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Les comités d entreprise face aux restructurations: trois registres d argumentation

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Les comités d’entreprise face aux restructurations: trois registres d’argumentation

Claude Didry

To cite this version:

Claude Didry. Les comités d’entreprise face aux restructurations: trois registres d’argumentation.

Revue française de sociologie, Presse de Sciences Po / Centre National de la Recherche Scientifique, 1998, 39 (3), pp.495-534. �halshs-00580659�

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Claude Didry

Les comités d'entreprise face aux licenciements collectifs : trois registres d'argumentation

In: Revue française de sociologie. 1998, 39-3. pp. 495-534.

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Didry Claude. Les comités d'entreprise face aux licenciements collectifs : trois registres d'argumentation. In: Revue française de sociologie. 1998, 39-3. pp. 495-534.

http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1998_num_39_3_4814

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Resumen

Claude Didry : Los comités de empresa frente a los licenciamientos colectivos : tres registros de argumentación.

Para los planes sociales, la jurisprudencia es utilizada como un instrumento que permite crear una pluralidad de modelos de acción en los comités de empresa. La jurisprudencia es comprendida aqui como el conjunto de decisiones que constituyen finalmente una ley, pero que antes a sido objeto de una publicación en revistas de carácter jurídico. El análisis lexical del cuerpo de decisiones jurídicas que conciernen los planos sociales hace aparecer un conjunto de registros de argumentación que se basan en tres modelos típicos de acción de los comités de empresa en función de la situación económica en la cual intervienen. El primer modelo es el de una resistencia a la pretención de la dirección de utilizar la competividad como el proyecto de la supresión de empleos. El segundo corresponde a profundizar la vía abierta por las políticas del empleo, en las cuales las reestructuraciones económicas tienen un acompañamiento social. El último modelo inscribe a los actores económicos en el marco de descubrir y aprofundizar las posibilidades que resulten de la singularidad de la actividad económica de la empresa. A partir de la ley de enero de 1993 las très direcciones tomadas por la jurisprudencia nos llevan a cuestionar la distinción que existe entre la política económica y la política del empleo, para considerar mas bien el impacto de las disposiciones legales sobre las diferentes trayectorias que tomarán las empresas en su desarrollo.

Zusammenfassung

Claude Didry : Die Betriebsräte gegenüber den Kollektiventlassungen : drei Argumentierungsebenen.

Die soziale Rechtsprechung wird als Instrument benutzt zur Freilegung einer Vielzahl von Aktionsmodellen der Betriebsräte. Unter Rechtsprechung versteht man sämtliche Entscheidungen bezüglich eines Gesetzes, die in einer juristischen Fachzeitschrift veröffentlicht wurden. Die damit entstandene lexikale Analyse der juristischen Entscheidungen die die sozialen Pläne betreffen zeigt mehrere Argumentationsniveaus, die auf drei typische Aktionsmodelle der Betriebsräte verweisen, in Abhängigkeit der wirtschaftlichen Situation, in der sie auftreten. Beim ersten Modell handelt es sich um den Widerstand gegen die Wettbewerbsstrategie, aus der das von der Direktion erwogene Entlassungsprojekt beruht. Das zweite Modell entspricht der Vertiefung der durch die Beschäftigungspolitiken geöffnten Wege mit einer sozialen Begleitung der wirtschaftlichen Umstrukturierungen. Das letzte Modell wird im Rahmen der Aufdeckung und Vertiefung durch die Wirtschaftsaktoren von besonderen Möglichkeiten benutzt, die aus der Eigenheit der Unternehmenstätigkeit entstehen. Die drei von der Rechtsprechung im Rahmen des Gesetzes von Januar 1993 eingeschlagenen Richtungen, führen zur Infragestellung der Unterscheidung zwischen Wirtschaftspolitik und Beschäftigungspolitik, und zu einer Abwegung der Auswirkung der Gesetzvorschriften auf die Entwicklung der Unternehmen.

Abstract

Claude Didry : Workers' councils faced with collective redundancy : three levels of debate.

Jurisprudence on redundancy schemes is used as a means to put forward a plurality of action models for workers' councils. Jurisprudence is to be understood as a series of decisions on a law which has been published in specialized legal journals. Lexical analysis of the corpus of judicial decisions for redundancy schemes developed in this way, brings out a series of levels of debate belonging to three typical action models for workers' councils depending on the economic situation involved. The first model is one of resistance to the strategy of competitivity supposed by the job elimination project, envisaged by management. The second model corresponds to a widening of the way opened by employment policies, based on the social measures which accompany economic restructuration. The last model, using economic players, is a means to discover and delve deeper into the assets resulting from the singularity of the economic activity of the firm. Following the law voted in January 1993,

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measures on the direction in which firms develop.

Résumé

La jurisprudence sur les plans sociaux est utilisée comme un instrument permettant de dégager une pluralité de modèles d'action de comités d'entreprise. La jurisprudence est entendue comme l'ensemble des décisions concernant une loi, ayant fait l'objet d'une publication dans des revues à caractère juridique. L'analyse lexicale du corpus de décisions judiciaires sur les plans sociaux ainsi constitué fait apparaître un ensemble de registres d'argumentation qui renvoient à trois modèles typiques d'action des comités d'entreprise en fonction de la situation économique dans laquelle ils interviennent. Le premier modèle est celui d'une résistance à la stratégie de compétitivité que suppose le projet de suppression d'emplois envisagé par la direction. Le second correspond à l'approfondissement de la voie ouverte par les politiques de l'emploi, fondées sur l'accompagnement social des restructurations économiques. Le dernier modèle s'inscrit dans le cadre de la découverte et de l'approfondissement, par les acteurs économiques, des atouts qui résultent de la singularité de l'activité économique de l'entreprise. Les trois directions prises par la jurisprudence autour de la loi de janvier 1993 conduisent à remettre en cause la distinction entre politique économique et politique de l'emploi, pour envisager l'impact des dispositions légales sur les trajectoires de développement des entreprises.

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R. franc, social. XXXIX-3, 1998, 495-534 Claude DIDRY

Les comités d'entreprise face aux licenciements collectifs

trois registres d'argumentation*

RÉSUMÉ

La jurisprudence sur les plans sociaux est utilisée comme un instrument permettant de dégager une pluralité de modèles d'action de comités d'entreprise. La jurisprudence est entendue comme l'ensemble des décisions concernant une loi, ayant fait l'objet d'une publication dans des revues à caractère juridique. L'analyse lexicale du corpus de décisions judiciaires sur les plans sociaux ainsi constitué fait apparaître un ensemble de registres d'argumentation qui renvoient à trois modèles typiques d'action des comités d'entreprise en fonction de la situation économique dans laquelle ils inte rviennent. Le premier modèle est celui d'une résistance à la stratégie de compétitivité que suppose le projet de suppression d'emplois envisagé par la direction. Le second correspond à l'approfondissement de la voie ouverte par les politiques de l'emploi, fondées sur l'accompagnement social des restructurations économiques. Le dernier modèle s'inscrit dans le cadre de la découverte et de l'approfondissement, par les acteurs économiques, des atouts qui résultent de la singularité de l'activité économique de l'entreprise. Les trois directions prises par la jurisprudence autour de la loi de janvier 1993 conduisent à remettre en cause la distinction entre politique économique et politique de l'emploi, pour envisager l'impact des dispositions légales sur les trajectoires de développement des entreprises.

Le licenciement pour motif économique est une catégorie juridique qui trouve son origine dans les politiques de l'emploi destinées à accompagner les grandes restructurations industrielles des trente dernières années en France. Dans ce cadre, la procédure de licenciement collectif pour motif économique s'est stabilisée autour de deux dispositifs reconnus par l'Accord interprofessionnel sur la sécurité de l'emploi de 1969 : le reclassement et le plan social. Ces deux dispositifs orientent la consultation du comité d'entreprise prévue par la procédure de licenciement collectif vers la recherche de solutions alternatives au licenciement «sec». L'objet

* Cet article est issu d'une recherche me- tiques d'Anne-Lise Aucouturier, Valérie née pour le Commissariat général du plan en Barca, Bénédicte Zimmermann, Robert Salais collaboration avec Anne-Lise Aucouturier et Antoine Jeammaud.

(1997). Il doit énormément aux lectures cri-

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Revue française de sociologie

de cette consultation vise d'abord à découvrir les possibilités de reclass ement des salariés touchés dans l'entreprise. Le plan social présente les différentes compensations que l'employeur prévoit pour accompagner la suppression d'emplois. Ces compensations sont de différentes natures : i ndemnités versées par l'employeur ou dispositifs publics tels que les pré retraites ou les conventions de conversion. Le plan social constitue ainsi un acte unilatéral de l'employeur (Gaudu, 1994) susceptible cependant d'être amendé au cours des discussions avec les représentants des salariés.

Au lendemain de la suppression de l'autorisation administrative de licenciement, en 1986, le nouveau régime légal du licenciement pour motif économique a conduit à une reconnaissance explicite de la procédure de licenciement collectif. Cette reconnaissance explicite rompt avec une éva luation de la consultation prise dans l'ensemble du projet de licenciement soumis à l'examen de l'Administration. Les lois de 1989 et 1993 ont pré cisé cette procédure, en posant pour l'employeur l'obligation d'accompa gner le projet de suppression d'emplois présenté au comité d'entreprise d'un plan social qui intègre un «plan visant au reclassement de salariés»

(L. 321-4-1 al2, Code du travail). L'apport de ces deux lois peut sembler mince, dans la mesure où elles légifèrent une pratique qui s'est stabilisée depuis une vingtaine d'années et qui est encadrée par des accords inte rprofessionnels et une directive européenne de 1975.

Toutefois, la réforme de la procédure de licenciement collectif pour mot if économique introduite par la loi du 27 janvier 1993 (1) a conduit à une multiplication des décisions de justice et a suscité la constitution d'une jurisprudence sur la procédure de licenciement collectif, à travers la publi

cation des décisions les plus significatives dans des revues juridiques. Cette documentation indispensable pour l'avocat et pour les membres des comit és d'entreprise (directions et représentants du personnel confondus), utile pour les juges et les juristes, présente-t-elle un intérêt pour une investi gation sociologique ? Le corpus de décisions que constitue la jurisprudence pourrait en effet n'être que l'avatar d'un processus de judiciarisation (2) qui priverait les acteurs sociaux d'un règlement véritablement équitable de leurs litiges, pour les jeter dans l'univers peu familier de la justice civile. On pourrait alors être tenté, dans cette perspective, de considérer les procès comme des événements marginaux et pathologiques à l'égard du fonctionnement social normal et harmonieux des institutions. Dans le domaine des licenciements collectifs, ces réserves sur l'apport sociologique de la jurisprudence sont-elles fondées ? Le problème posé ici est double, (1) Cette réforme a été présentée sous la mais d'un article inclus dans une loi portant dénomination «loi Aubry». Pour éviter toute «diverses mesures d'ordre social» (dmos).

confusion avec les initiatives actuelles du mi- (2) La judiciarisation est entendue ici nistre de l'Emploi et de la Solidarité, je par- dans le sens général d'une prise en charge lerai de la loi de janvier 1993. Parler de loi exclusive du règlement de différends par les est ici une simplification, dans la mesure où membres des professions juridiques,

il ne s'agit pas à proprement parler d'une loi,

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Claude Didry il concerne d'une part la dimension pathologique du procès et d'autre part le caractère marginal du droit dans le «complexe de motifs agissant sur l'activité réelle» (Weber, 1995, vol. 2, p. 12 [lre éd. 1922]) de personnes qui travaillent. L'existence de décisions de justice ne sera pas considérée ici comme l'indice d'une pathologie sociale. La saisine du juge judiciaire civil par les acteurs économiques et le procès qui s'en suit indiquent l'exis tence du conflit d'intérêts qui se manifeste au cours de la procédure de licenciement : mais ce conflit, loin de révéler un dysfonctionnement du droit du travail, constitue un phénomène social à part entière qui corres pond à la part générale du conflit dans la vie sociale (Freund, 1983 ; Simmel, 1995 [lre éd. 1908]). De plus, les phénomènes juridiques ne peu vent pas être considérés dans le cadre de la procédure de licenciement comme une dimension marginale et limitée à une corporation de spécial

istes. Les acteurs économiques qui prennent part aux procédures de l icenciement sont en général proches des questions juridiques (directeurs des ressources humaines, élus du personnel, délégués syndicaux). Au-delà des représentants du personnel, la procédure de licenciement met l'ensem ble des salariés au contact des réalités du droit du travail, dans la mesure où cette procédure se déroule avec pour horizon, dans un premier temps du moins, un acte juridique qui menace potentiellement tous les salariés de l'entreprise, de l'établissement ou du service concerné : la rupture du contrat de travail. L'engagement d'une procédure de licenciement collectif conduit ainsi à une activation générale, dans l'entreprise, des réalités juridiques, tant pour connaître le cadre général de la procédure tracé par le législateur que pour s'informer des voies de recours mobilisables pour contester les irrégularités qui peuvent se faire jour dans le déroulement de la procédure. Dans ce contexte, le droit et la procédure judiciaire ne sont donc pas des éléments extérieurs au monde quotidien des membres de l'entreprise (salariés, représentants du personnel, représentants de la direction). Si la loi de janvier 1993 a été un facteur de judiciarisation, c'est donc d'abord au sens où elle a permis un accès nouveau des acteurs économiques au juge judiciaire civil (Jeammaud, 1997). La judiciarisation est ici, en l'espèce, un phénomène dialectique : elle se traduit par une ouverture du champ juridique (3) à des secteurs de la société jusqu'alors peu soumis à sa régulation. De 1975 à 1986, le régime de l'autorisation administrative de licenciement a en effet considérablement restreint les possibilités de saisir le juge judiciaire civil. Comme le souligne A. Lyon- Caen (1994), ce régime a interrompu le développement de la jurisprudence qui résultait des actions en justice des comités d'entreprise depuis les an- (3) L'ouverture du champ juridique, en téresserai d'abord, dans l'étude présentée ici, reprenant la notion de champ juridique de aux ressources que la mobilisation des règles Bourdieu (1986), désigne ici une relation ré- de droit apportent aux acteurs économiques, ciproque entre les personnes appartenant à en laissant de côté les ressources que les ac- des corporations juridiques et des personnes teurs économiques apportent par exemple, mobilisant le droit dans le cadre d'une acti- sous la forme d'honoraires conséquents, à vité sociale de nature non juridique. Je m' in- leurs avocats.

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Revue française de sociologie

nées 1960, sur la base des pouvoirs que le législateur leur avait confiés depuis la Guerre. Il a contribué d'une certaine manière à «déjudiciariser»

(Karpik, 1995) pour un temps les licenciements pour motif économique.

La contrepartie de la sensibilité juridique des acteurs économiques qui résulte du nouveau régime du licenciement pour motif économique est une ouverture des juges, notamment dans les tribunaux de grande instance, aux réalités économiques (4).

En formulant explicitement l'obligation de reclassement qui pèse dé sormais sur l'employeur, le législateur produit une règle de droit que peu vent s'approprier les acteurs économiques. La règle de droit constitue d'abord, pour les acteurs économiques, une référence et un modèle d'évaluation pour leurs actions, plutôt qu'une «règle de conduite» débou chant sur une normalisation des comportements (Jeammaud, 1990). La règle de droit est appréhendée par les acteurs à travers la lettre même de la loi, mais aussi à travers les décisions judiciaires les plus remarquables auxquelles la mobilisation de cette loi comme «moyen» d'une «cause»

a conduit (Didry, Tessier, 1996). La jurisprudence, en tant qu'ensemble des décisions judiciaires remarquées par les revues juridiques et profes sionnelles, conduit les acteurs économiques à s'interroger sur la diversité des situations juridiques et économiques dans lesquelles ces décisions pren nent place, pour en dégager les enseignements applicables à leur situation.

Ainsi, loin d'unifier les comportements, la loi, en formulant une règle que les acteurs peuvent s'approprier, devient un révélateur de l'hétérogénéité des situations économiques et contribue même, dans certains cas, à un accroissement de cette hétérogénéité en confortant les acteurs économiques sur la voie d'un approfondissement de leur singularité {5).

Cet usage «en situation» de la jurisprudence judiciaire indique la ma nière dont le sociologue pourrait lui-même s'en saisir. En tant que sélection de décisions de justice guidée par le souci de faire apparaître dans toute leur diversité les situations de mobilisation d'une loi, la jurisprudence est susceptible de fournir un outil d'investigation pour Г «ethnographie combi- natoire»(6) d'une pluralité de situations économiques. Dans cette pers pective, la règle de droit s'avère irremplaçable pour l'investigation des pratiques sociales (Durkheim, 1930 [lre éd. 1893]). Mais, au-delà des des criptions générales que fournit la lettre de la loi, la jurisprudence constitue un moyen pour retracer les situations d'action dans lesquelles la loi est (4) Une telle ouverture se retrouve dans ché. L'évaluation du licenciement pour motif le retournement récent de la Cour de cassa- économique par le juge sort ainsi du domaine tion sur l'évaluation de la réalité du motif exclusif de la gestion du personnel, pour économique justifiant un licenciement (arrêts faire une place aux activités productives dans Thomson Vidéocolor et trw Repa du 5 avril lesquelles le licenciement se déroule.

1995) : le motif économique ne se limite plus (5) Un processus analogue se retrouve aujourd'hui à la preuve de l'impossibilité de dans la normalisation technique et les usages reclassement dans le groupe, il doit aussi être qu'en font les acteurs (Segrestin, 1997).

rapporté au «secteur d'activité» de l'entre- (6) En reprenant la notion forgée par prise, de l'établissement ou du service tou- Dodier et Baszanger (1997).

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Claude Didry mobilisée. Je m'appuierai pour le traitement de la jurisprudence recueillie sur l'utilisation - de manière encore exploratoire - du logiciel d'analyse lexicale Alceste. Après un retour sur la constitution du corpus de décisions analysé, je présenterai les registres d'argumentation qui se dégagent de l'analyse lexicale, pour envisager enfin les modèles d'action des comités d'entreprise que l'on peut construire à partir de l'ancrage économique de ces registres.

La jurisprudence comme processus de constitution d'un corpus de décisions de justice

La loi du 27 janvier 1993 a donné lieu à la constitution d'une juri sprudence sur les licenciements collectifs, dans la mesure où des revues juridiques ont publié des décisions de justice fondées sur la mobilisation de cette loi. La jurisprudence est ici entendue comme le résultat d'un pro cessus de sélection des décisions judiciaires remarquables par les comités de rédaction de revues à caractère juridique. Elle constitue un mode de connaissance de la mise en œuvre du droit propre à l'univers juridique qui s'est instauré historiquement sous l'impulsion de deux phénomènes : le développement de revues juridiques périodiques visant à faire le point sur l'actualité du droit et destinées d'abord à des professionnels du droit, la hiérarchisation des juridictions avec le rôle prépondérant de la Cour de cassation à partir de la fin du siècle dernier (Serverin, 1985). Dans le domaine du droit du travail, s'ajoutent aux recueils généraux des revues à caractère spécialisé. La recherche s'est appuyée sur le champ de revues circonscrit par Véricel (1997). Le corpus recueilli de 1993 à 1996 regroupe 83 décisions de toutes origines (conseils de prud'hommes pour les recours de salariés licenciés, tribunaux de grande instance pour les actions de comités d'entreprise, cours d'appel et Cour de cassation). Ces décisions concernent 69 sociétés. La constitution de ce corpus appelle deux obser vations. D'une part, les décisions retenues puisent dans l'ensemble des décisions rendues, lui-même inclus dans l'ensemble des procédures de l icenciement collectif (7). D'autre part, le processus de sélection n'est pas guidé par un souci de représentativité. La représentativité présuppose, en effet, une homogénéité des éléments d'un ensemble telle que l'on puisse

«prendre la partie pour le tout» (Desrosières, 1988, 1993). À l'inverse, la jurisprudence correspond à un processus de sélection de cas à partir de leur nouveauté à l'égard des cas antérieurs.

(7) En l'absence de données précises, on ment collectif est passé d'environ 4 000 en peut dire, pour donner un ordre de grandeur, 1993 à 2 000 en 1996 (Source : Délégation que le nombre des procédures de licencie- à l'Emploi du ministère du Travail).

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L'ouverture d'un espace de débats sur l'emploi par le législateur

La procédure de licenciement porte en elle une dimension conflictuelle.

Il n'est pas rare que les réunions de consultation du comité d'entreprise se concluent par la séquestration des représentants de la direction par le personnel. Cette dimension conflictuelle tient d'abord au «déficit de l égitimité» (Cottereau, 1996, p. 29) inhérent à la relation d'emploi. Le déficit devient particulièrement difficile à combler lorsque l'emploi est en jeu, dans la mesure où le «chantage à la subsistance» {ibid.), dans une situation de chômage massif, constitue Г arrière-fond des débats. Dans cette pers pective, le recours à la justice témoigne du souci de dépasser l'épreuve de forces pour construire une «cause de l'emploi» dans le cadre de di scussions publiques mobilisant non seulement les salariés ou l'administra tion du travail, mais aussi les élus et l'autorité préfectorale dans la recherche de solutions économiques alternatives aux licenciements secs (Didry, Tessier, 1996).

Cet ensemble de procédures de licenciement, au sein desquelles se fait jour l'exigence d'un débat public sur l'avenir de l'entreprise, ne constitue pas un reflet de la totalité des procédures de licenciement collectif. Dans certaines entreprises, la mise en œuvre d'une procédure de licenciement collectif est devenue, en effet, une opération relativement routinière, qui, passée une période d'affrontement syndical fort, ne suscite plus de résis tance de la part des salariés. Elle se traduit alors fréquemment par le re cours à des départs en préretraite (8). De plus, dans un premier temps du moins, les très grands plans sociaux, touchant plusieurs centaines de sa lariés, se sont trouvés exclus de cet ensemble, dans la mesure où leur élaboration se réalise en concertation avec l'échelon le plus élevé de l'Administration, la délégation à l'Emploi au ministère du Travail. La mé diation directe de représentants de l'Administration tend alors à «court- circuiter» le recours éventuel au juge judiciaire pour contester la procédure de licenciement. Le «processus de licenciement collectif» (Mallet, Teyssier, 1997) prend donc des formes différentes selon les entreprises dans les quelles il se produit et, à ce titre, il est plus ou moins susceptible de conduire à un procès.

Retenir les procédures de licenciement collectif litigieuses ayant donné lieu à une décision judiciaire pourrait apparaître comme une limitation par ticulièrement stricte du champ d'observation, si l'on s'en tenait à une exi gence de représentativité par rapport à l'ensemble des licenciements pour motif économique. Depuis plus de vingt ans, le nombre annuel de lice nciements pour motif économique oscille entre 300 000 et 600 000, le pic des 600 000 ayant été atteint en 1986 et en 1993 (Baktavatsalou, Brosetta, (8) II en résulte, notamment pour les acteurs économiques, un brouillage des frontières entre retraite et chômage (Guillemard, 1993).

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Claude Didry 1996). Dans cet ensemble, il est couramment admis que les deux tiers des licenciements pour motif économique correspondent à des licenciements individuels (9). La part prépondérante des licenciements individuels dans l'ensemble des licenciements pour motif économique tient à la pratique des «petits licenciements» opérés par de grandes entreprises soucieuses de se soustraire ainsi aux obligations inhérentes à la procédure de lice nciement collectif. Elle tient également aux licenciements qui interviennent dans les entreprises de moins de 10 salariés (10).

Les licenciements individuels pour motif économique se distinguent des licenciements collectifs par la difficulté pour les parties de se porter en justice avant que le licenciement ne soit intervenu. Le juge, à la demande du salarié licencié, examine alors a posteriori la réalité du motif écono mique. Les décisions judiciaires ne pèsent donc pas sur le déroulement de la procédure de licenciement et ne conduisent qu'à des dédommagements lorsque la réalité du motif économique est remise en cause. Ce caractère a posteriori du recours au juge et la limitation des demandes à une i ndemnisation du dommage subi sont un facteur central pour expliquer la stagnation du contentieux sur les licenciements pour motif économique de vant les conseils de prud'hommes. Depuis 1986, la contestation de la réalité du motif économique ne constitue environ que 10% des 100 000 décisions prud'hommales annuelles {Source : Ministère de la Justice). Cette stagna tion a déjoué les attentes du législateur qui comptait, en 1986, sur une explosion du nombre d'actions en justice.

C'est par contraste avec le droit actuel du licenciement individuel qu'ap paraissent les développements introduits par les lois de 1989 et 1993 en matière de licenciement collectif. Par rapport au droit actuel du licenci ement individuel, le licenciement collectif pour motif économique permet un encadrement juridique du débat préalable sur l'emploi au sein du comité d'entreprise qui doit prendre place dans le cadre d'une procédure de l icenciement collectif. Cette procédure est constituée par deux réunions de consultation du comité d'entreprise dans un délai oscillant entre 14 et 28 jours. La nomination éventuelle d'un expert-comptable par le comité intervient au cours d'une réunion spécifique qui s'intercale entre la pre mière et la dernière réunion. Dans ce cas, un délai de 22 jours supplé mentaires entre cette réunion et la réunion finale est destiné à permettre à l'expert de produire son rapport. La loi de 1993 prévoit la nullité de la procédure de licenciement lorsque le plan social n'est pas conforme aux dispositions légales et notamment lorsqu'il ne comporte pas de «plan visant au reclassement de salariés». Elle prévoit également la possibilité,

(9) Les chiffres, en ce domaine, sont organismes compétents (Ministère du Travail, rares et le partage entre les licenciements in- anpe, insee).

dividuels et les licenciements collectifs dans (10) II n'existe toutefois pas de données le domaine des licenciements pour motif éco- permettant de valider l'une de ces deux hypo- nomique n'est pas clairement établi par les thèses.

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Revue française de sociologie

pour la direction départementale du travail, de constater la «carence» de la version initiale du plan social qui lui est soumise. Parallèlement à cette évaluation administrative, le comité d'entreprise a la possibilité de saisir à tout moment le juge judiciaire civil pour demander l'annulation de la procédure de licenciement lorsque le plan social n'est pas conforme aux dispositions légales. Le débat auquel doit conduire la procédure de consul tation du comité d'entreprise est ainsi d'abord centré sur le plan social et la situation économique qui justifie le projet de suppression d'emplois, mais il peut, le cas échéant, aller jusqu'à une discussion de la régularité de la procédure de consultation elle-même. Le droit du licenciement col lectif rend ainsi possible une « modalisation » (au sens de Goffman, 1991) du débat sur l'emploi prévu au sein de la procédure de licenciement, c'est- à-dire un changement de «cadres» de l'interaction. La règle de droit de janvier 1993 apporte en effet un nouveau «cadre» au débat. En devenant une référence dans le débat lui-même, la norme juridique constitue le

«cadre secondaire», c'est-à-dire la réalité en jeu dans l'interaction, dont le débat effectif sur l'emploi et l'avenir de l'entreprise (en tant que «cadre primaire») représente un exemple plus ou moins probant.

Le processus qui sera décrit ici correspond davantage à une forme de modalisation qu'à une forme de procéduralisation. Le développement d'un contrôle juridictionnel de la procédure de licenciement collectif se prête en effet difficilement à une analyse en termes de procéduralisation. La notion de procéduralisation désigne un processus d'évolution des normes juridiques au terme de laquelle émerge une procédure non juridictionnelle de règlement des différends. Une telle procédure tendrait alors, pour les théoriciens de la procéduralisation, à se substituer à la production de normes par le législateur (11) et à la production de décisions par les juges.

Dans le domaine de la procédure de licenciement collectif pour motif éco nomique, une attention nouvelle à la procédure elle-même est apparue à partir de décisions judiciaires rendues sur le fondement d'une réforme adoptée en 1993 (12). Alors que la théorie de la procéduralisation vise à rendre compte de la production d'institutions et de transactions dans un espace public en voie de constitution (Lenoble, Berten, 1990), il apparaît plus opportun de voir comment, dans le domaine des licenciements col lectifs, institutions légales et décisions judiciaires contribuent à l'émer gence d'un espace public dans les actions économiques portant sur leur devenir et leur finalité.

(11) Le législateur désigne d'abord les relies, familiales et sociales ont repris un organes auxquels est confié le pouvoir légis- amendement communiste à la surprise des latif, c'est-à-dire le Parlement. députés communistes eux-mêmes et du Gou- (12) Cette réforme est due à l'initiative vernement {Source : Entretien avec le rappor- des députés socialistes dont les représentants teur du projet de loi devant l'Assemblée au sein de la Commission des affaires cultu- nationale).

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Claude Didry Une procédure de sélection des décisions remarquables

Dans l'ensemble des procédures de licenciement attaquées en justice, la jurisprudence est constituée par l'ensemble des décisions publiées. Elle est liée de ce fait à la ligne éditoriale des revues juridiques susceptibles de publier de telles décisions. Il est ainsi significatif que les décisions constitutives du corpus soient issues de la revue juridique de la CGT, Le droit ouvrier, et de la Revue de jurisprudence sociale. Cela tient d'abord, comme le met en évidence Véricel (1997), à ce que Le droit ouvrier et la Revue de jurisprudence sociale publient un nombre important de déci sions de juridiction du premier et du second degré, alors que les autres revues font une place beaucoup plus grande aux arrêts de la Cour de cas sation. Cela tient ensuite à la politique des rédactions de revue.

La force des décisions publiées ne vient pas de leur nombre : la publi cation d'une décision a d'abord pour objectif d'éclairer un point nouveau que les décisions précédentes n'avaient pas encore dégagé. Le corpus de décisions que constitue la jurisprudence autour d'une loi se construit donc par agrégation successive de cas remarquables, par rapport à la masse connue des autres décisions, et par rapport aux cas précédents déjà intégrés dans la jurisprudence. Loin de fournir un recueil des «précédents», la ju risprudence représente plutôt un catalogue des «innovations» judiciaires résultant de la mise en œuvre du droit dans le cadre du système juridic tionnel français. La jurisprudence telle qu'elle se dégage du fonctionne ment du système juridictionnel français se distingue ainsi de la jurisprudence entendue comme «coutume des juges», c'est-à-dire comme ensemble de précédents sur lesquels se fondent les juges, notamment dans le système anglo-saxon de la Common law (13). La «coutume des juges»

dans le cadre de la Common law implique bien entendu, de la part du juge, une capacité d'adaptation des règles qui se dégagent des précédents

à la situation qui lui est soumise (14). Mais cette forme d'inventivité ju ridique se distingue du processus d'innovation explicite à l'œuvre dans la jurisprudence «à la française», fondé sur le souci des parties et des juges

d'étendre le champ de mise en œuvre du droit.

La jurisprudence ne constitue donc pas un corpus de cas homogènes, dans la mesure où elle résulte de la recherche permanente, par les revues, de situations juridiques nouvelles. Elle peut alors se présenter comme un outil pour les acteurs économiques soucieux, dans le cours de leur action, de dégager la singularité de leur situation économique. Ce travail d'analyse fondé sur la jurisprudence correspond à une forme d'apprentissage de la (13) Pour une approche de la manière de le système juridictionnel américain, est juger sous l'empire de la Common law, voir au centre de l'institutionnalisme de J. R.

Dworkin (1985). Commons, voir Bazzoli et Kirat (1997).

(14) L'innovation jurisprudentielle, dans

(14)

Revue française de sociologie

loi par les acteurs économiques. Cet apprentissage prolonge le travail du législateur en en faisant le point de départ d'une dynamique collective que personne n'avait prévue à titre individuel, et rend indispensable une évaluation périodique des outils juridiques existants pour dégager de nou veaux chantiers législatifs. Au cours de certaines périodes cependant, et pour faire face à des situations exceptionnelles où prime l'urgence de l'i ntervention étatique, le législateur est conduit à mettre entre parenthèses le droit des acteurs à recourir au juge judiciaire civil pour trancher les dif férends qui les opposent. Il confie alors à une autorité administrative spé cifique ou à la police le soin de contrôler de manière préalable la mise en œuvre des dispositions prescrites par la loi afin de minimiser le risque de survenue d'un accident ou d'un différend (15). C'est une telle orienta tion qui a prévalu, depuis une trentaine d'années, dans le cadre de «pol itiques de l'emploi» (Aucouturier, Didry, 1997) dont l'accomplissement

a été, entre 1975 et 1986, l'institution du régime de l'autorisation admin istrative des licenciements pour motif économique. Ces politiques de l'emploi correspondent à une intervention compensatrice de l'État dans le cadre d'une internationalisation des échanges souvent envisagée sous la forme dramatisée d'une «guerre économique» par les dirigeants politiques.

La loi de 1993 a rendu possible une rupture avec cette logique de l'urgence en ouvrant aux comités d'entreprise des voies de recours nou velles devant les tribunaux civils, dans le cours même de la procédure de licenciement. Elle traduit un rapport nouveau du pouvoir politique à l'inte rnationalisation des échanges : ce phénomène n'est plus abordé exclusive ment comme un retard de compétitivité à rattraper. Il implique également une attention aux spécialisations productives des personnes, des entreprises et des territoires que la recherche hâtive de compétitivité par identification et élimination de sureffectifs met en péril (16). Pour désigner le processus nouveau d'intervention législative qui se dégage de la loi de 1993, je pro pose de parler - à titre exploratoire - d'une «politique de la singularité».

La singularité s'entend ici comme la découverte par les acteurs économi ques de la spécialisation du travail qu'impliquent les produits qu'ils réa lisent (17). La loi de 1993 esquisse une telle politique de la singularité en fournissant un instrument qui permet, dans certaines situations écono miques, de conduire les acteurs à la découverte de leur singularité et ainsi de les amener à identifier une forme de développement économique fondée

(15) Ce schéma de production législative des restructurations décidées unilatéralement se retrouve de manière exemplaire sous la sur l'esprit d'initiative et l'inventivité des figure du Code de la route, dont l'objectif personnes qui y travaillent.

est de minimiser les écarts entre les conduites (17) La spécialisation du travail est en- et les normes. visagée par opposition à la standardisation (16) Dans un entretien au quotidien Le des produits et à l'organisation du travail qui Monde du 17 décembre 1997, un professeur en résulte. Elle renvoie à des «conventions de stratégie à la London Business School, du travail» (Salais, 1994), orientées vers la Sumantra Goshal, souligne la menace d'une découverte et la mise en œuvre de capacités organisation hiérarchique des entreprises et nouvelles des personnes.

(15)

Claude Didry sur l'approfondissement de cette singularité. Cet outil leur fournit un re cueil de cas comparables à leur situation, ne serait-ce que parce qu'il s'agit de décisions sur des licenciements collectifs. Mais cette comparabilité est relative et renvoie à une opération simultanée de rapprochement du sem blable et de mise en évidence des différences d'un cas à l'autre. En para phrasant les propos de Dodier et Baszanger (1997) sur l'« ethnologie combinatoire», on trouvera un des apports de la jurisprudence «dans sa capacité à expliciter à ses lecteurs des compétences à agir que ceux-ci méconnaissent en tant qu'objet de réflexion» {op. cit., p. 61). Les

« lecteurs » appartiennent ici à des univers hétérogènes : aux acteurs éco nomiques et à leurs avocats se joignent des juges, des conseillers à la Cour de cassation, des professeurs de droit et des chercheurs en sciences sociales.

La pluralité des registres d'argumentation

Pour rendre compte de l'argumentation suivie dans les décisions judi ciaires sélectionnées, j'ai été amené à ne retenir du corpus à analyser que les «motifs» des décisions. Cet ensemble de propositions constitue, dans la décision, le moment où le raisonnement du juge, fondé sur les «faits et moyens des parties», est le plus développé et décrit des «états du monde» (18).

L'analyse a été effectuée sur un corpus de 61 000 mots au moyen du logiciel Alceste. Dans cet ensemble, 3 000 formes verbales distinctes ont été identifiées, et parmi elles, 743 formes réduites ont été retenues comme variables actives de l'analyse. Ces formes sont des mots réduits à leur radical, ou des formes conjuguées de verbe ramenées à l'infinitif. Les mots les plus fréquents identifiés dans cet ensemble renvoient au principe même de constitution du corpus puisque l'on trouve les termes de «licencie ment», «emploi», «mesure», «procédure» et «comité d'entreprise».

Présentation du logiciel Alceste

Nous avons soumis l'ensemble des textes constituant ce corpus à une analyse lexicale menée à l'aide du logiciel Alceste élaboré par Max Reinert. Cette analyse vise à évaluer l'hétérogénéité des «phrases» qui composent ces textes à partir d'une classification hiérarchique descendante.

(18) Pour une analyse lexicale des déci- des décisions, voir Serverin et Bruxelles sions de justice comme acte modifiant le (1992).

monde à partir des verbes du «dispositif»

(16)

Revue française de sociologie

Ce logiciel part de l'ensemble du corpus découpé en phrases, repérées par leur ponctuation et la succession des espacements, dans lesquelles les mots sont des indices de plus ou moins grande dissemblance des phrases entre elles. Il permet de réaliser une classification des phrases en fonction de la dissimilarité des mots qui les constituent. Par exemple, la phrase « // y a un motif sérieux pour le juge des référés de faire cesser le trouble illicite constitué par ces carences et d'en prévenir les conséquences» sera dans une classe différente (classe 1) de celle où se trouve la phrase « Cette adapt ation du ratio des indirects sur les directs de 1/1 à 1/2 a induit la sup pression de 105 postes indirects et 21 postes directs» (classe 3). La

dissimilarité de ces phrases est maximale et apparaît dès la première par tition du corpus en deux grandes classes par le logiciel (premières branches du dendogramme présenté en figure I ci-dessous). La première est exclu sivement constituée de mots appartenant à la langue des règles de droit.

La seconde est constituée de mots appartenant à l'univers de la gestion et des ressources humaines.

L'objet de l'analyse menée au moyen du logiciel Alceste est de faire apparaître des «classes» regroupant des phrases dont le degré de dissimil arité est minimal, c'est-à-dire dont le vocabulaire est proche (cette opé ration est retracée par le dendogramme représenté en figure I). Ainsi la phrase «Le 21 juin s'est tenue une réunion du comité central d'entreprise dont l'ordre du jour comportait notamment... » est regroupée dans la même classe que la phrase «Après ces deux dernières réunions se sont tenues deux réunions du comité d'établissement de l'usine de Bernon (Gard)».

La proximité se traduit par le fait que ces deux phrases partagent un nomb re de mots maximal : le verbe «tenir», la notion de «réunion», celle de «comité». Ces classes de phrases se définissent par leur profil lexical, constitué par les mots les plus fortement associés à chacune des classes.

Dans la suite du texte, les mots qui constituent les profils lexicaux seront, par convention, cités entre guillemets et en caractères italiques. Les profils lexicaux associés à chaque classe correspondent, selon M. Reinert (1993), à des «mondes lexicaux» c'est-à-dire à des ensembles cohérents de mots dont l'assemblage est analogue à celui de la réalité désignée par le voca bulaire utilisé.

Appliquée au corpus de décisions constitutives de la jurisprudence sur les plans sociaux, la démarche suivie par M. Reinert implique de renoncer à prendre pour modèle exclusif de la décision de justice, le modèle «syl- logistique» que constitue l'application d'une règle générale (majeure du syllogisme) à un cas particulier (mineure) pour arriver au résultat. Dans le domaine des juridictions civiles notamment, le juge travaille dans les limites que tracent les conclusions des parties et n'applique pas de manière extérieure la règle générale au litige particulier à trancher (19). L'hypo- (19) Pour une critique du modèle syllogistique d'énonciation de la norme de droit, voir Lenoble et Berten (1990).

(17)

Claude Didry thèse des « mondes lexicaux » posés par M. Reinert traduit alors, dans le cadre d'une analyse d'un corpus jurisprudentiel, la place qui revient à des logiques non standards dans le repérage de la pluralité des registres de ce corpus (20).

Les décisions qui constituent le corpus analysé articulent des phrases réparties dans les différentes classes dégagées par le logiciel : chaque dé cision se caractérisera par une circulation spécifique entre les différents

«mondes lexicaux» mis en évidence par l'analyse. Chaque décision se ca ractérisera également par une proximité plus ou moins importante à l'égard d'une classe de phrases en fonction de la part des phrases de cette décision appartenant à la classe.

Chaque décision est caractérisée, dans l'analyse menée sur la jurispru dence, par des variables supplémentaires (dites « variables étoilées ») telles que le type de juridiction (tribunal de grande instance, conseil de pr ud'hommes, cour d'appel, Cour de cassation), le lieu, la date, le nom de la société et l'acteur salarié (comité d'entreprise, organisation syndicale, salarié individuel). L'analyse détermine, pour ces variables, un degré d'as sociation avec les classes de phrases. Ainsi, la société Neyrpic se trouve fortement associée à la classe 3 (information économique, voir figure I), dans la mesure où une partie significativement plus importante que la moyenne (au sens du X2) des phrases ayant trait à cette société est dans la classe 3.

La classification des phrases du corpus suit un processus décrit par l'arbre présenté dans la figure I. La classification descendante des phrases conduit à six classes terminales qui permettent de retracer les registres d'argumentation spécifiques apparaissant dans les motifs des décisions.

Il se dégage de cet arbre deux pôles qui regroupent chacun trois classes.

Le premier pôle est constitué par des classes ayant trait au contenu éco nomique et social des documents produits par la direction et des arguments échangés au cours de la consultation du comité d'entreprise. Le second pôle est constitué par des classes ayant trait à ce que nous nommerons, de manière générale, la «régularité de la procédure», qu'il s'agisse de la procédure judiciaire rapportée aux pouvoirs de l'inspection du travail, de l'intervention du juge des référés, ou qu'il s'agisse du déroulement de la procédure de consultation des instances représentatives du personnel.

Au sein du premier pôle, deux sous-ensembles se dégagent. Un premier sous-ensemble est constitué de deux classes, l'une portant sur le reclasse ment, l'autre sur les aides publiques, renvoyant au contenu du plan social proposé par la direction. Un second sous-ensemble est constitué par une classe ayant trait à l'analyse de l'information économique et sociale fournie

par la direction.

(20) Pour une réflexion sur l'apport des logiques non standards en droit, voir Delmas-Marty et Coste (1992).

(18)

Revue française de sociologie

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22-

508

(19)

Claude Didry Le second pôle se divise également en deux sous-ensembles. Le premier sous-ensemble est constitué par une classe portant sur la régularité de la consultation du comité d'entreprise. Le second sous-ensemble est constitué par deux classes portant sur la régularité de la procédure judiciaire enga gée, avec d'une part la justification de l'intervention du juge en référé, et d'autre part la détermination de la compétence du juge par rapport notamment à celle de l'autorité administrative.

La discussion sur la compétence du juge (classes 1 et 4)

La compétence du juge est mise en jeu dans deux configurations prin cipales : la procédure en référé et la discussion des pouvoirs respectifs du juge et de l'inspecteur du travail.

- La procédure en référé (classe 1)

La première classe regroupe 15% des phrases du corpus. Elle est for tement associée à des mots dérivés des verbes «ordonner» et «suspendre».

Ces mots correspondent à l'intervention provisoire du juge dans le cadre de la procédure en référé. Le juge «ordonne» à la direction de «suspen dre» la procédure de licenciement, dans l'attente d'un jugement au fond.

- Le rôle de l'autorité administrative par rapport à celui du juge (classe 4)

La quatrième classe regroupe 12% des phrases. Cette classe porte sur la question du rôle de Y «Administration» dans la procédure de licencie ment. Cette référence à l'Administration passe par une interrogation sur le «constat» de «carence» du plan social que le Directeur départemental du travail et de l'emploi a la possibilité d'établir au début de la procédure de licenciement. Elle est complétée par l'expression «autorité administra tive» et par la référence au régime de Y «autorisation» administrative. Ce détour historique vise à dégager la spécificité du régime d'intervention de l'autorité administrative institué par la loi de janvier 1993.

La régularité de la consultation du comité d'entreprise (classe 6)

La classe 6 est celle qui regroupe le plus grand nombre de phrases, avec plus du tiers des phrases du corpus (34%). Cette classe se caractérise, comme nous l'avons vu dans l'arbre de classification, par une certaine proximité vis-à-vis des deux classes présentées ci-dessus. Cette proximité tient à la référence relativement importante faite au droit du travail pour examiner la conformité de la consultation aux dispositions légales.

Cette classe fait une place centrale à la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel dans toute leur diversité avec le

(20)

Revue française de sociologie

«comité d'entreprise», mais aussi le «comité d'établissement» et le «comité central d'entreprise ». La notion de « réunion » y joue un rôle prépondérant.

Un premier aspect abordé dans les décisions est le déroulement temporel de la consultation, dont témoignent les mots «date» et «délai». Le dé roulement temporel permet de cadrer le litige. On voit apparaître, à travers

les mois de «juillet», à' «août» et de «septembre», les moments de pré dilection pour mettre en œuvre une procédure de licenciement collectif dans les décisions constituant notre corpus.

Un second aspect est constitué par la transmission d'information par la direction de l'entreprise, dont témoignent les formes «document», «donner»,

« économique », « information », « informer», « écrire », « transmettre »,

«communication», «communiquer», «courrier», «lettre», «renseigne ments», «réponse». La notion de «procès-verbal» apparaît, dans cet

ensemble, comme la trace écrite dont le juge pourra se saisir pour établir et évaluer le contenu des débats au cours des réunions de comité d'entre prise.

Un troisième aspect correspond à la désignation d'un expert-comptable au cours de la première réunion de consultation par le comité d'entreprise, en vue d'assister les élus du personnel. Ce mode de désignation apparaît à travers les termes «désigner», «deuxième», «expert», la nomination de l'expert intervenant au cours d'une réunion supplémentaire qui prend place entre la première et la dernière réunion prévue dans le cadre de la consult ation.

Le poids de cette classe témoigne d'une interprétation dynamique de la loi du 27 janvier 1993 par les juges et les parties. La loi porte sur le contenu des plans sociaux et se greffe sur le droit de la consultation des comités d'entreprise, les représentants du personnel «devant être réunis, informés et consultés». La production d'un plan social acceptable implique ainsi que ses conditions d'élaboration, c'est-à-dire la version initiale du plan et la consultation des représentants du personnel, soient conformes aux dispositions légales en la matière. Dans cette perspective, l'activité des comités d'entreprise peut être soumise au contrôle des juges, en partant de la version « initiale » du document remis aux représentants du personnel par la direction, et en en examinant l'évolution d'une réunion à l'autre du comité d'entreprise, à travers notamment les procès-verbaux de ces réunions.

La discussion de l'information économique (classe 3)

Dans un ensemble consacré aux aspects économiques et sociaux de la procédure de licenciement, la troisième classe reprend une partie des termes de la classe évoquée ci-dessus, tels que «documents», «informat ion», mais en donnant la priorité au contenu économique de ces éléments.

(21)

Claude Didry Cette classe regroupe 13 % des phrases du corpus. Elle est associée de manière particulièrement robuste aux termes «affaire», «chiffre»,

«commande», «marché», «baisser», «commercial», «évolution», «pré visions», «prix», «marché», «commande» et «secteurs» pour former un ensemble ancré dans une dimension économique et comptable.

Ces analyses économiques sont également liées au terme «fourni», dont la fréquence tient à ce qu'il accompagne les différentes notions précisant les informations fournies, telles que les «tableaux» ou les «éléments».

Le terme «fourni» renvoie ainsi à la fourniture de données sur la situation de secteurs de l'entreprise, ou sur l'évolution de son chiffre d'affaires, et correspond fréquemment à un flux de communication allant de l'employeur aux représentants des salariés. Les éléments comptables qui apparaissent au centre de cette classe ne sont donc pas pris comme des données absolues mais sont rapportés à la source qui les a produits et fournis. Ils sont tirés d'un «rapport», d'une «analyse» ou d'une «étude», et cités avec réfé rence à la «page» du document dont ils sont extraits, ou au nombre de pages consacrées à telle ou telle question.

Cette classe se caractérise enfin par la place de termes ayant trait au raisonnement et à la démonstration: outre «démontrer», «nécessiter»,

«question», «correspondre », on trouve également, à un degré de fréquence moindre, «admettre», «résulter», «avancer», «avérer»,

«comparer», «conséquence», «contradictoire», «entraîner», «exiger»,

«hypothèse», «impliquer», «raison». Une telle classe témoigne ainsi de l'existence d'un litige sur le mode de justification des «sureffectifs» et des «suppressions» d'emploi à effectuer.

Le contenu du plan social (classes 2 et 5)

Les deux classes présentées ici portent d'abord sur le contenu du plan social élaboré au cours de la procédure de licenciement. Ces deux classes constituent un ensemble important puisqu'elles regroupent 26% des phrases du corpus.

- Le reclassement

Une première classe, regroupant 18% des phrases, fait apparaître de manière centrale le lexique du «reclassement». Le «reclassement» a pour corrolaire les notions de «proposition», de «mesure», de «poste», mais aussi et surtout celle de «groupe». Les termes traduisant une dimension de «possibilité» ont également une place importante dans la classe. Il convient alors ď «éviter» et de «limiter» les suppressions d'emploi ou de «faciliter» la mobilité des personnes concernées. Dans cette stratégie d'évitement, le travail à temps partiel et les différentes formes d'aména gement du temps de travail (dont témoigne la place des termes «temps»

et «travail») sont des ressources importantes. Cette classe fait également

(22)

Revue française de sociologie

apparaître l'importance des «personnes», qui sont «concernées» par les suppressions d'emplois, et ainsi susceptibles de bénéficier des reclasse ments offerts. Cette attention particulière aux personnes se retrouve dans la place que tient l'adjectif «volontaire», et que complète le substantif

«volontariat».

- Les aides financières

L'autre classe de cet ensemble regroupe 8% des phrases. Si elle fait une part aux notions de «reclassement», de «mesure», proche en cela de la classe précédente, elle tire sa spécificité de la place qu'y tiennent les notions ď«aide», de «convention», de «formation». Le rôle des dispos itifs est précisé par les termes «inciter» et «incitation». Les dispositifs évoqués sont des aides, aides à la mobilité géographique, aides à la création d'activités nouvelles (qui expliquent la part du terme «nouvelles» dans la classe), cellules de reclassement. On trouve également les «primes» et les incitations financières. On retrouve enfin une des pièces centrales des plans sociaux, du moins historiquement, les «préretraites».

La pluralité des situations économiques :

entre continuité et rupture avec les politiques de l'emploi

Dans une optique de connaissance du droit importent d'abord les dif férents éclairages qu'une loi est capable de fournir aux parties et au juge.

L'analyse du corpus jurisprudentiel permet de dégager ces différents éclai rages à travers les registres d'argumentation que révèlent les classes lexi cales. Ces registres indiquent les directions prises par le travail juridique et balisées par la Cour de cassation avec l'arrêt du 15 mai 1996 dans l'affaire Everite pour le registre portant sur le contenu du plan social, et les arrêts SIETAM du 16 avril 1996 pour le registre portant sur la procédure de consultation. Mais ces éclairages sont issus de décisions qui résultent elles-mêmes de la mobilisation de la loi par des acteurs économiques. La réforme de janvier 1993, en assortissant l'absence de plan social conforme aux dispositions légales d'une sanction de nullité de la procédure de licenciement, a en effet ouvert aux acteurs de la procédure de licenciement la possibilité d'engager une action en justice devant une juridiction civile.

C'est alors dans les limites des «faits et moyens» présentés par les parties que le juge devra produire sa décision après avoir examiné ces faits et ces moyens dans les motifs de la décision. Les registres de l'argumentation juridique sont liés de ce fait à la situation économique dans laquelle ap paraît le litige soumis au juge. Ils témoignent d'un ancrage de la pratique juridique dans la situation d'activité courante des acteurs économiques, dans la mesure où «l'institution la moins impersonnelle et la plus proche

(23)

Claude Didry des préoccupations immédiates des citoyens devrait être l'institution judi ciaire, puisqu'elle prend des décisions sur des cas» (Pharo, 1991, p. 156).

Pour dégager les relations entre situations économiques et registres d'argumentation juridique, nous avons indexé à chaque décision judiciaire le nom de l'entreprise correspondante. L'entreprise apparaît ainsi comme une variable supplémentaire de l'analyse lexicale, et se trouve liée par un degré d'association plus ou moins significatif aux différentes classes de phrases issues de la classification descendante réalisée par le logiciel Alceste. L'analyse permet de déterminer le degré d'association entre une entreprise et une classe, en fonction du nombre et de la part des phrases issues des décisions concernant l'entreprise qui se trouvent dans la classe.

Il est alors possible, à partir de ces données, de dégager les profils des situations économiques liées aux différentes classes. Les dimensions éco nomiques, sociales et juridiques sont en effet indissociables. Les registres portant sur la contestation du contenu du plan social, tant pour les mesures de reclassement que pour les incitations financières au départ d'ordre pu blic ou privé, ne renvoient pas à une dimension sociale indépendante de la dimension économique. Le «social», comme accompagnement de r estructurations économiques, est ancré dans des situations économiques où prédominent fermetures de sites et économies d'échelles. Le registre centré autour des questions économiques et comptables est associé à d'autres types de situations productives dans lesquelles se pose le problème social de la place du travail des salariés dans la conception et la réalisation des produits. Mais, du fait de son origine juridique, le corpus jurisprudentiel conduit également à faire apparaître des registres ayant trait plus spécif iquement à des questions de droit (classes 1 et 4 dans la figure I) dont la consistance économique et sociale est très ténue, dans la mesure où ces registres renvoient à des décisions ponctuelles ayant une place marginale au sein des situations en litige.

C'est dans cette relation entre registres d'argumentation et situations économiques que se dégage le potentiel de rupture avec la logique des

«politiques de l'emploi» (entendues comme ensembles de compensations sociales accompagnant des politiques de restructuration industrielle) que porte en elle la loi de 1993. La rupture qui se fait jour au cours de l'année 1993 tient d'une part au moyen nouveau de saisine du juge que constitue, pour les acteurs économiques, la loi. Elle tient d'autre part au caractère spécifique de la montée du nombre de licenciements pour motif économi que depuis 1990. L'extension prise par ces mesures est liée à la portée nouvelle acquise par la pratique des restructurations réalisées massivement dans un premier temps, au cours des années 1980, au sein des entreprises nationalisées. Cette extension conduit à la découverte du licenciement pour motif économique en tant que ressource de gestion des directions dans des secteurs économiques où de telles pratiques demeuraient résiduelles.

Elle traduit l'ambition de certaines directions d'entreprise d'importer le modèle de la «compétitivité» dans des univers productifs où il n'avait jusqu'alors qu'une faible signification. La procédure de licenciement

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Revue française de sociologie

constitue alors une épreuve de réalité, dans le cadre de laquelle la dyna mique économique impulsée par la direction se trouve sanctionnée par le rejet, plus ou moins vif, du projet de suppression d'emplois et des mesures d'accompagnement par les salariés et leurs représentants. L'annulation de la procédure de licenciement par le juge est alors susceptible de conduire à une rupture profonde avec le modèle de la compétitivité dans la trajec toire de développement de l'entreprise, à travers la découverte, par les acteurs économiques, de la singularité de la production à laquelle ils pren nent part. Pour comprendre la manière dont les acteurs identifient, avec plus ou moins de réussite, la singularité de leur situation, nous allons main tenant dégager les «modèles d'action» des comités d'entreprise auxquels conduit la prise en compte de l'association entre registres d'argumentation et entreprise (Tableau I). Apparaissent ainsi un modèle de résistance, un modèle visant à l'approfondissement des objectifs poursuivis par les politiques de l'emploi et un modèle de remise en cause de la direction fondé sur la critique de l'information économique.

Tableau I. - Présentation des trois modèles d'action des comités d'entreprise Modèles

d'action Modèle 1 Résistance à la tivité Modèle 2 sement des politiques de l'emploi Modèle 3 Critique de la direction

Registre des sions présentes dans le corpus Contestation de la

procédure (classe 6) Insuffisance du

plan social (classes 2 et 5)

Critique de

mation économique (classe 3)

Conditions du débat Affrontement

Négociation de meilleures compensations

Mise en cause de la bonne foi du projet de la

direction

Nature du produit Ancrage territorial et tradition

Standardisé, répondant à des besoins prédéfinis Innovation constante de produit

Conception du travail Spécialisation des personnes

entendues comme savoir- faire incorporé Coût à diminuer

dans une gie générale de

compétitivité Spécialisation des personnes

entendues comme potentiel

d'innovation

Horizon économique

Continuité de la trajectoire

initiale

Rationalisation, mécanisation et délocalisation des

activités tives Développement par apprentissage

Modèle d'action 1 : la résistance à la stratégie de la compétitivité L'existence d'une décision ou d'un groupe de décisions judiciaires autour d'un projet de licenciement collectif est en elle-même l'indice d'une situation où les suppressions d'emplois sont objets de débat. La recherche de compétitivité fondée sur la compression des coûts salariaux qu'implique le projet de suppression d'emploi est donc en partie remise en cause par

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