• Aucun résultat trouvé

DROIT DES PERSONNES DROIT DES BIENS

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "DROIT DES PERSONNES DROIT DES BIENS"

Copied!
16
0
0

Texte intégral

(1)

Page 1 sur 16

D

ROIT DES PERSONNES

D

ROIT DES BIENS

Cours de Monsieur Nicolas Anciaux (L1 AES) Semaine de TD : 7 – 11 mars

SÉANCE N° 5

LES DROITS DE LA PERSONNALITÉ (2/2) Le droit au respect de la vie privée et le droit à l’image

(2)

Page 2 sur 16

Documents

I. L’existence du droit au respect de la vie privée et du droit à l’image Doc. n°1 : Code civil, art. 9

« Chacun a droit au respect de sa vie privée.

Les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».

Doc. n° 2 : Cass. 1ère civ., 2 juin 2021, pourvoi n° 20-13.753, Publié au Bulletin Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), dans son numéro daté du 19 juillet 2015, le magazine Lui a publié une photographie de M. [J], acteur américain, prise sans autorisation sur une plage dans un moment de loisir. Il était apposé à côté de l'article la mention KCS.

3. Le 3 août 2015, M. [J] a assigné la société Lui et la société KCS Presse afin d'obtenir, sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, leur condamnation à lui payer chacune une certaine somme à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral, et l'interdiction de commercialiser le cliché litigieux. En cours de procédure, il a également sollicité l'indemnisation de son préjudice résultant de la captation et la commercialisation de neuf clichés supplémentaires publiés sur quatre sites Internet anglophones qui faisaient partie de la même série de photographies que celle publiée dans le magazine Lui et portaient la mention KCS Presse/Splash News.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. M. [J] fait grief à l'arrêt de rejeter l'ensemble de ses demandes formées contre la société KCS Presse, alors « que M. [J], sur le fondement des articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, invoquait deux faits générateurs distincts d'une atteinte dommageable à ses droits de la personnalité imputés à la société KCS Presse : une captation et une commercialisation non autorisée de son image à partir du site « Agences On line », alors que le seul fait de caper, de fixer et de publier, par le biais d'un site Internet permettant d'accéder à des photographies et au besoin de les acheter, image privée et non autorisée d'une personne constitue une atteinte au respect de sa vie privée et de son image et entraîne la responsabilité de son auteur ; et en outre, le fait de l'avoir proposée à la vente ; qu'en retenant qu'« en l'absence de toute preuve de la commercialisation de cette photographie à la société Lui, il n'est pas démontré que la société KCS Presse a commis une faute à l'égard de [Y] [J] et les demandes formées à son encontre seront donc rejetées », la cour d'appel, qui a limité la possibilité d'une faute ou d'un fait dommageable à la seule hypothèse d'une vente entre KCS Presse et le magazine Lui, a violé les articles 9 du code

(3)

Page 3 sur 16 civil et 8 de la Convention de sauvegarde des

droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 9 du code civil et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 5. Il ressort de ces textes que le droit dont la personne dispose sur son image porte sur sa captation, sa conservation, sa reproduction et son utilisation et que la seule constatation d'une atteinte ouvre droit à réparation.

6. Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la maîtrise par l'individu de son image implique dans la plupart des cas la possibilité de refuser la diffusion de son image et comprend en même temps le droit pour lui de s'opposer à la captation, la conservation et la reproduction de celle-ci par autrui. L'image étant l'une des caractéristiques attachées à la personnalité de chacun, sa protection effective présuppose, en principe, le consentement de l'individu dès sa captation et non pas seulement au moment

de son éventuelle diffusion au public (CEDH, arrêt du 15 janvier 2009, Reklos et Davourlis c. Grèce, n° 1234/05, § 40 ; CEDH, arrêt du 27 mai 2014, de la Flor Cabrera c. Espagne, n° 10764/09, § 31).

7. Pour rejeter les demandes de M. [J]

formées contre la société KCS Presse, après avoir constaté que celle-ci reconnaissait être détentrice des droits d'auteur sur la photographie et contestait seulement l'avoir vendue à la société Lui, l'arrêt se borne à retenir qu'en l'absence de toute preuve de cette commercialisation, il n'est pas démontré qu'elle a commis une faute à son égard.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

(…)

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il constate qu'aucune demande n'est formée par M. [J] contre la société Lui, l'arrêt rendu le 29 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

II. Illustrations jurisprudentielles du droit au respect de la vie privée et du droit à l’image

Doc. n° 3 : Cass. 1ère civ., 23 avr. 2003, pourvoi n° 01-01.851 ; Bull. civ. I, n° 98.

« Attendu que, suite aux retentissements médiatiques de la relation extra-conjugale entretenue en août 1996 par le mari de X...

Y..., ..., avec une "strip-teaseuse", l'hebdomadaire Paris match daté du 12 septembre 1996 a annoncé en couverture puis publié sur plusieurs pages un article essentiellement consacré aux réactions et sentiments supposés de l'épouse, et illustré de onze photographies ; que celle-ci a assigné la société éditrice Cogedipresse en dommages-

intérêts pour atteintes à ses droits sur sa vie privée et sur son image, et en publication de la condamnation dans un prochain numéro du magazine ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches, tel qu'énoncé au mémoire en demande et reproduit en annexe :

Attendu que, pour retenir l'atteinte à la vie privée, la cour d'appel (Versailles, 2

(4)

Page 4 sur 16 novembre 2000) a relevé que, si l'incartade de

l'époux avait constitué un événement d'actualité dont l'hebdomadaire pouvait légitimement rendre compte, les titres de couverture "X... humiliée ... rupture ou pardon, la princesse meurtrie hésite encore", et, à l'intérieur, "X..., après l'affront, l'explication" constituaient une extrapolation non nécessaire à l'information des lecteurs et un détournement de l'objectif d'information ; qu'elle a, par là même, justifié l'équilibre qu'elle expose avoir recherché, à travers les sanctions prononcées, entre la liberté de l'information et le droit de chacun au respect de sa vie privée et familiale; que par ailleurs, l'atteinte à ce dernier principe est indépendante du mode compassionnel, bienveillant ou désobligeant sur lequel elle est opérée ; d'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen, pris en ses deux branches, pareillement énoncé et reproduit :

Attendu que pour retenir l'atteinte à l'image, la cour d'appel, après avoir souverainement estimé qu'une participation volontaire de la plaignante aux photographies n'était pas établie, a relevé que plusieurs avaient été prises au téléobjectif, les unes dans un club privé en compagnie de son époux et témoignant du désarroi et des émotions les plus intimes qu'elle éprouvait, les autres dans un jardin privé où elle se trouvait en compagnie de son frère et assorties du commentaire "le jour du scandale, Z... est là et console sa soeur" ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision, appréciant souverainement les modalités propres à assurer la réparation intégrale de la violation constatée ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ; (…) »

Doc. n° 4 : Cass. 1ère civ., 11 mars 2020, pourvoi n° 19-13.716, Publié au Bulletin (conflit entre le droit au respect de la vie privée et la liberté d’expression)

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 9 novembre 2018), un article annoncé en pleine page de couverture sous le titre « S... H... et V... L... Love story à San Francisco » a été publié dans le numéro 3408, daté du 17 septembre 2014, du magazine Paris Match, édité par la société Hachette Filipacchi associés (HFA). Cet article, illustré par quatre photographies des intéressés se promenant dans les rues de San Francisco, rapportait le séjour « en amoureux » des deux anciens ministres, vingt jours après leur démission

conjointe du gouvernement.

2. Estimant que cette publication portait atteinte à sa vie privée et au droit dont il dispose sur son image, M. H... a assigné la société HFA, aux droits de laquelle vient la société Lagardère média news (la société

Lagardère), pour obtenir réparation de son préjudice moral.

Examen du moyen

Sur le moyen unique, pris en sa seconde branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur la première branche du moyen Enoncé du moyen

4. La société Lagardère fait grief à l'arrêt de condamner la société HFA à payer à M. H...

la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice causé par la publication du numéro

(5)

Page 5 sur 16 3408 du magazine Paris Match et, en

conséquence, de lui interdire, sous astreinte, de diffuser, reproduire ou mettre en ligne les photographies litigieuses, alors « que l'atteinte portée à la vie privée doit être appréciée au regard de la contribution de l'information publiée à un débat d'intérêt général, de la notoriété de la personne concernée, du contenu et des répercussions de la publication sur la vie privée de l'intéressé et de l'intrusion qu'a nécessité l'obtention des informations ou clichés publiés ; qu'en retenant, pour juger que la publication de l'article de presse et des clichés révélant la relation amoureuse de M.

H... avec Mme L... constituait une atteinte à son droit à l'image et à sa vie privée, que l'article était centré sur la nature privée et amoureuse de la relation les unissant et non sur le débat politique ouvert à la suite du récent remaniement ministériel, bien que M.

H... soit une personnalité publique qui venait alors d'occuper les fonctions officielles de ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, et que le public ait eu un intérêt légitime à être informé de l'existence d'une relation intime entre deux des ministres « frondeurs », susceptible d'avoir exercé une influence sur leur décision commune de s'opposer à la ligne politique du gouvernement et d'en démissionner simultanément, décision ayant contribué, au sein de la majorité politique au pouvoir, à alimenter un conflit qui a été l'une des principales causes du déclin du Parti socialiste, la cour d'appel a violé les articles 8 et 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ensemble l'article 9 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Le droit au respect dû à la vie privée et à l'image d'une personne et le droit à la liberté d'expression ayant la même valeur normative, il appartient au juge saisi de rechercher un équilibre entre ces droits et, le cas échéant, de privilégier la solution la plus protectrice de l'intérêt le plus légitime. Pour effectuer cette mise en balance des droits en présence, il doit prendre en considération la contribution de la

publication incriminée à un débat d'intérêt général, la notoriété de la personne visée, l'objet du reportage, le comportement antérieur de la personne concernée, le contenu, la forme et les répercussions de ladite publication, ainsi que les circonstances de la prise des photographies, et procéder, de façon concrète, à l'examen de chacun de ces critères (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n°

16-28.741, Bull. 2018, I, n° 56).

6. Toutefois, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, la vie amoureuse et sentimentale d'une personne présente, en principe, un caractère strictement privé et, s'il existe un droit du public à être informé, droit qui est essentiel dans une société démocratique et peut même, dans des circonstances particulières, porter sur des aspects de la vie privée de personnes publiques, des publications ayant pour seul objet de satisfaire la curiosité d'un certain lectorat sur les détails de la vie privée d'une personne ne sauraient, quelle que soit la notoriété de cette personne, passer pour contribuer à un quelconque débat d'intérêt général pour la société (CEDH, arrêt du 10 novembre 2015, T... et Hachette Filipacchi associés c. France [GC], n° 40454/07, §§ 99 et 100). Dès lors, pour vérifier qu'une publication portant sur la vie privée d'autrui ne tend pas uniquement à satisfaire la curiosité d'un certain lectorat, mais constitue également une information d'importance générale, il faut apprécier la totalité de la publication et rechercher si celle-ci, prise dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit, se rapporte à une question d'intérêt général (ibid., § 102). En outre, même si le sujet à l'origine de l'article relève de l'intérêt général, il faut encore que le contenu de l'article soit de nature à nourrir le débat public sur le sujet en question (CEDH, arrêt du 29 mars 2016, Bédat c. Suisse [GC], n° 56925/08, § 64).

7. Il résulte de ce qui précède que l'atteinte portée à la vie privée d'une personne publique ou au droit dont elle dispose sur son image ne peut être légitimée par le droit à l'information

(6)

Page 6 sur 16 du public que si le sujet à l'origine de la

publication en cause relève de l'intérêt général et si les informations contenues dans cette publication, appréciée dans son ensemble et au regard du contexte dans lequel elle s'inscrit, sont de nature à nourrir le débat public sur ce sujet.

8. L'arrêt relève, par motifs propres et adoptés, que, si l'article litigieux évoque la démission alors récente du gouvernement de M. H... et de Mme L..., ces indications sont données uniquement afin de contextualiser dans le temps le séjour privé des intéressés en Californie, sans aucune interrogation sur le point de savoir si la relation sentimentale des anciens ministres est la cause effective de leur démission conjointe. Il ajoute que cet article, centré sur la relation personnelle unissant M.

H... et Mme L..., ne fait aucune allusion aux conséquences de cette relation sur leurs fonctions et ambitions politiques respectives, pas plus qu'au débat politique ouvert à la suite du remaniement ministériel consécutif à leur démission, les lecteurs étant uniquement informés de ce que les anciens ministres entretiennent une relation amoureuse loin de l'agitation politique parisienne.

9. En l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a retenu, à bon droit, que, bien que la démission conjointe de M. H... et de Mme L... ait constitué un sujet d'intérêt général, l'article litigieux était consacré à la seule révélation de leur relation amoureuse et à leur séjour privé aux Etats- Unis, de sorte qu'il n'était pas de nature à nourrir le débat public sur ce sujet. Elle en a exactement déduit que cet article, illustré par des photographies prises à l'insu des intéressés, avait porté atteinte au droit de M.

H... au respect de sa vie privée et de son image.

10. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour : REJETTE le pourvoi.

(7)

Page 7 sur 16

Doc. annexe n° 1 : H.FULCHIRON, « Le contrôle de proportionnalité : question de méthode », D.

2017, p. 656 s.

Recueil Dalloz

Recueil Dalloz 2017 p.656

Le contrôle de proportionnalité : questions de méthode

Hugues Fulchiron, Professeur à l'Université Jean Moulin Lyon 3, Directeur du Centre de droit de la famille, Institut universitaire de France

L'essentiel

Alors que se poursuit le débat sur le principe et les enjeux du contrôle de proportionnalité, la Cour de cassation en construit la méthode au fil de ses décisions. Selon la Cour, le contrôle de proportionnalité appartient aux juges du fond : à eux de déterminer la nature du droit atteint, la réalité de l'atteinte et son caractère excessif. La Cour se réserve le contrôle du contrôle ; elle vérifie que le contrôle a bien été effectué, qu'il a été effectivement effectué, qu'il a été correctement effectué et que la balance entre les droits et intérêts en présence a été « justement » effectuée. Ce dernier aspect du contrôle semble devoir intervenir dans le cadre d'un « contrôle léger » dont les limites restent à fixer. De façon générale, dans la structure de ses raisonnements comme dans la forme de ses décisions, la Cour montre son attachement aux techniques classiques de la cassation.

Trois ans après l'arrêt du 4 décembre 2013 ouvrant la voie au contrôle de proportionnalité (1), la Cour de cassation a statué de nouveau sur la question des empêchements à mariage nés de l'alliance dans un arrêt du 8 décembre 2016 (2). En 2013, pour un mariage célébré entre un homme et l'ex-femme de son fils, elle écarte la règle prohibitive (3) ; en 2016, pour un mariage entre un homme et la fille de son ex- femme, elle maintient l'interdit (4). Ces décisions contraires sont-elles contradictoires ? Faut-il y voir la traduction des dangers, si souvent dénoncés, du contrôle de proportionnalité : démarche casuistique (5) soumise à la subjectivité des magistrats, il remettrait en cause l'autorité de la loi, menacerait la sécurité juridique et ouvrirait la porte à l'arbitraire ?

Il n'est pas question de revenir sur un débat dont les enjeux juridiques, politiques et sociaux ont été clairement mis en valeur (6). Il s'agit plutôt de se pencher sur les problèmes de méthode que pose un tel contrôle et, plus précisément, d'étudier la façon dont la Cour de cassation, et tout particulièrement la première chambre civile (qui, il est vrai, se trouve en première ligne compte tenu de son domaine de compétence), construit cette méthode au fil de ses décisions, étant entendu que de nombreuses questions restent en suspens.

On le sait, le contrôle de proportionnalité a pour objet de faire la balance entre les droits et intérêts en présence, intérêts publics et intérêts privés, lors de l'application de la règle à un cas particulier. Il peut conduire à écarter cette application in casu lorsque celle-ci porterait une atteinte excessive aux droits et libertés reconnus à l'individu (7).

Ce contrôle doit s'effectuer au regard des droits et libertés tels que garantis par les normes internes comme par les normes européennes et internationales. Cette évidence mérite d'être rappelée car on aurait trop tendance à assimiler contrôle de proportionnalité et contrôle de conventionalité, et, plus encore, contrôle de proportionnalité et contrôle du respect des droits et libertés reconnus par la Convention européenne des droits de l'homme telle qu'interprétée par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH). Certes, la Convention européenne constitue une référence essentielle, et sans doute est-ce en contemplation de ses textes et de la jurisprudence de la CEDH que la Cour de cassation a développé son action. Mais l'arbre de la Convention européenne ne doit pas cacher la forêt des droits et libertés fondamentaux. Surtout, les interrogations suscitées par l'action de la CEDH (8) ne doivent pas « polluer » le débat, avec leur cortège de critiques et parfois de fantasmes.

Trois ans après l'ouverture fracassante du contrôle de proportionnalité, les choses sont claires : la Cour de cassation ne se prend pas pour la CEDH ; elle n'entend pas non plus s'ériger en Cour suprême, jugeant du fond comme du droit. Au fil de ses décisions, la répartition des rôles au sein de l'ordre judiciaire s'affirme clairement : il appartient aux juges du fond d'exercer le contrôle (I) ; la Cour de cassation se réserve le contrôle du contrôle (II).

I - Le contrôle

Deux séries de questions se posent aux juges du fond : quelles sont les données du contrôle (A), quelles en sont les modalités (B) ?

A - Les données du contrôle

Pour que le juge exerce son contrôle, il ne suffit pas que le demandeur invoque de façon plus ou moins incantatoire la violation de ses droits. Encore faut-il que soient déterminés la nature du droit atteint, la réalité de l'atteinte et son caractère excessif au regard de l'ensemble des droits et intérêts en cause.

1 - La nature du droit atteint

Le contrôle de proportionnalité tend à assurer la protection des droits et libertés de l'individu. Faute d'atteinte à un droit, il ne s'agirait que d'une pesée d'intérêts : le contrôle de proportionnalité deviendrait une simple appréciation en équité. De plus, il ne suffit pas de prétendre que tel ou tel droit est menacé, encore faut-il prouver qu'il est bien mis en cause dans telle ou telle de ses dimensions. Par exemple, il ne suffit pas de brandir l'article 8 et la « nébuleuse » de droits et libertés qu'il recouvre (9) ; il est nécessaire de préciser quelles sont les composantes de l'article 8 dont on demande la protection.

(8)

Page 8 sur 16

La chose n'a rien d'évident, comme l'a montré la décision rendue en référé par le Conseil d'État dans l'affaire des gamètes du conjoint décédé (10) : la veuve en demandait le transfert en Espagne afin d'y procéder à une insémination artificielle prohibée en France. En l'espèce, la requérante s'appuyait sur l'article 8 de la Convention européenne et le Conseil d'État a rendu sa décision d'autorisation au visa de ce texte ; mais ni la requérante, ni le juge ne précisent quelle dimension du droit au respect de la vie privée et familiale était en jeu. Or, si l'on se réfère à la jurisprudence de la CEDH, on peut s'interroger sur la réalité des « droits » invoqués par la demanderesse et, en tout cas, sur leur consistance. Le droit au respect de la vie familiale semble ici hors-jeu, ne serait-ce que parce que la CEDH ne protège qu'une vie familiale existante et non un simple projet de vie familiale (11). L'atteinte au droit au respect de la vie privée de la veuve est tout aussi discutable. Certes, selon la CEDH, « la notion de "vie privée", notion large qui englobe, entre autres, des aspects de l'identité physique et sociale d'un individu, notamment le droit à l'autonomie personnelle, le droit au développement personnel et le droit d'établir et d'entretenir des rapports avec d'autres êtres humains et le monde extérieur (...), recouvre également le droit au respect des décisions de devenir ou de ne pas devenir parent ». Mais la Cour n'a jamais dit que ce « droit » s'imposait aux États dans des circonstances comparables à celle de l'affaire soumise au Conseil d'État. Et, en toute hypothèse, le Conseil d'État se contente en l'espèce d'une référence « globale » à l'article 8, sans s'expliquer plus avant. Que la décision du juge administratif soit « juste », en ce qu'elle permet de donner un peu de souplesse à une règle trop rigide est une chose ; qu'il y ait vraiment contrôle de proportionnalité en est une autre ; il manque un élément de poids dans la balance : la « réalité » des droits invoqués.

2 - La réalité de l'atteinte

Que le requérant doive prouver, au-delà de la réalité des droits invoqués, la réalité de l'atteinte portée à ces droits, relève également de l'évidence, du moins en apparence.

En témoigne l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 6 juillet 2016 à propos des délais de l'action en contestation de filiation préalable, en l'espèce, à l'établissement d'une nouvelle paternité (12). Si, comme le souligne la Cour, « l'application d'un délai de prescription ou de forclusion, limitant le droit d'une personne à faire reconnaître son lien de filiation paternelle, constitue une ingérence dans l'exercice du droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la fin de non-recevoir opposée aux consorts D. est prévue à l'article 333 du code civil et poursuit un but légitime, en ce qu'elle tend à protéger les droits et libertés des tiers ainsi que la sécurité juridique ». Or, en l'espèce, la cour d'appel avait constaté que l'enfant dont la filiation était en cause était mort pendant l'instance ; l'action avait été reprise par sa veuve et par ses descendants ; or ceux- ci « ne soutenaient pas avoir subi personnellement, une atteinte à leur vie privée du fait de l'impossibilité d'établir, au travers de celle de leur père, leur ascendance » ; en fait, l'action engagée « ne poursuivait qu'un intérêt patrimonial ». Selon la Cour de cassation, les juges du fond ont pu en déduire que « l'application des règles prévues à l'article 333 du code civil ne portait pas au droit au respect de leur vie privée une atteinte excessive au regard du but légitime poursuivi, justifiant que ces règles fussent écartées et que l'action fût déclarée recevable ».

Plus que le caractère excessif de l'atteinte, c'est la réalité même de l'atteinte, au regard du moins de l'article 8, qui était en cause. Si cette réalité est établie, restera à en apprécier le caractère proportionné ou non.

3 - Le caractère excessif de l'atteinte

C'est à ce stade qu'intervient la pesée des droits et intérêts en jeu dans le cas particulier qui est soumis au juge. La règle constitutive d'une ingérence est en principe fondée sur les considérations d'intérêt général ; de plus, face aux droits et libertés du demandeur, d'autres droits et intérêts particuliers doivent parfois être pris en considération : intérêts de la famille de celui dont on voudrait établir la paternité, intérêts des enfants issus du mariage dont on demande la nullité pour empêchement lié à la parenté, etc. Au requérant de prouver le caractère excessif de l'atteinte portée in casu à ses droits, ce qui suppose que soit pris en compte l'ensemble des données de droit et de fait de l'espèce.

Telle est la démarche traditionnelle de la CEDH. Telle est aujourd'hui celle que la Cour de cassation attend des juges du fond. Ainsi, dans l'arrêt du 9 novembre 2016, rendu, là encore, en matière de prescription des actions relatives à la filiation (13), la Cour, après s'être assurée de la conventionalité de la règle, précise qu'« il appartient toutefois au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise à l'oeuvre de ces dispositions ne porte pas, au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention, une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi ». En l'espèce, les juges du fond avaient souligné la tardiveté de l'action intentée alors même que le demandeur avait connaissance de la paternité, la stabilité d'une situation ayant duré près de cinquante ans et la situation du père prétendu, âgé de quatre-vingt-quatre ans, marié et père d'une fille ; selon la Cour de cassation, « en l'état de ces énonciations, la cour d'appel a pu en déduire que la prescription opposée à M. X. ne portait pas, au regard du but légitime poursuivi, une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée » (14).

Les particularités de l'espèce peuvent faire que dans tel cas l'atteinte sera jugée excessive et dans tel autre elle paraîtra proportionnée au but légitime poursuivi. La question de l'inceste en fournit une illustration. On sait que, dans l'arrêt fondateur du contrôle de proportionnalité (15), la Cour de cassation avait justifié la mise à l'écart in casu de l'article 161 du code civil prohibant le mariage entre le beau-père et l'ex-femme de son fils, en mettant en avant le fait que le mariage avait été célébré sans opposition et qu'il avait duré plus de vingt ans : l'annulation du mariage aurait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale. Appelée à statuer le 8 décembre 2016 sur le mariage entre le beau-père et la fille de son ex-épouse, la Cour approuve les juges du fond de ne pas avoir écarté in casu le même article : après avoir affirmé que la règle « poursuit un but légitime en ce qu'elle vise à sauvegarder l'intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d'une modification de la structure familiale », la Cour souligne que l'arrêt déféré « relève d'abord que Mme X avait neuf ans quand Pierre Y a épousé sa mère en troisièmes noces, qu'elle avait vingt-cinq ans lorsque ces derniers ont divorcé et vingt-sept ans lorsque son beau-père l'a épousée ; (...) il en déduit que l'intéressée a vécu, alors qu'elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu'elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu'elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique ; (...) il constate, ensuite, que son union avec Pierre Y n'avait duré que huit années lorsque les consorts Y ont saisi les premiers juges aux fins d'annulation ; (...) il relève, enfin, qu'aucun enfant n'est issu de cette union prohibée ; (...) de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X, au regard du but légitime poursuivi ». La nature même de l'interdit, ses justifications mais aussi les circonstances de l'espèce se combinent donc pour sauvegarder in casu la règle dans toute sa

(9)

Page 9 sur 16

rigidité.

Reste que, pour éviter toute accusation d'arbitraire, la pesée des droits et intérêts en présence doit être faite avec la plus grande rigueur.

B - L'exercice du contrôle

Pour exercer leur contrôle, les juges doivent mettre en balance l'ensemble des éléments de fait et de droit qui leur permettront d'apprécier la situation in casu. Se pose donc la question de l'office du juge, et de ses modes de raisonnement.

1 - L'office du juge

Le juge peut-il ou doit-il procéder au contrôle de proportionnalité quand bien même les parties ou l'une d'elles ne le lui auraient pas demandé ? Si la question peut se poser pour le contrôle de conventionalité de la règle, car le juge ne peut appliquer une règle « illégale », la réponse semble s'imposer pour le contrôle de proportionnalité : à la prétendue victime d'invoquer l'atteinte. L'ambiguïté qui pouvait exister dans l'arrêt du 4 décembre 2013 (16) (mais pouvait-il en être autrement puisque le contrôle n'existait pas jusque-là ?), a été levée dans les affaires ultérieures comme le montre l'examen des pourvois (17).

De même, il appartient au demandeur de fournir les « données » qui permettront au juge de faire la balance des droits et intérêts, le juge restant libre de sélectionner ou non les éléments invoqués et pouvant prendre en compte d'autres éléments dès lors qu'ils sont dans le dossier.

Ainsi, dans une affaire de destruction de constructions édifiées illicitement, la chambre criminelle (18) souligne-t-elle que « la prévenue n'a pas soutenu devant la cour d'appel que la remise en état ordonnée par les premiers juges porterait une atteinte disproportionnée aux droits garantis par les textes conventionnels visés au moyen, au regard de l'impératif d'intérêt général poursuivi par la législation de l'urbanisme ; (...) cet examen par la Cour de cassation nécessiterait la prise en considération d'éléments de fait qui ne résultent pas des constatations de l'arrêt attaqué ». Même si la formule a surtout pour objet de définir les rôles respectifs de la Cour de cassation et des juges du fond (le moyen étant mélangé de fait et de droit), elle éclaire la question de l'office de ces derniers : ils n'ont à statuer que si on leur demande. Que si on le leur demande, ils ont l'obligation de statuer. C'est ce que la troisième chambre civile reproche aux juges du fond de ne pas avoir fait dans son arrêt du 17 décembre 2015 (19) : les juges ont ordonné en référé l'évacuation des caravanes et la destruction de tous les ouvrages en dur appartenant à un habitant du voyage, propriétaire de la parcelle sur laquelle est établi son domicile, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les mesures ordonnées étaient proportionnées au regard du droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé.

2 - Le raisonnement du juge

Une des principales critiques portées par une partie de la doctrine contre le contrôle de proportionnalité serait d'abandonner le raisonnement syllogistique pour une pesée entre deux argumentations contraires dont les termes, mélangés de fait et de droit, auront été mis en balance (20). Faute de cadre logique, le raisonnement perdrait toute rigueur et conduirait à l'arbitraire.

Il n'est pas question de revenir ici sur le caractère largement « mythique » d'un syllogisme judiciaire qui partirait de la règle de droit pour descendre aux faits et en déduire la solution à donner en droit au problème posé (21). Il s'agit seulement d'insister sur la rigueur de la démarche qui doit être celle du juge lorsqu'il procède au contrôle de proportionnalité. S'y enchaîne une série de raisonnements qui utilisent pour la plupart la logique syllogistique classique. Au commencement est la règle : c'est-à-dire celle qui pose le droit que l'on prétend atteint

; encore faut-il, comme on l'a dit supra, préciser la dimension du droit en cause. Dans un deuxième temps, le juge s'intéresse à la règle contestée : après en avoir au besoin explicité le sens et la portée, il convient de vérifier qu'elle est bien prévue par la loi (au sens large, car il peut s'agir, par exemple, d'une règle jurisprudentielle) et qu'elle poursuit un but légitime. Autant de questions qui, dans la tradition française, prendront la forme de raisonnements par syllogisme. Dans un troisième temps, interviendra le contrôle de proportionnalité proprement dit, c'est-à-dire la pesée des droits et intérêts en présence, qui suppose que soit mises en rapport, la règle à laquelle il aurait été porté atteinte, la règle que l'on entend écarter in casu et les « données » de l'espèce, éléments de fait et éléments de droit. Certes, la sélection de ces données et leur intégration dans le raisonnement sont laissées à l'initiative du juge : à lui de dire quels sont les éléments qu'il met dans les plateaux de la balance ; mais tel est aussi le cas lorsque le juge construit ou plutôt reconstruit son raisonnement dans le cadre du syllogisme judiciaire classique. Reste que l'appréciation finale (la pesée proprement dite) peut être empreinte de subjectivité. Mais cette subjectivité est-elle moindre que dans des affaires civiles ou pénales qui laissent également une place à l'appréciation personnelle du juge ? Le risque est connu, comme ses remèdes (les voies de recours, la collégialité, etc.). S'il est plus important, est-il vraiment rédhibitoire

? On peut faire le pari que les juges du fond sauront faire preuve de rigueur sous le contrôle vigilant de la Cour de cassation (22).

Ainsi, dans l'arrêt rendu le 8 décembre 2016 en matière de mariage (23), la Cour se livre-t-elle discrètement à un petit cours de méthode.

Elle commence par rappeler les termes de l'article 8 de la Convention européenne. Elle poursuit en affirmant que « l'ingérence dans l'exercice du droit au respect de la vie privée et familiale que constitue l'annulation d'un mariage entre alliés en ligne directe est prévue par les articles 161 et 184 du code civil et poursuit un but légitime en ce qu'elle vise à sauvegarder l'intégrité de la famille et à préserver les enfants des conséquences résultant d'une modification de la structure familiale ». On passe ensuite à la mise en balance des intérêts en cause : « il appartient toutefois au juge d'apprécier si, concrètement, dans l'affaire qui lui est soumise, la mise en oeuvre de ces dispositions ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale garanti par la Convention une atteinte disproportionnée au regard du but légitime poursuivi » ; or l'arrêt déféré a relevé « d'abord que Mme X avait neuf ans quand Pierre Y a épousé sa mère en troisièmes noces, qu'elle avait vingt-cinq ans lorsque ces derniers ont divorcé et vingt-sept ans lorsque son beau-père l'a épousée ; (...) il en déduit que l'intéressée a vécu, alors qu'elle était mineure, durant neuf années, avec celui qu'elle a ultérieurement épousé et qui représentait nécessairement pour elle, alors qu'elle était enfant, une référence paternelle, au moins sur le plan symbolique ; (...) il constate, ensuite, que son union avec Pierre Y n'avait duré que huit années lorsque les consorts Y ont saisi les premiers juges aux fins d'annulation ; (...) il relève, enfin, qu'aucun enfant n'est issu de cette union prohibée ». De ces « constatations et énonciations », la cour d'appel a déduit que « l'annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X, au regard du but légitime poursuivi

(10)

Page 10 sur 16

». La Cour de cassation n'y voit rien à redire : non qu'elle partage nécessairement l'appréciation des juges du fond, mais tous les éléments du raisonnement ont été correctement mis en place.

S'agit-il pour autant d'un contrôle purement formel ? Pour garantir non pas l'unité d'interprétation de la règle (puisque chaque appréciation doit se faire in casu), mais l'équité globale du contrôle de proportionnalité, la Cour de cassation ne doit-elle pas aller plus loin ?

II - Le contrôle du contrôle

Comme on l'a souligné en introduction, la répartition des rôles entre les juges du fond et la Cour de cassation est, a priori, assez claire : les juges du fond mettent en oeuvre le contrôle de proportionnalité, la Cour contrôle le contrôle. Reste à préciser quelles sont l'amplitude de ce contrôle du contrôle (A) et ses modalités techniques (B).

A - L'amplitude du contrôle du contrôle

L'avenir du contrôle de proportionnalité se joue en grande partie dans l'équilibre entre la mission reconnue aux juges du fond de garantir le respect des droits et libertés individuels, au risque d'interprétations et de pratiques divergentes, et la fonction unificatrice de la Cour de cassation. Pour y parvenir, la Cour semble vouloir se référer à d'autres domaines où, traditionnellement, s'opère une répartition des rôles avec les juges du fond.

En témoignent les formules retenues par la Cour. Ainsi, dans l'arrêt rendu le 6 juillet 2016 (24) à propos d'une action en contestation de paternité, préalable nécessaire à une action tendant à établir la filiation biologique, la Cour estime-t-elle qu'« en l'état de ces énonciations », la cour d'appel « a pu décider que l'application des règles prévues à l'article 333 du code civil ne portait pas au droit au respect de leur vie privée une atteinte excessive au regard du but légitime poursuivi, justifiant que ces règles fussent écartées et que l'action fût déclarée recevable ». On retrouve un attendu de ce type dans l'arrêt du 5 octobre 2016 (toujours en matière de filiation) et dans l'arrêt emblématique du 8 décembre 2016 sur l'interdiction du mariage à raison de l'alliance : après avoir rappelé les éléments pris en compte par les juges du fond, la Cour affirme que, « en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a pu déduire que l'annulation du mariage ne constituait pas une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme X, au regard du but légitime poursuivi

».

La Cour de cassation reprend ainsi les formules qu'elle utilise pour caractériser un « contrôle léger » dans le cadre du contrôle normatif (25). Faut-il en conclure qu'elle entend réduire le contrôle du contrôle à un « contrôle léger », au sens où l'entendent certains auteurs (26)

? Rien n'est moins sûr. De fait, ce type de contrôle porte sur une opération bien particulière, celle de la qualification des faits par le juge du fond, c'est-à-dire, pour reprendre la formule d'un auteur (27), l'opération consistant à « identifier une situation de fait à une notion légale » : déterminer, par exemple, si tel comportement est constitutif d'une faute. Avec le contrôle de proportionnalité, il ne s'agit pas de qualifier des faits, mais d'opérer une balance des intérêts, ce qui relève d'une tout autre logique. De plus, les données prises en compte ne sont pas seulement des faits, mais aussi des règles de droit. Enfin, l'expression « a pu déduire... » laisse entendre que les juges du fond ont correctement raisonné mais qu'ils auraient pu décider autrement au terme d'une approche différente de l'espèce sans encourir nécessairement la cassation de leur décision (28)...

Même si l'on peut comprendre le souci de la Cour d'inscrire le contrôle de proportionnalité dans les techniques classiques de la cassation (29), on peut se demander si cette pratique ne risque pas de brouiller la compréhension du problème en suscitant de faux débats sur la nature et sur le régime du contrôle. Peut-être serait-il préférable qu'en construisant la méthode du contrôle de proportionnalité, la Cour invente de nouvelles formules. À vouloir faire entrer le vin nouveau dans de vieilles outres...

Reste la question centrale : celle de l'intensité du contrôle exercé. Pour s'en faire une idée précise, il faudrait disposer d'une décision de censure du contrôle exercé par les juges du fond. Or, si la Cour a cassé des arrêts qui n'avaient pas procédé au contrôle (30), elle n'a pas encore censuré un « mauvais » contrôle. L'affaire jugée le 5 octobre 2016 en matière de contestation de paternité (31) aurait pu lui en fournir l'occasion : estimant sans doute que la pédagogie devait l'emporter sur la censure, la Cour a préféré « recadrer » la décision des juges du fond pour la rendre acceptable au regard des exigences du contrôle de proportionnalité.

Si l'on part du principe que la Cour de cassation contrôle le contrôle, mais que, compte tenu de la nature du contrôle de proportionnalité, ce contrôle ne peut pas être un simple contrôle formel, le contrôle exercé par la Cour de cassation pourrait se développer dans le périmètre défini par quatre grandes questions :

- le contrôle a-t-il été effectué ? Les juges du fond ont-ils mis en place un contrôle de proportionnalité ou, si l'on ose dire, ont-ils sorti les instruments de pesée ? En l'état de la jurisprudence, c'est cette absence de contrôle qui a été censurée ;

- le contrôle a-t-il été effectivement effectué ? Les juges du fond ont-ils vraiment mis en balance les droits et intérêts en cause ou, pour parler autrement, ont-ils fait la pesée ou se sont-ils contentés de mettre en place les instruments du contrôle pour « habiller » leur décision

? ;

- le contrôle a-t-il été correctement effectué ? Les droits et intérêts mis en balance ont-ils été clairement définis, s'agit-il vraiment des droits et intérêts pertinents, ont-ils été pris en compte dans leur juste dimension, ou, pour continuer à parler par image, est-ce que les bons poids ont été placés sur les plateaux de la balance ? Tel est le problème posé par l'arrêt du Conseil d'État à propos de l'exportation des gamètes à fin de procréation médicalement assistée post-mortem ;

- le contrôle a-t-il été justement effectué ? Les conclusions que les juges du fond ont tirées de la mise en balance des droits et intérêts en cause, dans les circonstances particulières de l'espèce, sont-elles, sinon exactes (le contrôle de proportionnalité, pas plus d'ailleurs que la fonction de jurisdictio, n'est une science exacte), du moins « acceptables » compte tenu à la fois des droits et intérêts en jeu, des données de l'espèce et du contexte juridique et social dans lequel s'inscrit l'affaire ? De fait, le contrôle de proportionnalité brise le mythe d'une application mécanique de la règle de droit ; il remet en avant la dimension sociale et humaine de l'acte de juger. Cette dimension du contrôle

(11)

Page 11 sur 16

du contrôle est assurément la plus délicate. Si l'on estime que, compte tenu de la nature même du contrôle, la Cour doit refaire la pesée pour vérifier que la pesée opérée par les juges du fond était une juste pesée, on abandonne l'idée que la Cour contrôle le contrôle : en vérité, elle le refait. À l'inverse, on peut difficilement imaginer que la Cour n'intervienne pas si les juges du fond ont fait une appréciation à l'évidence erronée des droits et intérêts en présence (et, compte tenu des difficultés de procéder au contrôle de proportionnalité, un tel risque est loin d'être négligeable). La solution pourrait peut-être passer par la définition d'une ligne de partage tracée à partir de la notion d'« erreur manifeste d'appréciation ». Pourrait ainsi être construit au fil des espèces un certain équilibre entre la marge d'appréciation des juges du fond et le pouvoir de contrôle de la Cour de cassation.

B - Les modalités techniques du contrôle du contrôle

Se posent deux séries de questions : la construction de la décision et sa motivation, d'une part, ses conséquences, d'autre part.

1 - Construction et motivation de la décision

À l'évidence, la Cour ne souhaite pas remettre en cause la construction traditionnelle de ses arrêts : le contrôle de proportionnalité est enchâssé dans la structure classique des décisions de rejet comme des décisions de cassation. Ainsi, dans l'arrêt du 8 décembre 2016 sur les interdits à mariage (arrêt de rejet), la Cour commence par rappeler les faits. Puis, elle résume le moyen. Intervient alors le contrôle de proportionnalité proprement dit, qui prend une forme syllogistique : dans un premier temps, la Cour rappelle les règles de droit en présence (art. 161 c. civ. ; art. 8 Conv. EDH tel qu'interprété par la CEDH) et vérifie l'ingérence prévue par la loi et qu'elle poursuit un but légitime ; dans un second temps, elle donne les éléments de la pesée telle qu'elle a été effectuée par les juges du fond et, sans s'en expliquer (au lecteur d'inférer des éléments évoqués les motifs du satisfecit accordé par la Cour aux juges du fond...), elle affirme que les juges du fond ont pu en déduire, etc. La conclusion (rejet) met un point final au raisonnement (32). La structure des arrêts de cassation est tout aussi classique (33) : visa ou énoncé de la règle, exposé des circonstances de fait et de droit, contenu de l'arrêt sous examen et raisons pour lesquelles l'arrêt encourt la cassation, dispositif. L'ouverture du contrôle respecte donc la tradition des arrêts de la Cour.

La Cour demeure également fidèle à sa brevitas. Peut-être est-ce là que réside d'ailleurs la vraie difficulté. La Cour reste, en effet, d'une grande discrétion sur les raisons qui la poussent à prendre telle ou telle position. Pour le rejet, elle emprunte au contrôle de la qualification des formules mystérieuses, telles que « la cour d'appel a pu considérer... », « de ces constatations, elle a pu déduire... », sans s'expliquer sur les raisons qui la conduisent à approuver les juges d'appel. Son raisonnement propre reste donc implicite. Cette façon de procéder est- elle vraiment conforme aux nécessités du contrôle de proportionnalité ? La question se poserait de façon plus pressante encore dans l'hypothèse où la Cour censurerait un contrôle erroné : pourrait-elle casser sans s'expliquer ? Le problème général de la réforme de la motivation des arrêts de cassation (34) prend donc une acuité particulière dans le cas du contrôle de proportionnalité (35). Il n'est certes pas envisageable de prendre comme modèle les arrêts de la CEDH : ils ne correspondent ni aux besoins, ni aux traditions de la cassation « à la française » qui, par la souplesse et la diversité de ses techniques, peut constituer un instrument tout à fait adéquat du contrôle de proportionnalité (36). Mais il semblerait indispensable de développer la motivation qui soutient la balance des intérêts : il en va de la crédibilité, donc, en un sens, de l'autorité de ses décisions. La chose n'a rien d'impossible : certaines juridictions étrangères sont aujourd'hui rompues à l'exercice (37).

2 - Conséquences de la décision

Qu'il s'agisse de censurer l'absence de contrôle ou un contrôle défectueux, pour l'une des raisons évoquées supra, se pose la question des suites à donner à la procédure. Plusieurs hypothèses semblent devoir être distinguées.

Si le contrôle n'a pas été effectué, il devrait y avoir cassation avec renvoi : il n'appartient pas, en effet, à la Cour de cassation de faire la pesée, même si les éléments apparaissent, d'une façon ou d'une autre, dans le dossier. L'arrêt fondateur du contrôle de proportionnalité, rendu le 4 décembre 2013, opte certes pour une cassation partielle sans renvoi, la Cour refaisant le contrôle. Mais sans doute était-ce pour ouvrir la voie au contrôle et montrer le chemin aux juges du fond. Dans les affaires qui ont suivi, la Cour casse et renvoie (38). Il devrait en aller de même si le contrôle n'a pas été effectivement effectué ou n'a pas été correctement (au sens défini supra) effectué. Là encore, il n'appartient pas à la Cour de réunir et de répartir les éléments nécessaires à la pesée des droits et intérêts en cause (39). Reste que, si les éléments adéquats sont dans le dossier, la Cour pourrait décider d'utiliser les nouveaux pouvoirs que lui octroie la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle (art. L. 411-3 COJ). Mais ce serait changer la nature même de son rôle : la Cour de cassation deviendrait pleinement « juge des droits de l'homme ».

Quid si le contrôle a été effectué mais que, comme on l'a suggéré supra, la Cour estime qu'il y a eu erreur manifeste d'appréciation ? La Cour disposant de tous les éléments utiles, il est des hypothèses dans lesquelles elle devrait pouvoir mettre fin au litige et casser sans renvoi, conformément aux nouvelles dispositions de l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire (V., par ex., en matière de demande de nullité du mariage pour cause d'inceste : si la Cour estime qu'il y a eu appréciation erronée des juges du fond, la règle sera maintenue ou écartée, et, en conséquence, le mariage sera annulé ou maintenu, sans qu'il soit besoin d'aller devant une cour de renvoi) ; dans d'autres, il restera à juger l'affaire ou fond, avec ou sans la règle contestée : tel sera le cas, par exemple, lorsque la mise à l'écart des délais de prescription en matière de filiation n'est que le préalable à une décision sur la contestation elle-même.

Au fil des arrêts, la Cour construit donc le régime du contrôle de proportionnalité. La situation est loin d'être stabilisée. Mais peut-il en être autrement compte tenu de la révolution engagée ? La constance et la prudence de la Cour sur la forme (montrent le soin qu'elle prend à inscrire le contrôle dans le cadre des techniques classiques de la cassation), comme sur le fond (en témoigne son souci de laisser aux juges du fond une grande liberté d'appréciation), prouvent en tout cas sa volonté d'imposer ce contrôle comme une dimension « naturelle », et si possible dépassionnée, du contrôle de conventionalité. Est par là même réaffirmée la mission des juges nationaux en tant que premiers garants du respect des droits et libertés de l'individu.

Mots clés :

(12)

Page 12 sur 16 III. La patrimonialisation du droit à l’image Doc. n° 7 : Cass. 1ère civ., 20 oct. 2021, n° 20-16.343, inédit.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), par conventions conclues le 7 juin 2017, Mme [Q] a autorisé la société GTNCO à exploiter son droit à l'image aux fins de la diffusion par la société Métropole Télévision, sur la chaîne M6, de l'émission « Wild », un jeu d'aventure consistant en une course d'orientation dans un milieu hostile.

2. Le 1er juin 2018, invoquant le fait qu'une séquence de cette émission avait fait entendre le son qu'elle avait produit, alors que, victime de diarrhées lors d'une étape, elle était en train de se soulager, Mme [Q] a assigné les deux sociétés en indemnisation de son préjudice et interdiction de toute exploitation de la séquence litigieuse.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses quatre premières branches

Énoncé du moyen

3. Mme [Q] fait grief à l'arrêt de déclarer ses demandes irrecevables, alors :

« 1° / que le principe de non-cumul de la responsabilité délictuelle et de la responsabilité contractuelle interdit seulement au créancier d'une obligation contractuelle de se prévaloir, contre le débiteur de cette obligation, des règles de la responsabilité délictuelle et n'interdit pas la présentation d'une demande distincte, fondée sur l'article 9 du code civil, qui tend à la réparation du préjudice résultant non pas d'un manquement contractuel mais de l'atteinte portée à la vie privée et au droit à l'image ; qu'en déclarant irrecevables les demandes de Mme [Q] fondées sur l'article 9 du code civil au motif qu'elle aurait dû agir sur

le terrain contractuel et non délictuel en application du principe de non cumul des responsabilités, la cour d'appel a violé les articles 9, 1217, 1240 du code civil ;

2°/ que le seul constat d'une atteinte au respect de la vie privée et/ou au droit à l'image, indépendamment des mécanismes de responsabilités susceptibles d'être invoqués, ouvre droit à réparation sur le fondement de l'article 9 du code civil ; qu'en assimilant l'action fondée par Mme [Q] sur l'article 9 du code civil à une action en responsabilité délictuelle, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et par fausse application l'article 1240 du code civil ;

3°/ que le non-respect de la finalité de l'autorisation accordée pour l'utilisation de l'image porte atteinte au droit à l'image ; qu'en s'abstenant de rechercher, ainsi qu'elle était invitée à le faire, si concrètement la séquence montrant Mme [Q] accroupie derrière un bosquet pour se cacher de la caméra et laissant entendre distinctement les bruits de l'expulsion douloureuse d'une forte diarrhée n'excédait pas la finalité de l'autorisation accordée à l'utilisation de son image à l'exclusion de toute communication au public d'images dégradantes, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 9 du code civil ;

4°/ en tout état de cause, que la violation d'une obligation légale d'ordre public constitue une faute délictuelle nonobstant la reprise de cette obligation par une clause contractuelle ; que l'exploitation et la diffusion d'images dégradantes, en ce qu'elles portent atteinte à la dignité de la personne, engagent la responsabilité délictuelle de leurs auteurs ; qu'en retenant que la violation de l'article 4 du « règlement de compétition » - stipulant que « M6 s'engage à ne pas communiquer au public des informations ou des images dégradantes des concurrents » -

(13)

Page 13 sur 16 aurait dû être invoquée sur le terrain

contractuel sans aucunement rechercher si la diffusion d'images montrant Mme [Q]

accroupie derrière un bosquet pour se cacher de la caméra et de sons laissant entendre distinctement les bruits de l'expulsion douloureuse d'une forte diarrhée ne portait pas atteinte à sa dignité et ne justifiait pas qu'elle agisse sur le terrain extra contractuel pour obtenir de la société de production et du diffuseur la réparation du préjudice qui en a résulté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1240 et 16 du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Les dispositions de l'article 9 du code civil, seules applicables en matière de cession de droit à l'image, relèvent de la liberté contractuelle et ne font pas obstacle à celle-ci dès lors que les parties ont stipulé de façon suffisamment claire les limites de l'autorisation donnée quant à sa durée, son domaine géographique, la nature des supports et l'exclusion de certains contextes (1re Civ., 11 décembre 2008, pourvoi n° 07- 19494, Bull. 2008, I n° 282).

5. Il s'en déduit que la méconnaissance de ce texte ne peut être invoquée qu'à la condition que la diffusion litigieuse ne se rattache pas à l'exécution du contrat.

6. La cour d'appel a relevé que, le 7 juin 2017, Mme [Q] avait conclu avec la société GTNCO deux documents contractuels intitulés, l'un « contrat à durée déterminée d'usage (jeu) », prévoyant que « le collaborateur autorise l'exploitation par le producteur et en tant que de besoin lui cède à

titre exclusif ses attributs et droits de la personnalité ainsi que ses éventuels droits de propriété intellectuels dans les conditions et selon les modalités définies dans l'autorisation de diffusion signée par le collaborateur » (article 3), l'autre « règlement de la compétition », dans lequel il était notamment précisé à l'article 4 : « règles liées à la diffusion : dans le cadre de l'exploitation de la série, M6 s'engage à ne pas communiquer au public des informations ou des images dégradantes des concurrents » et que les demandes de l'intéressée étaient fondées sur la violation ou le dépassement de ces engagements.

7. Elle a retenu que la séquence litigieuse avait été filmée dans le contexte et pour la finalité en vue desquels avait été réalisé le tournage de cette émission et qu'elle entrait ainsi dans les prévisions contractuelles indiquant qu'il s'agissait d'une chronique filmée d'un jeu d'aventure.

8. La cour d'appel, qui a ainsi procédé à la recherche invoquée par la troisième branche et qui n'avait pas à procéder à la recherche visée à la quatrième branche dès lors que Mme [Q] n'avait pas, dans ses conclusions d'appel, invoqué l'article 16 du code civil, en a déduit à bon droit que l'action présentait un fondement contractuel.

9. Le moyen n'est donc pas fondé.

(…)

[La cassation n’a été prononcée dans cet arrêt que pour une violation de l’article 122 du Code de procédure qui ne nous intéresse pas dans cette fiche]

(14)

Page 14 sur 16

Doc. annexe n° 2 : Comment lire un arrêt de la Cour de cassation « nouvelle méthode de rédaction ». Le mode de rédaction change, dossier de presse de la Cour de cassation, 2019 (lien url : https://www.courdecassation.fr/IMG/Dossier%20de%20presse%20-

%20Le%20mode%20de%20r%C3%A9daction%20des%20arr%C3%AAts%20change%20-

%20Cour%20de%20cassation%20-.pdf)

EN QUELQUES MOTS…

HISTORIQUE

2014 : Une démarche collective, large, très ouverte, a été engagée par et à la Cour de cassation en vue de réfléchir aux évolutions possibles et souhaitables en matière de motivation de ses décisions.

Mars 2017 : Une commission a été chargée de proposer des choix précis, argumentés, et d’élaborer, en fonction, un projet de dispositif opérationnel. Elle a achevé ses travaux à la mi-décembre 2018.

Février - mars 2019 : Des solutions concrètes ont été formalisées pour servir de règles rédactionnelles.

OBJECTIFS DE LA RÉFORME

La motivation en forme développée des arrêts qui le nécessitent doit permettre un accès au droit plus précis et plus informé.

Elle est porteuse d’une dimension à la fois explicative, pédagogique (permettre à chacun de mieux comprendre la décision en mettant davantage en évidence la progression du raisonnement qui a conduit à la solution retenue) et persuasive (conduire les parties à mieux accepter la décision). Rendre une décision plus aisément intelligible, c’est aussi se placer du point de vue de son lecteur.

La motivation en forme développée est un gage de sécurité juridique (la lisibilité de la décision participe fortement de la prévisibilité du droit).

Enfin, une jurisprudence constituée de décisions plus explicites, à la traçabilité plus nette, contribuera – notamment en en facilitant la traduction - à la diffusion du droit français dans le champ juridique international.

Un arrêt peut être regardé comme bien motivé dès l’instant où sa seule lecture suffit à tout juriste pour en saisir le sens et la portée.

Expliquer, lorsqu’il y a lieu, la méthode d’interprétation, retenue par la Cour, des textes pertinents.

Faire mention des solutions alternatives non retenues lorsque celles-ci ont été sérieusement discutées au cours du délibéré, en mettant en évidence les raisons pour lesquelles elles ont été écartées.

Quand il y a lieu, en particulier en cas de revirement de jurisprudence, citer les ‘précédents’ pour donner une traçabilité à l’arrêt au sein de la jurisprudence de la Cour.

Faire état des études d’incidences (lorsqu’elles existent et qu’elles ont rempli un rôle conséquent dans le choix de la solution retenue).

En cas de cassation partielle avec renvoi devant une juridiction du fond, donner dans les motifs mêmes de l’arrêt toutes précisions utiles sur ce qui reste à juger.

MOTIVATION DEVELOPPÉE SON CONTENU

La motivation en forme développée n’a pas vocation à s’appliquer à toutes les décisions mais à enrichir celles qui le justifient plus particulièrement.

Elle concerne au premier chef les arrêts qui :

opèrent un revirement de jurisprudence ;

tranchent une question de principe ou présentent un intérêt marqué pour le développement du droit ;

procèdent à l’interprétation d’un texte nouveau ;

présentent un intérêt pour l’unité de la jurisprudence ;

mettent en jeu la garantie d’un droit fondamental ;

tranchent une demande de renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l’Union européenne ou une demande d’avis consultatif à la Cour européenne des droits de l’homme.

CHAMP D’APPLICATION

STYLE DE RÉDACTION : POUR TOUS LES ARRÊTS Que leur motivation soit traditionnelle ou développée

Avant la fin de l’année 2019, tout arrêt, qu’il comporte ou non une motivation en forme développée, devra comporter trois parties bien identifiées et nommées comme telles :

1. faits et procédure ;

2. examen des moyens du pourvoi (critique de la décision attaquée) ; 3. dispositif de l’arrêt (ce qu’il décide).

La phrase unique, introduite par des attendus, sera abandonnée au profit d’une rédaction en style direct, accompagnée d’une numérotation des paragraphes assortis de titres de plusieurs niveaux.

LE MODE DE RÉDACTION CHANGE

Références

Documents relatifs

Mais si les actes qualifiés dans la langue du droit "acte de gouvernement " sont discrétionnaires de leur nature, la sphère à laquelle appartient cette qualification

N’oublie pas, pour obtenir une surprise, tu dois avoir obtenu cinq autocollants.. Mathieu Desrochers Morin

3. Considérant qu'en limitant son contrôle à l'examen de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le garde des Sceaux, ministre de la Justice et des libertés, en

elles sont les mieux adaptées aux possibilités et à la motivation des personnes en situation de handicap, et donc à leur accomplissement et à leur intégration, et si

Dans cet esprit, chaque pays doit mettre en œuvre, selon ses capacités technologiques et financières, les domaines d’activité concourant à cette politique :

Vu leur fonction sociale et parce que ils sont considérés comme l’indice fondamental pour la pratique de la souveraineté, l’Algérie s’est bien intéressé par les

Après la cour d’appel, on peut saisir la cour de Cassation si on a le sentiment de non respect de la règle de droit, la cour de cassation ne juge pas les faits (elle n’émet pas

Si l'arrêt de la Cour suprême de Californie In Re Marriage cases rendu le 15 mai 2008 est révolutionnaire, c'est parce qu'il consacre avec éclat d'une part un nouveau droit,