L'abbé Waldo de Saint-Denis,
scribe et archiviste à Saint-Gall
par W erner V
oglerL
es d éb u ts de l'ab b a y e de Saint-Gall rem ontent aux prem ières décennies d u VIT siècle1. Vers 612, Gall, u n disciple de saint Colomban, fonda une cellule d'erm ite dans la vallée de la Steinach située environs dix kilom ètres au s u d d u lac de Constance. Peu de tem ps après, des disciples se réunirent au to u r de lui. Il n 'a v a it p as été possible p o u r Gall de continuer son pèlerinage avec C olom ban qui, après avoir traversé les Alpes, arriva à M ilan en Lom bardie et fonda en 614 dans le nord de l'A pennin, d ans la vallée de la Treb- bia, le m onastère de Bobbio2. Ce m onastère ne tarda pas à devenir u n im p o rtan t centre de la c u ltu re celtiq u e e n Italie. U ne c e n ta in e d'années avant St-Gall il avait déjà acquis une g ra n d e ren o m m ée e n ta n t q u e cen tre de l'écriture et de l'enlum inure. Tandis q u 'en 719 O tm ar, u n prêtre d 'o rig in e além anique form é à Coire fonda à la place de la cellule de Gall un m onastère, Bobbio p o u v a it déjà se retou rn er1 Cf. Johannes Duft, A n ton G ôssi u n d W em er Vogler, D ie A btei St. Gallen. A briss der G eschichte, K urzbiographien der À bte, Das stiftsan k tgallisch e O ffizialat, Saint-G all 1986, su rtou t p. 16 s. pou r l'en v e rg u re cu ltu relle d e l'ab baye cf. W em er Vogler, L'Abbaye de Saint-Gall. Rayonnement spirituel et
culturel, Lausanne 1991. - Johannes Duft, D ie A b tei St. Gallen, 3 vol., Sigm aringen 1989-93.
2 Cf. M ichele Tosi, Bobbio e la valle del Trebbia, Storia di Piacenza, vol. 1, Piacenza 1990, p. 425-499.
su r u n long passé m arqué p a r u ne efflores cence culturelle, su rto u t dans le dom aine de l'écriture. En 744, su r Tordre de C arlom an et de Pépin, la Règle de saint Benoît fu t intro duite à St-Gall. À Bobbio p ar contre elle ne fut intro d u ite q u 'a u IXe siècle, la règle très rigou reuse d e C olom ban, p u is u n e règle m ixte, ayant été observées jusque-là.
La signification culturelle de St-Gall est d u e à sa trad itio n écrite docum entée quasi sans in terru p tio n d ep u is Tabbatiat d 'O tm ar3, b ien q u 'il est à souligner que l'âg e d 'o r du m onastère ne débuta qu'environ 100 ans après sa fondation, après que le m onastère se soit libéré de la dépendance de l'évêché de Cons tance4. La d o cu m en tatio n écrite com m ence m algré tout déjà vers 740, comme en témoigne la série im pressionnante d'actes privés et de chartes royales établis jusque vers 950 et con servés depuis aux archives abbatiales d e St- Gall5. A près 950 environ ap p araît aussi à
St-3 Cf. note 1 : Duft, Gôssi, Vogler, p. 17-20,96-98. 4 Cf. note 1 : Duft, Gôssi, Vogler, p. 20-22.
5 C f. H e r m a n n Wartmann (é d .), p . 2 0 -2 2 , U rku nd en buch der A btei Sanct Gallen, parties 1 et 2, Zurich 1863-66, partie 3, Saint-G all 1882. - Cf. G ustav Sc h e r r e r, V erzeich n iss d er H an d sch riften der Stiftsb ib lioth ek v o n St. G allen, H alle 1875. - Beat v. Scarpatetti, D ie H andschriften der
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Gall une longue période d'absence de d o c u m ents écrits. Les m anuscrits exécutés au m o nastère ont, de le u r part, égalem ent été p ré servés à St-Gall e t rem ontent ju sq u 'à environs 750. La bib lio thèq u e conserve en o u tre des anciens m an u scrits de p ro v en an ce n o n st- galloise. À St-Gall il est donc possible de com p are r parallèlem ent l'écriture des m anuscrits et celle des chartes, bien que dans la p lu p a rt des cas un e différence entre ces deux types d'écriture puisse être constatée. Il existe toute fois quelques chartes partiellem en t tardives rédigées en écriture livresque. L'avantage des chartes réside dans le fait q u 'u n e date précise puisse leur être attribuée et que norm alem ent le nom d u scribe y figure, quoique le scribe m entionné n 'a it souvent pas lui-m êm e écrit le docum ent m ais agi en tan t que superviseur. Différents spécialistes ont fait des recherches su r les scribes de l'abbaye de St-Gall d o n t u n grand nom bre sont m entionnés déjà avant l'an 8006. Un des prem iers scribes im portants con n us après 760 est W inithar qui, en collabora tion avec d 'a u tre s scribes, réalisa p lu sieu rs m anuscrits et chartes. Pour un e époque où le
Stiftsbibliothek St. Gallen. Beschreibendes Verzeichnis, C odices 1726-1984, Saint-Gall 1983.
6 Voir notam m ent Albert Bruckner, Die A n fànge d es St. Galler Stiftsarchivs, d an s : M élanges G ustav Bin z, Bâle 1935, p. 119-131. - Idem, Scriptoria M ed ii A ev i H elvetica II u n d HI : Schreibschule der D iôzese K onstanz : St. Gallen, G enève 1936. - Idem, P a là o g ra p h isch e S tu d ien z u d e n à ltesten St. G aller U rku nd en , d a n s S tu d i m ed iev a li, Torino 1931. - Idem, D ie Vorakte der àlteren St. Galler Urkunden, Saint-Gall 1931. - Idem, Zur E rforschung der àlteren St. Galler U rkunden, d a n s : St. Galler Kultur un d G eschichte 2 (M élanges Paul Staerkle), Saint- Gall 1972, p. 11-16.
la tin é tait en core p lu tô t m au v ais, A lb ert Bruckner caractérise son écriture comme étant claire, large et bien appuyée, anticipant d 'u n e certaine m anière déjà les caractéristiques et les élém ents de la m inuscule Caroline7.
Une deuxièm e grande personnalité dont je vais vous p arler p lu s lon g u em en t m ainte n a n t et que j'ai choisie com m e sujet de cet ex posé, est m entionnée dans les années 770 à 782 en tan t que scribe de chartes. Il s'agit de W al do qui était égalem ent abbé de St-Gall de 782 à 784. Ce fut u ne période m arquée par des con flits avec C onstance. Déjà O tm ar, le prem ier abbé, avait été engagé d an s u n procès à la suite duquel il d u t q uitter le m onastère de St- G all p o u r finir ses jours en exil su r l'île de W erd, île située en aval d u lac de Constance o ù il m o u ru t le 16 novem bre 759. Son succes seu r fu t Johannes, u n m oine d u m onastère de R eichenau qui d em eu ra abbé de St-Gall jus q u 'e n 782s. Lors de son abbatiat, les rap p o rts avec C onstance étaien t sensiblem ent m oins te n d u s, une ép o q u e p lu s calm e et p ro sp ère p u t donc être entam ée. Les chartes qui nous sont parvenues en g ran d nom bre tém oignent p o u r la p lu p art de donations que le m onastère reçu t abondam m ent de propriétaires fonciers
7 Karl Lôffler, D ie Sankt Galler Schreibschule in der 3. H àlfte d es 8. Jahrhunderts, O xford 1929 (Palaeographia latina 6), p. 5-66. - E(lias) A (very) Lo w e, C od ices latini antiquiores, v o l. 7, O xford 1956, et v o l. su p p lém en taire, O xford 1971. - W alter Berschin, La culture d e l'écriture, dan s : W em er Vogler (éd .), L'A bbaye d e Sain t-G all, L au san n e 1991, p. 68 s ; cf. Bruckner, Scriptoria, vol. 2, p. 14 ss.
L 'a b b é Wa l d od e Sa i n t- De n is 61
alam ans. Il est à no ter q u 'u n bon nom bre de chartes conservées aux archives abbatiales fu ren t écrites p a r des n o taires ré s id a n t à l'extérieur d e St-Gall. Ainsi en tém oigne éga lem ent l'activité archivistique que nous abor derons un p eu plus tard. Sous l'abbé Johannes déjà les donations dépassaient les frontières de la Suisse orientale actuelle, elles s'éten d aien t à travers le Breisgau, la région zurichoise et b er noise ainsi que le Linzgau et le A rgengau si tués au n o rd d u lac de Constance. À la m êm e période, les contrats à titre de précaire com m encèrent égalem ent à devenir p lu s im p o r tants.
Waldo : une approche de sa personnalité à travers son œuvre9
La jeunesse de W aldo nous est p eu con nue. Le fait que son nom ne figure p as dans le Livre des Professions ren d l'h y p o th è se p eu probable q u 'il soit entré au m onastère d e
St-9 C f. E m m a n u e l Munding, A b t-B is c h o f W a ld o , Begründer d es G oldenen Zeitalters der Reichenau, Beuron 1924 (Texte un d A rbeiten, 1. A bt., H eft 1 0 /1 1 ). - D. A. Bullough, « Baiuli » in the Carolingian, regnum Langobardorum and the career o f A bbot W aldo ( t 813), dan s English H istorical R eview 77, 1962, p. 625-637. - O tto Gerhard Oexle, F orsch un gen zu m o n a s t is c h e n u n d g e is t li c h e n G e m e in s c h a f t e n im w estfrànkischen Bereich, M unich 1978 (M ünstersche M ittelalter- Schriften, vol. 31), p. 112 ss. - Pour u n e v u e d 'en sem b le d e la situ ation in tellectu elle e n général cf. Pierre Ric h é, La V ie q u o tid ien n e d a n s l'em p ire C arolin gien , Paris 1963. - G erd Tellenbach (éd.), Studien un d Vorarbeiten zur G eschichte des grossfrànkischen und frühdeutschen A d els, Freiburg i. Br. 1957 (Forschungen zur oberrheinischen L andesgeschichte, vol. 4), p. 48 s, 297.
G all déjà sous l'ab b é O tm ar. Q u a n t à une étroite relation p aren tale avec C harlem agne telle que la décrit Em m anuel M unding, elle ne p e u t être dém ontrée avec certitude. Il repré sen ta sans au cu n d o u te l'élém e n t franc au m onastère de St-Gall et fut, selon Rolf Spran- del, l'u n des hom m es de confiance de Charle magne. Mais intéressons-nous encore de plus près à la personnalité de W aldo et son travail accom pli d ans le dom aine des chartes. C 'est grâce aux recherches effectuées p ar M unding, Oexle, B ullough et d 'a u tre s historiens si au jo u rd 'h u i nous possédons de bonnes connais sances de sa personne. De nom breuses sources no u s p erm etten t égalem ent d e m ieux définir son activité. L 'im pression qu e le résu ltat de ces recherches et l'é v a lu a tio n d e ces docu m ents nous donnent d e W aldo est celle d'u n e personnalité de quelque im portance qui éten dit son activité hors des frontières régionales - il était en fait successivem ent actif dans diffé rentes régions de l'em pire carolingien. D'après les docum ents attestan t son activité en tant que scribe et archiviste, il ressort, comme je l'ai déjà m entionné, q u 'il fut abbé de St-Gall de 782 à 784, donc p o u r un e d u rée relativem ent courte10. La cause qui m it si rap id em en t un term e à cette fonction furent les différends qui l'o p p o saien t à l'évêque d e C onstance Egino. W aldo aspira à l'in d ép en d an ce d u m onastère p ar ra p p o rt à l'évêché m ais d u t finalem ent se résigner, sans p o u r a u ta n t se soum ettre, du
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m oins selon le récit de R atp ert11, au jugem ent de C h a rle m a g n e q u i in te rc é d a e n ta n t q u 'arb itre d ans ce conflit et se prononça en faveur d'E gino, décision qui lui a probable m e n t été dictée p a r la situ atio n ju rid iq u e. W ald o a u ra it p a r c o n sé q u e n t d û g ére r l'abbaye en tant que subordonné d'Egino, con form ém ent à la charte de C harlem agne de 780 (établie p o u r St-Gall). C om m e il ne pou v ait accepter cette rég lem en tatio n il ab d iq u a et entra au m onastère de Reichenau en tan t que sim ple m oine. Son successeur fut le prêtre séculier W erdo qui d irig ea l'abbaye sous la dépendance de Constance ju sq u 'en 812.
En 786, W aldo d ev in t abbé de Reichen au 12. C 'est en ce lieu q u 'il accomplit sans doute la m ajeure p artie d e ce q u 'il réalisa de plus im p o rtan t au cours de sa carrière. D u ran t les vin g t ans de son abbatiat il p arvin t à m ener l'abbaye à son p rem ier apogée. Il établit les fo n d em en ts d u d é v elo p p e m e n t cultu rel du m onastère d ans les dom aines de l'écriture et d e la littératu re. L 'abbaye de R eichenau se tro u v ait en fait dans u n e situation bien plus confortable, l'im m u n ité accordée p ar C harle m agne conférant à l'abbé une bien plus grande autonom ie q u 'à St-Gall. L'école et les sciences
11 Ratpert, C asus Sancti G alli, éd. par Gerold Meyervon
Kn o n a u, Saint-G all 1872 (M itteilu n gen zur V aterlàndischen Geschichte, vol. 13) cap. 3, p. 15 s.
12 Cf. H elv e tia Sacra I I I / l , D ie B enediktiner, D as B enediktinerkloster Reichenau, p. 1069 (Literatur). - Cf. aussi l'article d e Konrad Beyerle, V on der G ründung bis zu m Ende des frànkischen Klosters (724-1427), dan s : D ie Kultur der Abtei R eichenau, 2 vols, M unich 1925, p. 213-262.
p ro s p é ra ie n t. W ald o p e u t ê tre co n sid éré com m e le principal fon d ateur de la bibliothè que de Reichenau (Em m anuel M unding). Par la suite, deux ém inentes personnalités, à sa v o ir le b ib lioth écaire R egin b ert ( t 846) et l'écrivain et poète W alahfrid Strabon ( t 849) o n t largem ent contribué à l'efflorescence cul turelle de l'abbaye. U n proche p aren t de W al d o était Wetti, do n t les œ uvres littéraires nous sont connues. Reginbert ne s'est pas seulem ent forgé un nom en tan t que bibliothécaire, mais égalem ent en ta n t que scribe. N ous savons notam m ent que les inscriptions figurant su r le plan de St-Gall (env. 830) - et probablem ent le plan lui-m êm e - proviennent en grande partie de sa m ain13. Il sem ble q u 'à R eichenau W aldo a it v ra isem b lab le m e n t é g ale m e n t écrit un psautier. Ses idées réform atrices sur le p lan culturel furent accueillies avec enthousiasm e. Il avait au fond u ne certaine affinité avec Al- cuin de St-Martin de Tours qui, au prem ier IXe siècle, était sans doute le plus im portant centre d e l'a rt d u livre et de l'écritu re en occident. A lcuin était le m aître de Raban M aur qui, lui, com ptait parm i ses disciples W alahfrid Stra bon. Les constructions réalisées sous la direc tion de W aldo rendent hom m age à cet hom m e doté d 'u n e énergie incom parable. Il fit ériger à N iederzell l'église St-Pierre et Paul où fut en terré, à son époque encore, Egino, évêque de
13 Cf. Johannes Duft (éd.), Studien zum St. Galler Klosterplan, Saint-Gall 1962 (Mitteilungen zur Vaterlandischen Geschichte, vol. 42). IDEM, Der karolingische Klosterplan in der Stiftsbibliothek St. Gallen. Begleittert zur Faksimile-Ausgabe, Rorschach 1998.
L 'a b b é Wa l d od e Sa i n t- De n i s 63
Vérone d 'o rig in e além anique. U n au tre évê que de Vérone, R atold, fonda Radolfzell. Le voyage en Corse d e W aldo en com pagnie d u comte H unfrid m érite égalem ent d 'être m en tionné. D 'après la Translatio sanguinis Dom ini
n o stri d u Xe siècle, il s'y re n d it d ans le b u t
d'acquérir les reliques d u Saint Sang.
L 'habileté avec laquelle W aldo dirigea l'abbaye im pressionna sans do u te p ro fo n d é m e n t C h a rle m a g n e . L 'a b b é à so n to u r s'identifia fortem ent avec sa politique. Il fut p a r la su ite a p p elé à P av ie, c ap itale d u royaum e langobarde, où il occupa le poste de précepteur (baiulus) et de conseiller de Pépin, fils de Charlem agne. Il y fut en outre chargé de l'adm inistration d u diocèse. Il s'agit là des années 803 à 804. Il eut com m e tâche de m ettre bon ordre à la situation qui y régnait. Il a éga lem ent été adm inistrateur d u diocèse de Bâle. L'on p e u t à juste titre situ er la d ate de son entrée en fonction en ta n t q u 'ad m in istrate u r aux environs de l'an 801.
W aldo fu t enfin, et encore p ar C harle m agne, appelé à St-Denis en France (près de Paris). Ce m onastère trav ersait une phase cri tique. Il était à ce m om ent-là probablem ent ni u n m onastère, ni une fondation de chanoines, m ais occupait u n e p o sitio n en tre les deux. L 'intérêt de C harlem agne te n d ait à faire p ré valoir la règle p lu s stricte de saint Benoît. La
Translatio sanguinis D om ini nostri fesu Christi
fait concrètement m ention de cette tâche p arti culière dont W aldo fut chargé à Paris entre 806 et 813.
Il dirigea cette abbaye ren d u e célèbre p ar les sépultures des M érovingiens (et Caro lingiens) de 806 à 81414. Lors de son abbatiat il essaya certainem ent d 'in tro d u ire une obser v atio n de la règle p lus rigoureuse. L 'auteur anonym e de la T ranslatio (sanguinis Domini
nostri Jesu C hristi) d u Xe siècle relate (chapitre
14) que Deinde famosissima virtu tu m illius probi- tas illud quoque de eo nullatenus silere perm ittit, quod post aliquantum temporis rector monasterii sancti m artyris C hristi D io n ysii ab imperatore praelectus est, eo quod pro sua religiositate sum mum apud eum fa m ilia rita tis locum, u t etiam
paulo superius dictum est, obtinere m eruisset15. Il
constate que la règle m o n astiq u e av ait été violée et que les moines avaient préféré la vie m ondaine à la vie spirituelle. W aldo vou lu t leur faire ad o p ter la bonne conduite de vie :
A d rectitudinis normam m ultum rebelles conver-
tere conatus est ( Translatio, chapitre 14). D 'après
le récit, il aurait, d ans u ne certaine m esure, atteint ce but. Il n 'y parv in t cependant que par la force, en p én étran t dans le chapitre à l'aide de soldats armés. W aldo m o u ru t à St-Denis en 814.
14 Pour la situation de ce m onastère, voir O. G. Oexle, n o te 9, p. 113 ss. - J o s e f Se m m ler, Saint-D en is : V on der b i s c h ô f l i c h e n C o e m e t e r ia lb a s ilik a z u r k o n ig lic h e n Benediktinerabtei, dans : H artm ut Atsma (éd.), La Neustrie. Les pays au nord d e la Loire d e 650 à 850, v o l. 2, Sigm aringen 1989 (Beiheft der Francia 1 6 /2 ), p. 75-124, ici p. 105 s.
15 Cf. la dernière éd ition : W alter Berschin et Theodor Klüppel, D ie Reichenauer H eiligblut-Reliquie, Constance 1988.
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Waldo, scribe et archiviste à St-Gall16
St-Gall lui do it u n bon nom bre de char tes écrites d e sa p ro p re m ain, en v iro n 17 exem plaires p o u r la période d e 770 à 78217. Il ne s'ag it là que des chartes qui on t p u être conservées, car on p e u t aisém en t ad m ettre q u 'u n e c e rta in e q u a n tité a it d is p a ru e . L'écriture de W aldo est assez caractéristique, n o u s la retrouvons aussi bien su r les chartes que su r les notes dorsales. Il était ainsi le p re m ier archiviste qui, au m oyen de notes dorsa les, rendit possible u n m eilleur classem ent des chartes et leur accès plus facile. Il a p ar exem ple inscrit un e note au dos d 'u n e charte de 745. En tan t que scribe, W aldo était une p e r sonnalité exceptionnelle qui a laissé des traces durables et caractéristiques aux archives et à la bibliothèque de St-Gall. Il s'efforça en outre d 'am élio rer le latin, m ais n e p a rv in t p as à
16 Cf. note 7, la liste d es chartes établie par Bruckner -Ma r ic h a l, ain si que n o te 6. - Cf. a u ssi Paul Staerkle, D ie Rückvermerke der àlteren St. Galler U rkunden, Saint-Gall 1966 (M itteilu n g en zu r V a terlà n d isch en G esch ich te, v o l. 45). - E d ition d e s n o tes d o r sa le s : O tto P. Clavadetscher, Paul Staerkle, D ie D orsu aln otizen der àlteren St. Galler U rkunden, Saint-Gall 1970. - Cf. en outre Albert Bruckner, D ie Vorakte der àlteren St. Galler U rkunden, Saint-Gall 1931.
v Cf. A lbert Bruckner et Robert Ma richa l, Chartae latinae antiquiores ; Sw itzerland, partie 2 O lten-Lausanne 1954, no 71, 74-78, 85-86, 89, 94-97. - Cf. Franz Perret, D iakon W aldo un d d ie A n fànge d e s Stiftsarchivs v o r 1200 Jahren, dan s : St. Galler Kultur und G eschichte 2 (M élanges Paul Staerkle), Saint- Gall 1972, p. 17-26, ici p. 22. - Idem, Z w e i U rk u n d en des Blitgaer, der d em Kloster St. G allen G üter zu Seen, V eltheim un d im w eiteren U m k reis v o n W interth ur übertràgt, d an s : Winterthurer Jahrbuch 1974, p. 7-31.
l'é p u re r ju sq u 'à en arriv er à sa form e classi que.
Selon A lbert B ruckner, son activité l'a égalem ent m enée à copier des m anuscrits18. Il se qualifia norm alem ent d e diacre-diaconat. Il ne fau t c ep en d an t pas le confondre avec le d o y e n W ald o q u i v iv a it à l'é p o q u e d e l'abbatiat d'O tm ar. L'écriture typique de W al do est une écritu re cursive avec des hastes m ontantes. Il utilise souvent la forme cc po u r a ainsi q ue d 'a u tre s le ttre s caractéristiq u es. Tandis que son écriture te n d vers la cursive, les docum ents plus anciens, je citerais comme exem ple ceux écrits p ar M aginrat, présentent des traits p lus calligraphiques et harm onieux. O n trouve souvent le double c, le I-longa et le I-longior. U ne autre particularité de l'écriture de W aldo sont les ligatures, comme p ar exem ple celles avec un e avec encoche ou le rt. On y trouve cependant aussi des ligatures avec u n a superposé m érovingien. Ces particularités ne favorisent pas la lisibilité de son écriture, au c o n traire d es écritu res d u scrip to riu m de W inithar et à celles des scribes carolingiens. D 'au tre p art, son écriture p araît assez souple, avec p arfo is m êm e des p arties tracées à la hâte. Les caractères ten d en t légèrem ent vers la droite ou alors vers la gauche.
C ertaines p arm i les chartes conservées aux archives abbatiales de St-Gall tém oignent de l'activité d e W aldo en ta n t que scribe et
L 'a b b é Wa l d od e Sa i n t- De n is 65
archiviste. Il s'ag it là de chartes établies entre 770 et 782, l'an n ée de son installation comme abbé de St-Gall. La note dorsale de W artm ann 11 de 745 p o u rra it pro v en ir de sa m ain. Les notes dorsales de W artm ann 88, 95, 96 et 99 lui sont p ar contre incontestablem ent attribuées19. Il se p e u t que d 'au tres chartes écrites à partir de 770 o u bien 769 déjà p o rten t ses notes d o r sales. Il est en to u t cas certain que son activité en ta n t qu e scribe de chartes d é b u te avec W artm an n 57, le 9 ao û t 770, respectivem ent 769. Il n 'e s t pas toujours facile de d a ter les chartes avec précision, com m e l'ad m ettait en core H erm an n W artm ann. Les recherches de Michael Borgolte20 dém ontrent q u'il n 'est sou vent pas possible de déterm iner l'année suite à la date inscrite dans les chartes é tan t donné qu'elle se réfère à une année d u règne d 'u n souverain. Il p e u t donc s'ag ir d'an n ées alter natives. D 'au tre part, le déb u t de l'abbatiat de W aldo p e u t être considéré com m e term in u s
post quem. Il est attesté p o u r la prem ière fois en
tant qu'abbé de St-Gall dans W artm ann 98 du 8 novem bre 782. Le nom de son successeur W erdo a p p a ra ît p o u r la prem ière fois dans une charte de 785, à savoir W artm ann 10221.
19 Cf. Franz Perret, ainsi que note 17, p. 22 s.
20 M ichael Bo r g o lte, C h ron ologische S tu d ien an d en alem an n isch en U rk u n d en d es Stiftsarch ivs St. G allen, dan s Archiv fur D iplom atik 24, 1978, p. 54-202. - Idem, Kom m entar zu A u sstellu n gsd aten , Actum - un d Güterorten der àlteren St. Galler U rku nd en , dan s : Idem, D ieter Ge u e n ic h, Karl Sc h m id, Subsidia S an gallensia I, Saint-Gall 1986 (St. Galler Kultur und Geschichte 16), p. 323-475.
21 H erm ann Wartm ann (éd.), U rkundenbuch der A btei Sanct G allen, Zurich 1863, n° 102, p. 96.
Citons encore W artm ann 86, une charte établie le 16 m ars 779 où W aldo ap p araît comme véri ficateur (indorsator). À côté de son no m nous tro u v o n s u n signe d e reco n n aissance qui pourrait provenir de sa m ain22.
La fonction e t l'im p o rta n c e de W aldo n 'o n t pas m anqué d 'ê tre reconnues à St-Gall après son départ. Son no m est évoqué dans les
Casus Sancti Galli où R atpert le qualifie comme
eximius scriptor, c'est-à-dire comme scribe dont
l'œ u v re n 'e s t p as restée sans faire im pres sion23. L'existence d 'e n v iro n 80 scribes a p u être révélée p o u r son époque. Il a en outre fortem ent influencé e t m êm e contribué à la pro d u ctio n de m anuscrits. À l'ép o q u e où il était Waldo diaconus, son écriture p e u t avoir exercé une certaine influence sur M auw o qui est m entionné de 788 à 800.
U n troisième g ran d groupe de scribes se form a au to u r de Wolfcoz au cours des années 20 à 40 d u IXe siècle. M ais l'écriture cursive de W aldo, les p articu larités de son style et son im p o rtan ce o n t c e rta in e m e n t influencé le scriptorium st-gallois p e n d a n t de longues an nées. A u cours de l'ab b atiat de W aldo à Rei- chenau, le m onastère entra en contact avec St- M artin de Tours qui était égalem ent lié au IXe siècle p ar la confraternité de prières avec St- Gall. Ainsi le tém oigne le Livre de
Confrater-22 A lb ert Bruckner, D ie A n fà n g e d e s St. G aller Stiftsarchivs, cf. note 6.
6 6 Cahier IX d u C R A T H M A
nité, le Liber m em orialif4 conservé aux archives abbatiales de St-Gall. Les chartes tém oignant de l'activité de W aldo sont encore aujourd'hui conservées aux archives abbatiales de St-Gall, un lieu où elles se tro u vaien t déjà après 770, donc depuis plus de 1200 ans. Si l'on retrace la vie de W aldo, si l'o n su it les étapes d e son activité, on ne m a n q u era p as d 'être im p res sionné p ar la diversité de cet hom m e éru d it et lettré, de cet organisateur expérim enté qui fut m oine, diacre, p rêtre, abbé et évêque ou du moins adm inistrateur d'évêchés.
Il était capable de diriger u n m onastère et de d o n n er des im p u lsio n s spirituelles de g ran d e portée. Ces asp ects se m anifesten t surto ut dans son activité à Reichenau et à St- Denis. Ce qui frap p e su rto u t p o u r cette p é riode est le fait que des personnes venant d 'u n m o n astère p u is se n t san s a u c u n p ro b lèm e s'épanouir dans différentes régions, dépassant le cadre « natio n al », p o u r utiliser un term e
anachronique p o u r cette époque, et y exercer une activité avec succès. Cela est d 'a u ta n t plus im pressionnant et actuel q u 'au jo u rd 'h u i nous nous efforçons de relativiser les frontières n a tionales traditionnelles, qui g a rd e ro n t n a tu rellem ent leu r im portance, de les relativiser dans un certain sens p ar rap p o rt à l'E urope et l'héritage européen que nous avons en com m un. Précisons que l'œ u v re de W aldo n 'a été ren d u e possible que p ar son étro ite relation avec C harlem agne et la confiance absolue que ce dernier lui tém oignait. C ette confiance re m o n te p a ra d o x a le m e n t (p ro b a b le m e n t) à l'époque où W aldo avait sollicité Charlem agne au sujet d u conflit l'o p p o sa n t à Egino. N on seulem ent son voyage en Corse chez A zan en c o m p ag n ie de H u n frid , m ais é g a le m e n t d 'a u tre s indications dans les sources tém oi g n en t de ces activités qui fo n t p e n se r aux coutum es d u XXe siècle.
W erner V O G LER
24 A r c h iv e s a b b a tia le s d e S a in t-G a ll, L iv re d e Confraternité, fol. l l v 12r.
i ce ce Oh U Oh i ce . £ Xieu co *2 CN CD 'uu HH a; CO 0 ) 73 0 4-»H CO *T3 ce JU X 24-» £o rXu ce 0 ce S ce eu hJ U4L co qJ . £ eu > 3 Æ *3 CD 2 *co <U u u a>HH 73 < HH►—1 > co 2 ON 3 tN 0 *J3 Cx 73 ce <U q; X) 73 eu 4-> 3 ce U CO u C/3 eu ce 0 > X c u 2 eu £ uu c 3 rH < c/e X> 03 C tN • 2 ce 0 73 <U s o u • g44 2 Xce •S l e 4-* S £ *2 3 a> T3 u 0 b c eu ai ce 3 a. CO S " 2 Sce 'S u V u V(U 0 73 0) tN 0) eu C s 4-»Uce • ^H Ui CN .SP u 'm tN1—l U 2 CN £ rH /ce W> £ ta bb <tn -6 2 ceVh
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Fig. 3 : Exemple de texte d an s u n m anuscrit, écrit p ar W aldo. Biblio thèque abbatiale de Saint-Gall, Cod. Sang. 125, p. 175.
Fig. 4 : N ote dorsale, écrite probablem ent p ar W aldo, sur u ne charte de 745 : Carta Lantberti. Traditio Lanperti de Illinouua et de aliis m ultis lo-
cis. Cap. VIIII. Archives abbatiales de Saint-Gall, charte Bremen 4.
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Fig. 5 : Exemple de texte dans u n m anuscrit, écrit p ar W aldo. Biblio thèque abbatiale de Saint-Gall, Cod. Sang. 249, p. 17.
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Fig. 6 : Charte d e 775, écrite p ar W aldo (Ego enim W alto diaconus) ; écriture cursive avec des hastes m ontantes, des « a » en forme de « cc » et des ligatures. Archives abbatiales de Saint-Gall, charte 1 53.
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Fig. 7 : N ote dorsale, écrite p a r l'archiviste W al do, sur une charte de 772. Archives abbatiales de Saint-Gall, charte 151.
Fig. 8 : N ote dorsale de la m ain de W aldo sur une au tre charte de 772. A rchives abbatiales de Saint-Gall, charte 152. LanZuf lrrirr^nSc tr^ cS r ‘v d î f rn cLilfr rrwo rr>ùr> inï (nêcui rtrt* ■ SicxMrt |f>ay2£-/?£ UW^ 4 fi£ftgU^An-^
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di&c cïÇTxv) l'&ÇpUtj'sk ÿVffjrt&iclafl. fGjffi&jj)Fig. 9 : C harte de 782, écrite p a r W aldo (Ego itaque Waldo diaconus). A rchives abbatiales de Saint-Gall, charte I 76.