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Assistance robotique et intervention motrice auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme

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Academic year: 2022

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Assistance robotique et intervention motrice auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme

Revue de littérature

Cette revue de littérature a été réalisée dans le cadre du projet de recherche appliquée «Assistance robotique et intervention motrice auprès des personnes présentant un trouble du spectre de l’autisme » mise en œuvre par l’université Toulouse-Jean-Jaurès. La réalisation de ce travail a été confiée à Viviane Kostrubiec et Jeanne

Kruck du CERPPS et à Cécile de Launay (Psychologue clinicienne).

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1 La FIRAH est une Fondation reconnue d’utilité publique, qui souhaite mettre la recherche au service des acteurs de terrain1. Elle a été créée par Axel Kahn (Président), APF France handicap, la Fédération des APAJH et Nexem. C’est pour répondre aux besoins et attentes des personnes handicapées que la FIRAH a été fondée et qu’elle se développe aujourd’hui autour de ces activités :

• Soutenir des projets de recherche appliquée sur le handicap,

• Dynamiser la valorisation les résultats de ces recherches en particulier auprès des acteurs de terrain,

• Animer la diffusion des connaissances sur le handicap produites à travers le monde.

La Fondation UEFA pour l’enfance a pour but de venir en aide aux enfants et de défendre leurs droits, par exemple par le biais du sport et du football en particulier, en apportant son soutien notamment dans les domaines de la santé de l’enfant, l’éducation des enfants, l’accès au sport, le développement personnel de l’enfant, l’intégration des minorités ainsi que la défense des droits de l’enfant. La Fondation, organe d’utilité publique régi par le droit suisse, a été officiellement constituée et a commencé ses activités le 24 Avril 2015.

1 Acteurs de terrain

Les personnes handicapées, leurs familles et les organisations qui les représentent. Les organisations de défense des personnes. Les prestataires de services et autres organisations travaillant dans le domaine du handicap.

Services et autres organisations intervenant en milieu ordinaire et devant prendre en compte dans leurs activités les personnes handicapées comme les enseignants, architectes, entreprises, industries, etc. Les décideurs politiques au niveau local, national et international.

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2 L’Université Toulouse - Jean Jaurès, université d’arts, lettres et langues et sciences humaines et sociales, est membre fondateur de l'Université Fédérale Toulouse Midi-Pyrénées. En matière de recherche, 80% de ses laboratoires sont classées A+, selon la classification de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur. Notre université accueille 35 000 étudiants dont 5000 en psychologie. Le laboratoire CERPPS (EA7411) qui fait partie de l'Institut Fédératif d'Etudes et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société UT2J-UPS-UT1 (FED 4142) et de la Maison des Sciences de l'Homme et de la Société de Toulouse CNRS-UFTMiP (USR 3414) ainsi que l'Institut des Sciences du Cerveau.

Le cabinet AUTIS’&nd se compose de 5 psychologues et éducatrice qui accueillent des personnes avec autisme ou autre troubles neurodéveloppement pour des évaluations et des prises en charges comportementales, cognitives et éducatives. Installés depuis une quinzaine d’années les professionnelles ont accompagné près de 3000 personnes avec des troubles neurodéveloppementaux.

Les cabinets de psychologue en libéral de Céline Boscus (Fonbeauzard), Sandra Seignan (Castanet), Brunilde Jas (Ayguevives), Aurélie Soulard (Blagnac) ont pris part à l’étude de même que les cabinets de psychomotricité (Camille Fillhol) et d’orthophonie (Christine Buigues).

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3 Le présent document a été réalisé dans le cadre de la recherche appliquée « Coordination et habilités sociales chez l’enfant porteur de Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA) » mené par l’Université Toulouse Jean-Jaurès, en partenariat avec le cabinet AUTIS’&nd et plusieurs profesionnels en psychologie, orthophonie et psychomotricité. Cette recherche a été soutenue dans le cadre de l’Axe 3 du programme Autisme et Nouvelle Technologies2, soutenu par la Fondation UEFA pour l’enfance.

Cette revue de littérature offre un aperçu de l’état actuel des travaux sur l’assistance robotique et les interventions motrices dans la rééducation des fonctions sociales chez des personnes porteuses du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). La réalisation de ce travail a été confiée à Viviane Kostrubiec et Jeanne Kruck du CERPPS (Centre d’Etudes et de Recherches en Psychopathologie et Psychologie de la Santé à l'Université Toulouse-Jean-Jaurès, Le Mirail) et à Cécile de Launay (psychologue clinicienne).

L’objectif de cette revue de littérature est de rendre compte des connaissances actuelles en recherche appliquée sur la rééducation des personnes avec autisme grâce à l’assistance robotique et des interventions motrices. Elle a abouti à la sélection de recherches pertinentes au regard de la thématique, chacune classées au moyen d’un ensemble de critères prédéterminés. Parmi ces recherches 11 ont été sélectionnées comme particulièrement pertinentes et intéressantes au regard de leur capacité à être applicables, particulièrement pour les personnes handicapées et les organisations qui les représentent.

La sélection des recherches a été réalisée en fonction des points suivants, qui précisent ce que la FIRAH entend par les termes de recherche appliquée sur le handicap :

• C’est d’abord un travail de recherche proprement dit, obéissant à ses règles de méthode et de rigueur, permettant la mise en œuvre d’une démarche scientifique, et impliquant des équipes d’un ou plusieurs chercheurs ou enseignants-chercheurs dont la recherche est l'une des missions statutaires.

• La recherche appliquée est différente de la recherche fondamentale. Son objectif est d’accroitre la participation sociale et l’autonomie des personnes handicapées. Elle ne vise pas seulement la production de savoirs théoriques, mais également la résolution de problèmes pratiques en lien avec les besoins et les préoccupations des personnes handicapées et de leurs familles. La collaboration entre les personnes handicapées et leurs familles, les professionnels et les chercheurs est donc une donnée fondamentale dans la

2 https://www.firah.org/autisme-et-nouvelles-technologies.html

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4 réalisation de ce type de recherche.

• En ce sens, ce type de recherche est destiné à produire des résultats directement applicables. En plus des publications classiques (articles, rapports de recherches), les recherches appliquées sont destinées à produire d’autres publications, appelées « supports d’applications », qui peuvent prendre différentes formes : développement de bonnes pratiques, guides méthodologiques, supports de formation, etc., et sont destinées à différents acteurs (personnes handicapées, professionnels, institutions).

Ce travail ne vise pas l’exhaustivité mais l’identification de résultats et de connaissances produits par des travaux de recherche pouvant être utiles aux acteurs de terrain pour améliorer la qualité de vie et la participation sociale des personnes handicapées.

Chaque titre de la bibliographie commentée contient un lien donnant accès à la recherche (en accès libre ou payant), et chacune des fiches de lecture contient un lien renvoyant vers la notice de la base documentaire de la FIRAH.

Ce document peut être diffusé librement en indiquant sa source, et en mentionnant l’auteur et les organisations impliquées.

FIRAH | 2019

Ce document peut être diffusé librement en indiquant sa source, et en mentionnant l’auteur et les organisations impliquées.

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Sommaire

Edito ... 7

Synthèse ... 9

Partie I. Méthodologie employée, limites et mises en garde ... 9

Partie II. Spécificités sociales et cognitives chez des personnes avec TSA ... 11

Partie III. Interventions assistées par la robotique: prometteuses mais immatures ... 14

La robotique sociale au service des personnes avec TSA ... 14

Efficacité et acceptabilité des robots : hypothèses et résultats... 16

Écart entre la recherche et la pratique ... 20

PARTIE IV. Anomalies du mouvement chez les personnes TSA ... 21

Témoignages des personnes avec TSA ... 21

Anomalies motrices chez des personnes avec TSA ... 22

La production du mouvement affecte la cognition chez le typique... 24

TSA, mouvement et cognition sociale ... 26

Conclusion ... 28

Fiches de lecture ...29

Fiche 1. How to Implement Robots in Interventions for Children with Autism? A Co-creation Study Involving People with Autism, Parents and Professionals ... 30

Fiche 2. An exploration of sensory and movement differences from the perspective of individuals with autism ... 32

Fiche 3. Fostering Social Cognition through an Imitation andSynchronization- Based Dance/MovementIntervention in Adults with Autism SpectrumDisorder: A Controlled Proof-of- Concept Study ... 34

Fiche 4. Representing intentions in self and other: studies of autism and typical development ... 36

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6 Fiche 5. The Effects of Rhythm and Robotic Interventions on the Imitation/Praxis, Interpersonal Synchrony, and Motor Performance of Children with Autism Spectrum Disorder (ASD): A Pilot

Randomized Controlled Trial ... 38

Fiche 6. Use of Technology in Interventions for Children with Autism ... 40

Fiche 7. Understanding Therapists’ Needs and Attitudes Towards Robotic ... 42

Fiche 8. Imitation of Intentional and Accidental Actions by Children with Autism ... 44

Fiche 9. A Further Investigation of Goal-Directed Intention Understanding in Young Children with Autism Spectrum Disorders ... 46

Fiche 10. Helping and Cooperation in Children with Autism ... 48

Fiche 11.Understanding of Intentions in Children with Autism Spectrum Disorder and Intellectual Disability ... 50

Bibliographie commentée ...52

Thématique: Robotique et TSA ... 52

Thématique: Anomalies motrices et sociales chez les personnes avec TSA ... 56

Bibliographie complémentaire ... 60

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7

Edito

Le TSA est un trouble neuro-développemental diagnostiqué sur la base des critères comportementaux : la présence (1) des perturbations dans les domaines des interactions sociales réciproques ainsi que (2) des comportements, intérêts et activités au caractère restreint et répétitif, selon la classification DSM-V (2013). A l'heure actuelle, il n'y a pas de 'cure' de l'autisme. Selon la Haute Autorité de Santé (HAS), seules quelques méthodes comportementales et rééducatives ont fait preuve d’efficacité dans la gestion des symptômes du TSA, notamment la méthode ABA (preuves solides) DENVER, TEACCH, PECS, et les scenarii sociaux (preuves modérées) (Baghdadli, Noyer, & Aussilloux, 2007). Il semble important de rappeler ces éléments face à la publicité multipliant des annonces enthousiastes autour des interventions assistées par des robots, aussi bien sur des sites français ('un robot capable de sortir les enfants autistes de leurs bulles') qu'internationales ('faire une rencontre avec le robot qui aide des enfants autistes'). Le premier objectif de la présente revue consistera donc à préciser ce que l’on sait au juste aujourd'hui de l'efficacité de l'assistance robotique destinée aux personnes avec TSA :

• Pourquoi supposer que des robots peuvent être utiles aux personnes avec TSA ?

• Existe-t-il déjà des robots destinés à aider les personnes avec TSA ?

• En quoi consiste cette assistance ? Se révèle-t-elle efficace ?

• Quelles sont les attentes des parents et professionnels à propos des robots ?

• Pourquoi tant de difficultés à répondre à ces attentes ?

• Comment faire évoluer ce domaine ?

Pourquoi tant de malentendus autour de la robot-assistance ? La robotique procure une technologie mais elle n'indique pas à quel usage celle-ci devrait être employée. Aussi, des avancées technologiques, même les plus spectaculaires, ne vont pas forcément de pair avec des progrès en fonctionnalité. Dans le domaine de l’assistance robotique le débat principal se focalise donc aujourd’hui autour des objectifs thérapeutiques qui devraient être servis par les robots dédiés aux TSA. Jusqu'à présent, les interventions en assistance robotique ont accordé peu d’attention à des prérequis indispensables au développement de la réciprocité sociale -- habilités rendant possible le maintien des échanges sociaux.

Il s'agit par exemple de comprendre et répondre aux indices verbaux émis par des partenaires sociaux qui communiquent par ce moyen leurs intentions, désirs et appels à l'aide. La question "Peux-tu me passer du sel ?" signifie "Je souhaite que tu me passe la salière" et non "Es-tu dans la possibilité de me

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8 passer du sel ?". La réciprocité sociale ne repose pas uniquement sur des habilités cognitives, elle implique aussi des habilités motrices. Si un enfant est incapable de produire le geste de pointage, il s'avère incapable de communiquer ses désirs ou de partager son centre d'attention avec autrui.

• Que sait-on donc des habilités motrices chez des TSA?

• Quel est le lien entre les fonctions motrices et les habiletés sociales ?

• Que sait-on des habilités de synchronisation perceptivo-motrice chez des TSA?

• Quel est le lien entre des troubles de synchronisation et des anomalies sociales?

• Quel est l’apport des interventions axées sur la synchronisation dans la rééducation sociale des personnes avec TSA ?

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9

Synthèse

Après avoir exposé la méthodologie et les limites de la présente revue de littérature, formulé les mises en garde la concernant Partie I), et rappelé quelques éléments sur le TSA (Partie II), le présent document approfondit deux thématiques : la robotique sociale au service des personnes avec TSA (Partie III) et les spécificités des personnes avec TSA dans le domaine de la production du mouvement (Partie IV).

Partie I. Méthodologie employée, limites et mises en garde

Pour identifier les articles nécessaires pour réaliser ce document, des chercheurs-cliniciens (JK), cliniciennes de terrain (CDL) et chercheurs (VK) ont exploité des moteurs de recherche spécifiques à la recherche en ingénierie (IEEE), en psychologie (Psycinfo), en médecine (Pubmed), en sciences de la santé (CINAHL), ainsi que des moteurs généraux (Science Direct, SpringerLink, Google Scholar, Crossref). Notez que les documents ayant permis de bâtir cette revue apportent des éléments de divers niveaux de preuve et donc de maturité et de crédibilité scientifique (Tableau 1 et 2). Il s'agit de méta- analyses (niveau A), de revues systématiques de littérature (niveau A), des études expérimentales basées sur des essais contrôlés et randomisés de faible puissance (niveau B), des études de cohortes avec un faible effectif (niveau B), des études rétrospectives (niveau C4), ainsi que des études de cas et des témoignages (niveau C4). Il est essentiel pour le lecteur de tenir compte de ces différences s'il souhaite formuler des conclusions à partir de la lecture du présent document.

Tableau 1. Grade de recommandations selon HA Grade de

recommandation

Niveau de preuve

Type de l’étude

Preuve scientifique établie

A (1) essais comparatifs randomisés de forte puissance méta-analyse d’essais comparatifs randomisés ;

analyse de décision fondée sur des études bien menées.

Présomption scientifique

B (2) essais comparatifs randomisés de faible puissance ; études comparatives non randomisées bien menées ; études de cohortes.

C (3) études cas-témoins

(11)

10 Faible niveau de

preuve scientifique

C (4) études comparatives comportant des biais importants ; études rétrospectives ;

séries de cas ;

études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale).

C (4) études comparatives comportant des biais importants ; études rétrospectives ;

séries de cas ;

études épidémiologiques descriptives (transversale, longitudinale).

Outre les articles parus dans des journaux indexés avec comité de lecture, groupes d'experts évaluant la qualité scientifique des publications, nous avons porté notre attention sur des témoignages (livres, forums ou blogs) rédigés par des parents et des personnes avec TSA, ainsi que des témoignages de personnes impliquées dans le développement ou l’utilisation des robots.

Nous nous sommes efforcés de retenir des documents répondant aux critères des revues de littérature de FIRAH, c’est à dire des textes jugés comme ayant une pertinence forte pour les acteurs de terrain.

En raison de ce choix, cette revue de littérature est forcément incomplète. Certains articles ont été écartés car jugés trop techniques ou trop éloignés des préoccupations des professionnels travaillant avec des personnes avec TSA. Nous nous sommes notamment focalisés sur des faits d’observation sans mentionner les diverses approches et modèles théoriques qui les sous-tendent. Nous avons estimé ces débats, inspirant pour des chercheurs, sans intérêt immédiat pour les acteurs de terrain.

Nous n'avons pas pu toujours nous conformer aux exigences de la FIRAH, qui souhaite une revue de littérature essentiellement axée sur des recherches appliquées. Dans la pléthore d’études portant sur les intentions sociales (partie III) et les anomalies motrices (partie IV), les recherches appliquées sont quasi-inexistantes. Nous souhaitons finalement mettre en garde le lecteur en soulignant la rapide évolution des domaines touchés par la présente revue. Cet aperçu risque donc de devenir à brève échéance obsolète, en particulier dans le cas du domaine de l'assistance robotique.

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11 Tableau 2. Niveau de preuve

Niveau de preuve

Description

A Il existe une (des) méta-analyse(s) de bonne qualité ou plusieurs essais randomisés de bonne qualité dont les résultats sont cohérents. De nouvelles données ne changeront très probablement pas la confiance en l’effet estimé

B Il existe des preuves de qualité correcte (essais randomisés [B1] ou études prospectives ou rétrospectives [B2]) avec des résultats dans l’ensemble cohérents. De nouvelles données peuvent avoir un impact sur la confiance dans l’estimation de l’effet, et peuvent changer l’estimation.

C Les études disponibles sont critiquables d’un point de vue méthodologique et/ou les résultats des essais ne sont pas toujours cohérents entre eux. De nouvelles données auront très probablement un impact important sur la confiance dans l’estimation de l’effet et changeront probablement l’estimation.

Partie II. Spécificités sociales et cognitives chez des personnes avec TSA

Compétences sociales. Baghdadli et Brisot-Dubois (2011) définissent les compétences sociales comme un ensemble de comportements verbaux et non-verbaux sous-tendus par des processus cognitifs et affectifs qui permettent une adaptation suffisante à l’environnement social. Il s'agit par exemple de savoir initier une conversation, remercier, s’excuser, demander et offrir de l’aide, partager des activités, exprimer ses sentiments et identifier ceux des autres, reconnaître et utiliser l’humour, savoir formuler ou accepter un refus, faire ou accepter une critique etc. Ces capacités nous permettent de recevoir, de comprendre et d’exprimer des messages ajustés à une situation sociale, et donc de prendre part à la vie de groupe. La vie sociale étant une nécessité pour notre espèce, les déficits sociaux entraînent des inadaptations mettant en cause l'épanouissement de l'individu.

Test de fausses croyances. L'épreuve la plus souvent utilisée pour évaluer les habiletés sociales est le test de la théorie de l'esprit (TOM). Il mesure la capacité à attribuer des états mentaux à ses congénères et anticiper leur comportement (Thommen & Rimbert, 2005). On distingue trois types d’attributions (Sugranyes, Kyriakopoulos, Corrigall, Taylor, & Frangou, 2011) : l’attribution à autrui de croyances, l'attribution d’intentions ou motivations et l’attribution d’états affectifs. L'épreuve princeps de TOM, le "test de Sally- Anne", évalue l'attribution de croyances. L'enfant observe deux marionnettes : Sally

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12 et Anne (voir Figure 1). Sally dispose d'un panier et Anne d'une

boite. Sally prend une bille, la dépose dans son panier, puis quitte la scène. En son absence, Anne sort la bille du panier et la cache dans sa boite. Sally réapparaît et on pose à l'enfant la question-clé du test : "Où Sally va-t-elle chercher sa bille ?". La réponse correcte, prouvant que l'enfant est capable de prendre en compte point de vue de Sally, est "dans le panier"

(localisation correcte basée sur la fausse croyance de Sally).

Baron-Cohen, Leslie et Frith (1985) ont prouvé que 80%

d'enfants avec TSA échouent au test de Sally-Anne, contre 15%

des enfants avec Trisomie21 et 15% des enfants à développement typique, un résultat mainte fois reproduit.

Test des intentions sociales. Un autre type de test lié à la TOM évalue l'attribution des intentions à autrui : le test des intentions sociales (Meltzoff, 1995 ; Tomasello et al, 2005). Le sujet est prié d'observer le comportement d'un comparse de l'expérimentateur qui est confronté à une situation problème.

Par exemple, le comparse fait mine de vouloir déposer un ensemble de documents dans une armoire fermée en cognant à plusieurs reprises sur sa porte. Si le sujet est capable d'élaborer une représentation mentale de l'état souhaité par le comparse alors il lui portera secours en ouvrant la porte de l'armoire. Une autre situation problème fait apparaître le comparse en train d’étendre du linge ; il fait tomber une pince à linge qu’il ne peut ramasser.

L’enfant qui a saisi l’intention du comparse ramasse la pince et la tend au comparse pour l'aider. Selon Meltzoff, (1995 ; Carpenter, Akhtar & Tomasello, 1998 ; Bellagamba & Tomasello, 1999), la compréhension des intentions de l'autre apparait au cours de la deuxième année de vie dans le développement typique du jeune enfant de manière rapide et innée. Tomasello et al (2007) montrent que les enfants TSA parviennent à aider l’adulte lorsque le but de la situation problème est simple à identifier, mais présentent de moins bonnes performances lorsque les tâches à accomplir sont plus complexes. Ce déficit est d’autant plus marqué chez les TSA avec handicap intellectuel (Peters-Scheffer et al., 2018).

Tests de processus associés. Des études ultérieures chez des TSA ont mis en avant des anomalies affectant des processus considérés comme des prérequis à la TOM. Des TSAs font preuve d'une exploration visuelle atypique des visages, d'un défaut d’utilisation des expressions faciales (Klin et al.,

Figure 1 Test de Sally-Anne

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13 2002 ; Schultz., 2005), d'un défaut de suivi du regard entraînant une défaillance d’attention conjointe (Cilia et al., 2018), ou d'un manque de motivation sociale (Chevallier & al., 2012).

Anomalies de TOM. Les difficultés dans les interactions sociales des personnes avec TSA résulteraient donc d’une anomalie de TOM : une incapacité à inférer des états mentaux de l'autre et à comprendre la manière dont ces états dirigent leurs comportements (Baron- Cohen, Leslie et Frith, 1985). Selon la formulation récente de cette hypothèse, deux types de processus sous-tendent la performance dans les épreuves de TOM : d'une part des processus spontanés, implicites, non intentionnels, mis en place tôt dans le développement, et d'autre part des processus indicés, explicites, intentionnels, conscients, se développant après la quatrième année (Senju, Southgate, White, & Frith, 2009). Dans le test Sally- Anne, les processus implicites s'expriment par la direction du regard, les processus explicites par des réponses verbales. Selon Senju et al. (2009), les adultes TSA accordent spontanément moins de regards à la localisation correcte où l'objet devait être caché en comparaison aux sujets témoins au développement typique. Ceci suggère que les TSA présenteraient un défaut dans le processus spontané et implicite d'anticipation des mouvements du partenaire social. En revanche, les processus explicites du raisonnement autour des situations de TOM seraient préservés.

Anomalies du traitement de l'information. Alors que l'hypothèse d'une défaillance de TOM attribue le TSA à un déficit spécifiquement social, d'autres auteurs relient le TSA à des particularités repérées dans des processus cognitifs en général : un dysfonctionnement du système exécutif (Zalla et al, 2006) ou un déficit du traitement de l’information découlant de la faiblesse de la "cohérence centrale" (Frith

& Happé., 1996). Le déficit exécutif chez les personnes avec TSA s’exprimerait au niveau de la capacité à se représenter la séquence d’actions d’une activité à exécuter et à comprendre les différentes sous- actions nécessaires à la réalisation de celle-ci (Zalla et al, 2006). Le déficit de la cohérence sociale fait référence à des difficultés des individus TSA à sélectionner, dans leur répertoire, le comportement le plus adapté à la situation actuelle (Williams, Prud’Homme et Wright, 2010). Une telle faiblesse entraine une focalisation sur un détail au détriment d’une perception globale de l’information, qui empêche de former un tout cohérent et donc de répondre de manière adéquate à une situation sociale donnée.

Dysfonctionnement ou spécificité ? A l'heure actuelle, les explications formulées en termes de

"dysfonctionnements" sont mises en cause. Les personnes TSA suivraient plutôt une trajectoire développementale atypique : elle les doterait des opérations de traitement et des habilités spécifiques entravant les interactions avec les personnes dites “typiques” (Mottron, 2004). Selon cette perspective, il conviendrait de faire interagir des personnes TSA, du moins de façon transitoire, avec des partenaires sociaux mieux adaptés à leurs particularités. Les robots pourraient endosser ce rôle.

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14

Partie III. Interventions assistées par la robotique: prometteuses mais immatures

La robotique sociale au service des personnes avec TSA

L'usage des robots dans l'assistance des personnes avec TSA n'est pas nouveau. L'étude pionnière sur un robot téléguidé, Logo, jouant avec un enfant TSA date de 1976 (Weir, Emanuel, 1976). Elle est envisagée aujourd’hui par des roboticiens comme point de départ de la robotique sociale, destinée aux personnes avec des besoins spécifiques (Heerink, Vanderborght, Broekens, & Albó-Canals, 2016).

L'élan décisif à la robot-assistance a été impulsé par le projet Aurora (Dautenhahn, 1999), lancé en 1997. A l'heure actuelle, une bonne trentaine de robots ont déjà été développés à l'attention des personnes avec TSA ; les travaux décrivant ces efforts sont nombreux. Une simple recherche bibliographique à l'aide de l'équation de recherche « autisme & robot » fournit aujourd'hui 1093 références (moteur de recherche : Science Direct). En comparaison, une recherche bibliographique avec « ABA & autisme » offre 530 résultats sur Psycinfo et 85 sur Science Direct.

Robotique sociale. Qu’est-ce qu’un robot social ? Un robot est un automate équipé de capteurs et d'actionneurs (moteurs) lui permettant de recevoir des informations sur l'environnement, se déplacer et agir pour aider les personnes ayant des besoins spéciaux (ISO, 2018). Ainsi, les ordinateurs ou tablettes tactiles ne sont pas des robots alors que l'aspirateur IrobotRoomba, pourvu de capteurs d’obstacles et de roues motrices, en est un. Un robot est qualifié de social lorsqu'il est pourvu d'une 'interface sociale' lui permettant de simuler des comportements sociaux, par exemple, échanger des indices communicatifs non verbaux ou dialoguer avec un humain (Fong., Nourbakhsh, &Dautenhahn, 2002). Par exemple (voir Figure 2), la face des robots Kismet, Ono ou Probo (voir Figure 1) est pourvue d'actionneurs permettent de mimer des émotions ; les robots multiarticulés Kaspar, Teddy, ou Tito peuvent être programmés à produire des gestes. Le robot humanoïde Infanoid est pourvu de deux mains capables de pointer et saisir, de lèvres et de sourcils pour produire des expressions faciales, et de deux caméras positionnées au niveau des yeux pour détecter des visages. Le robot Nao est également capable de prononcer des phrases via la technique du ‘magicien d'Oz’.

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15 Figure 1 Exemples de robots sociaux : Labo-1, Kismet, Ono, Nao, Kaspar, Teddy, Nao (ligne 1), Tito, Infanoid, Haptic creature, Pléo, Keepon (ligne 2), Probo, Paro, Jibo, Minerva, Care-O- Bot (ligne 3).

Autonomie du robot. La propriété cruciale qui différencie les robots, et qui détermine la charge de travail de l'humain, est l'autonomie (Beer, Fisk, & Rogers, 2014). Avec un robot qui fonctionne en 'boucle ouverte' (Bekele, Crittendon, Swanson, Sarkar, & Warren, 2014), c'est à dire au niveau d'autonomie le plus bas (Parasuraman, Sheridan, & Wickens, 2000) (voir Table 3), l’homme doit sélectionner et lancer les actions une par une, ce qui exige un haut niveau de surveillance et entraîne une réaction très lente de l’automate ainsi guidé. Lors d'une intervention éducative, ce type de robot exige qu'une personne soit dévolue au contrôle du robot, en plus du professionnel qui interagit avec l'enfant (Bekele et al., 2014). Au niveau de l'autonomie complète, où l’automate fonctionne en ‘boucle fermée’, le robot prélève seul l'information de l'environnement, sélectionne et réalise les actions (voir tableau 3 ci-dessous, pour plus de détails).

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16 Tableau 3 Niveaux d’autonomie de robots (selon Parasuraman et al. 2000)

1 le Système Artificiel (SA) n’offre aucune assistance 2 le SA présente un ensemble complet de possibilités 3 le SA présente un ensemble restreint de possibilités 4 le SA suggère une possibilité

5 le SA exécute sa suggestion si l’humain approuve

6 le SA accorde un délai pour un éventuel véto avant l’exécution 7 le SA agit puis informe l’humain

8 le SA informe l’humain si ce dernier le demande 9 le SA informe l’humain s’il (le SA) le décide 10 le SA décide de tout, agit seul et ignore l’humain

Parmi les automates qui peuvent fonctionner en boucle fermée, figurent HapticCreature, Pléo, ou Keepon, pourvus de capteurs du toucher leur permettant de détecter puis classer les différentes formes et y répondre avec des gestes et sons appropriés (Yohanan & MacLean, 2012). Le robot-phoque Paro, pousse des petits cris de contentement lorsqu'on on lui gratte la tête. Le robot-dinosaure Pléo, s'éveille lorsqu'on le touche, remue la queue et balance la tête lorsqu'on le caresse et ouvre la bouche lorsqu'on lui présente de la nourriture. En plus de fonctionner en boucle fermée, les robots les plus évolués sont multifonctionnels et dotés de systèmes d'apprentissage autonome. Le robot Jibo reconnaît et poursuit les visages, analyse le langage naturel et peut soutenir un dialogue simple, il apprend également les préférences de l'usager. Le robot Minerva apprend par lui-même à naviguer à travers un environnement réel, un musée, où il guide et dialogue avec les visiteurs. Équipé d’un bras mobile, d’une caméra, de haut-parleurs et d'un microphone, le Care-O-Bot navigue, effectue des actions simples comme apporter un verre d’eau ou établir une communication avec un centre d’urgence.

Efficacité et acceptabilité des robots : hypothèses et résultats

Hypothèses fondatrices. Pourquoi construire des robots dédiés aux personnes avec TSA ? L’hypothèse fondatrice de la robot-assistance propose que des robots puissent contribuer à atténuer les anomalies centrales du TSA : les anomalies socio-affectives. Sur cette base, plusieurs hypothèses spécifiques peuvent être envisagées (Simut, Vanderfaeillie, Peca, Van de Perre, & Vanderborght, 2016). Tout

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17 d'abord, selon l’hypothèse motivationnelle, les TSAs accorderaient leur préférence aux stimuli non sociaux plutôt qu’aux humains (Chevallier, et al., 2012). Ils seraient donc plus fortement motivés à interagir avec un robot, qui solliciterait et renforcerait les comportements sociaux avec efficacité.

Ensuite, les personnes avec TSA sont intolérantes aux changements, aux stimuli multimodaux ainsi qu’aux indices multiples et leurs processus sensoriels perçoivent un monde fragmenté, incohérent et angoissant (Bogdašina, 2005). Selon l'hypothèse de facilitation, l’interaction avec des robots (objets mécaniques, simples dans leurs expressions faciales et verbales, prédictibles dans le comportement et dépourvues du jugement social) leur imposerait moins de défis que l’interaction avec des humains (Dautenhahn, 1999). Finalement, selon l'hypothèse de 'catalyseur social' (Feil-Seifer & Matarić, 2009), le robot pourrait jouer le rôle de médiateur social dans les interactions triadiques : interagir avec un robot n'éliciterait pas seulement des réponses sociales envers le robot mais également envers le partenaire humain, l’automate jouant ainsi le rôle de passerelle entre l’enfant TSA et son environnement social.

Illustration par une étude de cas. Ces hypothèses ont rapidement été soutenues par des observations anecdotiques, fondées sur des études de cas (Ricks & Colton, 2010). Particulièrement prometteuses, elles soulèvent un fort enthousiasme dans la communauté des roboticiens et chercheurs. Par exemple, M, une fillette avec TSA de 3 ans, mise en contact avec le robot Keepon, s'est progressivement approchée de l'automate en le regardant de profil, puis de face à partir de la 11ème séance. Elle a touché le ventre et examiné la surface du robot. A la 12eme séance, elle vocalisait des non-mots à Keepon, mettait une casquette en tricot sur la tête de l'automate puis demandait à sa mère de faire de même. A la 14ème séance, M embrassait le robot (Kozima, Nakagawa, &Yasuda, 2007). Dans une autre étude, L, un garçon avec autisme sévère, explorait le robot (Kaspar) en le touchant, en particulier sur les yeux et les paupières. Plus tard, il a exploré ses propres yeux, ainsi que les yeux et le visage de son professeur. Après plusieurs séances, L a commencé à partager son enthousiasme avec son enseignant, en lui tendant le bras et l'invitant à participer au jeu (Robins, Dautenhahn, & Dickerson, 2009). Dans une autre recherche encore, un enfant TSA et son frère typique étaient mis en contact soit avec une poupée soit avec un robot (Probo). Ils devaient 'nourrir' le jouet avec un 'hamburger', lui donner un 'fruit', lui brosser les 'dents' et lui administrer un 'médicament'. Chaque enfant disposait seulement de deux objets nécessaires aux jeux : ils devaient solliciter le partenaire humain pour recevoir les objets manquants. Les résultats ont montré que l'enfant TSA sollicitaient plus fréquemment son partenaire humain lorsqu'il interagissait avec le robot plutôt qu'avec un jouet classique (Simut et al., 2016).

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18 Revues de littérature. L’enthousiasme soulevé par ces observations a été tempéré durant la dernière décennie par des revues de littérature (Cabibihan, Javed, Ang, & Aljunied, 2013 ; Diehl, Schmitt, Villano,

& Crowell, 2012 ; Pennisi et al., 2016). Ces dernières ont mis en avant des insuffisances limitant l’intérêt et la portée de ces tentatives. L’objectif des travaux initiaux, menés par des ingénieurs, consistait à offrir des exemples illustratifs des possibilités techniques offertes par les automates. Il ne s'agissait pas (encore) de tester l'utilité de l'assistance robotique auprès des TSA selon les standards de la méthodologie expérimentale ou clinique. Aussi, selon la revue de littérature de (Pennisi et al., 2016) portant sur 758 études, à peine 29 (0.04% !) d’articles décrivant l’interaction entre les robots et les personnes avec TSA étaient dépourvues de défauts méthodologiques graves (échantillons trop faibles, absence de groupe de contrôle, etc.). Sur 16 études retenues par Pennisi et al. (2016), 13 travaux suggèrent que les enfants TSA présentent de meilleures performances lorsqu'ils interagissent avec un robot plutôt qu'avec un humain, deux études apportent des conclusions inverses et deux n'apportent pas de résultats concluants. Jusqu’à présent, aucune revue de littérature n'a pas permis d'aboutir à des conclusions fermes quant à l'efficacité de l'assistance par la robotique du TSA.

Que savons-nous donc à l’heure actuelle ? Selon Begum, Serna, et Yanco (2016) la grande majorité des recherches a réussi à apporter la preuve de l'attractivité du robot pour des enfants TSA ('likability effect') mais pas encore de son utilité. Or, selon les auteurs, le caractère attractif et ludique n'est pas suffisant, à lui seul, pour motiver le déploiement des robots en clinique. Trop de technologie semble difficilement acceptable par les usagers lorsqu'elle est principalement dédiée aux divertissements. So et al. (2019) quant à eux estiment que les robots sont aussi efficaces que les humains lorsque la rééducation obéit à une procédure hautement structurée.

Objectifs éducatifs et attentes des professionnels. Bref, la question qui s’impose aujourd’hui concerne les fonctionnalités c’est à dire des objectifs thérapeutiques qui devraient être servies par la robotique.

Selon la revue de la littérature de Huijnen, Lexis, Jansens, et de Witte (2016), les buts thérapeutiques les plus souvent ciblés par la robot- assistance sont les interactions sociales, la communication et le jeu. Les interventions mettent typiquement en jeu l'imitation, le tour de rôle, la collaboration, l'attention conjointe, la prise de contact, le prise d’initiative, la demande, le jeu libre, jeu en parallèle ou jeu en collaboration. Pour mieux répondre aux besoins des acteurs de terrain, les chercheuront interrogé les professionnels travaillant auprès des personnes avec TSA à propos de leurs attentes à l'égard des robots. La méthode consistait à procurer pendant un certain temps un robot social sur leur lieu de travail, puis de les interroger à travers des groupes de discussion et des questionnaires. Suite à ces interactions, Huijnen, Lexis, Jansens, et de Witte (2017) ont dressé une liste d'objectifs éducatifs (ex : imitation, prise de contact, tour de rôle, orientation pour écouter, scénarii sociaux, demander de

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19 l'aide, etc.) et de rôles pouvant être endossés par le robot (ex : médiateur, renforçateur, entraîneur, provocateur, etc.). Les professionnels interrogés ont souhaité que les robots soient livrés avec une 'bibliothèque de scénarios' pouvant être choisis en fonction des besoins spécifiques de l’enfant. Selon une autre étude, menée par (Zubrycki & Granosik, 2016), les thérapeutes souhaiteraient que le robot endosse le rôle d'assistant intervenant dans des situations critiques et dangereuses : le robot interpréterait les états émotionnels de l'enfant et, le cas échéant, appellerait à l'aide un collègue ou procurerait une distraction. Le besoin applicatif le plus pressant identifié par les acteurs de terrain est celui d'un outil enregistrant, analysant et décrivant le comportement de l'enfant. Les thérapeutes souhaiteraient se concentrer sur la thérapie et déléguer les tâches administratives au robot.

Acceptabilité de la robotique. La seconde question concerne l’acceptabilité des robots par des acteurs du terrain et leur usage à long terme. Les études à ce propos ont jusqu’à présent étaient menés chez les sujets typiques. Une recherche sur l'usage à long terme du robot- dinosaure Pléopar six familles avec enfant typique (4-12 ans; Fernaeus, Håkansson, Jacobsson, & Ljungblad, 2010) a montré qu'après un accueil enthousiaste, l'enfant juge le robot limité ('ne fait pas grande chose') et conclue qu'il 'ne sait pas jouer avec lui'. Ce désenchantement concerne non seulement les robots destinés au TSA mais les robots sociaux en général. Le volume des ventes de robots d'assistance aux personnes âgées et aux handicapés demeure faible (6 423 unités en 2017), comparativement aux robots d’aides domestiques (6,1 millions d'unités en 2017) (IFR, 2018). Nombreux projets en robotique sociale sont annulés (Dusi, 2018; Walters, 2018) : Aibo, Pleo, Kuri, Asimo ou Jibo. Selon les auteurs qui cherchent à comprendre des raisons de ces déconvenues les robots actuels souffrent de la confrontation avec des attentes exagérées des usagers, façonnées par des films et romans de fiction (Sandoval, Mubin, & Obaid, 2014;

Walters, 2018): les performances du robot Nao ou Pléo sont encore très loin des hauts faits du droïde C-3PO dans la Guerre des Etoiles!

Acceptabilité de l'innovation. Faut-il être découragé ? L’adoption de l’innovation n’est pas un processus sans heurt. Même réussi et achevé, un produit novateur ne trouve pas toujours ou immédiatement preneur. Selon les travaux de (Joachim, Spieth, & Heidenreich, 2018), pour pouvoir être acceptée par les usagers, l'innovation doit répondre à une série d’exigences des acteurs du terrain, notamment (1) combler un besoin ou apporter une plus- value conséquente par rapport à des produits déjà existants, (2) cette supériorité devant être aisément communicable, (3) procurer des bénéfices rapides et visibles (4) être compatible avec des outils, des routines et des contraintes du travail préexistantes, (5) être simple et ergonomique, (6) dépourvu des dysfonctionnements, (7) sans danger pour l’utilisateur, (8) présenter des possibilités de mise à jour et de personnalisation, (9) ne pas heurter des normes et valeurs des utilisateurs, (10) présenter un rapport coût/bénéfice acceptable. Il

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20 semblerait que la robotique sociale ne soit pas encore suffisamment mature pour y répondre de façon convaincante.

Écart entre la recherche et la pratique

A première vue, il est étonnant qu'après tant d'années de recherche consacrées à l'assistance robotique du TSA, les robots restent un divertissement, un support d’activité et ne sont pas utilisés comme un outil de rééducation à part entière. En réalité, un tel retard entre les avancées en recherche et l'application clinique n'affecte pas seulement la robotique sociale: il existe dans tous les domaines.

Dans le champ de la santé en général, on estime que les pratiques fondées sur des données probantes (PDE) mettent en moyenne 17 ans à être incorporées à la pratique clinique (Bauer, Damschroder, Hagedorn, Smith, & Kilbourne, 2015). La méthode ABA est apparue dans les recommandations aux USA en 1999, soit environ après 20 ans de recherches consacrées à ce sujet. Selon Walker (2004), il existerait également un décalage d’une vingtaine d’années entre le développement d’un traitement fondé sur des preuves et son intégration dans les pratiques routinières (Dingfelder, & Mandell, 2011).

Un groupe de roboticiens, Kim, Paul, Shic, et Scassellati (2012) se sont explicitement interrogés sur les raisons de l'écart entre la recherche et la pratique affectant l'assistance robotique des TSA. Suivant leur analyse, l'efficacité des travaux des roboticiens, chercheurs serait contrainte par les exigences pratiques et l'incompatibilité des objectifs des différents acteurs impliqués dans la robot-assistance.

Loin d'être enfermé dans une tour d'ivoire, le roboticien et chercheur actuel doit s'engager dans une compétition féroce pour obtenir des subventions et produire des publications à la fréquence prescrite par l'employeur. Or, les subventions accordées aux projets de recherche en robotique ainsi que les objectifs des journaux permettant d'en publier les résultats sont axés sur l’innovation technologique.

Dans cette perceptive, le but du travail consiste à faire progresser les capacités technologiques des robots et d'en découvrir les possibilités d'application. Les chercheurs ne disposent pas de ressources, ni temporelles ni économiques, pour s'engager dans une recherche appliquée visant à développer un outil éducatif abouti. Une recherche appliquée exige en effet largement plus du temps et de moyens qu'une recherche de laboratoire et requiert également des habilités hors du champ de compétence de chercheur.

Concrètement, notre expérience nous indique que la recherche appliquée utilisant l’assistance robotique requiert au moins six étapes de travail : le développement du robot, le développement d’une méthode thérapeutique, le test de cet ensemble en situation expérimentale, la formation du professionnel, les tests de faisabilité en situation clinique et l’adaptation de l’ensemble à la singularité

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21 du patient. Le développement du robot nécessite entre 10 et 15 ans de travail afin de lui donner les fonctionnalités de base. Le développement des méthodes thérapeutiques et la mesure de leur efficacité requièrent des études longitudinales et l'analyse des cohortes des patients, soit environ une quinzaine d’années d’expérimentation. Une fois le robot et la méthode mise en place, la formation et la supervision d’un professionnel doivent durer environ deux années pour avoir une fidélité d'application de la méthode suffisante. La mise en application sur le terrain pourrait donc intervenir après une quinzaine d’année d’études.

Peu de chercheurs peuvent s'engager dans un processus aussi long. En une quinzaine d'années, la méthode rééducative et la technologie risquent en effet de devenir obsolètes. Notons finalement que la subvention moyenne typique en France permet de financer le travail d'un seul étudiant en thèse pendant trois ans seulement. Un projet en assistance robotique en exigerait pourtant deux, un en robotique et un en psychologie clinique, sans parler des coûts associés au développement du robot et à la tentative de son déploiement sur le terrain.

Partie IV. Anomalies du mouvement chez les personnes TSA

Témoignages des personnes avec TSA

Dans la dernière décennie, l'évolution technologique en robotique ainsi que l'évolution théorique en psychologie ont porté leur intérêt sur des processus moteurs. Alors que les théories classiques du TSA se focalisent sur des processus socio- communicatifs, les personnes avec TSA et leurs parents attirent l'attention sur les anomalies perceptivo-motrices (Amos, 2013; Gillespie-Lynch, Kapp, Brooks, Pickens,

& Schwartzman, 2017; Chamak, Bonniau, Jaunay, & Cohen, 2008). Ainsi, selon Bissonette (2009) :

“Autisme n’est pas tant un cerveau anormal mais une expérience anormale. Je n’ai pas de difficultés avec penser et connaitre, mais avec faire et agir”. Des témoignages de TSA (N=5), dépouillés par Robledo, Donnellan, et Strandt-Conroy (2012) mettent en avant des difficultés du contrôle moteur (“en comparant mon esprit à un ordinateur, c’est comme si j’avais la carte d’entrée mais que la carte de sortie est toute brouillée”), des aberrations dans l'exécution des commandes (“quand je sais que je devrais sourire, parfois je sais que je ne souris pas, mais fronce des sourcils”) et la conscience que les personnes avec TSA ont de leurs troubles (“Dès le début d'une action, j'étais conscient de mon incapacité à accéder à la planification motrice et j'étais perdu dans un silence moteur inacceptable”).

Ces particularités gestuelles n’échappent pas aux parents des TSA : “mes enfants semblaient constamment négocier avec leurs corps en utilisant des stratégies qui apparaissaient extrêmement compliquées” (Amos, 2013).

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22 Etant donné que le système moteur est en charge de réaliser toutes interactions avec l'environnement, le déficit du contrôle moteur entraine une cascade de troubles, notamment socio- communicatifs : “Mon enfance n’a pas été facile car je n’avais aucun moyen de communiquer. (-) J'ai pointé du doigt des cartes et je me suis touché le nez, mais je n'avais aucun moyen de dire que je pensais profondément, que je comprenais tout, mais que j'étais enfermé à l'intérieur” (Kedar, 2014). Il affecte la façon dont les thérapeutes évaluent les capacités des enfants : “Vous me demandez de toucher « arbre », par exemple, et bien que je puisse clairement différencier arbre, maison, garçon et toutes les cartes que vous avez disposées, ma main ne m’obéit pas toujours. Mon esprit crie : 'Ne touche pas à la maison !' Ma main va vers la maison. “ (Kedar, 2014).

Anomalies motrices chez des personnes avec TSA

Le mouvement chez les personnes TSA. Des anomalies motrices, repérées pourtant depuis le début des travaux sur le TSA par Kanner (1943) ont longtemps demeuré hors des centres d'intérêt des chercheurs. (Leary & Hill, 1996) ont attiré l'attention sur ces difficultés, en listant une cinquantaine d’anomalies motrices rencontrées dans les TSA : rigidité, mouvements inachevés, marche sur la pointe des pieds, déficit d'ajustement de la force etc. Vers 2000, nombre des travaux sur le mouvement dans le TSA a explosé. A l’heure actuelle, l’hypothèse selon laquelle la déficience motrice ferait partie du phénotype du TSA, est testée et soutenue par un riche éventail d'études de haute qualité.

Les personnes avec TSA présent-elles des troubles moteurs ? La réponse est positive. Selon l'estimation de Miyahara et al. (1997), les déficits moteurs seraient présents chez 50 à 75% des individus. La comparaison des personnes avec TSA avec leurs frères et sœurs sans TSA (Hilton, Zhang, Whilte, Klohr, & Constantino, 2012) montre que des déficits ont été observés dans 83% des cas dans le groupe TSA, contre seulement 6% dans celui des frères et sœurs typiques. La méta-analyse la plus récente porte sur 51 études : elle montre que la coordination motrice des personnes avec TSA présente des anomalies se manifestant dans des tâches d'équilibre, de la posture, de la marche, le pointage…

(Fournier, Hass, Naik, Lodha et Cauraug, 2010). Kaur, Srinivasan, et Bhat (2018) confirment la présence de difficultés motrices fondamentales en matière d’équilibre, de posture et de coordination, mais repèrent également des difficultés de planification motrice et de synchronisation motrice interpersonnelle chez les enfants TSA.

Est-on capable de repérer des anomalies motrices spécifiques au TSA -- des marqueurs comportementaux -- pouvant servir au diagnostic ? La réponse est à ce jour négative. Par rapport aux enfants typiques, les enfants avec TSA obtiennent des scores plus faibles à des tests standardisés de la performance motrice (ex : BOT-2, SIPT, M-ABC), à la fois au niveau de la motricité fine (ex : pliage de

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23 papier, reproduction de configuration manuelle) que globale (ex : marcher sur une ligne droite, attraper une balle) (Kaur, et al. 2018). Des travaux sur la cinématique du mouvement mettent en évidence des profils atypiques de vitesse et d’accélération (Cook et al., 2013 ; Glazebrook et al., 2006), une organisation anormale des chaînes moteurs (Mari et al., 2003), et un contrôle en feed-back plutôt qu’un contrôle anticipatoire du mouvement (Schmitz, Martineau, Barthélémy, Assaiante, 2003). Des problèmes moteurs similaires sont néanmoins identifiés dans d'autres troubles (ex: trouble de coordination).

Développement moteur. Les anomalies motrices peuvent servir de signal d'alerte, suggérant que la trajectoire développementale de l'enfant dévie de la route typique. Du point de vue développemental, les troubles moteurs sont parmi les plus précoces à apparaître (Iarocci & McDonald, 2006). L’étude rétrospective des films familiaux met en évidence des anomalies motrices chez des nourrissons diagnostiqués ultérieurement avec un TSA, notamment des anomalies des postures et des anomalies de locomotion suivantes : couché sur le dos, couché sur le ventre, changement postural entre ces deux positions, de la position assise ainsi que de la marche à quatre pattes (Teiltelbaum, Teitelbaum, Nye, Fryman et Maurer, 1998 ; Baranek, 1999 ; Trevarthen & Daniel, 2005 ; Ozonoff et al., 2008). Plus tard dans le développement, selon le travail de (Provost, Lopez, & Heimerl, 2007), au moins 60% des jeunes enfants (21-41 mois) avec TSA présentent des retards moteurs les qualifiant pour une intervention motrice. Staples et Reid (2010) ont noté que le niveau de développement en motricité globale des enfants avec TSA de 10 ans, évalué à travers l'habilité à courir, sauter, glisser, lancer, donner des coups de pied, etc., est comparable à celui des enfants typiques de cinq ans. En suivant une cohorte composée de 90 personnes TSA et 56 typiques pendant 12 ans, Travers et al. (2017) ont montré qu'à partir de 14 ans, une différence se creuse entre le groupe des TSA et le groupe contrôle dans la tâche de production de frappes.

Lien mouvement-TSA. Les anomalies motrices n'affectent pas seulement des activités impliquant du mouvement : s'habiller, prendre un bus, écrire etc. Il existe un lien entre la sévérité des troubles moteurs est la sévérité des symptômes du TSA (Dziuk et al., 2007 ; Sutera et al., 2007 ; Kaur et al., 2018). En suivant une cohorte de 648 enfants à haut et à bas risque du TSA, Iverson et al. (2019) ont rapporté que la sévérité des troubles de motricité fine à 6 mois était significativement associée à la sévérité des symptômes du TSA à 36 mois. Bremer et Cairney (2018) ont noté que chez des enfants de 7 à 12 ans, le score obtenu au test moteur (M-ABC-2) était significativement corrélé avec l’autonomie dans la vie quotidienne et les comportements adaptatifs, estimés par la VABS-2. MacDonald, Lord, et Ulrich (2013) ont relevé que le score illustrant l’habilité à contrôler un objet (TGMD-2), comme par exemple donner un coup de pied sur un ballon, faire une frappe de baseball, lancer par-dessus l’épaule,

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24 etc., est significativement lié au score de sévérité du TSA. Vanvuchelen, Roeyers, et De Weerdt (2007) ont rapporté que déficits moteurs chez des enfants avec TSA de symptomatologie sévère, des déficits moteurs sont fortement liés aux déficits en imitation de gestes.

La production du mouvement affecte la cognition chez le typique

Mouvement et cognition. Les observations ci-dessus laissent penser que les déficits moteurs font partie des facteurs responsables de l’émergence des symptômes socio-cognitifs du TSA. Cette hypothèse fait écho aux Théories Motrices de la Cognition développées sur des sujets typiques. Dans leurs perspective, la distinction classique entre des processus moteurs et des processus cognitifs est trompeuse (Gibson, 1977 ; Hommel, Müsseler, Aschersleben, & Prinz, 2001) : il y aurait une co- dépendance entre ces deux types de mécanismes. A l'aval, le système neuro-musculo-squelettique sélectionne les informations sensorielles en scrutant l'environnement à travers le mouvement des yeux, des mains, en inspirant et en gouttant (Prescott, Diamond, & Wing, 2011). Ensuite, il participe au déroulement de processus cognitifs plus “ centraux “ : discrimination, attention, émotion, compréhension, mémoire etc. Par exemple, lorsqu'on active par une stimulation magnétique transcrânienne des sites du cortex moteur (M1) contrôlant les lèvres ou la langue, le sujet discrimine plus rapidement des phonèmes articulés par des lèvres (p et b) ou par la langue (d et t), respectivement (D’Ausilio et al., 2009). Lorsque le sujet frappe le rythme avec sa main, le cerveau amplifie des réponses neuronales des événements survenant en lien avec le geste (Morillon, Hackett, Kajikawa, & Schroeder, 2015). Si on perturbe le système moteur en demandant au sujet de tenir un crayon entre les dents, la discrimination des expressions émotionnelles se détériore (Dummer, Picot-Annand, Neal, & Moore, 2009). Les jugements sémantiques sur le caractère sensé des phrases (ex : Peut-on froisser un journal

? Peut-on froisser une fenêtre?) sont facilités s'ils sont précédés de gestes correspondant à l'action mentionnée (ex : placer les doigts en forme de pince) (Klatzky, Pellegrino, McCloskey, & Doherty, 1989). Pendant l'apprentissage, si le sujet illustre des phrases à retenir (ex : allumer une cigarette) par des gestes correspondants, son rappel ultérieur s'en trouve amélioré (Engelkamp, Zimmer, Mohr, &

Sellen, 1994).

Neurones miroirs. L'impact de la production de gestes sur la cognition a été mis en avant en neurologie suite à la découverte des neurones dits 'miroirs'. Il s'agit d'un système de neurones situés dans les régions prémotrices du cerveau qui s'activent lorsque le sujet effectue un geste intentionnel vers un but (ex : saisir une pomme) ou lorsqu'il observe ou imagine quelqu'un le produire (Rizzolatti &

Craighero, 2004). Ce système permettrait au cerveau de tisser des liens sensori-moteurs entre les

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25 propres programmes moteurs dont il dispose et l’action motrice observée sur un autre individu. Aussi, l'activation du système de neurones miroirs est plus élevée lorsque le sujet observe une action qu'il est capable d'accomplir, par rapport à l'observation de mouvements physiquement impossibles (ex : abduction extrême de l'auriculaire qui impliquerait la rupture de l'articulation métacarpo- phalangienne) ou des gestes non familiers (Costantini et al., 2005). Chez les danseurs, les neurones miroirs s'activent plus vivement lorsque le danseur observe des mouvements de danse qu'ils ont l’habitude d'exécuter par rapport à des mouvements non pratiqués (Cross, Hamilton, & Grafton, 2006).

Les neurones miroirs seraient impliqués dans la traduction des percepts en action, jetant ainsi des bases de l'imitation : leur activité est plus élevée lorsque l’on demande au sujet d'observer puis d'imiter un mouvement par rapport à la condition où il doit seulement observer le geste (Iacoboni et al., 2001).

Synchronisation et lien social. Les psychologues s'interrogeant sur l'établissement de liens sociaux ont en particulier porté leur attention sur la gestuelle rythmique. McNeill (1995) a postulé que la fonction primaire des chants, des danses et des marches réalisés en synchronie par des groupes d'individus contribue à l'émergence de relation sociale. Une pléthore de travaux expérimentaux ont ensuite montré que les individus ont tendance à synchroniser spontanément et involontairement leurs mouvements (Schmidt, Bienvenu, Fitzpatrick, & Amazeen, 1998) et que cette synchronisation favorise les liens sociaux (Lakens, 2010 ; Hove & Risen, 2009). Des paires d'enfants ayant produit des frappes en synchronie considéraient leur partenaire comme étant plus semblable et plus proche d'eux que les enfants n'ayant pas eu d'interaction ou ayant pris part à une interaction asynchrone (Rabinowitch &

Knafo-Noam, 2015). Lorsque des adultes pédalent sur des bicyclettes en synchronie puis remplissent un questionnaire évaluant leurs sentiments d'empathie envers leurs partenaire (“Je pourrais me mettre à la place de l'autre”), le score d'empathie est plus élevé par rapport à des groupes ayant pédalé dans des conditions asynchrones (Sharon- David, Mizrahi, Rinott, Golland, & Birnbaum, 2018).

Kirschner et Tomasello (2010) ont montré que lorsque les enfants typiques chantent de manière synchronisée lors d’une première activité, ils manifestent plus de comportements d’aide envers leurs pairs lors d’une deuxième activité en comparaison au groupe d'enfants qui chantaient individuellement. Les indices physiologiques d’empathie sont plus élevés lorsqu’un stimulus douloureux est appliqué à un comparse qui imite les mouvements du sujet plutôt qu’à un comparse qui n’imitent pas (De Coster, Verschuere, Goubert, Tsakiris, & Brass, 2013). La production de mouvements synchrones avec l'autre active le système des neurones miroirs (Tognoli, Lagarde, DeGuzman, & Kelso, 2007) et contribue à la synchronisation des ondes cérébrales des co-acteurs (Dumas, Nadel, Soussignan, Martinerie, &Garnero, 2010).

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26 TSA, mouvement et cognition sociale

Production des rythmes chez les personnes avec TSA. Les personnes avec TSA semblent marcher au rythme d'un autre tambour (Atwood, 2006). A la lumière des Théories Motrices de la Cognition, ce symptôme exprime une anomalie centrale dans l'émergence du trouble. Dans cette perspective, les chercheurs se sont attachés à repérer des anomalies de la production rythmique chez des TSAs.

Isenhower et al. (2012) ont noté que les enfants TSA priés de frapper sur un tambour soit en in-phase (des baguettes qui frappent simultanément) soit en anti-phase (frappes en alternance) produisent moins de configurations motrices requises (in- phase et anti-phase) que des enfants typiques. Moran, Foley, Parker, et Weiss, (2013) ont examiné l'habilité des enfants TSA à sauter sur deux jambes en synchronie avec un signal auditif. Contrairement aux enfants typiques de contrôle, qui se sont bien acquittés de cette tâche, les personnes avec TSA n’ont pas réussi à régler leur mouvement sur le signal.

Condon (1975) a remarqué que les nourrissons ultérieurement diagnostiqués TSA produisent plusieurs réponses motrices en réaction à un seul stimulus verbal. De Marchena et Eigsti (2010) ont noté que les gestes communicatifs sont moins bien synchronisés avec la parole chez des adolescents avec TSA que chez le groupe de contrôle. Gepner, Mestre, Masson, & de Schonen (1995) ont étudié l'ajustement postural des enfants aux oscillations de l'image de l'environnement. Tandis qu'un enfant typique oscille d’avant en arrière en synchronie avec le mouvement environnemental, les enfants autistes n’oscillaient peu, voire pas du tout, ne sachant pas utiliser correctement les informations visuelles sur les mouvements de leur environnement pour adapter la posture globale de leur corps. Récemment, Kostrubiec, Huys, Jas, et Kruck (2018) ont montré que les anomalies de synchronisation avec un stimulus auditif sont liées à la sévérité des symptômes du TSA.

Synchronisation interpersonnelle. Les anomalies dans la production des rythmes en solo se répercutent sur des situations où les enfants sont en dyades. Yirmiya et al. (2006) ont rapporté que des enfants de 4 mois à risque de TSA synchronisent moins bien leurs gestes avec les mouvements de leur mère que les enfants sans risque. Dawson, Hill, Spencer, Galpert, et Watson, (1991) ont remarqué que les enfants TSA sourient autant que des enfants typiques, mais l'émission de leurs sourires coïncide moins bien avec l'émission de sourires par la mère. Lorsque l'enfant TSA se balance sur une chaise à bascule à côté d'un adulte, il se synchronise moins souvent avec le partenaire social que les enfants typiques (Marsh, Richardson, & Schmidt, 2009). Lorsque les adolescents TSA doivent imprimer un balancement à une pendule avec leur main dominante tout en observant leur parent qui effectuent la même tâche, ils se synchronisent avec le partenaire social avec moins de stabilité que les sujets typiques de contrôle (Fitzpatrick et al., 2016). Pendant l'exécution de diverses tâches motrices (ex :

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27 pointer en séquence sur diverses parties du corps) en dyades, les personnes avec TSA se sont synchronisées avec leurs partenaire de façon moins consistante que les participants du groupe témoin (Fitzpatrick et al., 2017).

Synchronisation des rythmes. Ces observations expérimentales ont contribué à promouvoir l'idée selon laquelle le TSA serait lié à une anomalie de synchronisation des rythmes. Ayant examiné l'activité cérébrale des personnes avec TSA impliquées dans une tâche commune, Salmi et al., (2013) ont noté que les ondes cérébrales de ces sujets se synchronisaient moins que les ondes des personnes typiques.

Romero et al. (2018) ont noté que les anomalies de synchronisation interpersonnelle sont liées aux anomalies sociales du TSA. Le niveau de synchronisation motrice sociale spontanée est corrélée à la capacité de réponse à l’attention conjointe, à la coopération et à la théorie de l’esprit, le niveau de synchronisation motrice sociale intentionnelle est associée à l’initiation de l’attention conjointe et à la théorie de l’esprit.

Théorie de synchronisation et TSA. Du point de vue théorique, la synchronisation est envisagée comme un processus permettant aux composants d'un système de tisser des liens et de coopérer ensemble (Kelso, 1995; Kelso, Dumas, & Tognoli, 2013). Quelle que soit l'échelle de l'observation -- celle des neurones, des muscles ou des organismes -- elle crée des groupes agissant ensemble: groupes de neurones, groupes de muscles ou des groupes d’individus (Kelso, 2012). Dans cette perspective, il n'est pas étonnant qu'un désordre de synchronisation s'exprime par des déficits fonctionnels au niveau neuronal, musculaire, comportemental et social. Selon la position radicale, la synchronisation anormale des rythmes serait à la base même de l'autisme (Isenhower et al., 2012). Bien que cette position radicale doive être tempérée et les observations expérimentales plus approfondies (tous les sujets avec des troubles moteurs ne développement ni TSA ni de difficultés sociales ; ex : myopathie, paralysies...), il apparaît aujourd'hui comme essentiel de développer des procédures impliquant le système moteur et la synchronisation inter- personnelle dans la rééducation des personnes avec TSA.

Exemples d’interventions sur le mouvement : avec et sans robot

Exemple de l’intervention sur le mouvement. Conformément à cette sollicitation, Koehne a entrepris de tester l’efficacité des interventions fondées sur le mouvement et la synchronisation interpersonnelle. 55 adultes avec TSA (QI ≥ 85) étaient repartis en deux groupes : (1) un groupe expérimental qui bénéficiait de 10 séances d'intervention (90 min chacune, une par semaine) axées sur l’imitation et la synchronisation perceptivo-motrice interpersonnelle et (2) un groupe témoin simplement soumis à une intervention centrée sur la coordination motrice individuelle. L'intervention centrée sur la synchronisation impliquait des exercices d'action conjointe produits soit dans la situation

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28 d'improvisation, soit dans la situation de reproduction d'une danse. Pour témoigner de l'évolution des participants, des tests (1) d'identification des émotions sur des visages photographiés, (2) de compréhension du point de vue des autres, (3) d'imitation automatique et (4) de synchronisation interpersonnelle ont été appliqués avant et après l'intervention. Les analyses ont montré un progrès significativement plus marqué du groupe expérimental par rapport au groupe contrôle dans le test de l’inférence émotionnelle, de l'imitation automatique et de synchronisation interpersonnelle. La synchronisation permettrait de promouvoir certaines habiletés sociales chez des personnes avec TSA, un effet nécessitant une investigation plus poussée.

Exemple de l’intervention sur le mouvement assisté par la robotique. Srinivasan et al., (2015) a proposé aux enfants TSA (N = 36) un entrainement de huit semaines, fondé sur les principes de ABA et visant l'amélioration de motricité globale ou fine. Trois groupes d'enfants ont été constitués : le groupe robot, le groupe rythme et le groupe de comparaison. Dans le groupe rythme et robot les enfants étaient engagés dans exercices encourageant la motricité globale et la synchronisation inter- personnelle, tels que le jeu de battement sur un tambour ou le jeu de marche en synchronie etc. Dans le groupe de comparaison les enfants étaient impliqués dans des activités sur table favorisant la motricité fine et les compétences académiques, tels que le coloriage ou le collage. Les résultats ont montré que les enfants appartenant au groupe rythme et au groupe robot ont progressé en motricité globale, ceux du groupe de comparaison en motricité fine. Tous les groupes ont progressé en imitation.

Il n'y avait pas de différence significative entre le groupe rythme et robot.

Conclusion

L’acquisition de compétences sociales peut sembler simple et naturelle chez des personnes neurotypiques mais cet apprentissage s’avère moins évident chez les personnes TSA. De nombreuses particularités sont présentes au niveau de la capacité de perception, d’élaboration et d’émission de comportements verbaux ou non-verbaux, et peuvent ainsi expliquer leurs difficultés d’apprentissage des compétences sociales. Puisque les anomalies de synchronisation interpersonnelle sont liées aux anomalies sociales du TSA et que le niveau de synchronisation motrice sociale spontanée au même titre que la compréhension des intentions sociale est corrélée à la capacité de réponse à l’attention conjointe, à la coopération et à la théorie de l’esprit (Romero et al., 2018), il semble pertinent de proposer des rééducations utilisant la synchronisation motrice dans un contexte social dans l’objectif d’améliorer les compétences social.

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Fiches de lecture

Ces 11 fiches de lecture sont extraites de la bibliographie générale. Elles ont été choisies pour leur pertinence au regard de leur capacité à apporter des pistes concrètes concernant les projets d’assistance robotique et les interventions motrices dans la rééducation des fonctions sociales chez des personnes porteuses du Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA).

Chaque fiche contient un lien vers la notice complète et les documents sur la base documentaire de la FIRAH.

Références

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