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Texte intégral

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Les

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Les

Mathématiques

Benoît Rittau d

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Benoit Rittaud

Benoît Rittaud est mathématicien et maître de conférences à l'université Paris·Xlll. Chercheur, il se consacre également à la vulgarisation des mathématiques, au travers d'articles réguliers dans le magazine La Recherche, de conférences ainsi que par divers ouvrages.

Du même auteur

- Le Fabuleux destin de

vl,

Ëditions Le Pommier, 2006

- L'Assmsin des échecs et 01Jtres fictions mathématiques, Ëd itions Le Pommier, 2004

La collection « Idées Reçues »

Les idées reçues sont tenaces. Nées du bon sens populaire

ou de l'air du temps, elles figent en phrases caricaturales des opinions convenues. Sans dire leur origine, elles se répandent

partout pour diffuser un « prêt·à·penser »collectif auquel il est difficile d'échapper ...

Il ne s'agit pas ici d'établir un Dictionnaire des idées reçues

contemporain, ni de s'insurger systématiquement contre les

clichés et les« on.clit ».En les prenant pour point de départ, cette collection cherche à comprendre leur raison d'être, à

déceler la part de vérité souvent cachée derrière leur formu·

lation dogmatique, à les tenir à distance respectable pour

offrir sur chacun des sujets traités une analyse nuancée des connaissances actuelles.

Vous souhaitez aller plus loin ? www.ideesrecues.net

(5)

MATHÉMATIQUES (matematik) - n. f. pl. - du grec

t1111thêt1111tikos, de t1111thêrna, «science,._ Discipline lincéressanc à des o bjec< ab.maies, donc elle câche de dégager propriécés ec scruccures à 1·aide de raisonnen1encs s·appuyanc sur la

logique.

Les prenüers à s·appeler « n1achén1aciciens,. sonc les disciples

de récole pychagoricienne, fondée au v1.: siècle avanc nocre ère par le Grec Pychagore, dan.< le Sud-Esc de l'acruelle

Icalie. Le cern1e esc alors en1ployé pour désigner les « iniciés ,., par opposicion aLLx novices (appelés, eux, « acousn1aciciens ,.), iniciés donc les accivicés pouvaienc

n·avoir rien à voir, ni de près ni de loin, avec les n1achén1a .. ciques que nous connaissons.

Jusqu·au x1xc siècle, le prescige incelleccuel de la géon1écrie esc cel qu•un n1achén1acicien esc parfois aLLssi appelé « géo-n1ècre ,., n1ên1e si ses cravaux ne concernenc pas la géon1écrie propren1enc dice. Lexpansion de don1aines n1achén1aciques

difficiles à relier à la géon1écrie cradicionnelle (analyse,

chéorie des ensen1bles, chéorie des non1 bres ... ) a finalen1enc

rendu caduque cerce dénonünacion.

Depuis le xv1.: siècle,. 1·LLsage veuc que le sub..srancif soie ucilisé au pluriel (« les n1achén1aciques it). Au XIX.: siècle pourranc, Augusce Conrue n1ec en exergue« la,. n1achén1acique pour en affirn1er runicé. Le x:x.: a vu les n1achén1aciciens du

groupe Bourbaki proposer eLLx aLL<Si de récablir l'emploi du

singulier; pour cerce raison, 1·œuvre synchécique du groupe

Bourbaki s'imicule Éléments de Mathématiq1'e - la majuscule y écanc par ailleurs de rigueur. Malgré le prescige de

Bourbaki, cerce convencion esc aujourd'hui con1bée en

désuécude, au profic de la poésie cercaine qui se dégage du

(6)

Introduction

9

R

é

alit

é

cont

e

mporain

e

d

e

s m

a

th

é

matiqu

e

s

« Les mathématiques sont la science

de l'exactitude. » . . . l 3 « Il n'y a plus rien à découvrir

en marhémaciq uc.s. » l 9

« Seuls les spécialisrc.~s peuvent comprendre

les maihémariqucs acrucllcs. • 25

«Avec l'ordinateur, on n'a plLL<i besoin

des marhématicicn'i. • . . . 3 l

«

R

é

ussir

»

e

n math

é

m

a

tiqu

e

s

«Pour comprendre les marhémariquc.s, il fuur

avoir un don. » . 4 l

«Les enseignants de marhémariquc.s aiment

mettre de mauvaises notes. » 45

« Les mathématiques, c'est pour les jeunes

cr pour les garçons. • 51

«C'est en jouant qu"on apprend le mieux

les maihémariqucs. • . 59

L

e

s math

é

m

a

tici

e

ns

« Les plus grands marhémacicicns sonr Pythagore

cr Euclide. • 67

«Les marhémaricicn.s aiment la complicacion. » .. 75

(7)

« Les marhémaricicns vivent dans leur rour

d'ivoire. » ... 8 l • Les marhémaricicns sonr fort1 en calcul mental cr aux échec..-.. » ... 87 « Les marhémaricicns raisonnent

sans commcrrrc d'erreur. »

Mathématiques

et vie courante

91

«Les marhémariques, ça ne serr à rien. » 99 « Les marhémariq ues ne sonr qu'un ouril

de sélection scolaire. » . l 05

«Avec les marhémariqucs, on augmente

ses chances de gagner au loto. •

109

«La pratique des marhémariqucs étouffe

l'imagination. » l l 3

«Pour intéresser le public, il faur parler

des applicarions. • . . . 1 17

Conclusion

121

Annexes

(8)
(9)

Introduction

C'est aujourd'hui un lieu commun que de

com-mencer un ouvrage de vulgarisation mathématique en expliquant d'emblée que ces dernière~ font peur, que le grand public les fuit comme la pe~te, et que les

mathématicien.,~ ne sont décidément pas doués pour en parler aux non-spécialistes. Bien qu'un peu convenue, cette aut0Aagellation constitue un progrès: dans des livres plus anciens, on ne trouve pas t0ujours trace de réflexion critique sur la manière de parler des mathé-matiques au plus grand nombre. Aujourd'hui, les mathématiciens savent que le grand public n'a paç grand-chose à voir avec le public de leurs élève~ ou étu-diantS. Ils savent aus.~i qu'être capable de communi-quer e~t un enjeu crucial dan,~ notre société de l'information, et qu'une part de la vitalité de la disci-pline dépend de notre aptitude à diffuser la • culture mathématique• - un concept qui apparaît à beaucoup comme w1 oxymore tant le~ mathématiques se réduisent

parfois à de la pure technique dan,~ l'imagerie courante.

Dans les page~ qui vont suivre, l'on trouvera peu de

mathématique~ proprement dites, le but étant autant d'expliquer ce qu'elles sont (sans pour autant entrer dans le~ détails) que ce qu'elles ne sont pas. Y a-t-il encore des chose~ à découvrir en mathématiques? Les mathématiciens vivent-ils dans leur t0ur d'ivoire? Faut-il avoir un• don• pour fuire des mathématiques?

Les mathématiques sont-elle~ une science inutile? Autant de que~tions récurrentes que se poçent beaucoup de gens souvent intrigués, parfois un rien effrayés, par une discipline que l'on croit parfuis nimbée de mystères, et à laquelle on attache si souvent se~ propres souvenirs d'écolier.

(10)
(11)

''

,

,

REALITE CONTEMPORAINE

,

(12)
(13)

«

Les mathém

a

tiques sont la science

de l

'

exactitude

.

»

Ne dirons-nous pas que le nombre trois périra et souffrira tout au monde plutôt que de se résigner à devenir pair, en restant trois ? Platon, Phédon, 1V" siècle avant notre ère

Outre la politesse des rois, l'exactitude est l'hori-zon indépas.~able des mathématiques. On ne tran..~ige pas avec le résultat d'un calcul, qu'il soit mental, écrit ou informatique, et il est rigoureusement défendu de modifier l'énoncé d'un théorème sart.~ raison valable.

Les

mathématiques ne sont certes pas la seule disci-pline qui puisse revendiquer ainsi une telle obsession de l'exactitude, mais ce sont elles qui sont le mieux parvenues à asseoir cette réputation. Celle-ci provient de plusieurs facteurs, l'un des principaux étant la permanence et l'extraordinaire longévité des affirmations mathématiques. Pour ne citer qu'un exemple parmi les plus simples, depuis que les hom-mes étudient l'arith.métique, personne n'a jamais pu contester qu'ajouter un nombre pair à un nombre impair produit t0ujours un nombre impair.

Il y a d'abord un a.~pect inconfortable à cet état de fait, qui ne laisse aucune place à la nuance.

lmpos.~ible, pour justifier sa pares.~e, de se défendre en affirmant que les mathématiques d'aujourd'hui seront de t0ute façon contredites par de nouvelles découvertes. Mais surt0ut, il y a un côté effrayant à

se représenter une logique tellement irrésistible que

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immua-bles et éternelles. Une telle force a quelque chose de surnaturel, au sens premier du mot. Vexactitude mathématique est-elle vraiment humaine? Ne devrait-on paç plutôt cdevrait-on.ûdérer qu'elle ne saurait être que réservée à des individus un peu étranges, à regarder avec au moins autant de crainte que d'envie? Cela expliquerait ce fumeux• blocage• en mathématiques dont les journaux en mal de sujets accrocheurs nous rebattent les oreilles à intervalles réguliers ...

Commençons par dissiper un malentendu: l'exac-titude des mathématiques concerne le raisonnement davantage que les objetS étudiés. Pendant longtemps certes, les cercles, triangles et droites parallèles de la géométrie classique, f"'U"angons d'exactitude abstraite, servaient d'emblèmes à t0utes les mathématiques, et

cette image est encore vivace dans la perception commune. En réalité, les choses ont évolué, et il y a longtemps que les mathématiciens s'intéres.~ent aus.~i

à des objet.~ moins déçincarnés. La théorie des proba-bilités, par exemple, aujourd'hui un pilier des mathé-matiques, est née de l'étude des jeux de dés et sert à quantifier l'incertitude dans de nombreux domaines, qui vont de l'analyse de donnée~ au calcul de haute précision. Les mathématiques appliquée~ concernent

des objets on ne peut plus concretS: files d'attente à un standard téléphonique, transmis.~ion de données bancaires, biomécanique, imagerie numérique, etc. Pour être en mesure de raisonner mathématiquement sur de tels objetS, on effectue une modélisation, c'e~t­

à-àire que l'on produit un concept abstrait qui rend compte aus.~i bien que po.çsible de l'objet à étudier, concept à partir duquel il est pos.~ible d'appliquer les règles de la logique. Ces règles, si elle~ sont utilisées comme il convient, permettent de tirer des condu-sion ... ç qui, tout en étant mathématiquement exacte..ç, ne sont pas aus.~i définitives que le théorème de

(15)

Pythagore. Un cas typique est celui des intervalles de confiance pour un sondage: une fois triés les résul-tats d'une enquête et connues les condition..~ de sa réalisation, le mathématicien dira par exemple qu'il y a 95 o/o de chances pour que le score de tel candidat

à telle élection se situe entre 35 et 37 o/o. Il s'agit bien d'une affirmation exacte, qui n'en porte pa~ moins sur une situation d'incertitude.

On doit à Arist0te, au IV siècle avant notre ère, d'avoir érigé la logique au rang de discipline. Cemblème de la logique arist0télicienne est la notion de syllogisme qui, selon le philosophe grec, • est un discours dans lequel, certaines choses étant posées, quelque chose d'autre que ces données en résulte

néces.~irement par le fait de ces donnée.~• (Premiers

analytiqttes). Cexemple le plus fameux de syllogisme e.~t le suivant: t0ut homme est mortel, Socrate est un homme, donc Socrate est mortel (en réalité, cet exemple n'e.~t pa.~ le meilleur que l'on puis.~e imagi-ner, car • Socrate • est un objet pasticulier alors qu'un syllogisme a plutôt pour vocation de traiter d'objets généraux). Selon Arist0te, le raisonnement par syllogismes devait permettre d'éviter t0ute erreur de raisonnement dasis une démonstration et, donc, constituer une voie efficace dans la recherche de la vérité. Très utilisé à. l'époque médiévale par les pen-seurs scolastiques, le raisonnement pas syllogisme sera critiqué à l'époque moderne pour son caractère alambiqué, qui donnait un vernis de rigueur mais n'empêchait nullement les erreurs.

À l'origine plutôt affaire de philosophe.~, l'étude de la logique en tant que telle est devenue un sujet principalement mathématique au XX' siècle, notam-ment sous l'impulsion de Kurt Gode!. Cette partie des

mathématique.~, qui est t0ujours un domaine de recherche actif, notamment en raison de son utilité

(16)

en informatique, ne doit paç être confondue avec les

quelques règles de logique courante qui président au

travail mathématique ordinaire. I.:extraordinaire

puis-sance de

ces

quelques règles, avec lesquelles

se

con..~­ truit l'es.çentiel de l'édifice mathématique, ne doit pas masquer le fait que

ses

principe.~ fondateurs sont somme t0ute as.~ez banals. Ce_~ règles n'ont rien de bien mys-térieux, et tiennent facilement sur quelques lignes. • La logique concerne le monde réel, exactement

comme la zoologie, même si les êtres logiques sont

plus généraux et plus abstraitS • expliquait Bertrand Rus.~ell. C'est si vrai que, dans les programmes

d'en..~eignement des mathématiques, la partie réservée à

l'apprentis.~ge de la logique mathématique propre-ment dite est, pour ainsi dire, inexistante, et l'expé-rience montre que l'y in ... ~érer n'est que rarement

d'une grande utilité.

Un peu de logique élémentaire

La logique permet d'opérer sur des énoncés appelés

«assertions», comme:« ABC est un triangle rectangle», « x est un nombre plus grand que 7 »,etc.

Une assertion A étant posée, la négation de A est notée non(A) (le • contraire de A •, en langage courant). Le principe du tiers exclu pose que, quelle que soit l'a.sser.

tion A, soit A est vraie, soit non(A) est vraie (et les deux ne peuvent jamais être vraies simultanément).

Considérons deux assertions, A et B. On dit que A implique B si, à chaque fois que A est vraie, B l'est aussi.

Par exemple, « x est un nombre plus grand que 7 » implique« xest un nombre plus grand que 2 ».On note :

A=> B (les logiciens notent plutôt A -> B). L'implication est une relation transitive, c'est.à-dire que si A=> B et

que B => C, alors A => C.

(17)

Lorsque A implique B et que B implique A, les deux asser·

tions sont dites équivalentes, ce que l'on note A <=> B. Le théorème de Pythagore, par exemple, énonce l'é·

quivalence entre les assertions «ABC est un triangle rec· tangle en A• et• AB'+AC' " BC' -.

Le principe du tiers exclu permet de montrer que A => B est équivalent à non(B) => non(A): c'est la contraposi·

tion, qui indique qu'une démarche pour démontrer que A implique B consiste à supposer non(B) vraie, et à en déduire que non(A) est vraie.

Enfin, le raisonnement par l'absurde consiste, pour démontrer qu'une assertion est vraie, à supposer qu'elle est fausse et à en tirer des conséquences jusqu'à débou· cher sur quelque chose de contradictoire.

(18)
(19)

« Il

n

'

y a plus rien à découvrir

en mathématiques

.

»

Nous devons savoir, et nous saurons. David Hilbert, allocution, 1930

Même si la notion de • progrès scientifique • a quelque peu perdu de l'aura qui était la sienne il y a un siècle de cela, nous

sommes

collectivement profondément marqués par l'idée que la science avance, et non qu'elle stagne ou recule. Une opinion courante veut pourtant que les mathématiques fassent exception. L'idée selon laquelle l'ensemble des

théorèmes intéressant.~ auraient été soigneusement

compilés dans des manuels que l'on n'exhumerait plus désormais que pour cas.çer les pieds à des élèves

rétifs est très largement répandue.

Un fait peu connu des mathématicien.,~ eux-mêmes est que, à la fin du XVIII' siècle et au début du XIX', un désenchantement comparable régnait dans la

communauté mathématique elle-même, dont un

représentant aussi éminent que Louis Lagrange

avan-çait que le filon des découvertes mathématiques était peut-être en train de s'épuiser. Copinion du grand

public du début du XXI' siècle rejoint t0ut à fuit cet

état d'esprit qui, de Denis Diderot - jugeant, en 1754,

que le XIX' siècle ne produirait paç plus de trois grands

mathématiciens - à. Jean-Baptiste Delambre - affir-mant, en 1810, pourquoi les améliorations pos.~ibles en mathématiques seraient désormais marginales

(20)

Les hautS fuitS mathématiques seraient-ils donc définitivement accomplis, qui ne laisseraient que quelques miettes aux mathématicien.,~ contemporain.,~, à jamais réduit.~ aux rôles d'épigones de trop brillantS devanciers? Deux siècles ont pasçé depuis les craintes existentielles de Lagrange et, autant le dire claire-ment, nous savons aujourd'hui qu'il s'agissait d'une erreur monumentale, qui n'a d'ailleurs paç été longue à se révéler comme telle avec les immenses percées du

XIX' siècle initiées par Bernhard Riemann, Carl Caus.~ ou encore Niels Abel, pour ne citer qu'eux.

Autant il arrive que certaines idées reçues aient un fond de vérité, autant il n'est pas envisageable d'accorder le plus petit crédit que ce soit à celle selon laquelle les mathématiques seraient une discipline terminée, un temple aux colonnes grecques figé pour l'éternité, et que nous ne pourrions plus qu'admirer et préserver, sans plus pouvoir l'agrandir ou l'améliorer.

Il est t0ut à fait extraordinaire pour un mathémati-cien contemporain de croiser parfois, le temps d'une rencontre, des personnes qui doutent le plus sérieu-sement du monde de ce qu'il reste des questions mathématiques en suspens. • On sait compter aus~i loin qu'on veut : que peut-on bien vouloir fuire de

plus?•: telle est l'une des questions que l'auteur de ces lignes $est une fuis entendu adresser, et il n'y avait pa~, dans ces propoç, l'ombre d'un trait humo-ristique.

Un tel décalage entre la perception commune et la réalité actuelle des mathématiques a quelque chose de déroutant: son énormité même fait que le mathé-maticien peut se retrouver démuni pour rectifier l'erreur. Une bonne façon de procéder consiste peut-être t0ut bonnement à commencer par cette devi-nette: à votre avis, combien de nouveaux théorèmes sont-ils publiés chaque jour dans le monde?

(21)

À la lecture de cette question, beaucoup de

lec-teurs extérieurs aux mathématiques s'ét0rrnent déjà sans doute: ils pourraient, à la rigueur, imaginer qu'on demande le décompte des nouveaux théorèmes découvertS chaque année, ou encore chaque mois. Mais poser la question pour chaque jour, voilà qui présage, d'emblée, d'une réponse inattendue et, pour t0ut dire, nettement plus élevée que celle à laquelle ils pourraient s'attendre. Avant de donner la réponse à cette devinette, prévenons t0ute espèce de doute ou d'objection : nous parlons bien ici de nouveaux théorèmes, c'est-à-dire d'énoncés mathématiques ori-ginaux, qui mettent en relief un résultat inattendu

etfou dont la véracité n'est pa.~ garantie par la simple évidence. Nous parlons de résultat.~ neufs, publiés par des revues spécialisées, c'est-à-dire de résultatS dont la justesse, la pertinence et l'intérêt pour la discipline ont fait l'objet de contrôles rigoureux (en principe), de la part d'expert.~ triés sur le volet.

Alors? Combien ? Cinq? Dix ? Trente? Vous n'y êtes pas: il se publie l'équivalent d'au moins cent

cinquante nouveaux théorèmes mathématiques par jour. Plus fort: il s'agit là d'une estimation certes, mais d'une estimation très bas.~e, fondée d'une part sur le fait qu'en v iron soi xarite mi lie articles de recherche en mathématiques sont publiés chaque année (soit une moyenne d'environ 150 par jour, donc), et d'autre part sur le constat que chacun d'eux est censé contenir au moins un résultat nouveau. En réalité, une large proportion d'articles de recherche en donnent plusieurs d'un coup, augmentant d'au-tant la quantité de théorèmes qu'il faudrait lire t0us les jours pour être au courant de t0ut ce qui se fait quotidiennement dan.~ la discipline.

Bien sûr, ces cent cinquante nouveaux théorèmes quotidiens sont d'importances très inégales. La

(22)

plupart ne sont appelés à jouer qu'un rôle t0ut à fait marginal, voire nul, àan.,ç l'avancement général des mathématiques; beaucoup ne sont pas davantage que des • exercices d'application • d'une théorie connue, et ce n'est qu'occasionnellement que, parmi la myriade de nouveaux résultatS publiés, Sen trouve Wl qui se révélera d'une importar1ce réelle. Il n'en reste pa.ç moins qu'une telle quar1tité montre, pour le moins, que les mathématiqueç sont loin d'être terminées.

Cette croyar1ce en une science mathématique achevée a quelque chose d'ét0rrnarlt dar1s un pays comme la Frar1ce, dont la tradition mathématique n'a guère d'équivalent dans notre monde contempo-rain. Si la France n'est paç le plus ancien pays à avoir fait des mathématiques (les initiateurs de la disci-pline sont pour une part les Babyloniens et les Ëgyp-tiens, il y a environ quatre mille ar1s, et surt0ut les Grecs, il y a deux mille cinq centS ans), la France est t0utefois le pays dont l'école mathématique contem-poraine, considérée oomme la deuxième du monde (derrière les ËtatS-Unis), tut0ie les sommetS sans dis-continuer depuis le plus longtemps. Quel autre pays, en effet, est en mesure de présenter une chaîne quaçi ininterrompue de générations de mathématiciens qui, depuis le XVI' siècle, comptent parmi les plus célèbres de l'Hist0ire ? François Viète (1540-1603), René Descartes (1596-1650), Pierre de Fermat (1601-1665), Abraham de Moivre (1667-1754), Joseph-Louis Lagrange ( 1736-1813), Augustin-Louis Cauchy (1789-1857), Henri Poincaré (1854-1912), Henri Lebesgue (1875-1941) et Jean-Pierre Serre (1926-) ne fournissent que l'une des nombreuses façon.,ç de constituer une telle chaîne, qui pourrait t0ut aussi bien être constituée de noms non moins prestigieux tels que Girard Desargues (1591-1661), Blaise Pascal (1623-1662), Jo.çeph Fourier (17

(23)

1830), Ëvariste Galois (1811-1832), Ëlie Cartar1 (1869-1951), Jean Dieudonné (1906-1992), Alain Connes (1947-), et beaucoup d'autres.

À part Descartes et Pascal, que vous connaissez

comme philosophe.ç, aucun des nomç qui précèdent

ne vous sont connus? Cela n'a malheureusement rien d'ét0nnant, et il serait bien évidemment trop long d'expliquer en quoi chacun a contribué de façon décisive à l'avancement de.ç mathématiques, décisive au point que tous ces noms, sans exception, sont

aujourd'hui connus de tOUS les mathématiciens professionnels du globe.

Imaginez un instant que le grand public autri-chien soit incapable de citer le nom d'un composi-teur de valse, que seule une infime minorité des Américains connaissent le.ç nomç de leurs plus grands cinéastes, ou encore que quelques Brésiliens seule-ment aient entendu parler de football, et vous aurez une idée du paradoxe dans lequel se trouve la France avec ses mathématiciens.

(24)
(25)

«

Seuls les spécialistes peuvent

comprendre les mathématiques actuelles

.

»

Ô mathématiques sévères ... Lautréamont, Le.s Chants de Moldoror, 1869

Que les mathématiques soient une science bien vivante, voilà donc une affuire entendue. Mais alors, que cherchent donc de neuf t0us ces mathématicien..~ et, question subsidiaire, pourquoi diable n'entend-on donc jamais parler de ces milliers de théorèmes qu'ils nous démontrent chaque année ?

Contrairement à ce qui se pas.çe dans d'autres disciplines scientifiques, le grand public ne dispose pas des notions de base des mathématiques contem-poraines à partir desquelles il serait pos.~ible de lui expliquer facilement les résultat.~ nouveaux de la discipline - les bons vieux triangles de la géométrie das.~ique pas plus que la • terrible • identité remar-quable (a+b)' = a2+b2+2ab n'y suffisent. Alors que

t0ut le monde a au moins une petite idée de ce que sont un at0me, une ét0ile, une molécule d'ADN ou la tecwnique des plaques, la proportion de la popu-lation ayant seulement entendu parler de la structure de groupe, de la notion d'équation différentielle ou de celle de série (mathématique, paç télévisée!) ne

dépa~se pa~ le pour cent. Il n'est d'ailleurs pa~ rare

qu'un journaliste - et même un journaliste

scienti-fique ! - se préparant à interviewer un mathémati-cien entre en matière en expliquant quelque chose comme:

•Je

vous préviens, les maths, je n'y connais rien et je n'aime paç

ça,

c'est ma rédaction qui me

(26)

demande de venir vous trouver. Alors dites-moi :

quelles questions faut-il que je vous pose ? • Dans ces conditions, on conçoit aisément qu'il n'y a rien d'ét0nnant à ce que le travail de fourmi de la com-munauté mathématique pa~se inaperçu.

fat-il possible de comprendre les mathématiques qui se font aujourd'hui sans disposer soi-même de

connaissance~ particulières? La réponse est la même que pour ce qui concerne la médecine ou la paléon-t0logie: sans prétendre à l'exhaustivité, on peut s'initier aux grandes lignes de bon nombre de problématiques d'aujourd'hui avec un minimum d'effortS, rout en acceptarlt l'idée que certains domaines sont en effet d'une technicité trop grande (pour l'instant?) pour espérer être accessible~ à un public

dépas.~nt celui des cercles spécialisés.

Nous allons tenter d'illustrer ce point de vue par un exemple concret. Le choix de notre exemple est guidé, outre par le gofit personnel de l'auteur de ces

lignes, par les considérations suivantes: il s'agit d'une problématique qui, sans être LA plus grar1de des mathématiques, e~t v-aste, profonde, étudiée depuis longtemps, et qui semble devoir intriguer encore longtemps les mathématiciens. Son niveau de techni-cité est acces.~ible, sans être t0utefois trop fuible puisqu'il ne s'agit pas de se donner un exemple trop simple mais d'exposer un cadre raisonnablement conforme au pain quotidien des mathématiciens.

Ami lecteur qui n'avez peut-être paç fait de

mathé-matique~ depuis vos années de lycée, vous voici donc aux portes d'une initi.ation à • la normalité de~ irra-tionnels algébrique~•. Pour vous ras.~urer, sachez que même certains des mathématiciens profe~sionnels

qui lisent en même temps que vous ne parviennent pas à donner de sens à cet intitulé - au moins parmi ceux qui ne font ni de théorie de~ nombres ni de

(27)

théorie des probabilités, ce qui fuit beaucoup de

monde.

Pour comprendre ce qui suit, deux condition.,ç sont exigées: 1) ne pas avoir d'appréhen.ûon a priori du genre: • De t0ute façon, ce n'est paç pour moi• et 2)

ne pas s'acharner à comprendre chaque détail mais

envisager plutôt les choses d'un point de vue global.

Si, malgré ces recommandations, ce qui suit reste

pour vous aussi hermétique que le mode d'emploi de

votre lecteur de DVD, il faudra en incriminer

l'auteur de ces lignes bien davantage que vos propres aptitudes, car rien de ce qui va suivre n'est hors de portée d'un esprit raisonnablement motivé.

Le

fait est que les mots p-0ur dire ce qui se conçoit bien n'arrivent pas t0ujours si aisément que le pensait Boileau ...

Lorsqu'on divise un nombre entier par un autre nombre entier, à la main ou à l'aide d'une

calcula-trice, on constate as...~ez rapidement un résultat

intri-guant, que vous pouvez observer vous-mêmes sur les quelques cas particuliers ci-deswus :

2217 = 3,142857142857142857142857 .. . 813 = 2,666666 666666666 666666666 .. . 13111 = 1,181818181818181818181818 ... 512 = 2,500000000000000000000000 ... 1311 9 = 0,68421 052631578947368421

o ..

.

57134 = 1,676470588235294117647058 .. .

La propriété qui apparaît est la suivante: après un

début quelconque, les décimales finis.çent t0ujours

par entrer dar1s une boucle qui se répète indéfini-ment. C'est immédiatement visible pour 813, 13111 et 512, il faut un peu plus d'attention pour identifier

le• motif• constitutif des autres nombres : 142857

pour 2217, 684210526315789473 pour 13119 et

7647058823529411 pour 57134. Nous n'allons paç le démontrer (ce n'est pas très difficile, mais un peu

(28)

long), mais nous contenter d'admettre le résultat que voici: quels que soient les deux nombres entiers

choisis, le résultat de la division de l'un par l'autre est

t0ujours un nombre dont l'écriture décimale pos.~ède cette propriété dite de • périodicité •. Inversement, t0ut nombre pos.~édant cette propriété est le résultat de la division d'un entier par un autre.

On qualifie de • rationnel • un nombre qui est le résultat de la division d'un nombre entier par un autre (ou, de fuçon équivalente d'après ce qui précède, un nombre dont l'écriture décimale est périodique). Le~ autres nombres sont, eux, dits « irrationnels » : voilà donc l'explication de l'un des termes donnés plus haut.

Une façon simple d'obtenir des nombres irration-nels consiste à considérer des racines carrées. La

racine carrée du nombre

x

est le nombre, noté

vx,

qui, multiplié par lui-même, donne la valeur x (ainsi,

on a v25 = 5, puisque 5x5 = 25). Un théorème qui remonte au moins à l'époque de Plat0n, c'est-à-dire

au IV siècle avant notre ère, énonce que la racine carrée d'un nombre entier est soit un entier (par exemple

v9,

qui est égale à 3), soit un nombre

irra-tionnel: c'est le ca~ de v2, v3, v5, etc. Ainsi donc, d'après ce qui précède, l'écriture décimale d'un nom-bre comme

v2

ne montre pas la répétition infinie et

périodique d'un même motif, comme l'illustre

d'ailleurs le calcul de ses premières décimales:

v2

= l,4142135623730950488016887242096980 ...

La question qui se pose est alors la suivante : quelle est la règle suivie par la liste de chiffres donnée par l'écriture de v2? La définition de ce nombre

étant relativement simple, on pourrait s'attendre à ce que cette question trouve une répon..~e elle-même as.~ez simple. De façon étrange, et d'ailleurs mal com-prise, tel n'est pas le cas: on ignore aujourd'hui t0ute

(29)

espèce de règle expliquant la succession des décimales de

v2

.

Sans connaître une telle règle, au moins pourrait-on espérer déterminer quelques propriétés Statis-tiques: par exemple, le chiffre 0 apparaît-il avec la

même fréquence que le chiffre 1 ?

La

séquence de chiffres 000000 apparaît-elle quelque part ? infiniment

souvent ou pas? plu.~ souvent, ou moins souvent,

que la séquence de chiffres donnée par votre date de nais.çance ? Sur t0utes ces questions, le mystère est entier.

Un nombre est qualifié de• normal • si ses

déci-males vérifient des propriétés Statistiques qu'on retrouve dans une suite de chiffres tirés au ha.~rd.

Dans une telle suite, les propriétés de ba.çe des probabilités indiquent que le chiffre 0 apparaît en

moyenne une fois sur dix, de même que le chiffre 1,

le chiffre 2, etc., jusqu'au chiffre 9. De même, la séquence de deux chiffres OO apparaît aus.çi souvent

que la séquence 01, la séquence 02, etc., jusqu'à 99,

c'est-à-dire que chacune de ces séquences apparaît en moyenne une fois sur cent.

Et

l'on peut continuer

ainsi, avec des séquences de trois chiffres, puis de quatre chiffres, etc. Si l'on parvient à montrer que la succes.çion des décimales de

v2

se conforme aussi à

ces propriétés Statistiques, alors cela établira que

v2

est un nombre normal.

Plus généralement, la question de la normalité se

pose pour t0us les nombres qui s'expriment à l'aide

des racines carrées, cubiques, quatrièmes, etc., et des quatre opérations, comme par exemple 5xv3, 7 +3v6

ou encore (7v3+3vl 3-5)N(v2+v3)+ 11 v(5/2). Un

nombre construit de cette manière est dit • algé-brique • (pour être précis, signalons qu'il est des nombres algébriques qui ne peuvent pa.ç s'écrire sous

(30)

nombres sont normaux mais, depuis le mathémati-cien français Ëmile Borel, qui a initié ce genre de question en 1909, fort peu de progrès ont été enre-gistrés pour a.'>.~eoir cette intuition sur des ba.çes soli-des. Alors même que les racines carrées, cubiques, etc., fournis.~ent l'un des moyens les plus simples que

l'on connaisse pour construire de..ç nombres

irration-nels, une question aus.~i banale que la répartition des décimales de ces nombres se révèle incroyablement complexe. Rien ne prouve même qu'une réponse sera trouvée au cours du XXI' siècle.

Faisons un petit bilan de ce qui précède: alors que les nombres les plus simples (les rationnels) ont une écriture décimale facile à décrire (elle est périodique), des nombres à peine plus compliqués (les algé-briques) ont une écriture décimale dont on ne sait rien dire à l'heure actuelle. Si vous avez compris cela en lisant les lignes ci-des.~us, vous avez saisi l'essentiel. Certes, quand il a été question du nombre

(7v3+3vl 3-5)1../( v2+v3)+ 11 ../(512), peut-être avC'L-vous vaillamment tenté de le décortiquer, avant de vous sentir complètement perdu. Il fuut en fuit le prendre de la même façon que lorsque vous t0mbez sur un mot que vous ne connaissez pas en lisant le journal: vous pas.~ez dessus, et basta. Bien des édit0-rialistes en vue aiment truffer leurs propo.~ de réfé-rences qu'ils savent incompréhen..~ibles à la plupart de leurs lecteurs: sauf exception, cela n'empêche pa.ç ces

derniers de comprendre le sens général. Souvent même, ils se sentent R attés qu'on leur prête autant de

connaissance..ç. Sans se raconter d'histoires, on peut

t0ut à fait faire de même en mathématiques.

Convenons en t0ut cas que l'on ne risque rien, à part d'apprendre des choses nouvelles.

(31)

«

Avec l

'

ordinateur

,

on n

'

a plus besoin

des mathématiciens

.

»

Au moment où tant de savants calculent

de par le monde, n'est~if pas souhaitable

que d'aucuns, s'ils le peuvent, rêvent ?

René Thom (1923-2002)

Les regards sont inquietS autant qu'incrédules:

ainsi donc, cette machine serait capable de faire des calculs de façon entièrement aut0matique? Il y a de quoi douter, car le calcul est manifestement une acti-vité spécifiquement humaine. Poser une addition,

l'effectuer sans erreur en tenant compte des rete-nues ... voilà bien qui fait appel à une forme

d'intel-ligence, par nature inacce'>.~ible à un objet san..~ vie.

Nul doute qu'il s'agit là d'une mise en scène: une telle machine ne peut pas fonctionner.

C'e~t de cette façon que raisonnèrent comptables

et calculateurs du X.VII' siècle lorsque Pascal présenta

sa • machine arithmétique., une machine à calculer mécanique, qui est l'ancêtre direct de nos

ordina-teurs. Jointe à divers défuutS de la machine (fragilité,

impossibilité de disposer de pièces de rechange), cette incrédulité a eu pour effet que la

commerciali-sation de cette invention révolutionnaire a été un

échec rotai.

Inutile de dire que le~ chose~ se sont radicalement inversées aujourd'hui et que, à rebours de l'opinion

du XVII' siècle, nous voyons aujourd'hui dans le calcul

une activité qui ne dénote pas une intelligence à proprement parler: pour nous, effectuer une addition

(32)

se réduit à appliquer une série d'inmuctions prédéfi-nies, qui ne laissent aucune place réelle à l'initiative

de celui qui cakule. On parle d'algorithme pour

dési-gner ce type de tâche, et nous avons du mal à conce-voir que l'idée de le faire faire par une machine a pu

sembler à ce point contre-nature. Aujourd'hui, nous avons plutôt l'impression que l'ordinateur est la solu-tion à t0us nos problèmes mathématiques. Année après année, les progrès de l'informatique et de la technologie permette nt de réaliser des exploit.~ de plus en plus incroyables, en comparaison desquels les

aptitudes humaines semblent bien dérisoires: alors

qu'aucun homme n'e~t jamais parvenu à calculer à la

main plus de quelques centaines de décimale~ du fameux nombre :rc (le rapport de la circonférence du cercle à son diamètre, qui vaut environ 3, 14 16), ce

sont plus de mille milliards de décimale~ de ce nombre mythique qui ont été déterminée~ par ordinateur en

2002. Les simulations informatiques rendent des

services aujourd'hui indispensables dans t0us les secteurs de l'industrie. Qu'il s'agisse de profiler une

aile d'avion daris une • soufflerie numérique •, de

tester l'efficacité de telle ou telle forme géométrique

pour l'élaboration d'un nouveau pneumatique, d'évaluer la fiabilité d'un plan d'architecture ou

encore d'analyser quantitativement de~ comportementS économique~, la puis.~ance de calcul de l'ordinateur est t0ut bonnement irremplaçable.

Les mathématiciens eux-mêmes ont recours à

l'ordinateur en de nombreuses occasions: il leur permet de mener vite et bien des calculs compliqués, mais aus.~i de conjecturer certains phénomènes. Considérons par exemple l'une des plus célèbres questions en suspens de l'arithmétique contempo-raine, appelée conjecture de Goldbach : t0ut nombre pair peut s'écrire comme la somme de deux nombres

(33)

premiers (c'est-à-dire de nombres qui ne sont divisibles que par eux-mêmes et par 1 ; on a par exemple 4=3+1, 6 = 3+3, 8 = 5+3, etc.). Po.çée au XVIII' siècle par le mathématicien Christian Goldbach, cette question résiste encore et t0ujours à la sagacité des mathématiciens, malgré la simplicité de son énoncé.

Cordinateur est aujourd'hui mis à contribution pour cette conjecture de deux façons diflerentes: d'une part, on lui fait tester le plus grand nombre pos.~ible d'entiers pairs, dans l'idée que soit on t0mbera un jour sur un cas qui fera mentir l'affirmation de Goldbach et clora la question une fois pour t0utes,

soit on ne tombera jamais sur un tel ca..ç, ce qui ne garantira certes pas que la conjecture de Goldbach

est vraie (puisqu'il m'est paç pos.~ible de tester tOUS les nombres pairs), mais la corroborera t0ut de même beaucoup. D'autre part, l'ordinateur fournit au.'>.~i des données Statistique.~ qui permettent de faire d'autres conjectures aut0ur de celle de Goldbach, qui sont autant d'angles d'attaque potentiels. En particulier, on se penche aujourd'hui sur le nombre de façons qu'il y a d'écrire un nombre pair comme somme de deux nombres premiers: il y a une seule façon de le faire pour 4 (3+ 1), deux pour 6 (5+ 1 et 3+3), deux pour 8 (7+ 1 et 5+3), etc. Une étude récente sur un grand nombre de cas suggère que l'augmentation du nombre de décomposition..~ pos.~ibles suit une loi Statistique relativement simple à énoncer. Chercher à démontrer que cette loi est bien la bonne pour tOu.~ le~ nombres pairs (et non seulement pour ceux qui ont été testés) peut être, pour les mathématicien..~, l'occaçion de mettre en œuvre de nouvelles idées, nées de ce changement de perspective offert par

l'ordinateur.

Au-delà de ce rôle d'aiguillon de la pensée mathé-matique, il arrive que l'ordinateur se révèle un

(34)

complément indispensable pour démontrer un théo-rème. !.:exemple le plus emblématique de ce point est la démonstration a.o;sistée par ordinateur d'un fameux énoncé, le • théorème des quatre couleurs •. Ce théo-rème stipule que quelle que soit la façon dont sont constituées les lfontières entre les pays d'un continent imaginaire (chaque pays étant d'un seul tenant), il suf-fit de quatre couleurs diflerentes pour colorier la carte, de sorte que chaque pays soit colorié d'une seule couleur et que deux pays ayant une frontière commune soient t0ujours coloriés differemment. Po.o;é au XIX' siècle, le problème n'a été définitivement résolu qu'en 1976, grâce au travail de Kenneth Appel et \Volfgang Haken.

Ce

travail a ceci de particulier qu'il repose sur un ensemble de calculs portant sur une quantité de cas

trop importante pour espérer en venir à bout à la main: c'est donc l'ordinateur qui s'en est chargé, faisant du théorème des quatre couleurs le premier théorème mathématique reposant partiellement sur la confiance que l'on a dans le bon fonctionnement d'une machine. Malgré quelques tentatives, il n'a pas encore été pO.'>.'>ible, aujourd'hui, de réduire suffisam-ment le nombre de ca.'> à traiter pour ra.mener la démonstration du thé-0rème des quatre couleurs dans le giron de celles qui. n'utilisent pa.o; plus de calculs qu'un mathématicien puis.'>eeffectuer lui-même, en un temps raisonnable. En revanche, d'autres théorèmes sont venus gro.o;sir les rangs des résultatS dont la démonstration est a.'>.'>istée par ordinateur. Parmi les plus récent.'> et les plus significatifS se trouve la • conjecture de Kepler •, démontrée par Thomas Hales en 1998, et qui stipule que la façon la plus éco-nomique en place pour empiler des oranges toutes de même taille consiste à utiliser un empilement dit • hexagonal compact • (celui qu'uti~se le vendeur d'oranges du marché depuis toujours, soit diten passant).

(35)

Mais l'ordinateur est capable de mieux: il peut aujourd'hui démontrer des théorèmes t0ut seul. Pour comprendre comment, imaginon ... ~ dans un premier temps que l'on donne à l'ordinateur six nombres, à partir desquels on lui demande de trouver une valeur finale préalablement choisie, à l'aide des quatre opé-rations usuelles (c'est la règle du jeu • le compte est bon • dans l'émission Des chiffres et des lettres). Une façon de lui faire trouver consiste à lui fuire effectuer wus les calculs possibles avec les six nombres et les quatre opérations, jusqu'à ce qu'il t0mbe sur la valeur à trouver ou qu'il ait épuisé t0utes les combinaisons sans succès (et, das1s ce ca.~, le• compte• ne peut pa.~ être• bon »).Remplaçons maintenaslt no.~ six nombres par, disons, les définitions et axiomes de base de la géométrie das.~ique, les quatre opérations pas les règles de la logique, et le • compte • à trouver pas l'énoncé du théorème de Pythagore: l'ordinateur va faire t0utes les déductions po.çsibles à pastir des élé-ment.~ initiaux qui lui sont donnés, jusqu'à t0mber sur l'énoncé qui nous intéres.~e. Cenchaînement de déductions ainsi mis au jour constitue bien ce qu'on qualifie de démon.stration. Celle-ci sera peut-être particulièrement tortueuse et compliquée, mais enfin, elle sera valable.

Des calculs vite faitS et bien fuitS, des théorèmes qui se démontrent t0us seuls: mais que reste+il donc aux mathématiciens? Eh bien ... beaucoup de choses. Tout d'abord, malgré les progrès continuels

dan..~ la puissance des machines, il existe des calculs portaslt sur des choses très simples et pourtant hors de portée des plus modernes de nos ordinateurs.

Le

cas d'école de ces calculs concerne le problème dit du voyageur de commerce: si un représentaslt doit visiter un ensemble de villes en minimisant le nombre t0tal de kilomètres pascourus, dan..~ quel ordre doit-il faire

(36)

ses visites? Il n'existe paç, à l'heure actuelle, d'algo-rithme performant pour répondre à cette question.

Qu'à cela ne tienne, pourrait-on dire, il suffit de tes-ter t0utes les corn bin aisons. Pour trois villes, i 1 n'y en a que six; pour quatre, il y en a vingt-quatre; pour cinq,

il

y en a cent vingt ... jusque-là, rien qui puis.çe nous effrayer. Lorsqu'il y a 11 villes, le nombre t0tal

de combinaisons est donné par le produit de t0us les entiers compris entre 1 et 11. Une célèbre formule, obtenue par James Stirling en 1730, indique que lorsque 11 devient grand, la valeur de ce produit

res.~emble peu ou prou à la valeur 11•, c'est-à-dire 11 à

la puis.~nce 11 (la formule exacte est en réalité un

peu plus compliquée). On comprend dès lors le problème: modéré pour un nombre raisonnable de villes, le nombre de combinaisons devient vite déme-surément grand. Il dépasse largement les trois millions pour seulement dix villes; avec vingt villes, nous en sommes à deux cent mille millions de milliards de combinaisons à considérer, tandis qu'il faut cent cinquante-huit chiffres pour écrire le nom-bre de combinaisons correspondant à cent villes ...

Rapidement donc, on atteint des ordres de grandeur qui dépas.~ent les capacités de calcul de tOUS les

ordi-nateurs réunis, alors même que la quantité de données du problème n'est paç énorme (considérer quelques dizaines de milliers de villes n'a rien d'exceptionnel dans les applications courantes).

Le

problème du voyageur de commerce n'est pas un cas isolé: il fait partie d'une vaste claçse de problèmes pour lesquels le même genre d'obstacle surgit. Des raisons théoriques lais.~ent pen..~er qu'il n'existe pas de moyen de les résoudre• rapidement., c'est-à-dire qu'il est impos.~ible de trouver un algo-rithme suffisamment efficace pour éviter une explo-sion rapide du nombre de caç à traiter. I.:avènement

(37)

pos.~ible de l'ordinateur quantique à l'horizon d'une ou deux décennies (un ordinateur qui exploiterait des propriétés très particulières de la physique à l'échelle quantique) pourrait certes modifier la donne en transformant l'idée même que l'on se fuit de la notion d'algorithme. En attendant, notre simple voyageur de commerce montre que la force brutale de calcul n'est pa.~ la solution à t0us les problèmes.

Pour ce qui est de la démonstration de théorèmes entièrement effectuée par ordinateur, des raisons théoriques interdisent d'espérer généraliser son emploi à t0utes les mathématiques. On sait même démontrer que les domaines où l'ordinateur peut prétendre obtenir des théorèmes sont bien davantage des îlots que des continents. Enfin, quand bien même l'ordinateur se montre capable d'obtenir des démonstrations de certains théorèmes, il n'en reste pas moins que, d'une part, seule une réflexion pure-ment humaine est en mesure de décider quels

théo-rèmes sont intéressants, et que, d'autre part,

l'ordinateur est bien incapable de fonder quelque théorie que ce soit. Bien qu'indispensable, l'outil informatique demeure un outil, donc incapable de ces deux activités d'importance cardinale en mathé-matiques: inventer et se poser de bonnes questions.

(38)
(39)

''

,

«

,

REUSSIR

»

(40)
(41)

«

Pour comprendre les mathématiques

,

il faut avoir un don

.

»

Le talent, ça n'existe pas. Le talent, c'est d'avoir envie de faire quelque chose. Jacques Brel, }ocque.s Brel parle, 1971

C'est la réflexion d'un étudiant qui peinait sur un sujet d'examen de mathématiques de fin d'année: • Moi, les maths, je n'y arriverai jamais, parce que je n'ai pas le même don que vous. •Et d'argumenter sur sa faibles.~e supposée irrémédiable: • La preuve, j'ai préparé cet examen t0ut hier soir, et malgré t0ut, je

ne m'en sors pas. »

La réffexion de cet étudiant, au-delà de son aspect risible, mérite qu'on s'y attarde un instant. Comment en vient--On sérieusement à croire que le programme d'une année de cours de mathématiques est assimila-ble en une soirée? Entre autres choses, il y a la conviction que le seul moyen d'espérer • réus.~ir • en mathématiques consiste à disposer d'un don particu-lier, grâce auquel les difficultés s'aplanis.çent comme par enchantement, tandis que, privé de ce don, il est

inutile d'espérer quoi que ce soit. En plus d'être le témoin de sa simple pares.~e, cette réflexion de notre étudiant relevait donc d'une certaine logique: si le

succès en mathématiques est entièrement conditionné

par un don qua.~i magique, il est inutile de pas.~er plus d'une soirée à réviser: si le don est là, alors les choses iront t0utes seules, sinon t0ut effort est vain.

Nous ne sommes pa.~ t0us égaux devant les mathé-matiques, c'est là une évidence. Les enfantS, dès les

(42)

premières années de leur scolarisation, n'y montrent pas t0us les mêmes aptitudes, loin s'en faut. À

première vue, cela présente un côté étrange car, s'il est fucile d'invoquer les differences sociales ou culturelles pour expliquer les disparités dans l'apprentissage du français ou de l'hist0ire, il est plus difficile de le jus-tifier dans le cas des mathématiques (même si ce n'est pas impos.~ible).

Ce

fut d'ailleurs l'une des raisons invoquées, il y a quelques décennies, lorsqu'il fut décidé de faire des mathématiques l'une des princi-pales disciplines de rélerence daris l'évaluation des élèves: la réussite ou l'échec y semblent moins condi-tionnés par le milieu socio-économique que daris d'autres disciplines. En particulier, il se trouve peu de • dyna.Hies • de mathématiciens malgré, bien sCir, quelques glorieuses exceptions, dont Jacques-Louis Lions et son fils Pierre-Louis, et Ëlie Cartan et son fils Henri sont les plu..~ illustres exemples daris l'école mathématique française du XX' siècle.

Voir un mathématicien jongler avec ses expres-sions algébriques, se~ structures abstraites et son vocabulaire mystérieux lais.~e aisément croire que pour cet extraterrestre t0ut est très simple. N'en croye-L rien. De même que le violon est un art qui demaride d'immenses effortS aux violonistes, les mathématiques sont difficiles aus.~i pour les

mathé-maticien..~. Pour souffrir quotidiennement dans leurs recherches, sacrifiarH jours et semaines à la recherche d'un résultat qui, une fois trouvé, se résume bien souvent à peu de chose~, la plupart des mathématiciens vous diront que s'il e>eiste un •don• pour le~ mathé-matique..ç, eux, en tout cas, n'en sont paç particulière-ment pourvu.ç. Comment, alors, sont-ils p-arvenu.ç où ils sont? Par de~ recettes d'une parfaite banalité: le travail, l'envie, la persévérance ...

A contrario, existe-t-il une prédisposition à

(43)

titude aux mathématiques? Les mathématiciens l'affirment eux-mêmes avec force: une fois les défi-nitions et axiomes posés, t0ut l'édifice d'une théorie mathématique se construit paç à paç, selon un chemi-nement logique parfaitement identifié et absolument incontestable. Conclusion (hâtive):

il

est • normal • de comprendre les mathématiques, et ceux qui n'y parviennent pas sont • donc • intellectuellement déficient.~. • J'étais nul, il est nul • s'est un jour entendu dire un enseignant par un parent d'élève. En ces temps où certains défendent avec fracas un déterminisme génétique censé expliquer t0ut et n'importe quoi, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que rien ne permet ni ne lais.~e penser que

se nicheraient quelque part dans nos gênes une quel-conque • bos.~e des maths • (une expres.~ion is.~ue de la défunte• phrénologie•, une discipline du XIX' siècle qui supposait que la forme du crâne permettait de déterminer différente~ aptitudes et caractéristiques individuelles), pas plus que son éventuel contraire (un • creux de~ maths? »).

Les mathématiciens profes.~ionnels ne sont pa~

tOUS en re~te pour mettre en exergue cette idée selon

laquelle les mathématiques séparent les individus en

« bons» et « mauvais». Un mathématicien connu a

même proposé un jour une • da.'>.~ification • des membres de la communauté en trois catégories, A, B et C, le A pour l'élite et le C pour le gros de~ troupes, juste bon à résoudre des • exercice~ •. Sans être complètement absurde (il est bien évident qu'il existe une hiérarchie de~ compétences au sein de la

com-munauté des chercheurs), une telle présentation à l'aide de lettres - qui, en pas.~ant, suggère une vision très scolaire - illustre un élitisme particulièrement exacerbé, qui semble heureusement quelque peu pas.çé de mode. li reste qu'on s'ét0nne t0ut de même

(44)

d'une armée où on a pu afficher, de fuçon aus.~i

franche, une telle révérence pour les généraux et un

tel mépris pour les hommes du rang.

(45)

«

Les enseignants de mathématiques

aiment mettre de mauvaises notes

.

»

La grande supériorité de l'examinateur est de se trouver du bon côté de la table.

Édouard Herriot (187241957)

Les fort.1 en maths ont 20120, les nuls ont O. En cela, un examen de mathématiques se rapproche d'une dictée: les meilleurs en orthographe y ont la note maximale, les plus déficientS s'enfoncent dan1 ,

les profondeurs des notes à un seul chiffre. Certain1 .

y voient l'expression soit d'un élitisme excessif de la discipline, soit du fait que quoi qu'il arrive, il n'est pas pos.1ible d'être t0ut simplement • correct • en

mathématiques.

Bien sfir, en réalité, les choses ne sont pal si

tran-chées: à moin.1 qu'un examen de mathématiques soit particu~èrement mal conçu (ce qui arrive régu~èrement, cela va sans dire), les notes obtenues par les étudiantl

ou les élèves sont en général diverses ; il est donc rare qu'elles soient t0utes concentrée.1 aux extrêmes, et la même cho.1e pourrait être dite pour une dictée.

C'e.1tsans doute moins la grande quantité de notes

extrêmes que l'on observe en mathématiques qui distingue la discipline que leur existence même. D'autre..~ exercices scolaire..~ en effet, du commentaire

composé à la dissertation, sont dotés d'une culture docimologique très différente (celle des manières de noter ou d'évaluer, des conséquences du choix de tel

ou tel type d'examen sur les ré.1ultat.1 obtenus ... )

Pour faire court: le correcteur d'un examen de

mathématiques n'aura aucun état d'âme à mettre

(46)

correctement traitées (ce qui n'arrive pas à t0us les coups, mais n'est t0ut de même pas si exceptionnel), tandis qu'il est en général beaucoup plus difficile à un enseignant de philosophie de dépaçser 15 ou 16, à moins d'avoir sous les yeux la copie d'Emmanuel Kant en personne.

Cette diflerence dans le mode de notation a deux types de conséquences. Le premier, dont nous avons déjà parlé, est qu'elle donne à voir des mathéma-tiques une discipline plus • tranchée • que d'autres, donc plus élitiste.

Le

second, c'est que les mathéma-tiques sont ainsi, de fait, une discipline beaucoup plus sélective que les autres, par ce simple jeu du mode de notation. Pour mieux fuire comprendre ce point, imaginons un candidat à un baccalauréat ima-ginaire, dans lequel deux épreuves sont imposées:

l'une d'elles, que nous ferons correspondre aux mathématiques, produit traditionnellement des notes entre 0 et 20 tandis que l'autre, disons une dis.~ertation, est le plus souvent notée entre 6 et 14 (insist0ns sur le fuit que nous ne voulons pas dire qu'aucun candidat ne puis.~e jamais sortir de cet intervalle, mais simplement que le nombre de candi-datS en dessous de 6 ou au-des.~us de 14 est significa-tivement plus faible que dans l'autre épreuve).

Quelques semaines avant l'épreuve, notre candidat s'interroge sur la meilleure stratégie à adopter: il se sait d'un niveau moyen dans les deux épreuves, c'est-à-dire qu'il peut briguer environ 10 à chacune des deux. Laquelle des deux matières a-t-il le plus intérêt à travailler pour augmenter au maximum sa note glo-bale? La répon..~e est sans appel : les mathématiques.

En effet, s'il est si difficile de dépas.~er 14120 en

dis-sertation, c'est parce que cette note n'est attribuée

qu'aux très bonnes copies, c'est-à-dire qui correspon-dent à des candidatS de niveau élevé, beaucoup plus

(47)

élevé que celui correspondant à la même note dans la première épreuve. En conséquence, avec un temps disponible donné !"-Our ses révisions, notre candidat aura t0ut intérêt à porter son attention préférentiel-lement sur la discipline dans laquelle il lui sera le plus facile de gagner des pointS; non P'"S, donc, que les mathématiques soient plus faciles (ou plus difficiles), mais simplement que la façon de les noter les rend stratégiquement plus rentables, y compris si le coef-ficient qui leur correspond dans notre baccalauréat imaginaire est le plus faible.

Même si la façon de noter qui a cours en mathé-matiques est sans doute plus difficile à vivre pour les élèves et les étudiants les plus en difficulté, il faut t0ut de même bien convenir que c'est elle la plus logique.

Les

initiatives pour homogénéiser l'étale-ment des notes dans les différentes disciplines vont d'ailleurs dans son sens, et non dans le sens inverse.

Ces

initiatives mettront t0utefois du temps à s'intégrer complètement dans la culture docimologique des disciplines, dont le~ notes sont traditionnellement plus resserrées aut0ur de la moyenne: non seulement il n'est pa~ si facile de modifier sa façon de noter des copies, mais, en outre, pour qu'un tel changement soit reconnu et intégré P'"r suffisamment de monde, il faut beaucoup de temps - le temps, en fuit, que les premiers élèves notés selon cette nouvelle norme soient devenus a~sez âgés pour pe~er dans la P"Crcep-tion commune.

Quelque !"CU ét0nné (et excédé) P'"r le sempiternel • blocage en maths • qui ressurgit à intervalles régu-liers dans les journaux, l'auteur de ces lignes a tenté une expérience simple, pour en avoir le cœur net.

Cette ex~rience a consisté, à l'occasion d'une rencontre-débat avec des élèves du secondaire, à poser carrément la question suivante à la cant0nade:

(48)

Qui, parmi vous, déteste les mathématiques? • Le

contexte de cette rencontre avec des élèves était as.çez libre et se prêtait bien à une telle question mais, bien sfir, il ne fallait guère s'attendre à ce que la moitié de la salle lève la main et fournis.~e de multiples et so~des argumentS pour expliquer son désamour. D'ailleurs cette expérience, répétée plusieurs fois devant des cla.1ses diverses de milieux sociaux variés, n'a fait qu'une seule fois réagir explicitement un élève (qui, renseignement.~ pris après coup, était en réalité le plus intéressé de sa cla.1se aux mathématiques, et

n'avait levé la main que pour se rendre intéres.~nt).

Ce qu'il convient de mesurer dans cette expérience, ce sont les murmures. I.'.intensité du sourd grondement

que tOUS ces élèves opprimés par les maths ne

manqueraient pas de faire entendre est, on l'imagine, une bonne mesure du niveau de frustration qu'occa-sionne la discipline. Or, en pratique, qu'entend-on ? Eh bien ... rigoureusement rien. Nul rire ét0uffé, nul soupir, nul bras levés au ciel. RIEN ! Ou plutôt si: le regard interloqué de l'a.1sistance entière, qui semble dire quelque chose comme: •Qu'est-ce qui lui prend de nous poser une question pareille ? •

Risquons donc ici une idée quelque peu icono-cla.1te: le• blocage en maths• est peut-être moins un problème d'élèves qu'un problème de parent.~ d'élèves. Pour t0us les élèves que nous a von.~ rencontrés, en effet, les mathématiques sont une discipline comme les autres. lis ne l'apprécient pas néces.~irement plus que

ça -

ni plus ni moins que de lire Madame Bovnry

-mais sont, pour ce que nou..~ avons pu constater, fort

peu concerné.~ par l'idée que les mathématiques seraient une discipline scolaire différente des autres. Pour certains parent.1, en revanche, les mathéma-tiques constituent l'incarnation de la souffrance que l'on subit parfois lorsqu'on apprend.

(49)

Hât0ns-nous de préciser qu'il ne saurait être que~­

tion de nier la réalité de certains problèmes: les enseignantS de mathématique~ ne sont paç t0us par-faits, les programme~ d'enseignement.~ non plus et, plus que t0ut, malgré t0us les effortS de pédagogie que l'on peut concevoir pour faciliter l'apprentis.~ge des mathématiques, il demeure un fait incont0urna-ble: comme bien d'autres disciplines, le~ mathéma-tiques sont une matière difficile et exigeante, devant laquelle, quelles qu'en soient les raisons, nous ne sommes pas tOUS égaux. Cela ne signifie pas que nous

ne puis.~ions rien faire, mais plutôt que nous ne devons paç nous tromper d'objectif, non plus que nous contenter de la dox.a ambiante sur le sujet, rabâchée à longueur d'articles journalistiques accrocheurs. Si

nou.~ voulons que nos enfantS « réu.~sissent » en mathématique~, nous devons certe~ nous préoccuper de la qualité de~ programme~ d'enseignementS et de la compétence de~ profes.~eurs. Mais plus que t0ut, nous devons nous souvenir qu'en toute chose, l'apprentissage e~t d'abord affaire d'imitation. Pour que nos enfant.~ réu..'>.~is.~ent en mathématiques, il faut d'abord qu'ils les ai.ment, et pour cela, nous devons donc d'abord aimer les mathématiques nous-mêmes.

(50)
(51)

«

Les mathématiques

,

c

'

est pour

les jeunes et pour les garçons

.

»

Les mathématiques ne peuvent effacer aucun préjugé. Johann Goethe, Maximes et réflexions, 1833

Nous

sommes

en 1832. Un jeune prodige - il est âgé seulement de vingt ans - termine la rédaction d'un mémoire exposant une théorie révolutionnaire, qui lui asrnrera une gloire scientifique pour des siècles à venir. Ayant courtisé la femme d'un mari jaloux, il doit bientôt, sans y être véritablement préparé, affronter dans un duel l'homme bafoué.

Le

jour venu, le duel t0urne à l'avantage du mari trompé: le frêle jeune homme meurt.

Cette hist0ire tragique, qui a fait et fuit encore rêver des génération.~ d'étudiant.~, est sans doute la plus belle de t0ute l'hist0ire des mathématiques. Aucun ouvrage général de vulgarisation mathéma-tique ne manque de la citer, dans l'une ou l'autre des diverses versions qui circulent de livre en livre.

Le

jeune homme qu'elle met en scène s'appelle Ëvariste Galois, la théorie qu'il a élaborée porte aujourd'hui son nom. La symbolique de cette hist0ire est un condensé extraordinaire d'habitudes de pensées actuelles plus ou moins explicites concernant les mathématiques: une théorie des plus abstraites qui soient (elle porte sur les • équations polynomiales solubles par radicaux »), fondée par quelqu'un d'extraordinairement jeune.

Le

symbole est éloquent: révolutionner les mathématiques à vingt ans, puis mourir. Contrairement aux « savants» de l'imagerie

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