QUELQUES RÉSULTATS
SUR LES
APTITUDESZOOTECHNIQUES DES BREBIS
DE RACE LACAUNE
H.
ANGEL,
P.CHARLET,
J. POLYLaboratoire de Recherches de Zootechnie, Institut National
Agronomique,
Paris
Au moment où les Pouvoirs
publics
et les Associationsd’élevage
se
préoccupent
du contrôle desaptitudes zootechniques
desovins,
nousavons
jugé
intéressant depublier
les résultats d’uneenquête
- malheu-reusement
incomplète
-réalisée,
il y a un certain nombred’années,
con-cernant les
productions
lainière et laitière des brebis de race Lacaune.On avait choisi
Montlaur,
dans leCamarès,
comme centred’études,
car la
région qui
l’entoure vit exclusivement de laproduction
du lait debrebis ;
deplus,
le contrôle laitier y est assezdéveloppé.
Les animauxappartiennent
engénéral
à depetits troupeaux,
mais les conditions d’éle- vage sont relativement uniformes dans larégion.
Lesbrebis,
nourries l’hiver enbergerie, reçoivent
une ration à base deluzerne,
decéréales, exceptionnellement complétée
par des tourteaux. Pendant la belle sai-son, les animaux vivent sur les parcours du Camarès. La lactation com-
mence en
janvier.
En
z 9 q.6,
on avaitprélevé
des échantillons de laine àl’épaule
et à lacuisse de
5 8
brebis laitières. Ces échantillons furent étudiés par le Labo- ratoired’analyses
et de recherches industrielles de Roubaix.Les résultats obtenus en ce
qui
concerne lafinesse,
lalongueur,
larésistance des
brins,
sontconsignés
dans le tableau I.Les brebis laitières de race Lacaune ont donc une toison de finesse moyenne
comparable
à celle des moutons de race Ile-de-France.(Ainsi,
la finesse moyenne
PX/XI (Prime
croisé-croiséI) indiquée
dans les« standards laine
» (i)
desprincipales
racesfrançaises
semble un peutrop
élevée pour nosdonnées.)
En outre, des valeurs extrêmes individuelles de 22,4 et 35,3 micronstraduisent,
à notreavis,
une assezgrande
hétéro-généité
dans la race pour ce caractère.La mèche est courte ; sur ce
point,
nous sommes en désaccord avecles chiffres avancés par PORTAL et
QuiTTET ( 2 ) qui indiquent
unelongueur
moyenne des
brins, comprise
entre io cm et r5 cm ; deplus,
lalongueur
moyenne varie considérablement d’une brebis à
l’autre,
car nous avons relevé des valeurs extrêmes de 3,4 cm et II cm.A l’aide des mêmes
données,
nous avons calculé la corrélationphé- notypique
existant entre la finesse moyenne et lalongueur
de mèchemoyenne d’une brebis : y
= -h o!397! résultat hautement
significatif.
On retrouve ce fait bienconnu que les mèches les
plus
fines ont tendance à être lesplus
courtse.En 1947 et en
194 8,
on a étudiésystématiquement
lesproductions zootechniques
des brebis de sixtroupeaux
de larégion
de Montlaur enrelation avec leurs conditions de milieu :
habitat,
alimentation( 1 ).
A la tonte du
printemps 194 8,
on a dressé pour 73 brebis appar- tenant à ces sixtroupeaux,
une fiche mentionnant :le nom de
l’élevage ;
le numéro d’oreille et le numéro de
Flock-Book ;
la
production
laitièrecontrôlée ;
la durée de lactation
contrôlée ;
lepoids
de latoison ;
le
périmètre thoracique.
Un schéma
permettait également
d’estimer l’ « indice de couverture »de
l’animal,
c’est-à-dire l’étendue de sa toison.Le tableau II rassemble les moyennes de la durée de
lactation,
dela
production laitière,
dupoids
de toison et dupérimètre thoracique
partroupeau,
et pour l’ensemble des 73 brebis.Les
analyses
de variancequi figurent
au tableau III ontpermis
d’étudier les différences existant entre les six
troupeaux
pour les trois caractères considérés.Les
troupeaux
ne diffèrent pas les uns des autres en cequi
concernele
périmètre thoracique,
c’est-à-dire que les animaux ont un formatqui
ne varie pas
plus
d’unélevage
à l’autre queparmi
les brebis d’un mêmetroupeau.
On a trouvé en effet
qu’il
existait une relation trèsétroite,
chez lesovins comme chez les
bovins,
entre lepérimètre thoracique
et lepoids
vif des animaux. Les études de
R AGAB ,
ASKER et YOUSSEF( 3 )
sur lesraces ovines
égyptiennes
Ossimi et Rahmani sontparticulièrement
démonstratives à cet
égard.
Au
contraire,
les différencessignificatives
et hautementsignifica-
tives entre
élevages
en cequi
concerne laproduction
laitière et lepoids
de toison sont assez
surprenantes.
Elles doivent être laconséquence,
d’une
part
des conditions d’entretien destroupeaux, affourragement
notamment et, d’autre
part,
de la valeurgénétique
des béliers utilisés pour lalutte,
valeur que l’on nepeut
chiffrer dans les conditions actuelles del’élevage.
La corrélation
phénotypique
entre laproduction
laitière et lepoids
de toison a été calculée sur l’ensemble des données :
r =
o,166,
résultat nonsignificatif.
Ce résultat diffère nettement de celui
(r
= +0 ,5 0 )
que ABIBON et col.( 4 )
avaient calculé àpartir
des données de 42 brebis laitières. A laréflexion,
des résultats aussi différents n’ont pas lieu desurprendre.
Eneffet,
dans ces deuxétudes,
le coeffcient de corrélation mesure l’intensité de liaison entre lephénotype production laitière et le phénotype poids
de la
toison,
et non les relationsgénétiques
entre ces deuxtypes
de per-formances. MASON insistait à
juste
titre sur cepoint
auxJournées
duMouton
(5).
Dans une étude sur la
production
des brebis laitières italiennes de larace de
Langhe,
M !soN et DASSAT(6)
ont calculé la corrélation entre laproduction
laitière et lepoids
de toison à l’intérieur destroupeaux,
deplusieurs façons.
Les résultatsfigurent
ci-dessous :! 111-1 .1
(Les
moyennes deperformances
« vitales » sont définies d’unepart
par la moyenne desproductions
laitièrescorrespondant
aux différentes lac- tations et, d’autrepart,
par la moyenne dupoids
de toison correspon- dant aux différentes tontesenregistrées
au cours de la vie dechaque brebis.)
Selon les deux auteurs, la corrélation
phénotypique
totaleinclut,
non seulement les relations
génétiques
existant entre les deuxtypes
deperformances,
mais aussi cellesqui
sont dues aux effetspermanents
ettemporaires
du milieu. La deuxièmecorrélation,
aucontraire,
est dueuniquement
aux effetstemporaires
dumilieu ;
elle a été calculée àpartir
des
performances
des mêmes brebis surplusieurs
années. MASON etD
ASSAT concluent que « la corrélation nulle entre les moyennes « vitales » des deux
types
deperformances
est la résultante d’une corrélationgéné- tique
et d’une corrélation due aux effetspermanents
du milieu. Si cette dernière estpositive (ce qui
sembleraitvrai,
paranalogie
avec la corré-lation due aux effets
temporaires
dumilieu,
c’est-à-dire si les conditions favorables in utero et dans lejeune âge
améliorent à la fois laproduction
laitière et le
poids
de toison àl’âge adulte)
la corrélationgénétique
doitêtre alors
négative
».La
comparaison
des différents coefficients de corrélation seulepermet
donc de se faire une idée du sens et de l’intensité des diverstypes
de liaison existant entre deux caractères. Et des corrélationspositives
éle-vées,
comme celle que MM. ABIBON et col.( 4 )
ontcalculée, peuvent s’expliquer
par des effetstemporaires
du milieu ayant influencé favora- blement à la fois les deux caractères étudiés. Il est fortpossible,
d’autrepart,
que ladispersion
des valeurs en nombre insuffisant sur une assezlarge
échelle fasseapparaître
des corrélations élevées fictives.On
peut invoquer
des raisonsphysiologiques
pourexpliquer
lacorrélation laine-lait.
H
AMMOND
( 7 )
a émis l’idée d’unecompétition
pour les éléments nutritifs véhiculés par le sang entre lesprincipales productions
zootech-niques.
Une récente étude effectuée par LEROY et col.(8)
sur la pousse de la laine chez des moutons Ile-de-France a montré un affinement desbrins et une réduction de la
quantité journalière
de lainepoussée pendant
la
période
delactation,
cequi
sembleindiquer
que laproduction
laitièreest
prioritaire
sur laproduction
de laine. Ces résultats sont,d’ailleurs,
enaccord avec ceux
qui
sedégagent
d’ungrand
nombre de travaux oud’observations sur cette même
question.
Nous avons
essayé
d’étudier les relations existant entre l’ « indice de couverture » d’unepart
et laproduction
de lait et lepoids
de toisond’autre
part.
Il est bien connu que l’indice de couverture ou fraction de la surfacecorporelle qui
est recouverte par de la laine varie considéra-’ blement d’une race à l’autre. CHeR!,!T
( 9 )
donnait récemmentquelques
valeurs moyennes pour différentes races
françaises
et notamment unindice de couverture de 60 p. ioo pour le Lacaune. Ce chiffre est, pour
nos
données, trop
élevé. A l’intérieur de cette race, ilexiste,
deplus,
unetrès
grande
variabilité de cecaractère,
cequi
n’est pas le cas, parexemple,
dans le Mérinos de Rambouillet ou dans l’Ile-de-France.
Ainsi,
nous avonsréparti
les 73 brebis étudiées encinq classes ;
laclasse I
correspond
aux animaux lesplus
découverts et la classe V aux animaux lesplus
couverts en laine. Le tableau IVindique
les moyennesdes
productions laitières,
despoids
de toison et despérimètres
thora-ciques
pour cescinq
classes.Les
analyses
de varianceprésentées
dans le tableau Vpermettent
d’étudier les différences existant entre les diverses classes en cequi
con-cerne la
production laitière,
lepoids
de toison et lepérimètre thoracique.
Les diverses classes sont
comparables quant
au format desbrebis.
Les groupes considérés ne diffèrent pas les uns des autres au
point
de vueproduction laitière,
cequi
vient contredirel’opinion
couramment admiseet
rapportée
récemment encore par PUECH( 10 )
auxJournées
du Mouton, selonlaquelle
les animaux les moins couverts de laine sont lesplus
lai-tiers. Par contre, il y a une différence hautement
significative
entre lesclasses en ce
qui
concerne lepoids
de latoison,
les brebis ayant une toison d’autantplus
lourde que leur indice de couverture estplus
élevé.L’analyse
de variance du tableau Va permis
d’évaluer lapart
de la variance dupoids
de toison que l’onpeut
attribuer à la variation de l’in- dice de couverture ; nous avons trouvé que 51,4 p. ioo de la variance totale dupoids
de toison est due à l’indice de couverture.On remarquera la
part importante prise
par l’étendue de la toison dans lepoids
total de laine récolté à la tonte sur ces brebis.Il n’en est pas ainsi dans la
plupart
des autres races ovinesfrançaises
chez
lesquelles
l’indice de couverture ne variant que peu d’un animal à l’autre, lepoids
de la toisondépend
essentiellement dutassé,
c’est-à-dire de la densitéd’implantation
des fibres de laine et descaractéristiques
deces
brins, principalement
de leurlongueur
moyenne.RÉSUME
Une étude sur les
aptitudes zootechniques
des brebis de race I,acaunea été réalisée il y a
quelques
années.Les moyennes de finesse et de
longueur
de mèchesprélevées
àl’épaule
et à la cuisse de
5 8
brebis étaient de 27,54 microns et de j,7! cm respec- tivement. I,e coefficient de corrélation liant ces deux caractères était de + 0,397. La résistance moyenne à larupture
des brins de laine était dem,78
g.D’après
une étudeportant
sur 73 brebis I,acauneappartenant
à sixélevages
de larégion
deMontlaur, Aveyron,
laproduction
laitièremoyenne contrôlée par animal était de
12 6, 44 kg
pour une durée de lactation de1 6 7 , 2 jours.
I,epoids
moyen de toison était de1 , 47 6 kg.
Des différences
significatives
existaient entretroupeaux
en cequi
concerne la
production
laitière et lepoids
de toison. I,esélevages
étaientsemblables
quant
au format de leursbrebis,
comme le montrel’analyse
de variance du
périmètre thoracique.
la variation desperformances
detroupeau
àtroupeau
doits’expliquer
par des différences dans les condi- tions d’alimentation et dans la valeur des béliers utilisés pour la lutte.I,e coefficient de corrélation
phénotypique
entreproduction
laitièreet
poids
de toison étaitnégatif,
mais nonsignificativement
différent de zéro.Les
animaux,
différant notablement les uns des autres en cequi
concerne l’étendue de la
toison,
furent divisés encinq
classes selon l’ « in- . dice de couverture ’j. La variation de l’étendue de la toison constituait 51 ,
4 p. 100 de la variance totale du
poids
de toison.Une étude
plus poussée
devrait êtrepoursuivie pendant plusieurs
années sur les mêmes
animaux;;
d’autrescaractéristiques
comme le tauxbutyreux
dulait,
la finesse des brins delaine,
lalongueur
de mèche et letassé des toisons devraient
également
êtreenregistrées ;
celapermettrait
de définir l’influence de certains facteurs du milieu et d’obtenir une meil- leure connaissance des
performances
lainière et laitière des brebis de raceI,acaune.
Remevciemetats : .-
Nous tenons à remercier la Fédération Nationale Ovine et le Comité National
Interprofessionnel
de la Laine dont l’aide matérielle apermis
la réa-lisation de ces travaux.
RÉF’ÉRE1!TCES BIBLIOGRAPHIQUES (
I
)
COMITÉ NATIONAI, INTERPROFESSIONNEL DE LA LAINE. - Les « standards- laine » desprincipales
racesfrançaises ;
p. 8.( 2
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YOUSSEF(A. A.).
-Comparative study
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Faculty of Agvicultuve,
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- Programme de sélection en matièred’élevage
ovin. Bulle- tinTechnique d’Infovmation ;
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DASSAT(P.).
- Milk, meat and woolproduction
in theLanghe sheep
ofItaly. Zeitschvift für Tievzüchtung undZüchtungsbiologie;
1954; Band 62, Heft 3, p. 197-234.( 7
)
HAMMOND(J.).
-Physiological
limits to intensiveproduction
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Agvicultuval
Bulleti7a ; Ig52 ! vol. 4 ; n° I6 ; p. 223.(8)
I,EROY(M.)
et collaborateurs. -Étude
de la pousse de la laine dans les conditionspratiques
del’élevage.
Aparaître
dans les A!anales de Zoo- technie, de l’I.N.R.A.( 9
)
CHARLET(P.).
- Méthode directed’appréciation
du tassé des toisons.Annales de Zootechnie de l’I.N.R.A. ; Ig52 ; n° I ; p. 2.