaient face à un manque de couveuses pour prendre en charge les petits prématurés de leur service [1]. L’idée était de recourir à la chaleur ma- ternelle pour réguler et stabiliser la température de ces nouveau-nés [2, 3]. La MMK associe le contact peau à peau précoce, prolongé et continu durant le séjour à l’hôpital, puis poursuivi après la sortie, et un allaitement maternel ex- clusif [4]. La mère est ainsi utilisée com- me incubateur pour la thermorégula- tion et comme source de nourriture.

L’attachement étant le socle du déve- loppement cognitif et émotionnel du bébé, la proximité de la mère joue aussi un rôle clé dans l’organisation physiolo- gique et neurocomportementale de l’en- fant prématuré, privé trop tôt de l’uni- vers protecteur et nourricier du ventre maternel. L’objectif final de la méthode kangourou est d’habiliter et de rendre les parents progressivement respon- sables, pour qu’ils deviennent les soi- gnants principaux de leur enfant [5].

BAISSE DE LA MORTALITÉ ET DE LA MORBIDITÉ

Fortement encouragée par l’OMS, la

MMK s’est développée notamment dans les pays en développement, pour pallier le manque d’incubateurs, mais aussi pour réduire les risques d’infections nosoco- miales [4]. Cet impact sur la morbidité en période néonatale a été confirmé dans plusieurs études, y compris dans les pays industrialisés, avec pour conséquence une baisse de la mortalité [6, 7]. La MMK constitue aujourd’hui une véritable alter- native aux soins conventionnels [7]. La MMK est implantée de façon diverse selon les pays et avec des modalités va- riables selon les cultures. En France, les premières unités Kangourou ont ouvert en 1987, mais leur implantation n’a pas été uniforme dans l’ensemble du territoi- re. Malgré les recommandations, l’étude EPIPAGE 2, menée en 2011 dans les ser- vices de néonatologie accueillant des prématurés de moins de 32 SA, a ainsi montré la persistance d’une grande dis- parité des pratiques selon les régions [8].

DES EFFETS

PHYSIOLOGIQUES

Les bienfaits du peau à peau pour les nouveau-nés prématurés ont été et continuent d’être largement étudiés. Ils portent sur ses effets physiologiques et comportementaux à court terme, sur son impact sur l’allaitement maternel et les liens d’attachement parents-enfant, mais aussi sur le devenir émotionnel et cognitif à long terme. Une revue Co- chrane publiée en 2016 a par ailleurs confirmé des bénéfices comparables

Les bienfaits du « peau à peau » en maternité et en néonatologie

D’après la présentation de M. Reveret dans le cadre du staff du service de pédiatrie du Centre hospitalier de Versailles

Rédaction : M. Joras

S T A F F S

Le peau à peau a fait la preuve de ses bienfaits dans la prise en charge des petits prématurés, mais aussi des nouveau-nés à terme. Cette méthode favorise la stabilité cardiorespiratoire, l’équilibre thermique et le sommeil. Elle est bénéfique pour les interactions parents-enfant et pour l’allaitement maternel.

Largement recommandé, le peau à peau doit aujourd’hui être proposé systéma- tiquement aux parents dans les services de néonatologie comme en maternité, dès lors que l’état de l’enfant est stable. Cette pratique nécessite néanmoins un encadrement avec des procédures écrites et une surveillance adaptée pour assurer les meilleures conditions de sécurité.

03 mai-juin17 m&e staffs peauàpeau 23/06/17 11:27 Page124

(2)

Médecine

& enfance

mai-juin 2017 page 125 chez des nouveau-nés non prématurés,

en bonne santé à la maternité [9]. Dans les premières heures de vie, le peau à peau est à l’origine, chez les pe- tits prématurés, d’une meilleure transi- tion à la vie extra-utérine, avec une amélioration, par rapport aux témoins pris en charge de façon conventionnel- le, de la stabilité cardiorespiratoire, de la thermorégulation et de la prise de poids [10]. Les bénéfices sur le comporte- ment du bébé se traduisent par une augmentation du sommeil calme, une meilleure organisation globale du som- meil, moins de pleurs et une maturation plus rapide du tonus vagal [11].

Le peau à peau a également un effet analgésique, prouvé par une baisse des manifestations douloureuses lors des prélèvements chez les bébés prématu- rés, mais aussi chez les nouveau-nés à terme [12, 13].

ALLAITEMENT MATERNEL ET ATTACHEMENT

Le peau à peau favorise le succès de l’al- laitement maternel dès la première mise au sein et induit une réponse mieux adaptée de la mère et des équipes. Le taux d’allaitement exclusif à la sortie, à trois mois et à six mois est plus élevé et la durée d’allaitement prolongée [10]. Le peau à peau diminue le stress de la mère et renforce sa confiance dans ses compétences. La méthode est également bénéfique pour le père : elle contribue à son apprentissage de la parentalité et fa- vorise sa confiance dans ses capacités.

Cette méthode contribue également à un meilleur développement neurocogni- tif en lien avec de meilleures interac- tions parents-enfant [14].

UN IMPACT À LONG TERME

Au-delà des effets en période néonatale et pendant les premiers mois de vie, plusieurs études ont montré que la mé- thode MMK avait des répercussions fa- vorables à long terme, tout particulière- ment chez les enfants nés prématuré- ment. Dans une étude cas-témoins, les

enfants ayant bénéficié du peau à peau avaient, à l’âge de dix ans, une réponse au stress mieux adaptée, une meilleure qualité de sommeil et des tests cognitifs plus performants que les enfants com- parables ayant reçu des soins conven- tionnels avec mise en incubateur [15]. Le suivi d’une cohorte de nouveau-nés de moins de 1 800 g jusqu’à l’âge de vingt ans a montré que les enfants ayant bénéficié de la méthode MMK présen- taient moins d’absentéisme scolaire, moins de syndromes d’hyperactivité, de comportements agressifs et de déviances sociales à l’âge adulte [16]. Le MMK aurait ainsi un effet de protection du dévelop- pement et des comportements futurs.

EN PRATIQUE

EN NÉONATOLOGIE

La Société française de néonatologie (SFN), et notamment le groupe Green (Groupe de réflexion et d’évaluation de l’environnement des nouveau-nés), re- commande que le peau à peau soit pro- posé à tous les nouveau-nés hospitalisés, le plus précocement possible et le plus largement possible, dès que leur stabili- sation clinique a été obtenue. La pra- tique semble bénéfique et faisable dans les populations des nouveau-nés les plus vulnérables, même intubés et ventilés et/ou prématurés extrêmes. Des me- sures de sécurité doivent, bien entendu, entourer cette pratique, en particulier une organisation adaptée de l’équipe soi- gnante avec présence de deux personnes lors du transfert de l’enfant et une sur- veillance renforcée, sans être intrusive, précisent les experts. L’équipe doit être formée et les procédures écrites, surtout pour les bébés les plus fragiles. Enfin, faut-il le souligner, le respect des règles d’hygiène de base s’impose.

M. Reveret rappelle les contre-indica- tions à cette pratique dans les unités de néonatologie : instabilité tensionnelle, traitement inotrope, phase aiguë d’un sepsis, détresse respiratoire aiguë, in- stabilité respiratoire, ventilation en OHF/FiO2 élevée, HTAP, drain pleural, cathéter artériel, protocole d’hypother-

mie, phase postopératoire précoce, hy- perthermie sévère, instabilité (apnées, bradycardies, désaturation) pendant les soins, infections cutanées documentées chez les parents.

La durée minimale du peau à peau est de une heure ; le nombre de séances est adapté en fonction de la tolérance du bébé et de ses phases de sommeil, et se- lon les souhaits des parents. Pour les nouveau-nés à faible risque (> 33 SA), c’est-à-dire quand tous les soins sont pratiqués en chambre, le peau à peau en continu peut être proposé. En cas de sor- tie précoce, avant 37 SA, il peut être poursuivi à domicile pendant la journée.

EN SALLE DE NAISSANCE ET À LA MATERNITÉ

Dans le cadre du programme « Initiative hôpital ami des bébés » (IHAB), qui re- groupe à ce jour quelque 30 établisse- ments hospitaliers labélisés représen- tant environ 6 % des naissances dans notre pays, le peau à peau est recom- mandé dès la naissance. Le bénéfice de cette mesure a fait ses preuves : elle fa- vorise l’allaitement maternel, la ther- morégulation et le monitorage glycé- mique ; elle diminue l’anxiété maternel- le et renforce l’attachement.

Le groupe Green de la SFN recomman- de l’installation immédiate en peau à peau avec la mère pour tous les bébés à terme ou proches du terme (35 SA ou plus) si l’état clinique le permet.

L’Académie américaine de pédiatrie a précisé les règles de sécurité pour la mise en œuvre du peau à peau en maternité : le visage de l’enfant doit être visible, la tête tournée sur le côté, le cou droit, non courbé ; les épaules de l’enfant reposent sur la poitrine de la mère et ses jambes sont fléchies ; le dos de l’enfant est re- couvert d’une couverture chaude. Le couple mère-enfant doit bénéficier d’une surveillance continue en salle de nais- sance et régulière pendant le séjour en maternité. Quand la mère souhaite dor- mir, l’enfant est placé dans son berceau ou avec une autre personne éveillée et informée.

03 mai-juin17 m&e staffs peauàpeau 23/06/17 11:27 Page125

(3)

Médecine

& enfance

mai-juin 2017 page 126 L’information des parents en anténatal

sur les bénéfices du peau à peau est in- dispensable pour que la procédure soit réalisée dans les meilleures conditions

de sécurité. Une attention particulière doit être portée à la position du bébé, pour assurer le maintien de la liberté des voies aériennes, et à l’installation de

la mère, en position semi-assise ; une surveillance attentive doit être exercée par une équipe formée. 첸

L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts .

Références

[1] REY E.S., MARTINEZ H.G. : « Manejo racional del niño prema- turo », inUniversidad Nacional, Curso de Medicina Fetal, Bo- gotá, Universidad Nacional, 1983.

[2] CATTANEO A., DAVANZO R., WORKU B. et al. : « Kangaroo mother care for low birthweight infants : a randomized control- led trial in different settings », Acta Paediatr.,1998 ; 87 :976-85.

[3] CATTANEO A., DAVANZO R., UXA F., TAMBURLINI G. : « Re- commendations for the implementation of Kangaroo Mother Care for low birthweight infants », Acta Paediatr.,1998 ; 87 :440-5.

[4] OMS, Département Santé et Recherche génésiques : La mé- thode « mère kangourou », guide pratique,Genève, 2005.

[5] CHARPAK N., RUIZ J.G., FIGUEROA DE CALUME Z. : « Huma- nizing neonatal care », Acta Paediatr.,2000 ; 89 :501-2.

[6] BOUNDY E.O., DASTJERDI R., SPIEGELMAN D. et al. : « Kan-

garoo Mother Care and neonatal outcomes : a meta-analysis », Pediatrics,2016 ;137 :doi : 10.1542/peds.2015-2238.

[7] CONDE-AGUDELO A., DIAZ-ROSSELLO J.L. : « Kangaroo mo- ther care to reduce morbidity and mortality in low birth weight in- fants », Cochrane Database Syst Rev.,2016 ;8 :CD002771.

[8] PIERRAT V., COQUELIN A., CUTTINI M. et al. : « Translating neurodevelopmental care policies into practice : the experience of neonatal ICUs in France-The EPIPAGE-2 cohort study », Pediatr.

Crit. Care Med.,2016 ; 17 :957-67.

[9] MOORE E.R., BERGMAN N., ANDERSON G.C. et al. : « Early skin-to-skin for mothers and healthy newborn infants », Cochrane Database Syst Rev.,2016 ; 11 :CD003519.

[10] BERGMAN N.J., LINLEY L.L., FAWCUS S.R. : « Randomized controlled trial of skin-to-skin contact from birth versus conven- tional incubator for physiological stabilization in 1200- to 2199- gram newborns », Acta Paediatr.,2004 ; 93 :779-85.

[11] LUDINGTON-HOE S.M., JOHNSON M.W., MORGAN K. et al. : « Neurophysiologic assessment of neonatal sleep organiza-

tion : preliminary results of a randomized, controlled trial of skin contact with preterm infants », Pediatrics,2006 ; 117 :e909-23.

[12] JOHNSTON C., CAMPBELL-YEO M., FERNANDES A. :

« Skin-to-skin care for procedural pain in neonates », Cochrane Database Syst Rev.,2014 ; 1 :CD008435.

[13] GRAY L., WATT L., BLASS E.M. : « Skin-to-skin contact is analgesic in healthy newborns », Pediatrics,2000 ; 105 :e14.

[14] FELDMAN R., EIDELMAN A.I., SIROTA L., WELLER A. :

« Comparison of skin-to-skin (kangaroo) and traditional care : pa- renting outcomes and preterm infant development », Pediatrics, 2002 ; 110 :16-26.

[15] FELDMAN R., ROSENTHAL Z., EIDELMAN A.I. : « Maternal- preterm skin-to-skin contact enhances child physiologic organi- zation and cognitive control across the first 10 years of life », Biol.

Psychiatry,2014 ; 75 :56-64.

[16] CHARPAK N., TESSIER R., RUIZ J.G. et al. : « Twenty-year follow-up of kangaroo mother care versus traditional care », Pe- diatrics,2017 ; 139 : pii : e20162063.

03 mai-juin17 m&e staffs peauàpeau 23/06/17 11:27 Page126

Références

Documents relatifs

Les UVB stimulent la production par les kératinocytes d’une hormone mélanotrope (MSH ou melanocyte-stimulating hormone) dont le récepteur sur le mélanocyte est le MC1R

Les maladies qui peuvent survenir en n’importe quel point du tégument dans lesquelles il décrit : le furoncle, le phyma (tubercule ressemblant au furoncle), le phythlon (tumeur

Un vocabulaire très riche rend compte de ces opérations de bleuissement de la peau, comparées à diverses activités de mise en valeur de la « nature », tels que l’élevage

Le risque infectieux augmente avec le délai de prise en charge. Désinfection de

Les follicules pileux et les glandes sont aussi issus de la prolifération cellulaire et de l’invagination de l’épithélium de surface dans le derme et l’hypoderme

HISTOLOGIE Année A1-Nathalie Bourgès-Abella (n.bourges-abella@envt.fr) Ecole Nationale Vétérinaire de Toulouse (In : Zachary & Mc Gavin,, Pathologic basis of Vet.1. Exemple

La peau fantasmatique commune de la mère et de l'enfant les tient attachés (dépendance symbiotique mutuelle) mais anticipe leur séparation à venir. L’épreuve de

« La seule différence avec une imprimante 3D "classique" réside dans le fait que l’atmosphère doit être contrôlée au cours de l’impression pour garantir la survie