FACULTÉ
DEMÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX
ANNÉE 1902-1903 |57
TRAITEMENT
L'OPHTALMIE PURULENTE
DES NOUVEAU-NÉS
THÈSE POUR LE DOCTORAT EN MÉDECINE
présentée et soutenue publiquement le 30 Juillet 1908
par
André GALABET
Né à Puymiclan (Lot-et-Garonne) le 5 octobre 1875
/ MM. BADAL professeur.i.. Président.
ir„OTÏ,S„„» . , m. ■
\
BOURSIER professeur—JExaminateursde la These : {) POUSSON
agrege ( Juges.
( LAGRANGE agrégé J
Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.
BORDEAUX
Imprimerie du Midi. — Paul Cassignol 91, Rue Porte-Dijeaux, 91
1903
Faculté de Médecine et de Pharmacie de Bordeaux
M. DENABIAS, doyen — M. PITRES, doyen honoraire.
l'ItOl'IlSSClItS MM. MIGÉ
DUPUY
)
( Professeurs honoraires.MOUSSOUS
Cliniqueinterne
j
Clinique externe
j
Pathologie et théra¬
peutique générales.
Thérapeutique
Médecine opératoire.
Clinique d'accouche¬
ments
Anatomie pathologi¬
que Anatomie
Anatomie générale et histologie
Physiologie Hygiène Médecine légale Physique biologique et
électricité médicale
MM.
PICOT.
PITRES.
DEMONS.
LANELONGUE VERGELY.
ARNOZAN.
MASSE.
LEFOUR.
COYNE.
CANNIEU VJAULT.
JOLYET.
LAYET.
MORACHE.
BERGONIÉ.
Chimie
Histoire naturelle ...
Pharmacie
Matière médicale....
Médecine expérimen¬
tale
Clinique ophtalmolo¬
gique
Clinique des maladies chirurgicalesde! en¬
fants
Clinique gynécologique Cliniquemédicaledes maladiesdesenfants Chimie biologique...
Physique pharmaceu¬
tique
Pathologie exotique.
MM.
BLAREZ.
GUILLAUD.
FIGUIER.
de NABIAS FERRÉ.
BADAL.
P1ECHAUU.
BOURSIER.
A. MOUSSOUS DENIGdS.
SIGALAS.
LE DANTEC.
AGRjE!Clɧ
(SKI EXEUClICIfi :skotion de médecine(Pathologie interneet Médecinelégale.) MM. CASSAET. | MM. MONGOUR.
SABRAZÈS. | CABANNES.
HOBBS. I
sectionde chirurgie etaccouchements
(MM.DENUCE.
Pathologie
externe)
BRAQUEHAYEratnoiogie exteme<
CHAYANNAZ.
( BÉGOUIN.
Accouchements.\MM. FIEUX.
ANDERODIAS.
Anatomie.
sectiondes sciences anatomiques etphysiologiques
(MM. GENTES. I Phvsioloe-ie MM. PACHON.
CAYALIE. Physiologie
Histoire naturelle. beille
section des sciencesphysiques
Chimie MM. BENECH. | Pharmacie. M. DUPOUÏ.
4 4»( IIS ( «MII'LIMlENTA 1 11US :
Clinique desmaladies cutanées etsyphilitiques MM.
dubreuilh.
Clinique desmaladies des voies urinaires P0USS01N.
Maladies dularynx, des oreilles etdu nez MOIJRE-
Maladies mentales REGIS.
Pathologie interne RONDO!.
Pathologie externe DENUCfi
Accouchements ANDERODIAS.
Ophtalmologie DAGRAN
Hydrologie etMinéralogie CARLE .
LeSecrétaire de laFaculté: LEMAIRE.
Par délibération du 5 août 1879, laFaculté aarrêté que les opinions emi .0UrS) Thèses qui luisontprésentées doiventêtre considérées commepropres aleurs qu'elle n'entend leur donnerniapprobation ni improbation.
A MONSIEUR LE DOCTEUR E.
GINE8T0US
ANCIEN INTERNE DES HOPITAUX DE BORDEAUX MÉDECIN OCULISTE
A MONSIEUR LE DOCTEUR F. LAGRANGE
PROFESSEUR AGRÉGÉ A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX CHIRURGIEN DES HOPITAUX
• OCULISTE DE L'HOPITAL DES ENFANTS OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
A mon Président de Thèse
MONSIEUR LE DOCTEUR BADAL
PROFESSEUR DE CLINIQUE OPHTALMOLOGIQUE A LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX
CHEVALIER DE LA LÉGION D'HONNEUR
OFFICIER DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE
Au terme de nos études médicales, nousaccomplissons un devoir de gratitude en adressant à nos maîtres l'expression
de nos sentiments de respectueuse
reconnaissance.
MM.Picot, Lanelongue, Piéchaud, Monod, Bouvet, Durand nous ont aidé de leur précieux enseignement, et c'est
dans
leservice de M. le Prof, agrégé Lagrangeque nous avons ter¬
miné notre stage hospitalier ; nous lui devons d'avoir pu recueillir auprès de ses malades les observations qui font l'objetde notre thèse inaugurale. Nous le remercions de la bienveillance qu'il nous a témoignée, des conseils nombreux etéclairés qu'il nousa donnés.
Nous devons à l'extrême bienveillance de M. le Prof.
Badal, à ses précieux conseils d'avoir pu
compléter
le travailque nous présentons aujourd'hui.Enacceptantla
présidence
de notre thèse inaugurale M. le Prof. Badal nous fait un honneur qui augmenteencorenotre dette de reconnaissance.
M. le Dr Ginestous a été pour nous un guide et un ami.
Nous le remercions de nous avoir
communiqué
lesdocu¬
ments qu'il a recueillis pendantson internat à l'Hôpital des Enfants et de tout l'intérêtqu'il n'a cessé de nous porter.
INTRODUCTION
L'ophtalmie purulente des nouveau-nés peut être inscrite
aupremier rang parmi les causes de cécité: Rochard lui attribue une proportion de
1/3,
Trousseau de 1/4, Fuchs trouve une moyenne de 30%,
Truc et Valude 13.000 sur38.000. En Autriche eten Allemagne il a été établi, dans une réunion desdirecteurs desasiles
d'aveugles,
tenue en 1876, quel'ophtalmie
purulente des nouveau-nés était la cause de la cécitédes 33/100desenfants admis dans cesasiles.A l'hos¬picedes
Quinze-Vingts,
Trousseau a noté uneproportion de 29aveugles sur627. La statistique de l'Institution desJeunesAveugles
donne une proportion de 34/100. D'après unestatis¬tique
donnée parChevallereau,
à l'école de Braille 57 enfants sur157 étaient aveugles par suited'ophtalmie
contractée au moment de la naissance. Vallin, dans un rapportprésenté àl'Académie
de médecine,affirme que sur 100 aveugles, 50 lesontpar suite de
l'ophtalmie
des nouveau-nés. Dehenneaétabliquesur100 enfants atteints
d'ophtalmie
purulente 35 à 40restaient aveugles. A Bordeaux, le docteur Baleste-Ma-nchon,
ancien interne provisoire des Hôpitaux, dans sathèse
inaugurale
sur Les Causes de la Cécité(Bordeaux 1893),
ensebasantsur un nombreconsidérablederenseignements recueillisà la
Clinique ophtalmologique de
Bordeaux, ser¬vice deM. leProf. Badal, arrive à des résultats sensiblement
identiques (510
sur1800).
Ces chiffres démontrent surabondamment la gravité de 1
ophtalmie
purulente. Mais,par bonheur, nous sommes en
droit
d'affirmer
dès le début de ce travail qu'unethérapeu-
— 12 -
tique bien conduiteet établie dès les premiers joursde l'af¬
fection, alors que la cornée est encore intacte, peut triom¬
pher dela maladie et mettre l'enfant à l'abri de désordres irrémédiables.
Exposer les règles de cette
thérapeutique,
tel est le butde notre thèseinaugurale.
CHAPITRE PREMIER
HISTORIQUE
Nous ne nous attarderons pas à donner ici une analyse,
même succincte des travaux très nombreux quiont été écrits
sur
l'ophtalmie
purulente.Certains
travaux seuls, qui font époque dans le traitement de l'ophtalmie purulente, nous arrêteront dans ce chapitre.Lepremier auteur françaisqui,en fait mention est Rivière (de
Montpellier),
en 1646. En1690, VAcadémie des
curieux de lanature endonna également unedescription incomplète. Au
xviip siècle, Dreysig (d'Erfurt), Guelmatz
(Dissertatio de oph-
talrniareceus natorum),
l'abbé
Demonceaux et Mackensie étudièrent également le même sujet. Mais il faut arriver au début du xixe siècle pour trouver une histoire presque complète del'affection,
et encore devons-nous ajouter que ces travauxs'occupent
peu du traitement.En 1880, Crédé à sa clinique institue le traitement
prophy¬
lactique
qui porte son nom; grâceà ce traitement, la propor¬tion de l'ophtalmie purulente a considérablement diminué, ainsi que nous le montrerons dans notre
prochain chapitre.
Depuis
cetteépoque,
nombreux ont été les traitements préconisés. Le nitrate d'argent à dose forte ou demi forte, enbadigeonnage
ou en collyre, a été recommandé comme moyencuratif par un grand nombre d'auteurs qu'il seraithop long
de citer.Pour remédier à certains inconvénients du nitrate, qui
perfore la cornée pour peu qu'elle soit
éraillée,
d'autres auteurs ont recommandé des médicaments non caustiques respectant la cornéeatteinte,
glycérine boratée(Hartridge),
iodoforme
(Richet, Valude),
naphtol(Budin),
airol,pommadeau bismuth
(Villard).
Dansces dernières années, après les recherches de Neisser etBellario,
Darier(de Paris)
aproposé de substituer au nitrate d'autres sels argentiques, l'argenta-mine et le protargol (protéinate
d'argent).
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce dernier sel et d'établir sa véri¬tablevaleur
thérapeutique.
Tout
récemment,
le docteur KarlRossler,médecin-major à Przemysl{Wiener
medizinischeWochensclirift,
m19,
mai 1903), a vanté les excellents effets du collargol (argent coloïdaPdont ledocteur Emilio Alvarado (de Valladolid), dans
lederniernuméro desArchivos de
Oftalmologia hispano-ame-
ricanos, a fait une étude complète. Nous reparlerons du collargol dans notrechapitre
sur le traitement local.Lescautérisations de la conjonctive ne doivent pas
seules
être mentionnées dans ce
chapitre historique;
les lavages doivent avoir leur part.Dès 1860, nous retrouvons en effet que Fraebelius recom¬
mande les lavages à grande eau, déjà préconisés par
Chas¬
saignac. Plus récemment, ces lavagesont été recommandés par Brière
(1879),
Connen(1884),
Osio(de Madrid), Andrews,
Lagrange. Au lavage par une solution à l'eau pure ontété
substitués des solutions
antiseptiques
à l'acide boriqueet
dons ces dernières années le permanganate de potasse.
Enfin, la
sérothérapie
doit avoir ici sa placemarquée. La
guérison del'ophtalmie diphtérique
par les injectionsde
sérum de Roux et par les instillations de ce même sérum dans le sac conjonctival (procédé de
Mongour-Guyot) avaient
donné l'idée
d'appliquer
la même méthodethérapeutique
a l'ophtalmie purulente. En 1899, M. Lagrangeannonçait à la
Société de médecine qu'il seproposait d'utiliser le
sérum de
Marmoreck toutes les fois que le streptocoque
serait en
cause.
Malheureusement,
les essaiscommencés n'ontpasete
— 15 —
couronnés desuccès; comment d'ailleurs espérer uneaction bienfaisante du sérum de Marmoreck, qui n'a d'action que contre le streptocoque, alors que dans
l'ophtalmie
purulenteon retrouve un si grand nombre d'associationsmicrobiennes ainsi que l'ont démontré les recherches de Chartres et de Ferré. Néanmoins, il n'ya pas lieu de
désespérer
et peut-êtrela sérothérapie pourra-t-elle un jour avoirsontriomphedans l'ophtalmie purulente.
CHAPITRE II
Traitement
prophylactique de l'ophtalmie purulente
des nouveau-nés.
Dans le Traité des maladies des yeux
(t.
I,p.757), Macken-
sie écrit :
« Afin de constater jusqu'à quel point l'ophtalmie puru¬
lentedes nouveau-nés pouvait être occasionnéepar un écou¬
lement provenant desorganes génitaux de la mère, le doc¬
teurCederschold fit interroger, pendant le courant del'année 1832, toutes les femmes qui se présentèrent pour
accouchera
la maternité de Stockholm, sur le point de savoir si
elles
étaient ou non atteintes d'écoulement.
» 360 femmes furent accouchées; après avoir
déduit les
enfants mort-nés ou ceux qui moururent quelques
jours
après la naissance, il resta 328 femmes dont les enfants purent être observés. Sur ces 328 femmes, 137 étaientaffec¬
tées d'un écoulement des parties génitales et 181 en
étaient
exemptes, 30 enfants furent atteints d'ophtalmie
purulente,
20 provenaient de mères ayant des écoulements, et
10 de
mèresqui n'en avaient pas.
» ...On peut affirmer que le fait d'un écoulement
général
chez la mère est une cause très fréquente de cette
maladie,
bien qu'elle n'en soit pas la cause unique. »
Les découvertes microbiennes nous ontapprisquepour
se
développer l'ophtalmiepurulente, affection dueà des micro¬
bes pathogènes (streptocoques,gonocoques,
staphylocoques,
pneumocoques),
nécessite deux conditions : 1°l'introduction
de ces microbes dans le sac conjonctival: 2o un terrain
approprié,
«locus minoris resistentise
»permettant à
ces microbes de se développer.Nous laisserons de côté, pour le moment, cette
dernière
condition,nous réservant d'y insister plusparticulièrement
dans unchapitre spécial.
Empêcher le pus, cause
occasionnelle de l'ophtalmie
puru¬lente, de rentrer dans le sac conjonctival du
nouveau-né,hel
doit être le but que se propose tout médecin
soucieux de la
santé deson malade. La contagion peut avoir lieu : 1° pen¬
dantl'accouchement; 2° après la naissance. Pendant
l'accou¬
chement, la contamination résulte clu passage de la tête
fœtale à travers les organes sexuels de lamèreatteinte d'écou¬
lement
leucorrhéique
oublennorragique. Lescils de l'enfant
restent couverts de cette sécrétion qui pénétrera dans le sac conjonctival dèsquel'enfant ouvrira lesyeux.Or,on
n'ignore
pas que le liquide de ces pertes blanches contient des micro¬
bes,gonocoques de Neisser, parfois associés aux streptoco¬
ques et à d'autres bacilles qui leur donne leur
spécificité
et leurcontagiosité. Ce sontprécisément
cesassociations micro¬biennes quiseretrouventdans lepusconjonctival des enfants
nouveau-nés. Il résulte de cesquelques
considérations
quele premier traitement prophylactique del'ophtalmie purulente
doitconsister à soigner la mère pour préserver
l'enfant...
Sublatacausa tollitur
effectus.
Pendant la grossesse, s'il existe des pertes blanches, la première indication à remplir est
d'aseptiser la
muqueuse vaginale.Les injections fréquentes tariront toutécoulement leucorrhéique
pendant la grossesse; ces précautions seront Plus rigoureusement suivies les derniers mois, etpendant leletravail seront répétées d'heure enheure.
Quant auxantiseptiques employés, nous
n'avons
pasici à
les
indiquer
tous. Les plusfréquemment usités
sontle
per¬manganate depotasse à 1/1000; le sublimé
à
25centigram¬
mespour1000; le cyanure de mercure
à
25centigrammes
pour 1000. Après l'accouchement, les mêmes irrigations
— 18 -
seront continuées,
l'antisepsie
la plus minutieuse necessera d'être observée pourle linge de la mère et pour les mains quis'occupent
d'elle et de l'enfant. Voilà quelles sont, enrésumé, les précautions à prendre du côté de la mère pour éviter la contamination de l'enfant.
Voyons
maintenant quelles sont les mesures prophylacti¬ques à prendre du côté du nouveau-né. Une petite quantité de la sécrétion virulente a pu être emportée par les cils de l'enfantet provoquer ensuite l'ophtalmie purulente. Aussi avant de couper le cordon et avant de faire la toilette du corps, les paupièreset lesyeux seront soigneusement net¬
toyés
avec une solutionantiseptique
au permanganate ou même avec de l'eau bouillie. Mais la méthode qui donne les meilleurs résultats est cellequi a été donnée par Crédé en 1880. Elle consiste eninstillation,
collyre de nitrate d'argent à 2 pour 100. Le titre de cette solution a été depuisabaisséà
1 pour 100. Galezowski s'est opposé à cette méthode
qu'il
trouve insuffisante et parfois dangereuse. Valude
emploie
la poudre d'iodoforme. Ce qui est certain, c'est que
depuis
que la méthode de Crédé a été créée, la proportion
d'ophtal¬
miespurulentes a considérablement diminué dans lesmater¬
nitéset hôpitaux d'enfants.Ala
Clinique
deCrédé, lapropor¬tion des ophtalmies purulentes de 1874 à 1879 avaitété en moyennede10 pour 100. Elle tomba en1880 à 0 sur200accou¬
chements. A0 en 1881 sur 400 accouchements, et à 0,2 sur 418accouchements en 1882. A Dresde, en 1880, il n'y a paseu
un cas d'ophtalmie purulente sur 720 accouchements. A Paris, à la
Clinique Baudelocque,
en 1891, sur 1615accouche¬
ments, on n'a enregistré que 13 contaminations. Olshausen
a dressé une double statistique des ophtalmies survenues dans les deux conditions suivantes : désinfection des yeux après la section du
cordon,8,8pour
100d'ophtalmies;avant la
section 3,6 pour 100. A la Maternité de Copenhague on
a
démontré par des statistiques qu'une instillation
de nitrate d'après
la méthode de Crédé a fait disparaître danscet hos¬
pice
l'ophtalmie
purulente.— 19 —
Le docteur Durand dans sa thèse inaugurale (Bordeaux 1885)
préconise
comme moyenprophylactique
employé dans leshôpitaux de Bordeaux la méthode obligatoire de Grédé.Avant l'emploi de cette méthode, à la
Clinique
d'accouche¬ments del'hôpital Saint-André de Bordeaux sur 109 accou¬
chements, du 1er novembre 1884 au 5 mai 1885, il yeut 12 cas
d'ophtalmie purulente, c'est-à-dire 11 pour 100. Du 5 mai au Proctobre 1885, la méthodeprophylactique est
appliquée
: sur 174accouchements il n'y eu aucun cas d'ophtalmieconsécu¬tive.Ala MaternitédePellegrin,du 1erjanvier 1883au1erjan¬
vier1885, sur912 accouchements, il y eut 51 cas d'ophtalmie
des nouveau-nés, soit 5,6
%>•
Du 1er janvier 1885 au Ier novembre de la mêmeannée, la méthode prophylactique est employée: il n'y eutqu'un seul cas d'ophtalmie purulente, plus deux ophtalmies catarrhales ; la proportion est donc tombée à 0,18°/0.
Ces quelques statistiquesdémontrent
amplement l'efficacité de la méthode de Crédé, mais encore faut-il pour être efficace qu'elle soit rapidement exécutée.Pourcela, il nefaut pas attendrepour appliquerlaméthode:
c'est aussitôt après la naissance et séance tenante, avant mêmq la
ligature
du cordon, que l'accoucheur doit procéderau
lavage
des paupières des nouveau-nés, ouvrir ensuite etirriguer
abondamment la conjonctive avec une solution faiblementantiseptique. Il procédera aussitôtaprès à l'instil¬
lation du nitratesuivant la méthode de Crédé, surtout dans lescas où lavirulencede l'écoulementvaginal donnerait des craintes sérieuses.On brûleraou onaseptisera par une
ébul-
litionprolongée
tous les linges qui ont servi àl'enfant,
qui°ntpuêtresouillés. Pour faire les lotions, on se servira non Pas
d'épongés
qu'on ne peut aseptiser, mais de cotonhydro¬
phile. Dans ces derniers temps, on a proposé de substituer
nunitrate
d'argent
leprotéinate d'argent,
plusconnu sous lenom deprotargol.
Furst, en1898, a fait des essais avec leProtargol
qu'ilconsidère commesupérieur
aunitratecommemédicament prophylactique.
Il y a quelque temps,il
Publia la
statistique
du docteur Rubesia (dePrague).
Sur— 20 —
1.100 nouveau-nés à la Maternité d'Autriche traités avec le protargol, on n'a constaté que deux cas d'ophtalmie purulente. En réalité, cette
statistique
est inférieurecomme résultats àceux obtenus avec la méthode de Grédé.A notre avis, le protargol a sa place marquée dons la théra¬
peutique,ainsi que nous le montrerons par la suite, maisil
ne présente pas la valeur
prophylactique
et curative du nitrate. Le tout est de savoir manier le nitrate.Depuis 1901, M. le Prof,
agrégé
Bérard, chirurgien deshôpitaux
de Lyon, a essayé comme traitement prophylacti¬que de l'ophtalmie purulente
Vhermophényl (oxyde
de mer¬cure dissous dans du phénol disulfonate de sodium). Voici
les conclusions du travail récent de M. Bérard :
«Des solutions
Vhermophényl h
1/100, 1/50 et même 1/30ont été pendant un mois employées exclusivement pourles lavages des yeux des enfants nouveau-nés à la Maternité, à la place des solutions de nitrate d'argent ou de
protargol.
Environ 250 enfants ont été ainsi lavés, le quart des
mères
environ avaient eu des pertesblanches plus ou moins
abon¬
dantes. Et pourtant chez deux enfants seulement il y eutau troisième et au cinquième jour un peu de rougeur
de la
conjonctive qui céda immédiatement à l'instillation d'une solution de protargol. »La prophylaxie doit consister encore à éviter lapropaga¬
tion de l'affection d'un œil à l'autre. Pour cela, on évitera que le pus d'un œil pénètre dans son congénère en
recouvrant
l'œil qui n'est pas atteint et en couchant l'enfant du côtéde
l'œil malade. On devra éviter encore qu'un
enfant atteint d'ophtalmie
contamine, dans un hôpital, sesvoisins. Certai¬
nes
statistiques
établies pour des enfants trouvés deSaint-
Pétersbourg et de Vienne montrent que 25 à 39 %avaient
contracté la maladie dans l'établissement. On devra donc
isoler les enfants atteints d'ophtalmie purulente.
Ils sont
aussi dangereux pour leurs voisins que les jeunes
malades
atteints de rougeole, coqueluche, scarlatine; et à ce
sujet
nous devons dire, à la louange de l'Administration
de l'hôpi-
— 21 —
tal de Bordeaux, qu'il
existe clans l'hôpital-hospice de la
route de Bayonne une
salle spéciale d'isolement
pourles
jeunes
enfants atteints d'ophtalmie purulente.
Malgré une
prophylaxie aussi simple qu'efficace,
une maladie aussi terrible dans ses conséquences que l'ophtal¬miepurulente fait
chaque année des milliers de victimes, et
c'estavec raison que depuis longtemps on
réclame des
me¬suresgénérales pour diminuer
la fréquence d'un tel fléau.
L'Allemagne a fait rédiger un
manuel à l'égard des
sages- femmes.EnAutriche et enSuisse, la sage-femme qui néglige d'appelerun médecin estsévèrement punie.
EnAmérique,
l'Etat de New-York oblige toute sage-femme, sous
peine
d'amende de 100 dollarsou un emprisonnement de
six mois,
àprévenir le bureau de santé àla moindre rougeur desyeux des nouveau-nés. En septembre 1880,
le
gouvernementfran¬
çais appela l'attention générale sur cette
question dans le
Journaldes Communes. V. Morax, dans un des derniers
numéros des Annales
d'Oculistique (mai 1903), vient
encore d'insistersur ce point.Brière
(du Havre),
en 1880,a proposéde faire distribuer
aux parents une petite brochure indiquant lesdangers de la
maladie. Fieusal, en 1842, au
Congrès
deGenève,
aproposé
de faire insérer une instruction analogue dans le livredes familles délivré par le maire à
l'occasion du mariage. Gale-
zowski, plus pratique, veut confieraumédecin
del'état civil
le soin d'avertirles parents.
Enfin, après avis de l'Académie de médecine etdu Comité consultatif d'hygiène publique de France,
l'ophtalmie des
nouveau-nés a été inscrite parmi les maladies
épidémiques
qui doiventêtre déclarées à l'autorité publique,conformé¬
mentaux lois du 30 novembre 1892 sur l'exercice de la méde¬
cine, et du 15 février 1902 sur la protection de
la
santépubli¬
que. Mais ces mesures sont insuffisantes, il serait néces¬
sairede faire mieux et de chercher par tous les moyens à faire pénétrer dans les familles, plus particulièrement
dans
lesclasses pauvres, la terreur de ce fléau dont certainement
°n ne mesure pas assez toute l'importance.
CHAPITRE III
Traitement local de
l'ophtalmie purulente. Les lavages
du sac
conjonctival.
Le traitement local de l'ophtalmie
purulente comprend
deuxparties :
1° Leslavages du sac
conjonctival;
2°Les cautérisations de la conjonctive.
Nous étudierons successivement chacune deces
parties.
Ces lavages ont une importance
particulière. Ils ont,
en effet,pour but de débarrasserle
sacconjonctival du
pusqui
yséjourne, et d'empêcher
ainsi
sareproduction. Mais
pour produire tout l'effetthérapeutique qu'on est
endroit d'atten¬
dred'eux, il importe que ces
lavages soient exécutés suivant
certaines règles que nous
allons indiquer,
sanslesquelles
ils
risquent
de ne pasatteindre le but- qu'on
se propose ou même de devenir plus dangereuxqu'utiles. Il est nécessaire d'irriguer
la conjonctive dans sa totalité. Leslavages
autampon,
peut-être suffisants dans des casbénins, sont
au contraire tout à fait insuffisants dans la majorité des cas.En effet, ces lavages ainsi
pratiqués n'atteignent
queles
bordspalpébraux et alors même qu'on
prend soin de retour¬
ner les paupières, ce qui est
d'ailleurs difficile lorsque
celles-ci sont œdématiées, on n'arrive jamais
à pénétrer jusque
dans la profondeur du cul-de-sac.Or, c'est précisé¬
mentdans lesculs-de-sac conjonctivauxquele pus
séjourne.
Al'aidedes lavages au tampon, on
enlève bien
unepartie
du pus, mais on est incapable
d'aller le chasser de
ses— 24 —
repaires les plus profonds. Le but qu'on sepropose est ainsi loin d'êtreatteint.
Au XIVe
Congrès
international de médecine(Madrid,
avril
1903),
le docteur Wieden Portillo(de Valence)
a insistésur la nécessité des grands lavages oculaires dans le traite¬
ment de
l'ophtalmie
purulente. Divers appareils ont été imaginés pour permettreces lavages completsde la conjonc¬tive et de ses culs-de-sac. Quelques praticiens ont employé
des canules de caoutchouc (Dr
Brun),
de cristal (Drs Borsch etMorax),
de métal(DrTerson),
mais leur introduction sousla paupière, en plus des difficultés qu'elles offrent à la diffu¬
sion du liquide sur la muqueuse recouverte de replis et de
végétations,
donne un résultatproblématique.
Les premierslaveurs oculaires imaginés ont été ceux d'Andrews
(1815),
d'Osio
(de Madrid),
de Gayet(1888).
Ces laveursont été rendus pratiques par M. le Prof, agrégé Lagrange, qui a donné deson instrument une
description complète
dans les Annales de laPoliclinique de
Bordeaux(1892)
et à la Société d'ophtal¬mologie et de
laryngologie
de Bordeaux(19
février 1895). Le laveur Lagrange n'est autre chose qu'un écarteur à manchecreux et percé sur l'une de ses faces de trois orifices per¬
mettant l'issue d'un liquide contenu dans un flacon situé au-dessusde la tète du malade. La canule est introduite dans le cul-de-sac conjonctival qu'elle irrigue dans sa totalité et
d'unjet d'autant plus puissant que le flacon estsitué plus haut.
Depuis 1892, Terson, Fage, Kirmisson, Motais et d'autres
encore ont imaginé d'autres modèles de laveurs oculaires, tous basés sur le même principe.
Tout récemment, le docteur Wieden Portillo
(de Valencia),
au XIVe Congrès international de médecine de Madrid
(avril
1903), a présenté un nouveau laveur oculaire dont voici ladescription,
fidèlement traduite du dernier numéro des Archivos deoftalmologia hispano-americanos (julio 1903):
«
L'appareil
quej'ai l'honneur de présenter auxmembres
— 25 -
du XIVeCongrès international de médecine de Madrid a été construit surmes indications parH.
Wulfmg
Luer(de
Paris).Il a la forme d'un simple
élévateur
de Desmarres.dont on a tourné le bord en un trou arqué qui en son centre et à la partiesupérieure
présente une petite traverse qui lui donneuneplus grande solidité etempêcheque lamuqueuse puisse obturer la sortie du liquide laveur.
»La rainure qui donne la sortie à ce liquide est située
derrièrel'arc, à4 millimètres de la partie centrale et de la forme semi-lunaire.
»L'irrigation est assurée et constamment protégée par cet
arclinéaire, lequel est chargé, comme je l'ai dit, de déplier la muqueuse du fond des sacs, empêchant en même temps que laconjonctive puisse se mettre en contact avec l'ouver¬
ture de sortie... »
Quel que soit d'ailleurs
l'appareil employé^
ces lavages permettent d'ajouterà la puissance antiseptique du liquidela puissance mécanique de l'irrigation, et de débarrasser ainsile cul-de-sac conjonctival de tous les amas purulents qu'ilcontient.
Pour être efficaces, les lavages conjonctivaux doivent être pratiquéstoutes les deux heures penchant le jour, toutes les quatre heures pendant la nuit. A
l'Hôpital
des Enfants deBordeaux,
il en est ainsi fait dans le service d'isolement del'ophtalmie
purulente. La nuit seulement, les lavages autampon
sont substitués aux irrigations conjonctivales. Les enfants nonhospitalisés
ne sont lavés que deux fois parjour,
dans le local de la consultation externe, par l'interneduService
d'Ophtalmologie.
•Les
irrigations
conjonctivales, pour être bien pratiquées, doivent êtrefaites avec un soin minutieux. Il faut avoir bien soin de nepas promener la canule sur la cornée afin d'éviter del'excorier.
Cette manœuvre est d'autant plus difficileque '°n s'adresse à dejeunes enfants peu dociles qui par leur moindre mouvementpeuvent imprimer à l'opérateur des mouvementsinvolontaires.
— 26 —
Pour obvier à cet inconvénient, le docteur
Ginestous,
ancien interne des
Hôpitaux,
a fait construire une table- laveur représentée dans notre figure ci-dessous. (Gazette hebdomadaire des Sciences médicales de Bordeaux, novem¬bre
1900.)
Table-laveur pourophtalmie purulente du Dr Ginestous.
Ainsi qu'on peut le voir, l'enfant est
enveloppé dans une
molesquine et immobilisé. La tête seule est à découvertet
plonge dans un récipient circulaire ad hoc. Le laveurest
situé au-dessuset l'enfant peutêtre entièrement et
complète-
— 27 —
mentlavé sansqu'on ait à craindre les accidents dont nous
parlons. Ce système
d'irrigation
conjonctivale ainsi mis enpratique depuis trois ans à l'Hôpital des Enfants donne d'excellents résultats.
Certainescritiques peuvent cependant être adressées au laveur
Osio-Lagrange-Terson-Motais.
Le docteur Wieden Portillo(deValencia)
au Congrès international demédecine (avril 1903), dans sa communication ayant pour titre«Nuevo irrigador ocular », écrit :«Lesélévateurs perforés au niveau de leur extrémité con¬
vexe
(Drs
Osio, Lagrange etMotais),
avec rainure(Dr
Brun)nepermettentqu'une
irrigation
insuffisantepourla conjonc¬tive èt la cornée. Leur construction empêche leur nettoyage intérieur comme il convient et, dans le cas
d'obstruction, l'appareil
nepeut servir immédiatement. »Nous avons constaté souvent,en effet, que le laveurmétal¬
liques'obstruaittrès facilement,
principalement
par le per¬manganate
de.potasse,
et la sœur du service d'isolement del'ophtalmie
purulente de l'Hôpital des Enfants pourrait dire combien le nettoyage de l'appareil était parfois difficile et laborieux. Et de plus, songe-t-on vraiment aux dangers de contamination possible par un laveurmétallique,
le plussouvent unique à cause de son prix élevé?Dans les services de
gynécologie,
eten particulier à la consultation externe de laClinique gynécologique
de la Faculté de médecine de Bor¬deaux,
dans le service de M. le Prof. Boursier, les canulesmétalliques
ne sont plus qued'antiques
souvenirs histori¬ques. Chacune des malades possède sa canule vaginale pro¬
pre etaseptisée. Il était tout naturel de procéder de même dans un service d'isolement de l'ophtalmie purulente, et,
depuis
lemois de février 1900, descanules en verre ont été substituées àl'unique
laveur métallique jusqu'alors utilisé dans le service d'isolementde l'ophtalmie purulenteàl'Hôpi¬
taldesEnfants deBordeaux. Tout enfant maintenant a ses
deux
laveurs,
et ainsi est écarté pourchacun le danger decontamination
par le voisin.- 28 —
Pouren terminer avec la description de
l'appareil
qui sertaux irrigations conjonctivales,nous devons faire remarquer que le vase récepteur du liquide à irrigation doit être hermé¬
tiquement clos. Le docteur Wieden Portillo (de
Valencia)
ainsisté sur ce point au dernier Congrès de Madrid. Le mieux est de donner au flacon
récepteur
du liquide la formeem¬ployée pour les injections intra-veineuses de sérum(Bazin-
Soulard-Creuzan).
Il est regrettable qu'àl'Hôpital
des Enfants de Bordeaux on utilise encore une simple fontaine comme en possède chaque femme pour sa toilette intime, fontaine ouverte à tous les vents, à toutes les poussières d'une salle d'isolement. Mais ce n'est là qu'une critique de détailà
laquelle il sera vraiment facile de remédier.Nous connaissons maintenant
l'appareil
à irrigation con-jonctivale; nous savons que ces irrigations doivent être régulièrement faites suivant les règles indiquées et à inter¬
valles suffisamment rapprochés, il nous reste à étudier les
antiseptiques
qui doivent être utilisés.Certains auteurs, et en particulier Lamhofer, en
1900
(Dutraitement de
l'ophtalmo-blennorragie
desnouveau-nés,
Munch. med. Woch., 1900, n°8, p.
253)
ontprétendu
queles
lavages à l'eau stérilisée pouvaient suffire à guérirl'ophtal¬
mie purulente des nouveau-nés. Cela est vrai dans certains
cas bénins. Mais ce serait
s'exposer
à de gravesmécomptes
que de vouloir généraliser et réduire ainsi la
thérapeutique
de
l'ophtalmie
purulente: il faut avoir recours à des antisep¬tiques. Tous ont été préconisés. Le premier
conseillé
aété
l'acide
borique
; son pouvoir antiseptique estsi faible que
nous ne croyons pas devoir insister à son sujet. Le
formol a
une action véritablement bactéricide, mais il
présente l'in¬
convénient d'être trop irritant. Escolais a
préconisé l'emploi
d'irrigations plus ou moins fréquentes avec une
solution
d'acide
phénique à
1/300. Browne baigne l'œil deuxfois par
jour pendant quinze minutes avec une solution à2/100 de trichlorophénol
combiné avecdu manganèse. Lesublime a
été également employé à doses très faibles; nous en
réprou-
— 29 —
vons formellement
remploi;
la cornée s'accommode très mai de son passage. Nous ferons la même réserve pour le cya¬nure
cVliydrargyre,
quidepuis
quelques annéesa été substi¬tué au sublimé dans toutes les cliniques. Dans sa thèse inaugurale
(Bordeaux 1902),notre
camarade le docteur Malet fait ressortir les grands avantages de l'eau oxygénée que Price avaitdéjà
employéeavec succès. MM. les Prof,agrégés
Bérardet Rollet, chirurgiens des Hôpitaux de Lyon, recom¬
mandent l'emploi de solution à 1/100
d'hermophényl (oxyde
demercure dissous dans le phénol disulfonate de
sodium).
A notre avis,
l'antiseptique
de choix est le permanganate depotasse en solution à 1/2/1000. Onprescrit habituellementunesolution à 1/1000 qu'on fait étendre à moitiéeau chaude.
Il est important de ne pas employer de solutions plus con¬
centrées, et il fautéviter de pécher par excès de thérapeu¬
tique,
afin de ne pas provoquer de désordres graves du côté de la cornée. A ce sujet nous citerons comme exemple l'observation inédite suivante que nous devonsàl'obligeance des docteurs Ginestous et Guyot :Observation
JeanneX..., habitantBordeaux, est atteinte troisjours après la nais¬
sance d'ophtalmie purulente de l'œil droit. Le traitement est aussitôt institué
(lavages
au permanganate à1/2/100 etinstillations de collyreaunitrate
d'argent
à5/100).
Les lavages sontconfiés à la famille qui exagère la médication, lesrépète à des intervalles trop rapprochés etavecdessolutions trop concentrées. Au dixièmejour, la cornéeestinfil¬
trée de sels depermanganate de potasse. Les lavages à l'eau boriquée
eurent bientôt fait de tarir la suppuration. Mais l'enfant n'en garda pas moinsun leucome.
Cette observation démontre que si les irrigations conjonc- tivales au
permanganate de potasse sont facilement applica¬
bles,
elles nécessitent cependantune certaine habitude etunecertainesagacité.
CHAPITRE IV
Traitement local de
l'ophtalmie purulente.
Les cautérisations de la
conjonctive.
Les lavages etles irrigations de la conjonctive sont quel¬
quefois suffisants, dans les cas de conjonctivitebénigne, à
tarir la suppuration. Mais il est des conjonctivites puru¬
lentes dans lesquelles, à eux seuls, ils ne pourraient arrêter l'évolution de la maladie. La prudence commande, quelleque soit la bénignité supposée de l'affection, d'avoir recours aux cautérisations.
Le caustique employé est le nitrate
d'argent,
auquelon a cherché à substituer depuis quelques années d'autres sels argentiques. Nous verrons par la suite quelle est la valeur réelle deces derniers sels. Le nitrate d'argent a étéemployé
de différentesmanières. Beaucoup ont tenté de retourner les paupières et de cautériser, à l'aide du crayon au
nitrate
ou du crayon mitigé, la conjonctive dans toute son étendue, en ayant soin de verser aussitôt la cautérisation terminée une solution de chlorure de sodium, afin de neutraliser le nitrateen le transformant en chlorure. C'est là une pratique
dange¬
reuse. Il faut se souvenir, en effet, que si la
conjonctive
s'accommode très bien du nitrate d'argent, la
cornée,
au contraire, par le fait même de sa constitution histologique,ne le reçoit qu'avec difficulté et on se trouve en présence
de
ce double écueil : oubien ne pas cautériser la
conjonctive
ou bien attaquer la cornée. C'est pour obvier à cetinconvénient
que Galtier (de
Nîmes)
essayade recouvrir la cornéeà l aide
d'une spatule mécanique.
- 31 —
M. Lagrange conseilla l'usagede petits disquesprotecteurs
en caoutchouc, qu'il appela
kératostèges,
que la pression atmosphérique maintenait aisément au-devant de la cornée.Cet essai néanmoins n'a pas été couronné de succès, car il
estbien difficile
d'empêcher
les particules caustiques d'ar- ri-ver, malgré toutes lesprécautions
prises,jusque
sur la cornée.Lemeilleur moyen consiste à cautériser la conjonctiveà l'aidedes instillations, mais à la condition expresse qu'elle
soitjudicieusement
appliquée.
Pour cela faire, on emploiedescollyresdont le titre varie de 3 centigrammes à 15 centi¬
grammes pour 10 grammes d'eau, suivant le degré de la purulence. Il ne faut en aucun cas dépasser cette dose maximum de 1
1/2
pour 100, et si certaines ophtalmiespuru¬lentesont mal tournéet entraîné la perte de l'œil, cettegrave conséquence est due à un excès de
thérapeutique.
Certainsmédecins,
en effet, n'hésitent pas à ordonner le nitrate à dosesbeaucoup
plus élevées, la purulence n'est nullementdiminuée,
mais, en revanche, la cornée s'ulcère et le malade enarriveà la cécité.Ces faits démontrent bien que si le nitrate d'argent est un médicament excellent, il faut néanmoinssavoir
l'employer
àla dosevoulue. Dans ces dernières années, à l'instigation de Darier(de Paris), et
après
les recherches de Bénario, on a tenté de substituer aunitrate d'argent Pargentamine d'abord, puis et surtout leprotéinate d'argent,
encore appelé pro-targol. Darier,
en 1898, a prétendu que l'ère du nitrated'argent
était finie et que leprotargolallait définitivement le remplacerenthérapeutique
oculaire.D'aprèslui,cenouveau seld'argent
seraitsupérieur au nitratecommeaction micro-bicide,
et il présenterait sur ce dernier corps le sérieux avantage d'être sans danger pour la cornée. En vérité, s'ilenétaitainsi,leprotargol serait lecautérisantparexcellence.
Malheureusement,
ses vertus ne sont pasaussi merveilleuses que veutbien l'affirmer M. Darier.En
1898,
dans un travail inspiré par M. le Prof. Badal et— 32 —
basésur un grand nombre d'observations recueillies à la
Clinique ophtalmologique
de la Faculté de médecine, M.Ginestôus, interne des Hôpitaux,a démontré(Leprotargolen thérapeutique oculaire, Gaz. hebd. des Se. méd. deBor¬
deaux, 1898) que le protargol était loin demériter les louan¬
ges qui lui étaient décernées.
Depuis cette époque, nombreux ont été les essais tentés pardifférentsauteurs, et pour être définitivement éclairés
sur la valeur thérapeutiquedu protargol, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici les résultats de l'enquête entreprise parM. Emilio Alvarado (de Valladolid), résultats
que l'auteur vient de publier tout récemment dans Archives de
Oftalmologia hispano-américanos
(juillet1903).
Le docteur Herman Colin
(de Breslau)
donneainsi sonavis
(21 moi 1903): « Je n'appliquejamais
le protargol ni autres remèdes parce que le nitrate d'argent ne peut êtreremplacé
par rien. Le nitrate est absolument « sûr »en solution de 2à
1 pour 100 une fois parjour. »
DocteurMarquez (de
Madrid),
28 mai 1903 : « Je croisfer¬
mement que lenitrate d'argent bien «appliqué»
(appliqué savamment)
est un des plus précieux médicamentsde la thérapeutique
oculaire et dans tous les cas on ne peut pas le lui substituer.» Quant aux sels d'argent modernes, le
protargol, le seul
que'j'aie expérimenté, je n'ai jamais osé en faire usage
dans
lescasgraves. »
Docteur Albert Terson (de Paris), 7 juin 1903 : «Le
protargol
m'a donné de bons résultats dans certains cas de conjonc¬
tivites catarrhales, avecou sans ulcère de la cornée,
et
en certains cas de suppurationslacrymales.» ... Jeconsidère le protargol commeun remède
utile,mais
je crois déplorable touteffort tendant à supprimer
le nitrate
d'argent de la thérapeutique oculaire, parce que ses
avan¬
tages sont
supérieurs
à ses inconvénients. »Docteur Bribosia (de Namur), 7 juin
1903: «Malgré les
avantages de ne pas coaguler l'albumine et d'être