Les cautérisations de la
conjonctive.
Les lavages etles irrigations de la conjonctive sont quel¬
quefois suffisants, dans les cas de conjonctivitebénigne, à
tarir la suppuration. Mais il est des conjonctivites puru¬
lentes dans lesquelles, à eux seuls, ils ne pourraient arrêter l'évolution de la maladie. La prudence commande, quelleque soit la bénignité supposée de l'affection, d'avoir recours aux cautérisations.
Le caustique employé est le nitrate
d'argent,
auquelon a cherché à substituer depuis quelques années d'autres sels argentiques. Nous verrons par la suite quelle est la valeur réelle deces derniers sels. Le nitrate d'argent a étéemployé
de différentesmanières. Beaucoup ont tenté de retourner les paupières et de cautériser, à l'aide du crayon au
nitrate
ou du crayon mitigé, la conjonctive dans toute son étendue, en ayant soin de verser aussitôt la cautérisation terminée une solution de chlorure de sodium, afin de neutraliser le nitrateen le transformant en chlorure. C'est là une pratique
dange¬
reuse. Il faut se souvenir, en effet, que si la
conjonctive
s'accommode très bien du nitrate d'argent, la
cornée,
au contraire, par le fait même de sa constitution histologique,ne le reçoit qu'avec difficulté et on se trouve en présence
de
ce double écueil : oubien ne pas cautériser la
conjonctive
ou bien attaquer la cornée. C'est pour obvier à cetinconvénient
que Galtier (de
Nîmes)
essayade recouvrir la cornéeà l aide
d'une spatule mécanique.
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M. Lagrange conseilla l'usagede petits disquesprotecteurs
en caoutchouc, qu'il appela
kératostèges,
que la pression atmosphérique maintenait aisément au-devant de la cornée.Cet essai néanmoins n'a pas été couronné de succès, car il
estbien difficile
d'empêcher
les particules caustiques d'ar-ri-ver, malgré toutes lesprécautions
prises,jusque
sur la cornée.Lemeilleur moyen consiste à cautériser la conjonctiveà l'aidedes instillations, mais à la condition expresse qu'elle
soitjudicieusement
appliquée.
Pour cela faire, on emploiedescollyresdont le titre varie de 3 centigrammes à 15 centi¬
grammes pour 10 grammes d'eau, suivant le degré de la purulence. Il ne faut en aucun cas dépasser cette dose maximum de 1
1/2
pour 100, et si certaines ophtalmiespuru¬lentesont mal tournéet entraîné la perte de l'œil, cettegrave conséquence est due à un excès de
thérapeutique.
Certainsmédecins,
en effet, n'hésitent pas à ordonner le nitrate à dosesbeaucoup
plus élevées, la purulence n'est nullementdiminuée,
mais, en revanche, la cornée s'ulcère et le malade enarriveà la cécité.Ces faits démontrent bien que si le nitrate d'argent est un médicament excellent, il faut néanmoinssavoir
l'employer
àla dosevoulue. Dans ces dernières années, à l'instigation de Darier(de Paris), et
après
les recherches de Bénario, on a tenté de substituer aunitrate d'argent Pargentamine d'abord, puis et surtout leprotéinate d'argent,
encore appelépro-targol. Darier,
en 1898, a prétendu que l'ère du nitrated'argent
était finie et que leprotargolallait définitivement le remplacerenthérapeutique
oculaire.D'aprèslui,cenouveau seld'argent
seraitsupérieur au nitratecommeactionmicro-bicide,
et il présenterait sur ce dernier corps le sérieux avantage d'être sans danger pour la cornée. En vérité, s'ilenétaitainsi,leprotargol serait lecautérisantparexcellence.
Malheureusement,
ses vertus ne sont pasaussi merveilleuses que veutbien l'affirmer M. Darier.En
1898,
dans un travail inspiré par M. le Prof. Badal et— 32 —
basésur un grand nombre d'observations recueillies à la
Clinique ophtalmologique
de la Faculté de médecine, M.Ginestôus, interne des Hôpitaux,a démontré(Leprotargolen thérapeutique oculaire, Gaz. hebd. des Se. méd. deBor¬
deaux, 1898) que le protargol était loin demériter les louan¬
ges qui lui étaient décernées.
Depuis cette époque, nombreux ont été les essais tentés pardifférentsauteurs, et pour être définitivement éclairés
sur la valeur thérapeutiquedu protargol, nous ne pouvons mieux faire que de reproduire ici les résultats de l'enquête entreprise parM. Emilio Alvarado (de Valladolid), résultats
que l'auteur vient de publier tout récemment dans Archives de
Oftalmologia hispano-américanos
(juillet1903).
Le docteur Herman Colin
(de Breslau)
donneainsi sonavis
(21 moi 1903): « Je n'appliquejamais
le protargol ni autres remèdes parce que le nitrate d'argent ne peut êtreremplacé
par rien. Le nitrate est absolument « sûr »en solution de 2à
1 pour 100 une fois parjour. »
DocteurMarquez (de
Madrid),
28 mai 1903 : « Je croisfer¬
mement que lenitrate d'argent bien «appliqué»
(appliqué savamment)
est un des plus précieux médicamentsde la thérapeutique
oculaire et dans tous les cas on ne peut pas le lui substituer.» Quant aux sels d'argent modernes, le
protargol, le seul
que'j'aie expérimenté, je n'ai jamais osé en faire usage
dans
lescasgraves. »
Docteur Albert Terson (de Paris), 7 juin 1903 : «Le
protargol
m'a donné de bons résultats dans certains cas de conjonc¬
tivites catarrhales, avecou sans ulcère de la cornée,
et
en certains cas de suppurationslacrymales.» ... Jeconsidère le protargol commeun remède
utile,mais
je crois déplorable touteffort tendant à supprimer
le nitrate
d'argent de la thérapeutique oculaire, parce que ses
avan¬
tages sont
supérieurs
à ses inconvénients. »Docteur Bribosia (de Namur), 7 juin
1903: «Malgré les
avantages de ne pas coaguler l'albumine et d'être
indolores,
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jecroisque ce