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Lise Bissonnette et la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec 1

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Copyright © 2004. HEC Montréal.

Tous droits réservés pour tous pays. Toute traduction ou toute modification sous quelque forme que ce soit est interdite.

9 40 2004 007

Lise Bissonnette et la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec

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Cas produit par Andrée BÉLISLE et le professeur Laurent LAPIERRE.

Si on fait bien les choses, il y a peut-être une petite fille en Abitibi qui va avoir accès à tout un réseau de bibliothèques, qui va découvrir l'univers des livres et dont la vie va changer complètement à cause de cela2.

– Lise Bissonnette De l'an 300 avant J.C. jusqu'au VIIe siècle de notre ère, la Bibliotheca Alexandrina, fleuron de la civilisation hellénistique, connut d’éminents savants tels que les mathématiciens Archimède et Euclide. Avec plus de 700 000 volumes, l'antique bibliothèque, consacrée à son époque,

« mémoire du monde », représente une perte incommensurable pour l’humanité car son pavillon principal, le Museion, a été incendié en 48 avant J.-C. (voir l'annexe 1). Comme dans une tentative ultime de colmater la blessure, on a inauguré en octobre 2002 la nouvelle bibliothèque d’Alexandrie, face à la Méditerranée, sur les lieux présumés de son ancêtre antique. Le projet, au coût de 230 millions de dollars américains, a bénéficié du soutien financier de 40 pays, la plupart arabes et européens, ainsi que d’organismes internationaux de développement. Plus de 300 personnalités, venues du monde entier, assistaient à l’inauguration, « y voyant un symbole de dialogue entre les peuples dans une région menacée par [...] le terrorisme », relate l’Agence France-Presse.

L’Égypte n’est pas seule à se doter d’une telle institution. Actuellement, les grandes biblio- thèques accusent à travers le monde une recrudescence, tant en ce qui a trait à la prolifération qu’à l’affluence dont elles sont l’objet. L’impressionnante British Library de Londres, inaugurée en novembre 1997, voit défiler chaque jour 4 000 visiteurs, chercheurs, employés confondus, et recèle 150 millions d’ouvrages. Les gouvernements anglais successifs y ont investi un milliard de dollars canadiens. La Bibliothèque nationale de France, érigée sous Mitterrand, force l’admira- tion par ses institutions, ses programmes, ses collections, et ce, en dépit des difficultés techniques qu’elle a rencontrées. Un élan comparable se constate en Amérique du Nord. Aux États-Unis, elles prolifèrent; Nashville, plutôt associée à la chanson western, débourse quelque 100 millions de dollars américains dans la construction de sa grande bibliothèque de 30 000 mètres carrés.

1 L’excellence de ce cas a mérité à ses auteurs de recevoir, en 2004, le prix Alma-Lepage décerné pour la rédaction d’un cas au féminin. Mme Alma Lepage a fait don à HEC Montréal d’un fonds dont les revenus servent à l’attribution de bourses et d’un prix dans le but de promouvoir l’avancement des femmes en gestion et de perpétuer l’esprit avant-gardiste dont a fait preuve, tout au long de sa vie, cette première femme diplômée de l’École.

2 Sauf indication contraire, les citations de Lise Bissonnette sont tirées d'une entrevue qu'elle a accordée aux auteurs le 19 novembre 2002.

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Celle de Vancouver a le vent dans les voiles avec l’accueil de 7 000 personnes quotidiennement.

Désormais, Montréal embrasse le mouvement avec le projet de Grande Bibliothèque dont l’ouverture est prévue pour 2004.

Alors directrice du quotidien Le Devoir, Lise Bissonnette, a lancé un jour le nom de « Très Grande Bibliothèque »; l'appellation se voulait un clin d’oeil à la Très Grande Bibliothèque de France dont elle admirait les mérites. Dans les pages du Devoir en 1996, elle incite le gouverne- ment péquiste à réaliser le projet d’une « Très » Grande Bibliothèque. Maintes fois durant cette période, elle souligne l’urgence de corriger la situation médiocre dans laquelle végètent les bibliothèques publiques québécoises. Elle alimente le débat sur le sujet, suggère, conseille, critique, tout en réitérant sa conviction profonde en l’importance du livre pour un peuple.

Lise Bissonnette devient « la maître d'œuvre » du projet de la Grande Bibliothèque lorsque, en août 1998, elle entre en fonction comme présidente-directrice générale. Quand le gouvernement québécois fusionne la Grande Bibliothèque du Québec et la Bibliothèque nationale du Québec en 2002, elle assume alors la présidence et la direction générale de la nouvelle Bibliothèque natio- nale du Québec. Aujourd’hui, Mme Bissonnette vise à la fois la démocratisation du savoir et le rayonneme nt international de la culture québécoise dans ce projet qui deviendra, lorsqu’il sera achevé, la plus importante institution culturelle du secteur public à voir le jour au Québec depuis 30 ans.

L’idée s’articule

J’ai retourné le concept en tous sens, je l’ai beaucoup critiqué et certaines choses que j’ai écrites [...]

seront probablement retenues contre les orientations que je prendrai, à l’épreuve de la réalité1.

La première section de ce cas présente la réflexion de Lise Bissonnette sur le projet de la Grande Bibliothèque2 au moment où elle est directrice et éditorialiste au quotidien Le Devoir. On y trouve le contexte socioculturel et politique du moment, les circonstances, ainsi que les contro- verses qui ont précédé l’éclosion du projet. Suivront ensuite une deuxième partie décrivant comment l'idée s'est concrétisée et une troisième qui décrit comment Lise Bissonnette conçoit ce lieu dans la cité.

Contexte politique et culturel

À partir de 1996, Lise Bissonnette enfourche un nouveau cheval de bataille comme éditorialiste en chef et directrice du Devoir : doter le Québec d'une « Très Grande Bibliothèque ».

C'est moi qui ai lancé l'idée de faire la Grande Bibliothèque. Dans le tout premier article, je voulais piquer les péquistes en leur disant qu’en deux passages au pouvoir, leur bilan culturel était piteux.

Les grandes institutions avaient été des créations des libéraux. Le PLQ avait accouché d'une politique culturelle qui avait chambardé le rapport de l'État à la création alors qu'eux, les péquistes, n'avaient

1 Dans son livre Toujours la passion du présent, (Coll. Papiers collés, Les Éditions du Boréal, 1998), Lise Bissonnette consacre un chapitre entier aux éditoriaux qu'elle a écrits sur ce sujet.

2http://www.bnquebec.ca/

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pas donné l’ombre d'une réflexion solide sur les arts. Je concluais en leur suggérant, s'ils voulaient se reprendre, de construire une Grande Bibliothèque. C'est là que Lucien Bouchard a pris l'idée.

La condition misérable dans laquelle se trouve nt les bibliothèques québécoises dans les années 1990 constitue le talon d’Achille, non seulement du Parti au pouvoir, mais du Québec tout entier.

Malgré le consensus sur l’urgence de la situation − il est officieusement question du problème de l’absence d’une institution majeure depuis 30 ans − aucune instance n’a su faire preuve de la détermination suffisante afin qu’un projet d’envergure se concrétise. La directrice du Devoir trace un portrait de la situation en février 1996.

D’abord, tout le monde en convient, il n’y a pas de zone culturelle plus sinistrée au Québec, donc de meilleur endroit pour ouvrir un chantier. Ensuite, qu’on le veuille ou non, il y a des projets de rééqui- pement dans l’air et sur des planches à dessin. En tête de liste, la Bibliothèque nationale du Québec qui étouffe rue Saint-Denis; elle voudrait rafistoler l’immeuble Simpson1 pour y déménager tandis que le ministère préférerait la caser dans l’ancienne École des beaux-arts en rallongeant un peu de béton (tout de même) dans un stationnement contigu. Puis la Bibliothèque centrale de Montréal qui va rouvrir ses portes après réaménagement; mais elle ne pourra accueillir rue Sherbrooke les espaces qu’exigeront bientôt les nouvelles technologies et elle cherche une annexe. Et encore, nos quatre bibliothèques universitaires qui se développent en quatre belles solitudes; elles pleurent actuellement en choeur sur leur incapacité d’assumer les coûts faramineux de la bibliothèque virtuelle, demain indispensable à leurs étudiants, professeurs et chercheurs. Enfin, les Archives nationales, oubliées dans Saint-Henri, quêtent un toit avant d’être bouffées par les termites2.

Afin d’atteindre la masse critique indispensable et de partager les coûts, Lise Bissonnette propose de consolider les recherches immobilières en un seul bâtiment regroupant tous les services.

Un projet intelligent qui répondrait à toutes les urgences de l’heure : le mariage culture-éducation, la formation continue, l’accès à la société de l’information, et le retour de la qualité de vie au centre- ville de Montréal qui a au moins un avantage sur Paris : de l’espace à revendre au-dessus de la station centrale du métro, rendez-vous de la ville et des banlieues, des étudiants et des travailleurs, de Vidéotron et du Terminus Voyageur, entre le Quartier latin et la République des arts3.

En optant pour le projet de la GBQ au printemps 1996, le gouvernement Bouchard bouscule une majorité d’avis et surtout des intérêts divergents.

[...] ceux de la Bibliothèque nationale du Québec, qui rêvait de poursuivre son développement séparé en allant nicher discrètement aux étages de l’ancien édifice de Simpson; ceux de la mairie de Montréal, bien satisfaite de sa minuscule Bibliothèque centrale joliment sise près d’un parc et qui voulait régénérer Simpson pour les taxes; ceux, redoutables, des gens d’affaires qui préparaient le sommet socioéconomique d’octobre et qui tenaient à y déposer une prestigieuse liste de projets immobiliers, dont la renaissance de Simpson; ceux de courtiers fort bien vus à Québec et à Montréal qui, comme c’est leur métier, cherchaient à faire de la BN un appât pour attirer des occupants aux autres étages de Simpson; ceux des bien-pensants du Montréal multiculturel qui prédisaient quasi- ment la fin des tensions linguistiques dans l’île si la BN renonçait à vivre dans l’Est francophone, un territoire devenu une tare4.

1 Le magasin Simpson avait fermé ses portes, laissant vacant un édifice de plusieurs étages en plein cœur du centre-ville de Montréal.

2 Bissonnette, Toujours la passion du présent, p. 234.

3 Idem.

4 Idem, p. 236 ou Bissonnette, Lise. La TGBQ (bis), Le Devoir, Les Arts, samedi 5 avril 1997, p. B3.

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À contre -courant avec le comité Richard

Au printemps 1997, le Comité sur le développement d'une très grande bibliothèque, le comité Richard1, présente un rapport préliminaire Une grande bibliothèque pour le Québec : une problé- matique, un concept, premiers constats. Lise Bissonnette signale au Premier ministre Lucien Bouchard, ainsi qu’à la ministre de la Culture, Louise Beaudoin, l’étroitesse d’esprit du comité face au projet.

Pour amener à penser petit, le document s'ouvre donc sur des considérations réconfortantes : nos bibliothèques publiques ont beaucoup progressé malgré certains retards persistants et nos biblio- thèques universitaires soutiendraient la comparaison « avec un grand nombre de bibliothèques du monde ». Ce qui est vrai, mais à un détail près, soigneusement gommé ici. Enlevons les bibliothèques publiques et les bibliothèques universitaires de langue anglaise et nous retombons dans le sous- développement le plus classique, qui plaiderait pour un équipement majeur, ambitieux, levier de tous les rattrapages en milieu francophone.

Mais c'est justement cela dont il n'est plus question. À part les évidences une bibliothèque grand public, conviviale, ressource pour les régions et alliant le support virtuel au traditionnel −, le concept du nouvel établissement est désespérément étriqué. Il ressemble tout simplement à une sorte d'immeuble en copropriété que se partageraient la Bibliothèque nationale et la Bibliothèque centrale de Montréal. On ne sait même pas si les deux institutions, dont les directeurs siègent au comité Richard, consentiraient à partager quelques services, ne seraient-ce que ceux de conciergerie. Le mot

« fusion » semble absolument tabou et le comité n'a même pas osé évoquer le regroupement des quatre grandes bibliothèques universitaires de Montréal qui parlent pourtant de fusion entre elles aujourd'hui − et des bibliothèques muséales, et de la bibliothèque du cégep du Vieux-Montréal, et des Archives, etc. D'entrée de jeu, d'ailleurs, à la première ligne du chapitre sur ce « concept » devenu simple collage, le comité écarte comme la peste l'idée de « créer une structure nouvelle qui s'ajoute- rait à celles qui existent déjà ». Façon tordue de déformer l'idée originelle d'une TGB, « structure nouvelle », certes, mais qui absorberait celles qui existent déjà pour en faire une sorte du temple du livre et de la lecture où se côtoieraient tous les publics. Cela, nos royaumes autonomes n'en veulent pas, y résistent farouchement aujourd'hui comme hier. Et on ne les convaincra ni en les invitant à l'audace, ni aux économies d'échelle.

En fait, le document donne l'impression d'aller vers une grande bibliothèque comme à l'abattoir, parce que la ministre de la Culture le veut et que le Premier ministre l'exige. On va au rapport, puisqu'il le faut. L'idée d'une TGBQ qui pourrait devenir le noyau d'une Cité des arts et des lettres au coeur de Montréal, nous faire entrer dans le prochain siècle en première vitesse culturelle plutôt qu'à reculons, se fait esquinter. La « très » grande volonté de nos porteurs politiques est requise pour la sauver2.

Quelques mois plus tard, en juin 1997, le même comité présente son rapport final à la ministre Beaudoin. Il y recommande le modèle des bibliothèques de quartier « vastes et conviviales » presque exclusivement vouée à la diffusion, au lieu d’un projet plus audacieux, comme l’avait suggéré LiseBissonnette, qui intégrerait dans un grand ensemble les ressources bibliothécaires de la Bibliothèque centrale; celles des bibliothèques collégiales et universitaires; ainsi que la voca- tion de conservation, rôle jusqu’alors conféré à la Bibliothèque nationale du Québec.

On pourra y consulter la collection de la Bibliothèque nationale du Québec, qui ne s'y installera cependant pas et vaquera, loin du public, à ses activités patrimoniales, ses relations internationales, sa

1 Présidé par Clément Richard, ancien ministre péquiste des Affaires culturelles.

2Idem, p. 237.

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recherche, la protection de ses collections spécialisées réservées aux chercheurs. On pourra y emprunter les ouvrages de la Bibliothèque centrale de Montréal, dont le nombre devrait certes augmenter. On y aura accès à l'inforoute par toutes les bretelles existantes ou en construction. Mais les bibliothèques universitaires, et celles des cégeps, pourront jalousement rester chez elles et dupli- quer toutes ces activités, à moins de se porter volontaires pour fréquenter le peuple (l'UQAM est la seule à avoir montré quelque intérêt).

À vrai dire, l'idée de métisser ainsi la bibliothèque était écartée d'avance. Les cégeps n'ont jamais été dans la mire du comité. Les bibliothèques universitaires ont été visitées mais non invitées. Quant à la TGB de France, on y est allé faire un tour que Paris vaut bien, mais pour lui administrer une mornifle dont la mémoire de François Mitterrand ne se remettra pas. C'est bien connu, le Québec en a à remontrer aux Français en matière culturelle, on ne va pas se gêner. Leur TGB, elle a tous les défauts ou presque, elle est dans le mauvais quartier, elle fourmille d'erreurs conceptuelles et architecturales, même les escaliers ne sont pas les bons, c'est vous dire. Toutefois, son principal problème est d'être d'abord une bibliothèque « d'étude et de recherche », ce qui n'est pas convivial. Mais puisque nous sommes si fins, pourquoi ne pouvions-nous pas, dans nos contrées, leur damer le pion en tentant de concilier l'excellence scientifique et le plaisir?

Le comité, qui a dès le départ enlevé le T de sa GB, affirme en introduction que ce sont « ses ambi- tions qui vaudront ce qualificatif de “grande” » à la bibliothèque. Ses ambitions, dans ce rapport, sont celles d'une grosse bibliothèque mise aux normes nord-américaines. Elles sont moyennes1.

Le projet de loi 403

Lorsque que le gouvernement péquiste présente le projet de loi sur la Grande Bibliothèque en décembre 1997, Lise Bissonnette se réjouit que l’État assume son rôle de « levier central d’importants développements », malgré un bon nombre de détracteurs. Bien que le projet ait été examiné minutieusement en commission parlementaire à l’automne précédent, elle regrette par ailleurs que le texte de loi soit une simple reproduction du rapport Richard.

Malgré un mandat qui lui donnait toute latitude, le comité2 s'est fixé d'étroites balises et y est demeuré; au lieu d'étudier tous les scénarios possibles, il s'est comporté en simple groupe de travail, qui examine les façons d'arrimer des établissements existants, la Bibliothèque nationale du Québec et la Bibliothèque centrale de Montréal, dans un nouvel immeuble dont la taille et les services répondent mieux aux besoins collectifs que les maigres installations actuelles. Le projet de loi porte la marque de cette timidité, qui fut celle de M. Richard devant tout équipement culturel quand il était ministre : la mission de la future GBQ manque d'ambition, et les perspectives de développement supplémen- taire sont inexistantes.

Même la commission parlementaire, trop focalisée peut-être sur les différents groupes d’intérêt qui ont défilé devant elle, a perdu de vue le concept de la GBQ lui- même, estime Lise Bissonnette.

Des groupes du milieu du livre sont venus saluer le projet bien bas et féliciter la ministre et le Premier ministre, si heureux de voir se profiler un grand projet qu'ils craignaient de le mettre en danger en le critiquant. Des groupes du milieu municipal sont venus disputer âprement les futurs budgets de fonctionnement et défendre les bibliothèques montréalaises de quartier, aujourd'hui affamées par le maire Bourque; ces questions exigeaient certes les réponses et engagements de la ministre mais elles passaient à côté du sujet principal. Des groupes du milieu universitaire sont venus donner leur béné-

1 Bissonnette, Lise, « La moyenne bibliothèque », Le Devoir, Les Arts, 13 sept. 1997, p. B3.

2 Le Comité (Richard) sur le développement d’une très grande bibliothèque.

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diction altière ou aimable au projet, soulagés qu'on ne cherche pas à les y associer. Des groupes d'usagers de la Bibliothèque nationale sont venus s'inquiéter de son envahissement par les hordes du grand public. Et l'opposition officielle, désireuse de démolir la chose sans avoir l'air barbare, a expé- dié au front son spécialiste des théories fumeuses, le député Pierre-Étienne Laporte, qui s'est enfui du côté des bibliothèques à puces, vaste Nintendo de la culture sans livres dont, paraît-il, les êtres intelli- gents devraient rêver. Bref, le concept, mis de l'avant par le comité Richard, est passé comme courriel, à peu près personne ne s'y étant intéressé.

Bien que l’éditorialiste approuve les visées de démocratisation du savoir et de la culture et du rôle

« grand public » attribué à la GBQ dans le projet de loi, elle reproche néanmoins le caractère nébuleux des autres fonctions assignées à la future institution.

[...] le rapport de la GBQ « à la culture et au savoir » reste indéfini; il ne passe pas, ou bien peu, par la culture et le savoir eux-mêmes, c'est-à-dire par leur développement. À part offrir aux chercheurs

« l'accès aux collections spécialisées », fonction qui sera héritée de la Bibliothèque nationale, la GBQ n'a aucune mission particulière touchant l'étude et la recherche. On doit comprendre qu'elle ne

« catalysera » surtout pas les institutions d'enseignement, notamment les collèges et universités de Montréal, qui garderont jalousement la clientèle étudiante de leurs bibliothèques. On devine, derrière les suggestions d'activités que contient le projet de loi, une peur bleue d'intimider le grand public si la GBQ ressemblait trop à une oasis où trouver le temps, les ressources et le climat du développement intellectuel. Il faut que ça saute1.

C'est une caricature que d'assimiler la future GBQ à un cybercafé, comme certains de ses critiques le font, mais elle paraît tentée par leur atmosphère. L'un des antidotes à cette tentation serait, en revoyant le texte de loi touchant la mission de l'institution, d'ouvrir une fenêtre sur des développe- ments ultérieurs, pour l'instant absents. Comme la bibliothèque sera vraisemblablement sise au Quartie r latin, au coeur d'un lieu d'étude et de culture, pourquoi son concept ne serait-il pas évolutif, ouvert à la création éventuelle d'une véritable cité des arts, de la littérature, de la communication, qui comprenne des volets de formation et de recherche, peut-être même repris des universités qui ont tendance à négliger de plus en plus leur vocation culturelle pour privilégier l'enseignement profes- sionnel?

Le choix du site

Le débat acerbe sur le site de la future GBQ se fait principalement entre deux2 emplacements situés au centre-ville de Montréal : le premier, celui dit du « Palais du commerce », rue Berri à deux pas de la station de métro Berri-UQAM, juste au nord de l’UQAM, au coeur du Quartier latin; le second, à l’ouest de la Place des arts, avec façade rue Sainte-Catherine (l’îlot Balmoral).

En octobre 1997, Lise Bissonnette se déclare en faveur du site Berri-UQAM et estime qu’il a tous les atouts, entre autres, la possibilité d’un développement ultérieur. C’est finalement le site qui sera choisi.

Les lignes de métro y convergent toutes et peuvent donc y amener les Montréalais et les banlieusards en grand nombre, attrait majeur pour une bibliothèque qu'on veut conviviale et largement fréquentée, véritable obsession du comité. Comme notre « grande » bibliothèque sera de taille plutôt modeste − avec 80 millions, on ne bâtit pas une cathédrale − mais qu'il serait prévoyant de penser à une expan- sion à l'ère du post-déficit zéro, le lieu est vaste et pourrait accommoder un jour une véritable Cité des

1 Bissonnette, Lise, « À la recherche d'un souffle/La Loi sur la Grande Bibliothèque souffre d'un concept trop timide et limité », Le Devoir, Éditorial, 19 déc. 1997, p. A10.

2 Bien que l'Étude pour le choix d'un site, produite par la Société immobilière du Québec (SIQ), en dénombre neuf au départ.

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lettres dans une ville qui a fait le plein de théâtres, de salles de spectacle et de musées mais dont la culture du livre est éparpillée à tous vents.

Berri-UQAM, comme le nom le dit, c'est d'ailleurs au coeur de ce qui fut autrefois un vrai Quartier latin à Montréal et qui peut, et qui doit le redevenir. L'UQAM y a élevé ses pavillons entre les stationnements, les clubs de sexe, quelques taudis, les vendeurs de pointes de pizza et les buvettes de la rue Saint-Denis, sans parler des commerces illicites des ruelles adjacentes. Maintenant que l'Uni- versité pose ses dernières briques, le plus évident des devoirs publics est de planifier la revalorisation du quartier. Il a plus que de beaux restes et il est le seul, à Montréal, à pouvoir devenir un carrefour de la vie intellectuelle, avec cafés, librairies, cinémathèque, parc urbain, mansardes romantiques et terrasses où l'on cause, lit ou écrit. La magnifique salle de lecture de la succursale Saint-Sulpice de la Bibliothèque nationale pourrait être reliée de quelque façon à notre TGBQ et les étudiants du cégep du Vieux-Montréal découvriraient peut-être, qui sait, un monde d'esprit et l'esprit d'un monde qui leur est destiné1.

Mme Bissonnette dénonce la SIQ et le président du conseil provisoire de la Grande Bibliothèque qui sont « pro-site Balmoral »; elle précise par la même occasion que le Palais du Commerce, propriété du secteur public, en l’occurrence, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, pourrait être cédé à bon compte.

[...] la Société immobilière du Québec2, qui prépare la recommandation du site et devant laquelle le gouvernement semble s'incliner d'avance, elle penche très nettement en faveur de la Place des Arts, selon mes sources hélas assez sûres. On me jure que ça n'a rien à voir avec le fait que le président du conseil provisoire de la Bibliothèque, Clément Richard, est aussi président de la PDA et qu'il aimerait bien bâtir dans son voisinage. Ce ne serait qu'une « question de coût », argument qui annule tout autre. Le site est en solde. Le propriétaire du terrain, qui veut s'en débarrasser depuis des années, offrirait même de payer la démolition de l'immeuble qui borde la rue Sainte-Catherine. Alors, pour profiter d'une « belle vente », on s'apprêterait à acheter un lieu d'occasion et à ficher tout simplement la bibliothèque dans un quartier de spectacles et d'affaires où elle sera éternellement à l'étroit et hors de son milieu naturel3.

L’idée se concrétise

Le projet de la Grande Bibliothèque et la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec

La Grande Bibliothèque est désormais rattachée à la Bibliothèque nationale du Québec, mais le concept de cette nouvelle institution demeure mal connu, estime Lise Bissonnette, actuellement présidente-directrice générale de la « nouvelle » Bibliothèque nationale, son mandat ayant été renouvelé en mars 2002 pour les cinq prochaines années.

La nouvelle Bibliothèque nationale du Québec représente un an et demi de cheminement législatif. Le 4 mars 2002, lorsque l'équipe de planification de la Grande bibliothèque du Québec et moi nous nous sommes installé s rue Holt, siège de la Bibliothèque nationale du Québec c'était la confusion totale

1 Bissonnette, Lise, « Pour un Quartier latin », Le Devoir, Les Arts, 25 oct. 1997, p. B3.

2 Ultérieurement, en mars 1998, Mme Bissonnette conteste l'Étude pour le choix d'un site, produite par la Société immobilière du Québec (SIQ) à la demande du Conseil provisoire de la future Grande Bibliothèque du Québec. Voir Bissonnette, Lise,

« Maquignonnage/L'évaluation des emplacements de la Grande Bibliothèque en dévalue le projet », Le Devoir, 25 mars 1998, p. A8.

3Ibid.

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face à la notion de nouvelle Bibliothèque nationale. Depuis 1998, nous avions insisté sur la distinc- tion entre la GBQ et la BNQ, qui étaient souvent confondues. Au moment où nous avions enfin réussi à établir auprès du public le terme « Grande Bibliothèque du Québec », le gouvernement décrète la fusion des deux institutions. Cela a totalement embrouillé les gens. Il nous fallait entreprendre une nouvelle explication, le contraire de la première…

La fusion

Dans un premier temps en 1998, l'Assemblée nationale du Québec adopte la Loi sur la Grande Bibliothèque du Québec donnant ainsi le coup d'envoi au projet de la GBQ. En 2001, essentiel- lement pour des raisons d'économie, le gouvernement québécois dépose une loi de fusion de la GBQ et de la Bibliothèque nationale du Québec (BNQ), la Loi 160 sur la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec. La loi se matérialisera en 2002 par le regroupement du personnel des deux institutions (GBQ et BNQ) et une fusion administrative et informatique, dont celle d’un site Internet unifié. Les deux institutions forment alors la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec (voir l'annexe 4). La BNQ, déjà en place depuis 1967, assure la conservation du patrimoine docu- mentaire québécois passé et actuel. Lors de son ouverture en 2005, la Grande Bibliothèque assu- rera la diffusion de ce patrimoine, elle donnera à tous un accès gratuit à ces richesses na tionales, mais aussi aux vastes ressources et services « d'une bibliothèque à vocation universelle1 ». Le texte de loi prescrit d'ailleurs une structure distinguant les deux vocations-clés, conservation et diffusion. Lise Bissonnette l'explique en ces termes :

La loi dit clairement qu’on doit retrouver à la BNQ une direction de la conservation et une direction de la diffusion. J’étais pleinement d’accord avec le législateur quant au fond de cette question et aussi parce qu’il fallait atténuer l'inquiétude que la fusion créait dans le milieu : en bibliothéconomie, la conservation et la diffusion sont deux choses différentes. On ne peut sans problème réunir les secteurs sous une même direction. En inscrivant cette obligation dans la loi, on empêche qu’un admi- nistrateur décide un jour de fondre les deux vocations, ce qui serait une ineptie. Je crois que c'est une excellente structure.

L'adieu de Lucien Bouchard à la vie politique ainsi que, à l'époque, la fusion des villes ont décalé l’adoption de la Loi 160 sur la nouvelle Bibliothèque du Québec. Le délai de un an et demi a permis, entre autres, à l’équipe de transition, présidée par Lise Bissonnette, de préparer à l'avance les politiques administratives, d'élaborer le nouvel organigramme de planification.

Nous avons fusionné l'administration, les ressources humaines, toute l'informatique et la télécommu- nication avant même notre déménagement rue Holt. Il faut dire que nous avons obtenu beaucoup de collaboration des gens déjà en place à la Bibliothèque nationale. La fusion par ailleurs change complètement les choses pour les initiateurs de la Grande bibliothèque. Nous étions auparavant une équipe de planification. Nous travaillions pour ainsi dire en reclus dans nos bureaux respectifs.

Aujourd'hui, nous gérons une bibliothèque desservant une clientèle, des chercheurs, des usagers de nos immeubles de la rue Saint-Denis et de l'Esplanade2. Nous avons aussi hérité de syndicats, nous n'en avions pas à l'origine, ainsi que de la gestion de trois bâtiments! Nous devons donc disposer d'une direction des immeubles. À l’époque de la GB, notre équipe n’atteignait pas 60 personnes.

Nous nous retrouvons aujourd'hui avec quelque 220 employés.

1 La nouvelle Bibliothèque nationale – Les rayonnements de la mémoire, p. 3.

2 Édifice Saint-Sulpice, rue Saint-Denis et Édifice Aegidius-Fauteux, avenue de l’Esplanade à Montréal.

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Malgré le surcroît de responsabilités, j'étais très heureuse de la décision du gouvernement de réaliser la fusion. Je ne l'ai pas sollicitée, mais j'ai toujours considéré qu'il devrait y en avoir une. Je ne m'attendais pas à cela cependant. J'étais très occupée durant l'année 2000, qui fut celle du concours international d’architecture et de la véritable planification de la construction du bâtiment, et la déci- sion gouvernementale a été une véritable surprise pour moi. D'autre part, on ne nous a pas octroyé de ressources supplémentaires pour réaliser la fusion et nous avons dû assumer le surplus de travail que cela suppose.

La tâche est, par ailleurs, intellectuellement passionnante! Le projet de la Grande Bibliothèque , c'était bien. Il concernait les services, les collections, les prêts, etc. Au départ, la partie publique de la collection nationale était destinée à GB et nous n'étions pas responsables du développement de la collection nationale, de son aspect scientifique, de la recherche et des fonctions de conservation1 comme nous le sommes maintenant depuis la fusion. Alors, le fait qu'on nous ait demandé d'endosser aussi la responsabilité de la Bibliothèque nationale, cela a été pour moi un cadeau.

À la recherche de modèles

Lise Bissonnette confie qu'elle recherche des modèles depuis toujours. À la suite de l’adoption de la Loi 160 qui regroupe la BNQ et la GBQ, il a fallu déterminer ce que deviendrait la nouvelle Bibliothèque nationale du Québec. Le milieu de la bibliothéconomie restait sceptique face à la pertinence de la fusion, doutant de la possibilité de gérer la double vocation (conservation et diffusion) des deux bibliothèques.

La tendance, un peu partout dans le monde, est au métissage des genres en matière de biblio- thèques, et les bibliothèques patrimoniales, ou de recherche, s’ouvrent à de plus larges publics, comme le fait depuis longtemps la pionnière qu’est la New York Public Library, un établissement qui l’a beaucoup inspirée2. Le directeur de bibliothéconomie à la GBQ, Yvon-André Lacroix rappelait souvent que certaines bibliothèques, sans être nationales, sont quand même patrimo- niales et disposent de collections historiques extraordinaires, bien plus importantes que celles du Québec, mais elles sont aussi des bibliothèques publiques, souvent municipales. De passage à New York en préparation de la Saison du Québec, Lise Bissonnette visitera la Bibliothèque municipale de la ville, le meilleur exemple de ce mélange réussi des genres.

La Bibliothèque municipale de New York renferme des collections de recherche presque aussi importantes que celles de la Bibliothèque de France. Elle offre dix millions de livres, quatre grands centres de recherche, des research libraries. Le président de la bibliothèque, M. Leclerc, m'a recom- mandé de ne jamais mêler les deux vocations de l'institution. Il a insisté : « Les bibliothécaires du centre de recherche sont des scientifiques; ce sont des gens qui travaillent sur des collections, qui les enrichissent. Les autres bibliothécaires se trouvent ailleurs dans les succursales avec le grand public, et l’organisation va très bien. Faites un noyau central, m'a-t-il recommandé, ressources humaines, administration, informatique, un seul portail Internet, mais ne mêlez surtout pas les types de biblio- théconomie. »

La Bibliothèque nationale de France représente également une source importante d’inspiration pour la directrice. Dans ses éditoriaux sur le projet de la GBQ, Lise Bissonnette s’est abondam-

1 Rôle dévolu avant la fusion à la BNQ.

2 Et une visite à la British Library de Londres avait ravivé au centuple sa foi déjà profonde en les grandes bibliothèques, écrit-elle en mai 1998 (Toujours la passion du présent, p. 250).

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ment référée à la BNF. Aujourd’hui encore, elle demeure enthousiaste face à l’institution, elle est d’ailleurs membre de son conseil scientifique, par décret du gouvernement français.

Je me porterai toujours à la défense de la Bibliothèque nationale de France [BNF], indépendamment du fait que le gouvernement québécois sourcille chaque fois qu’on fait une comparaison avec la BNF.

Il est vrai qu'elle a affronté de graves problèmes mais évitons de confondre l'institution avec le bâti- ment. On l'a beaucoup critiquée alors qu’elle est la meilleure bibliothèque nationale du monde. Peu importe l'emplacement, il faut apprécier ses programmes, ses institutions, ses collections, son rayon- nement, son travail. C'est la meilleure bibliothèque nationale avec la British Library. Mais, la BNF rayonne davantage à travers le monde.

Donc, je me suis inspirée du modèle de la BNF et je l'ai suggéré au gouvernement du Québec, car elle crée une masse critique, un levier de taille pour l’ensemble du milieu des bibliothèques, de la docu- mentation, de la culture. Depuis, on m'associe à la BNF. Les gens me disent encore, vous vouliez faire la Bibliothèque de France. Et je dois parfois affronter les commentaires… Mais je ne renierai jamais ma réflexion d’origine.

La construction de la Grande Bibliothèque de Québec L'aventure débute

Débute une véritable aventure lorsque que le gouvernement Bouchard confie à Lise Bissonnette, durant l'été 1998, la responsabilité de réaliser le projet de la GBQ, dont le bâtiment est la partie la plus visible. Une fois en poste, Lise Bissonnette constate que les rebondissements sont nombreux et présentent un intérêt certain du point de vue de la gestion, notamment. La réflexion, l’expé- rience, la recherche de modèles, le soutien de l’entourage se révèlent des éléments déterminants dans la poursuite du projet. Tantôt, une de ses connaissances lui transmettra un renseignement essentiel susceptible de changer l'évolution du projet; à un autre moment, un proche mentionnera une source d’information technique permettant d’affronter les opposants avec plus d’assurance;

ou encore, des collaborateurs appréciés et expérimentés dans leur domaine alimenteront sa vision, évoqueront des « possibles innovateurs ». Le texte de loi lui- même offre des balises utiles, parfois inspirantes. Lise Bissonnette décrit ses débuts en tant que présidente-directrice générale.

J’étais tout à fait seule au début du projet de la GBQ, et ce fut un privilège. Du point de vue de la gestion, cela comporte un grand avantage mais qui renferme son lot de difficultés. Je n'avais au point de départ que deux documents de base : le rapport Richard1 et le Programme des espaces et activités de l’édifice, préparé par le Conseil provisoire de la Grande Bibliothèque, il s’agissait d’un programme technique.

J’avais en main deux dossiers, c’est tout. Je ne disposais pas de conseil d’administration, ni même d'employé. J’ai embauché temporairement une secrétaire le temps que j'en trouve une permanente. La difficulté est grande dans une telle situation parce que tout est à bâtir ou presque. Je ne prétends pas que le travail du Conseil provisoire était négligeable mais ces gens-là n'étaient plus en fonction et je me retrouvais seule avec des documents un peu contraignants. J'ai donc embauché tous mes princi- paux adjoints qui, sauf une personne, sont encore ici aujourd'hui, tous cadres supérieurs. Je ne procé- dais pas par affichage mais par consultation approfondie.

1 Rapport du Comité Richard. « Pour une Grande Bibliothèque du Québec », Assemblée nationale du Québec, 1997.

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Premier problème : la Société immobilière du Québec

Le différend avec la SIQ1 requiert beaucoup de temps durant toute l’année 1999. La situation à certains moments est si pénible que Lise Bissonnette doute de la pertinence de demeurer en poste.

Un dénouement imprévu résout finalement le problème.

La direction de la SIQ avait la conviction qu'elle allait construire la Grande Bibliothèque. Le prési- dent Jean Vézina2 l'avait même écrit dans le rapport annuel de la société. Ce dernier y affirmait que l'État québécois lui faisait confiance et que la SIQ allait bâtir la GB. Les représentants du gouverne- ment le pensaient aussi. La sous-ministre de Louise Beaudoin3 à l'époque, Mme Tremblay, tenait pour acquis que la SIQ construirait. De mon côté, je croyais que c'était obligatoire, puisque c'est la SIQ qui exécute normalement les projets du gouvernement québécois.

Tous croient que la SIQ assumera la responsabilité d'édifier la GB jusqu'au jour où une connais- sance de Lise Bissonnette lui transmet une information qui ébranle les certitudes.

Un jour, un sous-ministre adjoint que je connais bien m'avise que la loi ne m'oblige pas à recourir aux services de la SIQ. Plusieurs me déconseillaient fortement d'utiliser ses services pour un bâtiment d’une nature aussi particuliè re, dont nous devions conserver le contrôle. J'examine l'article de loi en question à la loupe : « La Grande Bibliothèque peut construire… etc., etc. » Nulle part, il était question de la SIQ. Il semble qu’il s’agissait d’une omission technique, au moment de la rédaction du projet de loi. Je ne le saurai jamais clairement mais j’ai décidé de m’appuyer sur la loi telle que rédigée.

La situation marque le début d’un épisode éprouvant pour la direction de la GB. Tous ceux qui sont concernés par le projet retiennent leur souffle durant les six mois qui suivent : Lise Bissonnette et son équipe attendent le décret de la construction du gouvernement, ce qui leur permettrait de construire et fournirait le budget nécessaire. Les gens de la SIQ, de leur côté, sans doute rassurés par la lenteur des rouages législatifs et surtout par la promesse de la sous- ministre Tremblay, présument encore qu’ils « construiront ». Entre-temps, Lise Bissonnette reçoit un appel du président-directeur de la SIQ, Jean P. Vézina, qui souhaite la rencontrer.

J’étais quelque peu embêtée de recevoir M. Vézina parce que la construction n'est pas mon domaine.

Devant mon inconfort, un proche me conseille de communiquer avec le directeur de la construction de l'UQAM, Jean Roy. « Tu verras, il est très bon, m'affirme-t-on. Il a produit tous les pavillons avec les budgets prévus. » C'est ainsi que je sollicite l'aide de Jean Roy qui me donne un cours-synthèse accéléré en quelque sorte.

Cela a été extraordinaire. Durant toute une journée au service de s immeubles de l'UQAM, Jean Roy m'explique les modes de construction, les lots, etc., juste assez pour être en mesure d'échanger avec M. Vézina.

À la fin de la journée, M. Roy m'offre son aide. Comme il n’avait plus de pavillon à construire, j'ai pensé qu'il serait éventuellement un excellent directeur de construction.

Je rencontre Vézina le lendemain. Alors que cela ne devait être qu'une visite de politesse, il propose un ordre du jour en bonne et due forme. Tout en lui rappelant qu'il s'agit d’une simple visite de courtoisie, je lui fais part de mon intention d'embaucher une direction de la construction.

1 Site : http://www.siq.gouv.qc.ca

2 Jean P. Vézina, président-directeur général.

3 Ministère de la Culture et des Communications.

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Il rétorque que je n'en ai pas besoin, ce qui sous-entend qu'il vise le contrôle absolu des opérations.

Cela est une erreur fondamentale, du machisme, du genre : « Mettez donc les livres sur les rayons, moi je vais vous la construire votre bibliothèque, ma petite dame… » Je précise que, de toutes manières, quelle que soit l'issue du différend, j'aurai besoin d'un directeur de la construction.

Débute alors une bataille larvée qui retardera le projet, l'instauration du concours d'architecture, le début des travaux de construction, etc., de six mois. La situation est périlleuse, mais un événe- ment inattendu se produit.

Personne ne me parlait plus, on était contrarié. On prétextait qu’il y avait des élections, qu’on ne pouvait pas statuer... Mais l'affaire du Palais des congrès, un boycott des appels d’offres de la SIQ par les architectes et les ingénieurs, a changé la conjoncture; elle a littéralement sauvé la situation. On n’a pas voulu risquer une répétition de ces difficultés à la GBQ et on nous a enfin confié la gestion de la construction, en partenariat avec le ministère de la Culture et des Communications qui siège à un comité bilatéral de suivi.

Le décret de la construction est finalement promulgué en janvier 2000 au grand soulagement de Lise Bissonnette et de son équipe, mais les longs mois d’attente ont été féconds.

Cela nous a permis de parfaire le programme. Nous avons beaucoup ajouté au concept orig inal. Une fois le contrôle de la construction acquis, nous avions la marge de manœuvre nécessaire pour raffiner le projet. L'année 2000 a été très intéressante. À partir du document préparé par le conseil provisoire, nous ajoutions des éléments, nous réflé chissions à ce que sont les bibliothèques d'aujourd'hui, à ce que seront ces institutions dans l'avenir.

Nous jouions le rôle de prospecteur pour ainsi dire. Nous avons visité des bibliothèques à l'étranger, nous avons lu, réfléchi, consulté, non seulement des experts, mais aussi les gens du quartier. Des rencontres de toute nature ont été organisées avec eux afin de connaître leurs attentes. Les questions d'urbanisme également ont été des sujets nécessaires de réflexion. Il fallait éventuellement indiquer aux architectes la façon dont nous souhaitions que la GB s'implante dans le quartier.

Malgré la marge de manoeuvre acquise par le décret de la construction, tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Le premier conseil d’administration donne du fil à retordre.

Autre problème : le premier conseil d’administration

La nomination de Lise Bissonnette par le gouvernement Bouchard, en juin 1998, en tant que maître d'œuvre de la GBQ, en déçoit certains œuvrant déjà en bibliothéconomie et qui comptaient jouer un rôle de premier plan dans le projet.

Je me suis heurtée à de grandes difficultés avec mon premier conseil d’administration. Certains prenaient avantage du fait que je n’étais pas formée en bibliothéconomie pour me déstabiliser lorsqu'on abordait des notions spécialisées. Cela a été vraiment très dur. J'avais heureusement déjà travaillé avec un conseil d'administration costaud. La situation du Devoir avait parfois été difficile, même si les gens faisaient preuve de bonne volonté. Dans la condition présente, il fallait absolument éviter tout vote de non-confiance. Après quelques soubresauts, notamment sur l’organisation des collections, où j’ai réussi à convaincre la majorité du conseil en allant chercher des appuis chez les éditeurs et les écrivains, les choses se sont calmées.

Somme toute, l'année 1999 a été particulièrement difficile, si on considère les problèmes avec le conseil d'administration et l'hésitation du gouvernement face au contrôle de la construction.

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Première embauche : le directeur de la construction

La décision de recourir aux services d’un directeur de la construction avait été prise dès le départ, nonobstant la décision du gouvernement face à la SIQ.

Même si la SIQ avait construit la Grande Bibliothèque, je me serais assurée d’une présence compé- tente auprès de moi; je ne connaissais pas le domaine. Jean Roy est la première personne que j'ai recrutée comme cadre, au poste de directeur de la construction1. J’ai conclu une entente très avantageuse avec l'UQAM. J'ai obtenu un contrat de service m'octroyant les services de M. Roy et de son équipe. Il avait une vaste expérience de la construction institutionnelle et disposait d'une bonne équipe. Les coûts étaient raisonnables et l'accord convenait aussi à l'UQAM. L'Université n'avait plus de pavillons à construire.

Lise Bissonnette embauche ensuite Monique Goyette en tant que directrice générale de l’adminis- tration et des services internes. Vinrent ensuite Ghislain Roussel, en tant que secrétaire général et directeur des affaires jurid iques, puis Yvon-André Lacroix à la direction générale de la biblio- théconomie. Lise Bissonnette a constitué le premier noyau de la GBQ à partir de ces quatre personnes qu’elle considère des cadres de haut niveau.

La nouvelle Bibliothèque nationale du Québec

La nouvelle Bibliothèque nationale du Québec regroupe la Bibliothèque nationale du Québec actuelle et la Grande Bibliothèque du Québec (GBQ). La BNQ2, créée en 1967, acquiert par dépôt légal3l’ensemble des nouveaux documents publiés au Québec : « livres, revues et journaux, docu- ments cartographiques, livres d’artistes, partitions musicales, estampes, affiches, reproductions d’œuvres d’arts, cartes postales, enregistrements sonores, logiciels et microformes ». Elle possède une collection quasi complète du patrimoine documentaire québécois à la suite de nombreuses acquisitions rétrospectives. Elle détient plus de quatre millions de documents : du premier livre publié au Québec jusqu’au plus récent cédérom québécois4. La BNQ assure des services spéciali- sés en traitant (désacidification du papier) 15 000 volumes par an; en restaurant des documents (cartes géographiques, reliures anciennes et contemporaines, etc.); en reproduisant des milliers de pages de textes et d’images d’exemplaires uniques sous formes de microfilms, photographies, etc.; en rangeant plus de 75 000 documents.

À partir de 2005, la Grande Bibliothèque du Québec (GBQ)5, située au centre-ville de Montréal, offrira un service libre et gratuit et répondra autant aux besoins des enfants qu'à ceux des chercheurs spécialisés. Elle présentera les collections de la BNQ, 340 000 livres notamment, 450 000 livres et revues de la Bibliothèque centrale actuelle, ainsi que 475 000 acquisitions (voir l’annexe 3). On y retrouvera par ailleurs des services spécialisés, tels qu’un « centre de confé-

1 Voir l'annexe 2.

2 Sise à Rosemont, rue Holt.

3 Dépôt légal : l’obligation légale pour l’éditeur publiant au Québec de fournir (généralement) deux exemplaires de tous ses ouvrages. Le premier est intégré à la conservation (gardé en permanence à la BNQ dans des conditions optimales de préservation); l’autre exemplaire est intégré à la collection patrimoniale québécoise de la BNQ et est accessible au public.

4 La nouvelle/Bibliothèque nationale/Les rayonnements de la mémoire, Bibliothèque nationale du Québec, Montréal, 2002, p. 4- 8-9.

5 La Grande Bibliothèque du Québec désigne l’édifice actuellement en construction sur le boulevard de Maisonneuve à Montréal.

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rences, une centre emploi-carrière, un centre de services aux nouveaux arrivants et un guichet de livres adaptés pour les personnes atteintes d’handicaps visuels1 ».

La recherche scientifique

Lise Bissonnette a créé récemment à la BNQ une nouvelle direction qui se consacrera à la recherche scientifique, sur les collections, une mission que ne se reconnaissait pas la BNQ jusque- là. La présidente-directrice générale désire que l’institution s’inscrive comme les autres bibliothèques nationales du monde à la recherche patrimoniale et à la coopération universitaire;

que la BNQ soit en mesure de promouvoir le patrimoine québécois. Auparavant, la BNQ accueil- laient les chercheurs mais ne travaillait pas avec eux.

Le papier et le numérique

Le numérique offre d'incalculables avantages en ce qui a trait au domaine de la bibliothéconomie.

Il permet en outre d'aller hors les murs. D'autant que la loi impose un mandat territorial autant à la BNQ et à la GBQ.

L’architecture électronique de la bibliothèque coûte 17 millions. Nous créons un entrepôt de données permettant d’aider les bibliothèques publiques à travers tout le Québec. Nous leur proposerons éven- tuellement de gérer les données, les analyses statistiques, la fréquentation de la clientèle, etc. La BNQ sera un centre de ressources professionnelles. Cela prend vraiment une dimension extraordinaire! Un consortium formé de CGI et de Biblio Mondo construira l'infrastructure pour cinq millions; il s'agit de solutions éprouvées bien qu’il y ait une part qui soit innovante.

De plus, les bibliothécaires sont les personnes qui utilisent le plus intelligemment les nouvelles technologies dans le monde. Ils en font un usage constant. Ils se parlent une langue à eux, avec des formats universels. Si on consulte la bibliothèque de Lituanie, on peut comprendre son contenu... Les bibliothécaires de la planète ont un langage codé, ils se comprennent et travaillent en vastes réseaux, c'est fabuleux! Donc, les technologies, pour le monde des bibliothèques, c'est essentiel.

D’opposer le numérique au papier est un faux problème, considère Lise Bissonnette. Les supports s’additionnent au lieu de s’éliminer. On numérise actuellement tout ce qui est document de référence; ce qui change souvent, soit les codes de loi, les encyclopédies, les publications scienti- fiques, etc.

De plus en plus, les travaux des universitaires sont présentés électroniquement. Mais comment doit- on les archiver compte tenu du fait que les supports ne sont pas stables? Ceux qui travaillent dans ce domaine l'affirment. Ils vont devoir transposer constamment : comme on le fait pour les disques...

Donc, quand vous numérisez tout, vous courez le risque d'avoir à tout refaire dans un court laps de temps. Alors les gens restent extrêmement prudents lorsqu'il s'agit du numérique. Le seul support qui a traversé le temps, depuis des siècles, c’est le papier…

Le catalogue complet de la nouvelle BNQ sera accessible sur Internet ainsi que des dizaines de milliers de documents numérisés. À l’automne 2002, en outre, 30 000 livres, enregistrements sonores, cartes postales et affiches étaient déjà disponibles en format numérique. La BNQ vise la mise en commun des catalogues électroniques des bibliothèques publiques du Québec dans le but d’offr ir aux usagers un accès simplifié à l’ensemble des ressources documentaires disponibles sur

1 La nouvelle/Bibliothèque nationale/Les rayonnements de la mémoire, p. 5.

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le territoire. L’architecture électronique élaborée permettra, entre autres, de mieux évaluer la demande et le développement des services; les liens avec les ressources électroniques d’autres institutions internationales faciliteront d’autant l’accès à la recherche1.

Ainsi, lors de l’ouverture de la GBQ, la nouvelle Bibliothèque nationale se centrera sur trois axes principaux, soit la conservation du patrimoine québécois, sa diffusion et celle de la culture contemporaine d’ici et d’ailleurs, ainsi que les services en ligne qui permettent l’accès aux ressources de la BNQ.

La Grande Bibliothèque du Québec : le bâtiment2

Érigé dans le Quartier latin, à l’angle du boule vard de Maisonneuve et de la rue Berri à Montréal, l’édifice de la GBQ de plus de 33 000 mètres carrés endossera un fini extérieur de verre et de cuivre, tandis que l’intérieur « sera réchauffé par un usage extensif de bois dans une structure de béton apparent ». Réalisée par le regroupement d’architectes Patkau/Croft-Pelletier/Menkès Shooner Dagenais, de Vancouver, Québec et Montréal, le bâtiment, « conçu avec une structure apparente de cadres rigides en béton », comporte six niveaux et abritera des ambiances diffé- rentes : « des perspectives ouvertes aux petites salles intimistes ». Le bâtiment abritera une salle d’exposition et un auditorium de 300 places, ainsi que des espaces de lecture et de recherches offrant 2 000 places assises et 400 postes informa tiques multimédias.

La GBQ permet une flexibilité des aménagements et un degré élevé de confort. La ventilation, le câblage électrique et informatique occuperont les espaces vides sous les planchers, favorisant ainsi « une efficacité énergétique accrue, l’entretien, la mise à jour des infrastructures et, éven- tuellement, le réaménagement des lieux selon l’évolution des besoins ». Les visiteurs auront accès à un café-restaurant ainsi qu'à un passage intérieur vers la station Berri- UQAM.

Dans une perspective d’intégration des arts à l’architecture, une sculpture extérieure, boulevard de Maisonneuve, deux murales, intérieure et extérieure, ainsi qu’une oeuvre dans les jardins extérieurs font l’objet de quatre commandes publiques mises en concours.

Les budgets

Le budget de la construction

Lorsque nous avons obtenu le décret, le budget de construction était de 90,6 millions de dollars.

Quelque temps après, près de huit millions se sont ajoutés pour construire le stationnement; il s'agit d'un budget séparé, parce que dès l'ouverture, il doit s'autofinancer.

Des frais supplémentaires imprévus s’ajoutent finalement au budget initial de la construction. Le gouvernement québécois consent, au cours de l’automne 2002, à augmenter de sept millions de dollars le décret de construction prévu, c’est-à-dire qu’il hausse l’autorisation d’emprunt de la direction de la BNQ. Il ne s’agit aucunement de fournir une autorisation pour chaque contrat, mais d’un montant global qui servira à couvrir des dépenses inattendues.

1 La nouvelle/Bibliothèque nationale/Les rayonnements de la mémoire, Bibliothèque nationale du Québec, Montréal, 2002, p. 5.

2 Idem, p. 19-23.

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La construction proprement dite est finalement de 94 millions de dollars en incluant les équipements intérieurs. Nous avons procédé en trois lots successifs de constructio n : la démolition du Palais du commerce qui se trouvait sur les lieux, l’excavation et les fondations, finalement le bâtiment lui- même, le plus important contrat, octroyé à la fin de 2002. Le premier soumissionnaire de ce lot, Axor Construction Canada, excédait de deux millions les prévisions et la firme Pomerleau, de quatre millions de dollars. Ce dernier a finalement obtenu le contrat parce que le premier soumissionnaire s’est désisté et nous sommes actuellement en litige. Les gens l'ignorent mais la somme totale, moins de 100 millions $ CAN, représente de loin le meilleur prix qu'on puisse trouver au mètre carré en Amérique du Nord relativement à des bâtiments du même ordre.

Le dépassement venait aussi des taxes municipales auxquelles nous devions échapper jusqu’à ce que la Commission municipale statue mais l’administration Bourque a changé de position en cours de route. Les comptes de taxes ont été émis et nous avons dû les acquitter. La dépense est imputable à la construction jusqu'à l'ouverture.

Il faut compter également les frais de financement du Palais du commerce. Le délai écoulé entre le moment de l'achat et celui où on a démoli le bâtiment a été un peu plus long que prévu. La SIQ l’administrait auparavant et elle a réclamé 500 000 dollars. Cette fois encore, il a fallu l’ajouter au budget de construction, même s'il ne s'agit pas de la construction proprement dite. C'est pourquoi notre autorisation d’emprunt a été haussée à 97 millions de dollars. Le dépassement est vraiment minime, en pourcentage, eu égard au budget de départ.

D’autres budgets destinés au démarrage de l’institution

D'autres budgets en capital sont prévus dont celui de 12,7 millions de dollars consacrés à l'archi- tecture électronique qui desservira l'ensemble du Québec. Chaque année, de 65 à 70 000 livres, en plus d’autres documents, seront achetés. Il est également nécessaire de constituer les collections. Il faut les traiter, inventorier celles qui existent déjà, effectuer des conversions de cotes, etc. Près de 14 millions de dollars d’ici l’ouverture seront consacrés à la préparation des collections. Cela exclut les achats de documents dont le montant s'élève à 17,2 millions de dollars.

Alors, nous atteignons presque les 150 millions de dollars au total lorsque nous comptons l’architec- ture électronique, des achats de nouveaux livres, la conversion de la collection nationale , la prépa- ration pour la mettre à la disposition du public, le traitement du deuxième exemplaire du dépôt légal.

Budget de fonctionnement actuel et à l’ouverture

Avant la fusion, le budget de fonctionnement de la Bibliothèque nationale se chiffrait à environ dix millions de dollars. Nous avons embauché 80 personnes depuis un an. Nous touchons maintenant les 16 millions et nous passerons à 20 probablement l’année prochaine. Nous préparons les analyses du budget d’ouverture, qui sera certainement plus élevé.

Si on compare la BNQ et d’autres institutions culturelles du secteur public, comme les musées par exemple, on constate l’écart imposant qui existe entre les ressources disponibles, tant en matière de ressources humaines que financières. Éventuellement, la Bibliothèque nationale jouira du budget de fonctionnement le plus imposant des institutions culturelles du secteur public québécois.

À l'ouverture, il est prévu que la BNQ comptera 440 employés. Il n'y a pas un musée, une institution culturelle au Québec qui dispose d’autant de ressources humaines. Cela est dû à notre double mission, patrimoniale et publique, et à notre mission territoriale, qui ressemble à celle de la Direction du livre

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et de la lecture en France. Il est donc normal que notre budget dépasse celui des musées d’État, dont les activités ne sont pas aussi diversifiées, tant dans leurs missions que dans leur rayonnement sur tout le territoire.

L’idée se propage

Lise Bissonnette s'assure de créer des liens entre les différents milieux culturels et la BNQ. Elle est consciente du fait qu'il est insuffisant de lancer un projet aussi valable qui soit, sans le faire connaître. La présidente-directrice conçoit des événements, provoque des rencontres, les orga- nise. C'est ce qu'elle appelle son « pla n de présence ». L'automne dernier, la BNQ a publié une brochure concernant la nouvelle institution. Le lancement a eu lieu à Montréal : une centaine de personnes du milieu culturel étaient invitées, 60 ont répondu à l'invitation. Lise Bissonnette a expédié des exemplaires aux députés, aux ministres d'ici, ainsi qu'aux représentants des milieux concernés en Europe. Elle en a, en outre, distribué lorsqu'elle a assisté à l’inauguration de la bibliothèque d’Alexandrie en octobre dernier.

Créer un lien et un lieu

Je rencontre présentement les milieux de la chaîne du livre. Depuis la fusion, nous disposons des vastes locaux de la Bibliothèque nationale. J'invite ces groupes, je leur propose les salles de réunion de la BN. L'institution est présente également dans tous les salons du livre, les salons du livre régio- naux inclus. Mon équipe et moi organisons des rencontres avec le plus de gens possible : les repré- sentants du milieu de la culture, du livre, de l'éducation, etc. Nous leur présentons la Bibliothèque nationale et tous les services qu'elle offre.

Je me préoccupe du milieu de l'édition notamment. J'ai lancé un projet sur la mémoire de l'édition au Québec. Les éditeurs n'ont pas d'archives et ils ne se sont jamais souciés d'en aménager. Afin de les sensib iliser à l'importance du sujet, j'ai invité à Montréal le directeur adjoint de l'Institut de mémoire de l'édition en France, un Québécois, et j'ai convié tous les éditeurs à venir l'entendre. Une trentaine a répondu à l'invitation. J'ai également rencontré les éditeurs où siège leur association. Nous avons soutenu un bilan des archives de l’édition au Québec et nous travaillons avec des universités à un projet d’Institut de formation en métiers du livre.

La BNQ a récemment financé l’État des lieux du livre, qui propose notamment une enquête sur les revenus des écrivains québécois dont l’Observatoire de la culture et des communications1 ne pouvait assumer seul les coûts. Le comité du livre, de la lecture et des bibliothèques de l’Observatoire est présidé par Lise Bissonnette, à la demande du milieu. Elle fournit des locaux, du personnel, des ressources. Plus de 20 personnes de divers horizons participent régulièrement aux réunions, ce qui en fait le comité le plus fréquenté de l’Observatoire. Cette manière de faire crée à la fois un lien entre l'organisme et la BNQ et permet aussi un échange de points de vue entre des personnes, issues d'un même secteur, qui ont peu d’occasions de travailler ensemble.

La Bibliothèque doit être à la fois lieu et institution, vise Lise Bissonnette, qui est sensible à l’importance de l'espace tangible. La présidente-directrice fait allusion à l'exemplaire Ex-Centris conçu par le mécène Daniel Langlois; malgré les possibilités incalculables du numérique dans le domaine du cinéma, ce dernier a cru à la nécessité d'un espace physique. Les bibliothèques

1 Créé par le gouvernement québécois.

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