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La greffe utérine en Suisse: les défis à venir

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La greffe utérine en Suisse: les défis à venir

BERKANE, Nadia, et al.

Abstract

La transplantation utérine est une possibilité nouvelle offerte aux femmes présentant une infertilité utérine absolue. Environ 60 greffes utérines ont été réalisées dans le monde. La première naissance a été obtenue en 2014 et depuis 20 enfants ont vu le jour. La

«donneuse» est le plus souvent une donneuse vivante. Les étapes chirurgicales sont longues et le risque de complications élevé. L'entrée dans un tel programme nécessite l'obtention préalable d'embryons par fécondation in vitro. Les grossesses obtenues sont à haut risque et la naissance se fait par césarienne. La greffe est transitoire car le greffon sera retiré afin d'interrompre le traitement immunosuppresseur. Eût égard aux risques qu'elle fait courir aux

«donneuses», aux «receveuses» et aux enfants obtenus, cette procédure expérimentale soulève de nombreuses questions éthiques.

BERKANE, Nadia, et al . La greffe utérine en Suisse: les défis à venir. Revue médicale suisse , 2020, vol. 16, no. 676-677, p. 42-46

PMID : 31961082

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:156329

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La greffe utérine en Suisse : les défis à venir

La transplantation utérine est une possibilité nouvelle offerte aux femmes présentant une infertilité utérine absolue. Environ 60 greffes utérines ont été réalisées dans le monde. La première naissance a été obtenue en 2014 et depuis 20 enfants ont vu le jour. La «donneuse» est le plus souvent une donneuse vivante.

Les étapes chirurgicales sont longues et le risque de complications élevé. L’entrée dans un tel programme nécessite l’obtention préalable d’embryons par fécondation in vitro. Les grossesses obtenues sont à haut risque et la naissance se fait par césarienne.

La greffe est transitoire car le greffon sera retiré afin d’inter- rompre le traitement immunosuppresseur. Eût égard aux risques qu’elle fait courir aux «donneuses», aux «receveuses» et aux enfants obtenus, cette procédure expérimentale soulève de nombreuses questions éthiques.

Uterine transplant : Clinical and ethical challenges in Switzerland

Uterine transplant is a novel treatment option for women with absolute uterine infertility. Sixty uterine transplants have been performed worldwide to date. The first live birth happened in 2014 and since then 20 children have been born after this procedure. The procedure has several challenges: The donor is usually a woman alive. Surgery is long and complex for both the donor and the recipient, with a high risk of complications. Embryos have to be obtained through IVF. Pregnancies are at high risk for complications and require cesarean delivery, and transplant is temporary (the transplanted uterus is removed after pregnancy in order to allow discontinuation of immunosuppressive therapy). Uterine transplant is a new hope for women with absolute uterine infertility but a high-risk experimental procedure for the donor, the recipient and the newborns and raises major ethical questions.

INTRODUCTION

L’infertilité absolue due à un facteur utérin (IAFU) peut être liée soit à une absence d’utérus d’origine congénitale comme le syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (MRKH)1 ou acquise (hystérectomie), soit à un utérus non fonctionnel.

Cette situation peut constituer une véritable situation de détresse légitime pour les femmes ayant un désir de grossesse.

En effet, les options qui s’offrent à elles sont soit de se tourner vers l’adoption, soit de bénéficier d’une mère porteuse, ce qui

n’est possible que dans certains pays. En Suisse, la gestation pour autrui (GPA) est interdite et l’adoption est un parcours long et difficile. Il y a peu d’enfants adoptables au plan natio- nal (30 par an) et la loi fédérale du 22 juin 2001 relative à la Convention de la Haye sur l’adoption ainsi que l’ordonnance du 29 juin 2011 encadrent de manière rigoureuse l’adoption à l’étranger. Dans la majorité des cas, les femmes souffrant d’une IAFU doivent renoncer à leur projet de maternité.

Depuis 2014 et l’annonce du premier enfant né après greffe utérine, un nouvel espoir s’est offert à elles. Néanmoins, la complexité de la technique pour un organe non vital n’est pas sans soulever de nombreuses questions d’ordres médical, éthique et sociétal.

Nous présentons dans cet article le concept de la greffe utérine et les principaux résultats rapportés dans la littérature. Nous décrivons également les différentes étapes du parcours de la

« receveuse » et de la « donneuse ». Enfin, nous soulevons à chaque étape l’ensemble des problèmes médicaux et éthiques.

CONCEPTS

Le concept de greffe utérine correspond au prélèvement chirurgical de l’utérus d’une femme « donneuse » vivante ou décédée, puis à la transplantation de cet utérus chez une femme

« receveuse » mise sous immunosuppresseur pour éviter le rejet du greffon. Après la greffe, un délai de 6 à 18 mois est suggéré avant de tenter une grossesse.2 Les trompes n’étant pas gref- fées, une grossesse spontanée n’est pas possible et ces femmes doivent obligatoirement bénéficier d’une technique de pro- création médicalement assistée (PMA) de type fécondation in vitro (FIV). En cas de grossesse, le risque de complications est accru et la dénervation de l’utérus fait que les mouvements fœtaux et les contractions ne sont pas ressentis. L’accouche- ment se fait systématiquement par césarienne.3

La greffe utérine est considérée comme transitoire, car l’utérus est retiré après l’obtention du ou des enfants, afin de pouvoir interrompre le traitement immunosuppresseur. Le processus comprend donc, si tout se déroule correctement, 5 inter- ventions au minimum pour la « receveuse » (1 ou plusieurs prélèvements et congélations embryonnaires, greffe, transfert d’embryons, césarienne, hystérectomie).

La «receveuse» bénéficie avant toute greffe d’utérus d’un bilan de fertilité et, si celui-ci le permet, d’une ou plusieurs tentatives de FIV suivies d’une congélation des embryons. Ce n’est qu’à l’obtention de ces embryons qu’une transplan- tation peut être envisagée. En Suisse, où le don d’ovules est interdit, cette étape sera indispensable.

Drs NADIA BERKANE a,ROLAND BRANETI b, ISABELLE STREULI b, Pr BEGOÑA MARTINEZ DE TEJADA a et Dr JEAN DUBUISSON c Rev Med Suisse 2020 ; 16 : 42-6

a Service d’obstétrique, Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent, HUG, 1211 Genève 14, b Unité de médecine de la reproduction, Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent, HUG, 1211 Genève 14,

c Service de gynécologie, Département de la femme, de l’enfant et de l’adolescent, HUG, 1211 Genève 14

nadia.berkane@hcuge.ch

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Il est essentiel que la prise en charge soit multidisciplinaire : spécialistes en médecine de la reproduction, spécialistes en chirurgie gynécologique pelvienne, chirurgiens transplanteurs, anesthésistes, internistes, obstétriciens spécialisés en gros- sesses à haut risque… Du côté patient, la « receveuse », la

« donneuse », l’enfant et le conjoint de la « receveuse » sont les quatre intervenants clés qui peuvent bénéficier mais aussi souffrir de cette procédure.

HISTORIQUE  La première greffe

La première greffe d’utérus connue aurait été réalisée en Allemagne en 1931 chez une célèbre femme transgenre da- noise, Lili Elbe.4 La patiente est décédée 3 mois plus tard dans un contexte de rejet avec complication infectieuse. Ce cas de pure expérimentation humaine apparaît excessivement nova- teur d’un point de vue médical tout autant qu’éthiquement inacceptable. Depuis, les progrès en immunologie et en trans- plantation d’organes ont été considérables, et surtout des études cliniques préalables sur l’animal ont été réalisées.

Études animales

Depuis les années 1960, de nombreux travaux de recherche sur la greffe d’utérus ont été réalisés sur modèle animal : souris, rats, chiens, brebis, lapins, cochons, et même primates.5 Des grossesses ont été obtenues après greffes allogéniques chez le rat, le lapin et la brebis.5,6 Une étude utilisant des rats avec greffe utérine et le tacrolimus pour l’immunosup- pression, comparés à des contrôles sous tacrolimus ou non, retrouve une densité de vaisseaux diminuée dans l’utérus et le placenta, mais sans incidence sur le poids de naissance ou le nombre de petits dans une portée.7

Les premiers cas humains

En 2000, en Arabie Saoudite, l’équipe du Dr Fageeh a réalisé la première greffe utérine avec prescription d’immunosup- presseur.8 La « donneuse » vivante, âgée de 46 ans, a présenté une lésion de l’uretère gauche traitée en peropératoire. La

« receveuse », âgée de 26 ans, avait eu une hystérectomie d’hémo- stase après un accouchement 6 ans auparavant. Elle a présenté 2 cycles menstruels après la greffe, mais la survenue d’une throm- bose artérielle a nécessité une hystérectomie après 99 jours.

En 2009, l’équipe turque du Dr Dogan a réalisé une greffe uté- rine à partir d’une «donneuse» de 22 ans en mort cérébrale après un accident de la route, la «receveuse» âgée de 21 ans présentait un syndrome MRKH.9 Cette patiente avait des embryons congelés (obtenus par FIV avant la greffe) et a eu une grossesse biochimique et un avortement spontané à 8 semaines d’aménorrhée (SA). Par la suite, d’autres FIV ont été tentées permettant l’obtention de 2 grossesses qui se sont malheureusement encore soldées par des avortements spon- tanés précoces.10

L’essai suédois

L’équipe du Dr Brännström a rapporté en 2014 la première naissance après greffe utérine.11 La « donneuse » vivante était

âgée de 61 ans, la « receveuse » atteinte d’un syndrome MRKH était âgée de 35 ans. Les premières menstruations sont apparues dès le 43e jour après la greffe et la patiente a pu bénéficier d’un transfert d’embryons après une année de surveillance. La grossesse obtenue a pu être menée jusqu’à 31 SA où un tableau de prééclampsie a nécessité de faire naître prématu rément un garçon de 1775 g en bonne santé. À noter que la patiente avait présenté avant et pendant la grossesse des épisodes de rejets identifiés par biopsie cervicale et trai- tés par corticoïdes. Cette équipe a pu réaliser 11 greffes dont 10 à partir de donneuses vivantes et a permis la naissance de 7 enfants. Trois des grossesses ont été compliquées d’une prééclampsie et 2 d’une cholestase gravidique.3

Les cas suivants

Depuis lors, cette technique s’est répandue à travers le monde, notamment aux États-Unis, en France, au Brésil, en Serbie, en Inde et en Chine. Un peu plus de 60 greffes ont eu lieu et environ vingt grossesses ont été actuellement rapportées.12

Immunosuppression

Dans plus de 90 % des cas, l’induction de l’immunosuppres- sion a été réalisée par des anticorps antithymocytes suivie par des glucocorticoïdes, puis remplacés par le tacrolimus, seul ou plus souvent associé au mycophénolate mofétil (MMF) ou à l’aziathioprine.2 Le MMF ayant des effets tératogènes poten- tiels, il était interrompu plusieurs semaines avant le transfert d’embryons.13 Bien que très utiles en cas de greffes, les immu- nosuppresseurs augmentent les risques d’infections sévères,14 de diabète15 et de cancer.16

Complications

Chez les «donneuses»

Si la «donneuse» est en état de mort cérébrale, les risques chirurgicaux sont nuls la concernant, mais la grande majorité des cas de greffe utilise des donneuses vivantes. Concernant les 9 premières patientes de l’essai suédois, la durée opératoire rapportée s’élevait à plus de 10 heures, avec comme corollaire un risque hémorragique accru (2 des 9 donneuses avaient perdu plus de 2 litres de sang) et des risques anesthésiques.3 Sur l’ensemble des données accessibles, 4 cas de complications sévères (grade IIIb selon la classification de Clavien et Dindo) après greffe utérine ont été rapportés : une déhiscence du dôme vaginal, deux plaies urétérales et une fistule urétéro-vaginale, cette dernière ayant nécessité une réimplantation urétérale à 3 mois.3,5 D’autres complications moins sévères, comme des troubles urinaires, des infections de paroi, mais aussi des insuffisances respiratoires, ont été décrites. Enfin, un cas d’état dépressif a été rapporté après l’ablation de l’utérus.17 Les complications classiques de l’hystérectomie à type de pro- lapsus, incontinence urinaire et troubles sexuels ne sont pas mentionnées, mais le faible recul en est probablement la cause.

Chez les « receveuses »

Des complications chirurgicales (6 cas) ont aussi été décrites chez les receveuses : fistule vésico-vaginale, déhiscence de cicatrice vaginale et sténoses vaginales.3 De surcroît, sur les 45 patientes avec greffe d’utérus précisément documentée, 13 ont eu une hystérectomie en urgence dans les 7 premiers

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d’hystérectomie d’urgence étaient des thromboses des vais- seaux du greffon.3 Des épisodes aigus de rejet du greffon avant ou pendant une grossesse sont également survenus, nécessi- tant une prise en charge adaptée (azathioprine, corticoïdes…).

Parmi les grossesses détaillées dans la littérature, aucune n’a dépassé 35 SA.3 L’incidence des complications telles que la prééclampsie ou la cholestase gravidique sont survenues à des taux plus élevés que dans la population générale.3

TECHNIQUES CHIRURGICALES Chirurgie chez la donneuse

Donneuse vivante

La technique standard est réalisée par laparotomie. La chirur- gie laparoscopique conventionnelle ou robot-assistée, dont les spécificités ne seront pas détaillées ici, est en cours d’éva- luation.18,19 La technique chirurgicale de prélèvement chez la donneuse vivante est complexe et implique une dissection très large des axes vasculaires.20 Les artères utérines sont ainsi prélevées au minimum jusqu’au tronc antérieur de l’artère iliaque interne. Pour les veines utérines, le prélèvement doit inclure un segment de la veine iliaque interne sous la forme d’un patch.20 Au-delà de la technique de dissection elle-même, la difficulté réside dans la fréquence des variations anatomiques qui sont observées dans près de 20 % des cas.20 Une alterna- tive serait d’utiliser les veines ovariennes ou utéro-ovariennes comme seuls réseaux veineux, ce qui pourrait simplifier la technique de prélèvement et diminuer significativement le temps opératoire.3,21,22 La préservation des ligaments ronds et des ligaments utérosacrés aide à la fixation de l’utérus greffé, de même qu’un large feuillet péritonéal vésico-utérin.

La dissection de l’uretère pelvien est effectuée de la bifurca- tion iliaque jusqu’à son entrée dans la vessie avec une grande minutie. Cette procédure est à risque de complications péri- opératoires importantes et la pose de stents urétéraux est fréquente en prévention de la sténose urétérale par dévascu- larisation. Une collerette vaginale de 1 à 1,5 cm est nécessaire en prévision de l’anastomose vaginale.3

Donneuse décédée

Le prélèvement est plus rapide et a l’avantage de permettre une dissection large des pédicules vasculaires ce qui diminue le risque de thrombose anastomotique chez la receveuse.

Chirurgie chez la receveuse

Les anastomoses vasculaires consistent au branchement des pédicules artério-veineux du transplant à l’axe vasculaire iliaque externe. Les anastomoses vasculaires sont bilatérales, de type latéro-terminales, selon les principes de la microchirurgie.

L’anastomose vagino-vaginale s’effectue une fois l’anastomose vasculaire finalisée et vérifiée par flux Doppler. La dernière étape est la fixation de l’utérus au niveau des ligaments utéro- sacrés et des ligaments ronds. Les tissus de soutien compre- nant le tissu conjonctif paramétrial et le péritoine vésico-utérin sont également suturés. La durée opératoire est de 5 heures en moyenne.3 En cas de syndrome MRKH, l’accès à la cupule vaginale nécessite une dissection vésicale et rectale préalable.

STATUT DE RECEVEUSE : INDICATIONS À LA GREFFE UTÉRINE

Les indications pour une greffe d’utérus sont les IAFU d’ori- gine congénitale ou acquise.5 Dans les causes congénitales, l’utérus peut être absent, rudimentaire ou non fonctionnel.

Dans les causes acquises, on distingue :

Les statuts post-hystérectomie pour des raisons oncolo- giques (cancer du col de l’utérus, hyperplasie atypique/can- cer de l’endomètre) ou des saignements incontrôlables (en post-partum ou en peropératoire lors d’une myomectomie par exemple).

Les utérus non fonctionnels dont le syndrome d’Asherman (synéchies utérines d’origine iatrogène ou post-infectieuse) après échec de restauration endométriale par traitements hystéroscopiques. Les indications plus relatives seraient des utérus pathologiques (adénomyose, utérus multimyo- mateux) avec une infertilité et des échecs d’implantation ou des avortements répétés.

STATUT DE «DONNEUSE»

L’âge moyen des donneuses rapporté sur 36 cas dans une revue de la littérature est de 44 ans (20-62 ans) et la parité moyenne de 2,5. Elle ne devrait présenter aucune maladie générale, aucun cancer et aucun antécédent de chirurgie abdominale lourde mais cela n’est pas toujours le cas. Lorsque la donneuse est en état de mort cérébrale, les vérifications portent au minimum sur l’intégrité de son utérus (absence de myomes…) et l’absence de pathologies virales (VIH…).

Cependant, la grande majorité des cas de greffe utilise des donneuses vivantes, généralement la mère et parfois une tante ou une sœur de la patiente.23 La parenté favorise une meilleure compatibilité. Parfois, il s’agit de famille par alliance ou d’amies, voire d’une donneuse sans aucun lien avec la patiente.3,17 Idéalement, la donneuse doit avoir eu des enfants et surtout ne plus en vouloir. Il faut préférer des donneuses de moins de 50 ans et en bonne santé, car à un âge plus avancé ou en cas de pathologies vasculaires, les calcifications artérielles peuvent être plus fréquentes et avoir un impact défavorable sur l’acte chirurgical et la perfusion du greffon (complications rencontrées avec des donneuses âgées de 61 et 55 ans).21 L’accord doit avoir été obtenu sans pressions et devrait faire l’objet d’un encadrement psychologique étroit et prolongé. Le fait que la «donneuse» soit vivante permet de prendre le temps nécessaire pour tout cela et d’établir son degré de compatibilité immunologique avec la « receveuse ». Certains préconisent, même si leur utilité est contestée, la réalisation d’examens d’imageries (angiographie par résonance magné- tique et angioscanner) afin d’évaluer l’anatomie et la qualité (calibre…) de la vascularisation utérine.21,24

ASPECTS DE MÉDECINE DE LA REPRODUCTION

Les patientes incluses sont donc des femmes jeunes avec un bon pronostic de grossesse après la greffe. Sans trompes, les patientes doivent avoir recours à une PMA afin d’obtenir une grossesse. Seules ont été incluses dans les programmes de

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greffe utérine des femmes qui avaient obtenu plusieurs embryons congelés en vue d’un transfert. Le transfert d’em- bryons est effectué plusieurs mois après la greffe utérine et nécessite de contrôler l’absence de rejet par une biopsie cervicale. Le transfert d’un seul embryon en cycle naturel ou artificiel devrait être favorisé afin d’éviter une grossesse gémellaire. Un test préimplantatoire des aneuploïdies (PGT-A) pourrait être associé afin d’optimiser les chances de grossesse et de réduire le risque de fausse-couche après transfert.

LES QUESTIONS ÉTHIQUES SOULEVÉES

La greffe utérine est actuellement considérée comme une technique expérimentale et s’effectue dans le cadre de proto- coles de recherche. Cette technique a surtout été utilisée chez des femmes présentant une agénésie utérine avec des utérus provenant de donneuses vivantes, principalement de leur mère. La première considération est le fait de greffer un organe non vital qui nécessite une chirurgie complexe associée à de possibles complications urinaires ou hémorragiques et dont la durée opératoire prolongée n’est pas dénuée de risques pour la «donneuse». La notion de consentement éclairé est fondamentale eut égard aux possibles pressions psycholo- giques devant l’infertilité d’un membre de la famille25,26 et à la marchandisation d’organes dans certains pays.27,28 Plusieurs équipes étudient la possibilité de don provenant de femmes en mort cérébrale9,29 chez qui les risques chirurgicaux men- tionnés ci-dessus ne se posent pas. Néanmoins, les données scientifiques publiées sur les donneuses décédées restent faibles et la majorité des enfants obtenus sont issus de greffes avec donneuses vivantes.

Concernant les femmes receveuses, il faut de même évoquer les risques de la chirurgie et de rejet de la greffe ainsi que les effets secondaires du traitement immunosuppresseur. On doit aussi considérer l’impact psychologique de multiples interventions sans garantie de succès malgré le long parcours.

S’y ajoutent les risques obstétricaux et l’enjeu pour la santé de l’enfant, notamment la prématurité et l’exposition aux immuno suppresseurs in utero.

Si la Fédération internationale de gynécologie et d’obsté- trique (FIGO)30 a émis un avis défavorable à la réalisation de greffe utérine en 2008, la Commission nationale d’éthique suisse (CNE)31 a pris acte de l’état de la recherche mondiale et des premiers succès obtenus tout en soulignant les risques potentiels pour les patientes. Elle s’est cependant prononcée en défaveur d’une prise en charge par le contribuable et vers une non-attribution de deniers publics pour la recherche sur ce sujet.

Quant aux questions éthiques sur le plan sociétal, les critères d’inclusion et d’exclusion selon lesquels les receveuses seront choisies pour bénéficier ou non d’une greffe utérine devront être débattus. Rappelons que la plupart des transplantations documentées à ce jour ont été effectuées chez des femmes à très bon pronostic en termes de grossesse après transfert d’embryons. Or, la majorité des femmes qui auraient besoin d’un don d’utérus sont celles présentant une altération acquise de l’utérus (adénomyose sévère, synéchies, hystérectomie) à un âge plus avancé et avec un pronostic plus réservé en termes

de chances de grossesse. De même, la greffe utérine pourrait aussi concerner les personnes transgenres ouvrant alors la porte à d’autres débats sociétaux.32,33

CONCLUSION

Les récents succès de la greffe utérine ont offert de nouveaux espoirs aux femmes présentant une infertilité absolue due à un facteur utérin. Cependant, la complexité de la prise en charge et les risques encourus tant pour la « donneuse » que pour la « receveuse » doivent faire réfléchir sur le bien-fondé d’une telle démarche. Les alternatives actuellement proposées à la greffe utérine sont soit la gestation pour autrui actuelle- ment interdite en Suisse, soit l’adoption qui est une procédure longue avec peu d’enfants adoptables comparés aux demandes.

L’expérience de nos voisins européens dans les prochaines années nous aidera probablement à répondre aux nombreuses questions encore en suspens.

Conflit d’intérêts : Les auteurs  n’ont déclaré aucun conflit d’intérêts en relation avec cet article.

La greffe utérine est possible chez la femme et permet de mener des grossesses avec enfants viables. Le prélèvement peut s’effectuer chez des donneuses vivantes ou décédées

Sa réussite nécessite une collaboration multidisciplinaire associant des équipes entraînées

Une sélection rigoureuse des «receveuses» et la maîtrise des techniques de procréation médicalement assistée sont indispen- sables pour l’obtention d’une grossesse

Une réflexion approfondie doit être menée afin de discuter du bien-fondé de la mise en place d’un centre de transplantation utérine en Suisse

Les risques de complications pour la donneuse, la receveuse et l’enfant sont considérables et ne doivent pas être négligés

IMPLICATIONS PRATIQUES

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Références

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