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L ambiguïté contemporaine des jardins botaniques en France

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La nature en ville

Sociétés savantes et pratiques naturalistes (XIXe-XXIe siècles) LISAA éditeur

L’ambiguïté contemporaine des jardins botaniques en France

Yves-Marie Allain

Éditeur : LISAA éditeur

Lieu d’édition : Champs sur Marne Année d’édition : 2022

Date de mise en ligne : 16 octobre 2022 Collection : Savoirs en Texte

EAN électronique : 9782956648086

http://books.openedition.org Référence électronique

ALLAIN, Yves-Marie. L’ambiguïté contemporaine des jardins botaniques en France In : La nature en ville : Sociétés savantes et pratiques naturalistes (XIXe-XXIe siècles) [en ligne]. Champs sur Marne : LISAA éditeur, 2022 (généré le 17 octobre 2022). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/lisaa/1822>.

ISBN : 9782956648086.

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des jardins botaniques en France

Yves-Marie Allain

Ministère chargé de l’Environnement

Un peu d’histoire des jardins botaniques

Avant la création des premiers véritables jardins botaniques, quelques jardins avaient déjà des vocations de collections de plantes indigènes et exogènes.

Les jardins arabes, installés à partir du viiie siècle en Sicile et en Andalousie, avaient des objectifs d’introduction, d’acclimatation, d’expérimentation agronomique et de diffusion des plantes, mais pas ceux de recherche sur la structure des plantes, ni leur classification.

En France, Pierre Belon (1517-1564) installe dans les années 1550 un jardin près du Mans dans lequel il sème, à son retour du Levant, les premières graines de cèdre du Liban. Puis vinrent les premiers jardins considérés, sans ambiguïté, comme jardins botaniques, même si aucun d’entre eux n’en por- tait encore le nom. Ces jardins, jardins spécialisés comme peuvent l’être les potagers, les jardins de plantes médicinales, etc., sont créés afin de réunir dans un même lieu tous les végétaux qui avaient été dispersés au moment du péché originel. Le but est de connaître, dénommer (nomenclature), classer et hiérar- chiser (taxonomie) toutes les plantes, et ce en dehors de tout mode d’usage ou d’utilisation. Dans sa Philosophie botanique publiée en latin en 1750, Linné parle encore de « Jardin de botanique qu’on appelle un Paradis ».

Les premiers jardins botaniques sont créés au moment de la Renaissance italienne, en Italie à Ferrare et Padoue (1525), Pise (1543), Bologne (1568), puis à Leyde (1577) aux Pays-Bas, en Allemagne (Leipzig, 1580 ; Königsberg, 1591 ; Breslau, 1587 ; Heidelberg, 1593), enfin en France (Montpellier, 1597).

Au xviie siècle, les créations se poursuivent dans de nombreux pays européens : Strasbourg (1619), Oxford (1621), Ratisbonne, Iéna, Ulm (1629), Paris (1635), Uppsala (1657), Édimbourg (1670), etc. L’une des caractéristiques communes à tous ces jardins est leurs dimensions modestes autour de l’hectare, sauf le Jardin des Plantes de Paris qui approchera les 4 hectares dès sa création hors des murs de Paris pour échapper à l’emprise intellectuelle et morale de la Sorbonne.

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Grâce à ces jardins, l’étude des plantes va progressivement émerger et se détacher de la tutelle de la médecine et de l’agronomie. Une science nouvelle se met en place : la botanique, avec ses règles, ses méthodes et surtout son vocabulaire ; elle devient une science à part entière dès la fin du xviie siècle.

L’apogée du jardin botanique en tant que lieu physique de la science et de ses découvertes est le xviiie siècle, puis graduellement la connaissance scientifique délaisse le jardin pour rejoindre le laboratoire. Ce déclin ne sera pas immédiatement visible, car le jardin reste un lieu d’apprentissage pour la reconnaissance des plantes. Par ailleurs, plusieurs éléments concomitants vont redonner un rôle aux jardins botaniques, dont le nouveau style euro- péen de l’art des jardins, le style paysager, avec la recherche de végétaux exotiques d’Amérique du Nord et d’Extrême-Orient (Chine, Japon). Pour mieux connaître ces végétaux ligneux, l’horticulture et sa soif de nouveauté végétale va favoriser la création des arboretums 1 publics et privés. Bien sou- vent pour abriter les nouvelles collections et héberger les laboratoires et autres équipements dont les herbiers, graineterie, carpothèque, séminothèque 2, bibliothèque, etc., un certain nombre de jardins botaniques seront transférés en dehors de leur lieu d’origine pour bénéficier d’une superficie plus impor- tante. De plus, les jardins botaniques ont un rôle de diffuseur des nouveautés botaniques, tant en France qu’à l’étranger. Durant tout le xixe siècle, le Jardin des Plantes de Paris expédiera tous les ans plusieurs milliers de jeunes plants cultivés dans le jardin lui-même.

Après la Première Guerre mondiale, le jardin botanique cherche sa place et s’ensuit un lent et continu déclin du rôle botanique du jardin, en partie parce que les laboratoires de recherche n’ont plus vraiment besoin du jardin, et que la profession horticole a pris son indépendance et a créé ses propres structures d’introduction, d’essai et d’acclimatation. Dans le même temps, les services des parcs et jardins des villes deviennent puissants et relèguent le jardin botanique à un rôle très secondaire.

Il ne faut pas sous-estimer l’impact qu’une décision de 1795 aura à moyen terme sur la création d’un réseau français de naturalistes et de jardins bota- niques pédagogiques locaux. En effet, la Convention prévoit de créer au moins une école centrale par département. Dans son article 4, la loi du 3 brumaire de l’an IV (25 octobre 1795) décrète l’obligation pour chaque école centrale de posséder une bibliothèque, un cabinet d’histoire naturelle, un cabinet de sciences expérimentales et un jardin botanique. Beaucoup de ces cabinets et jardins disparaîtront au moment de la suppression des écoles centrales, remplacées, par décision de Napoléon Ier en 1802, par les lycées.

Mais la dynamique initiée et la création de groupes et de sociétés savantes de

1 Arboretum : collection d’arbres qui peuvent se développer sans contraintes de place.

2 Carpothèque, séminothèque : respectivement des collections de fruits et de graines séchés.

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botanistes ne seront pas sans conséquence sur le maintien de bien des jardins botaniques provinciaux et de leur rôle éducatif lié à la connaissance de la flore locale, au cours des xixe et xxe siècles.

Peut-on définir le jardin botanique ? Il n’existe pas et ne peut exister de définition universelle pour décrire ce qu’est formellement un jardin botanique, compte tenu de l’extrême diversité des périodes de création, des cultures, des continents, des institutions dont ils dépendent. C’est donc moins le dessin et la surface du jardin que l’activité dans le domaine de la botanique qui prime. Dans un article de 1937, Charles Stuart Gager 3, direc- teur du jardin botanique de Brooklyn, assigne aux jardins botaniques cinq grandes missions : « scientifique, éducative, récréative, civique et écono- mique ». Plus récemment, le réseau international regroupant la presque tota- lité des jardins et arboretums en activité dans le monde, le BGCI (Botanic Gardens Conservation International), faisant référence non pas à un site mais à un objectif, donne comme définition : « Institution qui rassemble des collections documentées de végétaux vivants à des fins de recherche scien- tifique, de conservation, d’exposition et d’enseignement. » Il s’avère qu’un jardin botanique est non seulement un site abritant des collections végétales vivantes à des fins d’apprentissage de la taxonomie et de la nomenclature, mais doit en outre posséder un ou des laboratoires de recherche, un herbier, une bibliothèque, un centre de documentation, une graineterie, un index seminum 4, une carpothèque, une photothèque, des publications, etc.

Si 1 775 jardins répartis dans 148 pays dans le monde peuvent peu ou prou correspondre à la définition, tous n’ont pas de réelles activités dans les divers domaines précisés par la définition du BGCI. Nés en Europe, les jar- dins botaniques restent les plus nombreux sur leur continent d’origine avec près de 500 sites. L’Amérique du Nord en compte plus de 350 et plus de 200 sont répertoriés en Asie du Sud-Est. Malgré le nombre élevé de plantes vivantes présentées dans les diverses collections, plus de six millions, elles ne représenteraient que 80 000 espèces, soit un peu plus d’un quart des 320 000 plantes vasculaires actuellement connues !

En France, c’est grâce à l’Association des jardins botaniques de France et des pays francophones qu’il est possible d’avoir une vision concrète et précise des jardins botaniques actuellement en fonction : en 2021, l’asso- ciation recensait trente jardins botaniques agréés (dont certains en Suisse et au Québec) et onze parrainés. Le rattachement administratif des jardins

3 Charles Stuart Gager, The Plant World, New Phytologist, vol.36, n°2, 1937, p. 188.

4 Mis en place dès le milieu du xviiie siècle, il s’agit du catalogue des graines qu’un jardin botanique met à disposition des autres jardins. Les échanges sont gratuits et l’ensemble des frais depuis la récolte jusqu’à l’envoi en passant par toutes les phases de tri, de conservation, etc., est à la charge du jardin qui propose.

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botaniques français est variable (État, universités, collectivités territoriales, entreprises privées, associations, particuliers), entrainant une hétérogénéité des structures, des organes de décision, des politiques, des moyens mis à dis- position. Le nombre et la qualification des personnels en charge de la partie scientifique (hors entretien du jardin lui-même) sont très souvent réduits.

Pour le grand public, un jardin botanique reste d’abord un lieu, un jardin de présentation, en partie dans une structure de petits carrés, de multiples espèces, avec pour chacune une étiquette fournissant un certain nombre d’informations dont le nom scientifique.

Durant la seconde moitié du xxe siècle, l’approche de la fraction vivante de la Nature s’est modifiée à travers la question de la sauvegarde des espèces et de leurs habitats. La convention de 1992 sur la diversité biologique (voir annexe 2) confirme cette nécessité de « la mise en place de stratégies de conservation pour préserver et maintenir un patrimoine naturel constituant un héritage attendu pour/par les générations futures ».

Le réseau des jardins botaniques s’est-il emparé de cette nouvelle pro- blématique associant diversité génétique, spécifique et écologique ? À quels niveaux de recherche et de connaissance les jardins se sont-ils impliqués pour répondre aux nouveaux défis ?

La naissance des conservatoires botaniques en France

C’est la sauvegarde des espèces rares, menacées ou en voie de disparition, qui va justifier la création du concept de conservation et de son acteur, le conservatoire botanique. L’appellation « conservatoire » trouve son origine par cohérence avec la publication en 1959, par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), des premières listes de plantes mena- cées, suivies en 1970 du premier livre rouge d’espèces végétales concernant la flore mondiale.

En France, les institutions, notamment les jardins botaniques, qui, en 1960-1970, auraient pu ou dû se préoccuper de la perte progressive de la diversité de la flore, ne prêtaient guère attention à ces menaces, surtout s’agissant de la flore autochtone métropolitaine.

Dès 1975, Jean-Yves Lesouëf, créateur du premier conservatoire bota- nique français, à Brest, a l’idée de constituer une « arche de Noé des plantes au bord de l’extinction ». L’objectif est avant tout de « mettre en culture et de multiplier ces plantes afin d’empêcher leur disparition ». Si à cette époque, la conservation ex situ prédominait, Louis Olivier, du conservatoire de Porquerolles (créé en 1979), estimait que la réintroduction des plantes indigènes disparues ou menacées devait être considérée comme « un vecteur de la stratégie conservatoire ».

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À la suite de cette première période fondatrice et de l’émergence de nou- veaux conservatoires (Bailleul, Massif alpin), le besoin se fait sentir de préci- ser les fonctions de ces nouveaux instruments : le ministère chargé de l’Envi- ronnement élabore un décret assis sur la loi de 1976, celle sur la protection de la nature, et l’introduit au code rural le 12 avril 1988. Les conservatoires agréés porteront dorénavant le titre de « conservatoire botanique national » (voir annexe 1, liste des conservatoires actuellement agréés). Élargissant le rôle des conservatoires au-delà de la conservation ex situ, ce décret leur attri- bue trois fonctions : connaissance – conservation – information et éduca- tion. Une quatrième fonction, l’expertise, leur sera attribuée par un décret ultérieur publié en 2004.

Deux colloques organisés à Brest, sous l’égide du conservatoire botanique de Brest, vont marquer profondément les esprits et aider à formuler les objec- tifs de conservation de la flore sauvage. Le premier, en octobre 1987, avait pour thème « Plantes sauvages menacées en France » ; le second, dix ans plus tard, en octobre 1997, « Les plantes menacées de France ».

Le code de l’environnement,

les jardins botaniques et les conservatoires botaniques

Lors de l’adoption des premières lois de protection de la nature, en 1976, avait été prévue la création de structures pour la protection et la gestion de certaines zones du territoire français à protéger écologiquement comme les parcs nationaux et les réserves naturelles (nationales ou régionales). Toutes ces structures sont soumises à un certain nombre d’obligations définies par décrets, dont celle d’effectuer des inventaires faune-flore-habitats sur leur périmètre de compétence. Aucune de ces structures n’a de compétence scien- tifique nationale. Face à la multiplicité des sources de connaissances et à la nécessité de pouvoir les réunir, les comparer, les synthétiser, il devient indispensable de mettre en place des critères nationaux cohérents et homo- gènes d’évaluation de la biodiversité et de son évolution. De plus, l’État, pour répondre à ses engagements européens et internationaux, doit rendre compte régulièrement du suivi de la biodiversité et de l’état de la protection des espèces et des habitats.

Il s’avère nécessaire de mettre en place une cohérence scientifique de la récolte des données aussi bien pour les zones protégées que pour celles non protégées, et la loi de 2002 relative à la démocratie de proximité va préciser les missions et rôles d’un certain nombre d’acteurs. Il est clairement indiqué que « l’inventaire du patrimoine naturel est institué pour l’ensemble du territoire national terrestre, fluvial et marin » et que les inventaires « sont conduits sous la responsabilité scientifique du Muséum national d’histoire naturelle ». La loi n’a prévu aucune

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déclinaison territoriale, aucun relais, aucun appui sur les jardins botaniques, ni sur les muséums de province. Les missions des conservatoires botaniques sont confortées, en revanche la place des jardins botaniques reste posée.

Entre juillet et octobre 2007, un ensemble de rencontres, dénommé Grenelle Environnement ou Grenelle de l’environnement, est organisé afin de définir les orientations souhaitables à long terme en matière d’environne- ment et de développement durable. Parmi les nombreux sujets, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, l’amélioration de l’efficacité énergé- tique, la restauration de la biodiversité. Le résultat est une première loi dite Grenelle I, promulguée en juin 2009, suivie en juillet 2010 d’une seconde loi, Grenelle II, portant « engagement national pour l’environnement » avec de nombreuses mesures techniques, et qui concernent les domaines (ou secteurs) aussi divers que : Bâtiments et urbanisme ; Transport ; Énergie ; Biodiversité ; Risques, santé, déchets ; Gouvernance.

Or si ces lois parlent de « trame verte et bleue » 5, pas un mot sur les jar- dins botaniques alors que les conservatoires botaniques nationaux se trouvent renforcés dans leurs prérogatives, ainsi que quelques autres groupements de défense de la nature. Le décret du 14 juin 2021 (voir annexe 3) confirme le rôle de ces conservatoires et précise « les missions d’intérêt général » qui leur sont confiées par l’État, reléguant les jardins botaniques à un rôle secondaire, du moins dans la connaissance, la synthèse, la mise à disposition des informa- tions sur les habitats et les espèces végétales des départements métropolitains et d’outre-mer français.

Relations entre jardins et conservatoires botaniques

Le jardin botanique reste une référence pour le grand public, en particulier son jardin ouvert à tous ; la majorité des conservatoires ont également des lieux de présentation et de culture, parfois des collections, mais ne sont pas entourés de l’auréole des grands voyages des siècles passés alliant aventures maritimes et explorations botaniques.

Il n’y a pas a priori antinomie entre un jardin botanique et un conservatoire botanique, bien que les méthodes de connaissance, de travail, les approches de la flore puissent être différentes. À titre d’exemple, il existe une différence

5 « La trame verte et bleue (TVB) est une démarche qui vise à maintenir et à reconstituer un réseau d’échanges pour que les espèces animales et végétales puissent, comme l’homme, circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer… et assurer ainsi leur cycle de vie. La trame verte et bleue porte l’ambition d’inscrire la préservation de la biodiversité dans les décisions d’aménagement du territoire, contribuant à l’amélioration du cadre de vie et à l’attractivité résidentielle et tou- ristique. » Texte du ministère de la Transition écologique, octobre 2017.

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d’objectif entre la collection et la conservation. Dans une collection l’objectif est d’avoir de un à cinq exemplaires d’un même taxon et le plus grand nombre possible de taxons dans une famille, un genre, etc. Alors que dans l’esprit de la conservation, il est choisi quelques taxons (espèces protégées, en voie de disparition, rares, etc.) avec un très grand nombre d’individus afin de conser- ver la diversité génétique la plus grande possible pour chacun des taxons. Les jardins botaniques ont le plus souvent une approche par espèce, alors que les conservatoires ont une perception plus phytosociologique.

Jusqu’aux années 1990, beaucoup de jardins botaniques étaient essentiel- lement orientés sur la conservation de taxons déterminés, décrits, enregistrés sous forme de collections. Or le concept de diversité biologique apporte de grands changements. On ne doit plus sauvegarder et protéger uniquement des objets déterminés, mais également ceux dont on n’a pas encore la preuve de leur existence, des objets non identifiés, non dénommés, et de plus il faut conserver les milieux et les habitats auxquels ils appartiennent et dans lesquels ils vivent. Il faut donc prendre en compte un patrimoine inconnu et surtout intégrer une dynamique d’évolution et de changement de ce patrimoine, sachant que vraisemblablement plus des trois quarts des êtres vivants à pro- téger (dont ceux du sol) sont encore actuellement inconnus.

Pour les jardins botaniques, il n’existe pas de politique nationale, pas d’orientation nationale auxquelles les diverses structures adhéreraient for- mellement et d’après lesquelles elles pourraient être évaluées, il n’y a pas de contraintes scientifiques, pas d’obligations de résultats. À l’inverse les conservatoires botaniques nationaux n’ont d’existence que par l’agrément du ministère chargé de l’Environnement avec comme objectifs la mise en œuvre d’une politique nationale, le respect d’un cahier des charges, la mise en place des moyens scientifiques et matériels pour remplir pleinement la mission. Le conservatoire se focalise sur une flore indigène et introduite ren- contrée à l’état naturel ou semi-naturel dans son périmètre d’agrément. Par ailleurs, la connaissance des habitats, leur écologie, leur évolution, l’analyse et la dynamique phytosociologiques sont des axes majeurs des conservatoires.

Dans ce microcosme, les relations personnelles ont existé car la formation ou le militantisme des uns et des autres les avaient rapprochés dans les années 1980-1990. Mais il n’est pas certain que la génération actuelle des cadres de direction et scientifiques de ces deux institutions ait autant de préoccupations communes. Cela n’exclut pas certaines collaborations comme l’implantation de l’antenne Normandie du conservatoire de Bailleul au jardin botanique de la ville de Rouen ou les travaux en commun entre l’antenne nantaise du conservatoire de Brest et le jardin des plantes de la ville de Nantes lors de la mise en culture et de la réintroduction de la tulipe dans le vignoble nantais ou lors des études scientifiques et techniques sur le déplacement naturel de l’angélique des estuaires (espèce protégée) dans l’agglomération nantaise et en particulier dans Nantes.

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Parmi les paradoxes de cette situation très française, les conservatoires botaniques ont une place reconnue dans le microcosme scientifique bota- nique français, mais sur le plan international, seule l’association française des jardins botaniques est présente au sein du BGCI et participe activement aux travaux de cet organisme.

Les jardins botaniques nés en d’autres siècles n’ont pas su échapper suf- fisamment tôt au poids de leur histoire et trouver une reconnaissance dans l’évolution législative et réglementaire française. Face aux défis à venir et à l’évolution des attentes en matière de diversité biologique et de conservation de la nature, il ne serait pas inutile que ces deux institutions – jardins bota- niques, conservatoires botaniques – puissent faire l’objet de véritables études comparatives sur leur place dans la société.

Annexe 1

Conservatoires actuellement agréés (2021)

Conservatoire botanique national alpin Conservatoire botanique national de Bailleul Conservatoire botanique national du Bassin parisien Conservatoire botanique national de Brest

Conservatoire botanique national de Mascarin Conservatoire botanique national du Massif central

Conservatoire botanique national méditerranéen de Porquerolles Conservatoire botanique national des Pyrénées et de Midi-Pyrénées Conservatoire botanique national Sud-Atlantique

Conservatoire botanique national de Corse

Conservatoire botanique national des Antilles françaises, antenne de Martinique

Il y eut de 1990 à 2002, pour l’Est de la France, à Nancy, un conserva- toire botanique national, service du jardin botanique de Nancy. L’agrément ne lui fut pas renouvelé.

Annexe 2 Quelques dates

Le rappel de quelques dates clés permet de mieux appréhender les changements qui se sont opérés en un demi-siècle autour de l’environnement et de la diversité biologique.

1970 - Le ministère de l’Environnement est né d’un discours prononcé le 28 février 1970, par le Président de la République, Georges Pompidou, qui

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constatait : « La nature nous apparaît de moins en moins comme la puissance redoutable que l’homme du début de ce siècle s’acharne encore à maîtriser, mais comme un cadre précieux et fragile qu’il importe de protéger pour que la terre demeure habitable à l’homme. »

1971 – Le 7 janvier, Georges Pompidou prenait la décision de nommer Robert Poujade ministre délégué auprès du Premier ministre, chargé de la Protection de la nature et de l’environnement.

1976 – Premières lois de protection de la nature en France.

1980 – Une nouvelle expression apparaît, celle de « diversité biologique », c’est-à-dire « la totalité de toutes les variations de tout le vivant », selon Edward O. Wilson (créateur du mot biodiversity).

1983 – La direction des espaces verts de la ville d’Orléans, suite à une enquête d’opinion quantitative et qualitative, est amenée à se poser des questions sur la conception des espaces et la pratique de l’entretien d’un patrimoine foncier public essentiellement végétalisé : mise en place de la gestion différenciée.

1988 – La première véritable définition de l’expression diversité biologique, complexe mais complète, est celle qui est formulée au cours de la XVIIIe Assemblée générale de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) :

« La diversité biologique, ou biodiversité, est la variété et la variabilité de tous les organismes vivants. Ceci inclut la variabilité génétique à l’inté- rieur des espèces et de leurs populations, la variabilité des espèces et de leurs formes de vie, la diversité des complexes d’espèces associées et de leurs inte- ractions, et celle des processus écologiques qu’ils influencent ou dont ils sont les acteurs (dite diversité écosystémique). »

1992 – Sommet de Rio, Convention sur la diversité biologique, ratifiée par la France en 1994.

Pendant plusieurs décennies, les milieux ne furent guère pris en compte et ce n’est qu’à partir du concept d’« habitat », concept scientifique récent introduit dans le titre d’une directive européenne en 1992, que la dynamique et les interactions des espèces, y compris l’action directe ou indirecte de l’homme, ont été réellement intégrées.

Annexe 3

Extraits du décret n

o

 2021-762 du 14 juin 2021 relatif aux conservatoires botaniques nationaux

(Ministère de la Transition écologique)

« Objet : missions d’intérêt général des conservatoires botaniques nationaux. […]

1o Développement de la connaissance sur la flore, la fonge, les végétations et les habitats, aux échelles territoriales, nationale et biogéographiques.

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À ce titre, les conservatoires botaniques nationaux :

a) participent à l’élaboration et à la mise en œuvre de l’inventaire du patri- moine naturel […] ; b) développent des connaissances multidisciplinaires sur la flore, la fonge, les végétations et les habitats […] ;

c) assurent la gestion de fonds documentaires et iconographiques ainsi que de collections végétales et fongiques.

2o Gestion, diffusion et valorisation de données sur la flore, la fonge, les végétations et les habitats.

À ce titre, ils :

a) assurent la validation et la conservation des données qu’ils produisent, collectent et agrègent pour le compte des pouvoirs publics […] ;

b) procèdent à l’analyse des données mentionnées à l’alinéa précédent, à leur diffusion et à leur valorisation par la production de supports d’informa- tions scientifiques et d’indicateurs d’état de la flore, de la fonge, des végéta- tions et des habitats. Ils alimentent ainsi les observatoires de la biodiversité aux échelles nationale et territoriales.

3o Contribution à la gestion conservatoire de la flore, de la fonge, des res- sources phytogénétiques sauvages, des végétations, des habitats et des espaces, et à la restauration écologique. […]

À ce titre, ils :

a) apportent un appui à l’État, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu’à leurs établissements, et aux gestionnaires d’espaces, pour la conservation in situ et la restauration écologique des habitats ainsi que du patrimoine végétal et fongique ;

b) assurent la conservation ex situ de matériel végétal et fongique, notam- ment à travers la gestion de collections conservatoires et de banques de graines et autres diaspores ;

4o Appui à l’élaboration et à la mise en œuvre des politiques publiques et de la réglementation aux échelles territoriales, nationale et européenne. […]

5o Communication, sensibilisation et mobilisation des acteurs.

À ce titre, ils :

a) développent et gèrent des outils de vulgarisation, d’information, de sensibilisation, et de mobilisation citoyenne et des acteurs socio-profession- nels ;

b) constituent un socle de connaissances nécessaires et mobilisables pour des actions de formation initiale et professionnelle ; […].

Cet arrêté fixe un cahier des charges devant être respecté par le conserva- toire botanique national. […]

– L’agrément est accordé pour un territoire constitué d’un ensemble de divisions administratives et dont les limites tiennent compte, le cas échéant, de considérations biogéographiques. La zone de compétence d’un conser-

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vatoire botanique national est la partie terrestre du territoire d’agrément, comprenant le littoral jusqu’à la zone d’estran incluse. Un seul conservatoire botanique est agréé pour un territoire donné. […]

– L’agrément en qualité de conservatoire botanique national est déli- vré, pour une durée de dix ans renouvelable, par le ministre chargé de la Protection de la nature, après avis du Conseil national de la protection de la nature. […]. »

Bibliographie

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