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Forme : Association de type "Loi de 1901" créée en 1969 à Nouméa,

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Academic year: 2022

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L'auteur : Georges COQUILHAT Né à Marseille en 1940, ses études ont été interrompues par le service militaire qu'il accomplit en Algérie comme sous-lieutenant au 5e R.I.

Rendu à la vie civile, il entre dans l'enseignement comme instituteur à Reims où, tout en exerçant consciencieusement son métier, il prépare une licence de lettres modernes puis d 'histoire et soutient en 1970 un mémoire de maîtrise dont le sujet est Le Travail des enfants dans les Manufactures du Département de la Marne (1841-1874).

Nommé en 1974 professeur au collège de Bourail, il consacre beaucoup de son temps libre à l'animation d'activités périscolaires, ce qui lui donne l'occasion de concevoir et de dessiner la maquette d'un timbre-poste ayant pour objet "la Philatélie thématique au C. E. G. de Bourail".

Désireux d'approfondir sa connaissance de la Nouvelle- Calédonie et sans pour cela renoncer à ses activités d'animateur, il entreprend alors, dans des conditions difficiles, des rechercherches sur la presse locale en vue de réaliser une étude historique de haut niveau qu'il concrétise par une thèse de doctorat de Ille cycle dans la spécialité

"Histoire et Civilisations" soutenue avec brio le 7 mars 1984 devant un jury de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences sociales sous le titre : la Presse de Nouvelle-Calédonie au XIXe Siècle (1859-1900).

Depuis 1980, G. COQUILHAT est professeur au lycée Descartes de Rabat, Maroc.

Forme :

Association de type "Loi de 1901" créée en 1969 à Nouméa, Objet :

- la recherche et l'étude du passé calédonien à travers son patrimoine historique, physique et humain,

- la préservation de ce patrimoine,

- la conservation, en collaboration avec les autorités du Territoire et de l'Etat et les autres organisations à but similaire, des traces et souvenirs de ce passé.

Membres :

- actifs : 60 personnes environ,

- conseil d'administration : 12 personnes renouvelées par 1/3 chaque année,

- principaux connus : Georges PISIER, historien, Bernard BROU, historien, docteur d'Etat ; R.P. Marie-Joseph DUBOIS, ethnologue, Paul GRISCELLI et Marie-Thérèse FAURE, professeurs agrégés, Georges KLING et Henri DALY, historiens, Jean-Claude ROUX, géographe ORSTOM, etc...

Réalisations :

La Société publie régulièrement chaque trimestre un BULLETIN de 72 pages (le N° actuel porte le N° 71) donnant des articles d'histoire, des récits du passé, des présentations d'ouvrages,. des traductions, etc...

Elle a publié, en 17 années, 37 ouvrages spécialisés sur la Nouvelle.

Calédonie et le Sud-Pacifique, tels que thèses d'histoire, traductions d'ouvrages australiens et néo-zélandais sélectionnés, mémoires d(

valeur, libres d'intérêt historique, préhistorique, sociologique oi ethnologique.

Elle organise des conférences sur des sujets variés (une trentaine ai moins).

Elle tient environ 7 réunions plénières par an (la prochaine sera l, 112ème).

Elle encourage des Associations liées à l'histoire (Associatior DEPORTATION en N.C. qui détient la collection SCHELLER sui la Commune, Association SALOMON qui organise des expédition!

de. recherches à VANIKORO sur LAPEROUSE, associatior CHAMPLAIN de défense de la langue française, etc...)

Elle réalise des expositions à Nouméa, en Australie, en France : - centenaire de HUGHAN, premier photographe calédonier 1872-1880,

- bicentenaire de la découverte par COOK, - expédition LAPEROUSE, etc...

Elle fournit des études, des articles, concourt à des monuments etc...

Elle est prête à participer à toute action de son ressort qui serail souhaitée.

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A ma femme et à mes enfants je dédie ce livre.

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AVERTISSEMENT

Ce livre est la version allégée d'une thèse de IIP cycle.

Le plan de l'ouvrage a été conservé, mais les chapitres ont été réduits par l'auteur à notre demande. L'introduction, une chronologie de la Nouvelle-Calédonie de 1827 à 1905, la bibliographie, une partie des notes et des documents ont été supprimés au bénéfice des illustrations dont le nombre a été augmenté.

Voici le SOMMAIRE de la présente édition :

— ln partie : Histoire de la presse de Nouvelle-Calédonie (1859-1900)

— 2e partie : Commentaires.

— Conclusion.

Le texte est suivi de Notes et de Notices biographiques.

La Table des Matières figure à la fin de l'ouvrage, ainsi qu'une Table des Illustrations.

La S.E.H.

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ABRÉVIATIONS :

I - Publications de Nouméa et des environs.

AfC : Les Affiches Calédoniennes (1/12/1892-9/3/1893) AvS : L'Avenir de la Nouvelle-Calédonie (22/2/-1/4/1879) Ave : L'Avenir de la Nouvelle-Calédonie (17/ 12/ 1886-21/ 1/ 1892).

Bat : La Bataille (17/6/1893-19/5/1894).

BeR : Bertrand et Raton (? /2/1879).

BuC : Le Bulletin du Commerce (1/4/1899-16/8/1972).

BuH : Le Bulletin Hebdomadaire... pour le personnel ecclésiastique et religieux du Vicariat (27/ 10 / 1887-13/ 1/ 1895).

BSR : Bulletin de la Société de Recherches de la Nouvelle-Calédonie (./5/1870- . / 5/1871).

BSU : Bulletin de la Société l'Union Néo-Calédonienne (10/ ! ! / ! 882-5/ ! /1883).

BUA : Bulletin de l'Union Agricole Calédonienne (16/4/1895-./6/1901).

Cal : La Calédonie (16/2/1892-15/5/1907).

CTC : Le Casse-Tête Calédonien (7/6/1885-./12/1885).

CoL : Le Colon de la Nouvelle-Calédonie (2/3/1888-26/4/1890).

Col : Le Courrier Illustré de la Nouvelle-Calédonie (24/8/1878-28/9/1878).

CrD : La Croix du Dimanche (7/1/1894).

Dra : Le Drapeau (26/8/ 1900-?/?/ 1900).

EFC : L'Echo de la France Catholique (9/2/1885-26/10/1939).

Ecl : L'Eclaireur de la Nouvelle-Calédonie (7/10/-26/10/1891).

Exc : L'Excelsior (14/10/1899).

FrA : La France Australe (26/8/1889-24/11/1979).

Ind : L'Indépendant de la Nouvelle-Calédonie (9/6/1884-21/12/1889).

Inf : L'Informateur de la Nouvelle-Calédonie (5/2/-27/5/1886).

JOf : Journal Officiel de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances (23/6/1886 - en cours).

LaH : La Lanterne (Hillairet) (30/10/1885-18/3/1886).

LaD : La Lanterne (Durand) (6/7/1897-5/1/1898).

Lib : La Liberté Néo-Calédonienne (2/5/-19/9/1896).).

Lum : La Lumière (18/9/1895)).

MoA : Le Moniteur de l'Anticléricalisme (?/2/1883).

Mol : Le Moniteur Impérial de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances (2/10/1859- 29/12/1861).

Mon : Le Moniteur de la Nouvelle-Calédonie (5/1/1862-16/6/1886).

Néo : Le Néo-Calédonien (3/3/1880-18/6/1889).

NoC : La Nouvelle-Calédonie (15/5/1878-24/12/1879).

Nou : Le Nouvelliste (?/2/1882-7/6/1884).

Ouv : L'Ouvrier (22 et 27/8/1888).

Paf : Les Petites Affiches de la Nouvelle-Calédonie (?/ 12/1874-10/4/1878).

Pro : Le Progrès de la Nouvelle-Calédonie (23/10/1881-24/7/1884).

PrN : Le Progrès de Nouméa (30/7/1884-12/9/1885).

RaL : Le Radical (Locamus) (premier semestre 1880).

Rad : Le Radical (11 / 8/1896-?/2/1898).

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Réf : La Réforme (25/1/-29/3/1879).

RCV : Revue Catholique du Vicariat Apostolique de la Nouvelle-Calédonie (14/2/- 9/7/1885).

ReH : La Revue Hebdomadaire (6/7/ 1896-?/?/ 1909).

Rel : La Revue Illustrée de la Nouvelle-Calédonie (5/10/1878-10/1/1879).

Tin : Le Tintamarre (ll/ 1/ 1879).

Tic : Le Tintamarre Calédonien (septembre et octobre 1878).

Vér : La Vérité (19/1/-3/8/1895).

VPr : Le Vrai Progrès (15/ 1 1/1875).

II - Publications des déportés de l'Ile des Pins.

Aip : L'Album de l'Ile des Pins (premier semestre 1878).

AIP : L'Album de l'Ile des Pins (6/7/1878-14/5/1879).

Aut : L'Autorisé (1878 ou 1879 ?).

Coq : Le Coq Gaulois (1878 ou 1879 ?).

JIP : Le Journal de !'I!e des Pins (26/2/1879).

PaH : Le Parisien Hebdomadaire (7/9/-26/9/1878).

Pal : Le Parisien Illustré (5/10/-28/11 /1878).

Ras : Le Raseur Calédonien (4/2/-22/4/1877).

VeC : Les Veillées Calédoniennes (7/6/-5/7/1877).

Vic : La Victorieuse (1878 ou 1879 ?).

III - Publications de la brousse.

Bol : Bourail Illustré (24/11 1 889-? /3/ 1890).

CoB : Le Courier de Bourail (?/4/-?/I1/l891).

InB : L'Indépendant de Bourail (?/ 9/1890-?/2/1891).

Fur : Le Furet (23/6/1894-30/6/1895) - (?/9/1897-?/6/1898).

Mel : Le Messager des Loyalty (28/7/1893-29/1/1894).

PrB : Le Progrès (de Bourail) (? / 10 /1898-? /5/ 1899).

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PREMIERE PARTIE

HISTOIRE DE LA PRESSE DE NOUVELLE-CALEDONIE

(1859 - 1900)

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I - L'EPOQUE DU JOURNAL UNIQUE (1859 - 1875)

1 - La colonie sans journal

La naissance de la presse en Nouvelle-Calédonie a eu un caractère officiel : le dimanche 10 octobre 1859 paraissait le premier numéro du Moniteur Impérial de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances. Avant cela rien, ou très peu de chose.

La prise de possession remontant au 24 septembre 1853, la colonie était restée depuis sans presse propre, pas même officielle, ce qui a quelquefois donné à penser que les décisions du gouverneur ou du commandant particulier n'étant pas publiées dans un journal officiel étaient sans portée réelle, voire sans valeur légale. Cette opinion est erronée: jusqu'à ce que le décret impérial du 14 janvier 1860 lui attribue un gouvernement particulier, la Nouvelle-Calédonie se trouve placée sous l'autorité du Gouverneur des Etablissements Français de l'Océanie dont le siège est à Tahiti. C'est donc à Papeete que devait paraître un organe de presse officiel pour publier les arrêtés et décisions du gouverneur, pas à Port-de-France.

D'autre part, comme le décret impérial du 14 janvier 1860, prenant effet le 1er juillet, n'a été connu en Nouvelle-Calédonie qu'au mois de juin (*), on peut se demander pourquoi il y eut un journal officiel particulier à la "Nouvelle-Calédonie et Dépendances" dès octobre 1859, cela semble entrer en contradiction avec ce que nous avons envisagé précédemment. C'est qu'en fait, l'administration de la Nouvelle- Calédonie avait été séparée de celle de Tahiti par décision du gouverneur en date du 13 juin 1859 pour prendre effet le 1er juillet de la même année (1). Il était dès lors nécessaire de respecter les formes et, même si l'archipel calédonien n'avait rien encore de bien policé, il fallait mettre en place les éléments de l'infrastructure d'une colonie française d'avenir : le journal officiel était l'un de ces éléments fondamentaux. On possède une feuille lithographiée datée du mois de novembre 1858 représentant "Le Départ de M. le Gouverneur Du Bouzet" et portant en guise de titre l'en-tête suivant: L'Entr'acte - Journal du Théâtre - (Pl. I). Il s'agit du plus ancien imprimé néo-calédonien s'intitulant IIjournal" que l'on connaisse. Vraisemblalement, l'Entr'acte n'a jamais eu de journal que le nom, nous sommes plutôt là en présence de la couverture d'une brochure contenant essentiellement le programme des représentations données par le théâtre de Port-de- France, sans doute accompagné d'un compte-rendu des cérémonies du départ du gouverneur. Cette brochure a dû être distribuée ou vendue aux spectateurs du théâtre plutôt que répandue en ville, elle n'en demeure pas moins précieuse pour nous car elle témoigne de l'existence à Port-de-France, au plus tard en novembre 1858, du matériel nécessaire à la réalisation d'une feuille lithographiée, et de la présence d'un imprimeur- artiste-lithographe capable de l'utiliser convenablement.

(*) : Le texte en fut publié dans le Moniteur du 17.

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L'illustration représente une prise d'armes devant la rade de Port-de-France où les navires attendent le gouverneur pour mettre à la voile. Sans être grand expert, on reconnaît dans le dessin et l'écriture la main de Louis Triquéra, le sous-officier qui devait devenir la cheville ouvrière du Moniteur durant toute sa période lithographique.

2 - Le Moniteur Impérial de la Nouvelle-Calédonie et Dépendances : journal officiel lithographié (2 octobre 1859 - 29 décembre 1861).

La population civile coloniale de la Nouvelle-Calédonie étant inférieure à deux cents personnes en 1858, point n'était forcément besoin de publier un journal officiel, pour une société aussi peu nombreuse, presque exclusivement établie à Port-de-France, la publicité des actes du gouvernement par voie d'affiche était amplement suffisante ; le premier numéro du Moniteur ressemble d'ailleurs davantage à une affiche qu'à un journal, c'est une feuille de 44,5 cm sur 22 cm, imprimée d'un seul côté sur deux colonnes où ne figure même pas son acte de naissance et qui ne nous apprend rien sur l'Imprimerie du Gouvernement d'où elle est sortie, sinon qu'elle est exclusivement lithographique et gérée par un nommé Poincignon.

Bien modeste journal donc qui présente une "Partie officielle" où, en plus des arrêtés du gouverneur, figurent des "Avis" au caractère mixte d'information et de directive, et une "Partie non-officielle" entièrement consacrée à quelques aspects de la vie locale. Peu de chose dans l'ensemble, on s'en rend aisément compte, mais le caractère bivalent de ce journal, qui devait être le seul digne de ce nom dont la colonie pourrait se prévaloir pendant quinze ans, était exprimé d'emblée et se faisait porteur de promesses de progrès. Durant ses quelques mois d'existence, le Moniteur lithographié allait

"inventer", avec quelques tâtonnements indéniables, certaines des recettes dont la permanence dans la presse néo-calédonienne durant la période qui fait l'objet de notre étude devait se révéler très solide :

— appel aux personnes instruites pour contribuer à la rédaction du Moniteur : par manque de collaborateurs permanents qu'ils ne pouvaient entretenir, les journaux calédoniens ouvrirent fréquemment leurs colonnes aux écrivains et reporters amateurs dont ils sollicitaient la participation avec empressement ;

— emprunts aux journaux australiens ou français : cette pratique devait devenir par la force des choses une habitude pour la presse calédonienne soucieuse d'informer son public des nouvelles du monde ;

— rubriques diverses ultérieurement reprises en permanence par la presse locale :

"Observations météorologiques", "Tribunaux". "Nouvelles locales", "Variétés", "Etat civil", "Mouvements du port", "Faits divers", "Nouvelles étrangères':..

A partir du numéro six on trouve quelquefois des feuilletons et lorsque, à l'occasion d'un changement de gérant, le Moniteur ouvre ses colonnes à la publicité sous le titre "Annonces et avis divers", il présente alors tous les aspects du journal à la fois officiel et d'information qu'on souhaite qu'il soit (*).

Les hommes qui ont eu à cette époque la responsabilité de réaliser le Moniteur et de faire fonctionner l'imprimerie étaient peu nombreux et nous sont plutôt mal connus. On ne sait rien de Poincignon qui fut le premier gérant ; quant à Louis Triquéra, qui lui a succédé à ce poste à partir du 16 septembre 1860, il était celui sur qui semble avoir reposé toute la mise en page du journal: seul imprimeur-lithographe de l'Administration, il devait écrire les textes, illustrer et tirer le Moniteur chaque semaine. On doit à Triquéra les plus beaux exemplaires du Moniteur jamais parus puisqu'il en a parfois orné le titre et qu'il a illustré certains numéros de vues locales d'une facture un peu naïve mais précieuses pour la fidélité de leur représentation (Pl. II et III).

A dire vrai, le Moniteur ne comporte durant cette période que peu d'articles et les signatures ne sont pas nombreuses (2). Jusqu'à la fin de 1860, pratiquement tous les (•) : N°51 du 16 septembre 1860.

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articles sont consacrés aux activités locales : vie quotidienne, directives administratives, conseils aux colons, rapports d'expéditions. En 1861, les articles sur la Nouvelle- Calédonie se font plus rares, une place plus importante est réservée aux nouvelles du monde extérieur, la presse métropolitaine est davantage sollicitée; il semble que le Moniteur soit alors destiné à satisfaire un public, fort restreint encore mais en augmentation puisque la population européenne civile recensée cette année-là se chiffre à 456 personnes et que l'effectif militaire est passé de 187 en 1860 à 798 en 1861. Tous lecteurs potentiels qui ne sont pas attachés à la colonie, pas encore ou bien peu, il leur faut donc des nouvelles du monde qu'ils ont quitté, même à titre provisoire, pour s'établir si loin de la "civilisation". D'autre part, la Nouvelle-Calédonie est encore très insuffisamment explorée et la matière manque souvent à l'imprimeur-gérant pour faire tenir à son journal le rôle d'informateur didactique qu'il jouera plus tard et que reprendront à leur compte la plupart des journaux indépendants.

Le Moniteur, dont on s'efforçait de donner l'impression la plus favorable possible, fut composé sur trois colonnes à partir du N° 44. A ce changement de pure forme, peut- être rendu nécessaire par une plus abondante copie à faire tenir sur une surface invariable, s'ajoute une transformation plus profonde par le fait que, du temps de la gérance de Triquéra, le journal perdit un peu de son caractère officiel : pour la première fois, le 30 septembre 1860, ses lecteurs purent avoir l'illusion de tenir entre leurs mains un journal libre de la tutelle gouvernementale car le Moniteur ne comportait pas cette semaine-là de Partie officielle ; ce fait, dans lequel il faut prudemment se garder de voir une intention délibérée, devait se reproduire par la suite de temps en temps.

3 - Le Moniteur de la Nouvelle-Calédonie (5 janvier 1862 - 16 juin 1886).

Durant cette longue période, l'évolution du journal officiel comporte au moins trois étapes que nous allons prendre successivement en considération, étapes à mettre en relation avec le séjour dans la colonie du premier gouverneur en titre de la Nouvelle- Calédonie et dépendances.

— Avant le gouverneur Guillain.

Le 24 mai 1861 arrivaient à Port-de-France par la frégate Iphigénie, Louis-Joseph Pelletier, "Chef de l'Imprimerie du Gouvernement", et Louis Mostini, "compositeur- typographe". Les cales de l'Iphigénie recélaient-elles le matériel nécessaire à l'établissement d'une imprimerie typographique ou ce matériel est-il arrivé par un autre navire ? On ne sait ; toujours est-il que, si durant six mois le Moniteur paraît encore sous sa forme première, lithographié par Triquéra qui en demeure le gérant, le premier numéro de 1862 est typographié et sa lecture nous apprend qu'une profonde réorganisation du journal et de l'imprimerie a eu lieu.

Cette fois le journal officiel est bien rodé et l'acte de seconde naissance du Moniteur, établi par décision du 31 décembre 1861, s'étale en première page du N° 119 du dimanche 5 janvier 1862, lequel numéro illustre par son aspect la dite décision (Pl.

IV.)

Les changements sont nombreux :

— le titre devient Le Moniteur de la Nouvelle-Calédonie accompagné du sous-titre Journal Officiel de la Colonie ;

— la présentation se fait de nouveau sur deux colonnes mais le journal est désormais destiné à paraître imprimé sur double feuille, augmentée quelquefois de

"suppléments" susceptibles de porter son volume à six, huit ou douze pages;

— le prix de l'abonnement est augmenté, il passe à 18 F l'an, ou 10 F par semestre, ou 6 F par trimestre, "frais de port en sus et à partir du N° 121, sous le titre, à droite, on lit : "Chaque numéro se vend séparément 1 F";

— les annonces sont facturées 50 c la ligne et il n'est jamais compté moins de cinq lignes ;

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Planche 1

Le plus ancien "journal" connu de la Nouvelle-Calédonie.

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Planche II

. Le Moniteur Impérial lithographié par Triquéra.

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— il n'y a plus de gérant particulier, selon les articles 4 et 5 de la décision, la gestion financière est confiée à l'ordonnateur qui se trouve chargé de faire appliquer l'ensemble des mesures décidées le 31 décembre par le commandant Durand;

— l'article 2 maintient la division générale en deux parties, la première "officielle"

la seconde "non-officielle". Cette dernière comprendra désormais des publications sur l'industrie et le commerce en général ainsi que des articles littéraires ou scientifiques autorisés à la reproduction, un feuilleton, des annonces et avis divers que les particuliers demanderont à faire publier, les articles envoyés par les personnes qui voudront bien prêter leur concours à la rédaction du Moniteur "dans les limites qu 'unefeuille officielle doit observer";

— dans le N° 120 du 12 janvier sont indiqués le tirage, la répartition et la distribution à titre gratuit du Moniteur, du Bulletin et de l'Annuaire, première mention de ces autres publications officielles prévues mais non encore réalisées (3).

Le changement survenu en janvier 1862 était, comme on le voit, d'importance et il devait sembler encore plus sensationnel qu'à nous aux lecteurs de la colonie. D'une part le procédé typographique était indiscutablement supérieur au procédé lithographique et si l'on n'avait plus de temps en temps la surprise de découvrir une gravure dans le journal, en revanche sa capacité était plus que doublée et sa lecture, rendue plus facile, était plus agréable ; d'autre part la partie non-officielle se trouvait avantagée par cette augmentation de la surface imprimée puisque les publications officielles ne devaient pas s'accroître beaucoup en volume de 1861 à 1862, ni par la suite, si ce n'est incidemment et sous forme de suppléments.

Cependant, pour le lecteur actuel qui s'intéresse au passé de la colonie, le contenu du Moniteur du premier semestre 1862 est très décevant : en dehors du compte-rendu assez bref d'une insurrection canaque dans la région de Wagap et de l'énumération des citations honorifiques récompensant les actes de bravoure des soldats durant l'expédition de pacification, que l'on trouve dans la "Partie officielle", il n'y a pas grand chose dans la "Partie non-officielle" qui se rapporte à la Nouvelle-Calédonie. La politique adoptée à partir du N050 de privilégier les nouvelles extérieures s'est maintenue, peut-être même accentuée.

— Le Moniteur sous le gouvernement de Guillain.

Tout change à partir du mois de juin 1862. Le N° 143 inaugure dans la partie non- officielle une nouvelle rubrique, la "Chronique néo-calédonienne", signée H. Béraud.

Sept Chroniques sont publiées en deux mois, ainsi que quatre rapports d'exploration de la Grande Terre, cinq pièces en vers d'Armand Closquinet relatant des souvenirs du voyage de France en Nouvelle-Calédonie, de nombreux entrefilets plus ou moins longs se rapportant à la colonisation, à l'agriculture locale, au théâtre et aux fêtes de Port-de- France, à la vie de tous les jours dans la colonie. Et si les nouvelles de l'extérieur ne sont pas non plus négligées, elles sont davantage qu'auparavant sélectionnées en vue de l'intérêt qu'elles peuvent présenter pour la colonisation et en tout état de cause occupent une moins grande place que les nouvelles locales dans les colonnes du journal.

Que s'est-il passé? Le 2 juin, le gouverneur Guillain a pris ses fonctions à Port-de- France ; nommé "Gouverneur de la Nouvelle-Calédonie et dépendances "par Napoléon III le 14 décembre 1861, ce marin énergique était le type d'homme capable d'organiser le développement de la petite colonie éloignée dont l'évolution demeurait stationnaire depuis que la France en avait pris possession. Après huit ans de présence française, la Nouvelle-Calédonie restait mal connue, pauvre; l'implantation coloniale réduite à un embryon de 393 civils était en régression et demeurait cantonnée presque exclusivement dans le périmètre de Port-de-France où il n'y avait ni rues dignes de ce nom, ni port aménagé, ni réseau de distribution d'eau douce, plus d'institutions urbaines depuis un essai d'organisation municipale qui avait pris fin au bout d'un an faute d'argent en juillet 1861 ; pas de routes non plus vers l'intérieur : le seul moyen de communication employé pour aller d'un point à l'autre de 111e était le bateau. La pénétration de la brousse par la

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colonisation demeurait pratiquement nulle. Tout restait à faire, la tâche à accomplir était énorme, à tel point que le nouveau chef de la colonie allait être amené à faire des choix, à établir un ordre de priorités.

Dans un rapport au ministre daté du 4 août 1862 où il fait un tableau pitoyable de la colonie, Guillain mentionne le Moniteur. Il n'en fait pas l'éloge ; loin de là, il le qualifie de "journalparfaitement insignifiant". Ce jugement sévère n'était pas sans fondement.

Nous avons vu ce qu'était le Moniteur au début de 1862 comme organe destiné à favoriser le progrès de la colonisation : il n'avait qu'une bien médiocre valeur. Imprégné des idées socio-économiques de son temps, chères également à l'empereur, Guillain voyait dans la presse un outil privilégié pour répandre les idées et les connaissances indispensables au progrès matériel et social nécessaire au bonheur de tous. Le Moniteur devait donc être transformé pour devenir un instrument efficace de sa politique.

Marin, Guillain accorde sa confiance à un marin de son proche entourage, son chef d'état-major, le lieutenant de vaisseau Adolphe Mathieu, depuis un an dans la colonie en tant que commandant de l'aviso Coëtlogon stationné à Port-de-France. Mathieu était un homme de valeur dont la collaboration dut être appréciée par le gouverneur puisqu'il allait en faire par la suite son secrétaire colonial, fonction nouvelle concomitante avec l'institution en Nouvelle-Calédonie d'une Direction de l'Administration du Gouvernement local. En attendant, Mathieu se voit confier la direction du Moniteur par arrêté du 27 juin 1862. Cet arrêté est pris très exactement vingt et un jours après l'arrivée du gouverneur, c'est assez dire l'importance qu'attachait Guillain à faire rapidement du Moniteur un journal selon ses vœux, qui serait le héraut de sa politique dans la colonie mais aussi et surtout à Paris.

Les considérants qui précèdent le texte proprement dit de l'arrêté résument la pensée et les objectifs de Guillain ; ils vont bien au-delà de la simple réorganisation d'un journal :

"Eviter la dispersion des activités de l'Ordonnateur et prendre plus directement en main par l'intermédiaire du Chef d'Etat-major la direction du journal dont l'utilité bien comprise doit être de constituer une tribune où se rencontreront les idées et les connaissances susceptibles d'accélérer le développement de la colonie en évitant les tâtonnements et la dispersion des efforts individuels quand faire se peut".

Dans ce but, les colonnes du journal sont ouvertes à tous, les formalités d'insertion, compte tenu des habitudes de l'époque, sont simplifiées au maximum et, pour favoriser la diffusion des connaissances utiles tout en évitant de pénaliser les colons aux ressources les plus précaires, le prix du Moniteur est abaissé et unifié quelle que soit la durée de l'abonnement (4).

Cette politique de promotion des ventes jointe à une orientation davantage populaire et tournée vers la colonie porta ses fruits si l'on en juge par l'accroissement du tirage du journal officiel qui passa à 225 exemplaires par numéro à partir du 12 mars 1863 sans que le nombre de journaux distribués gratuitement aux administrations ait été modifié et sans que l'augmentation de la population justifiât cette mesure de façon probante.

A partir de 1864, le tarif de l'annonce fut modifié par l'établissement d'un tarif dégressif destiné à favoriser l'insertion répétée d'une même annonce sur plusieurs numéros successifs. On peut également voir dans cette mesure un souci de rentabiliser un peu le journal en augmentant la part des revenus publicitaires: même l'Administration avait besoin d'argent. Les recettes du budget local publiées alors font apparaître les chiffres suivants dans la rubrique "Revenus de l'imprimerie":

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Pour 1859, cette recette ramenée à douze mois donnerait 1350 F ; ainsi, depuis sa création jusqu'en 1861 les recettes ont été en baisse, ensuite elles ont rapidement augmenté. Aucun détail n'est donné par nos sources sur les travaux exécutés par l'Imprimerie du Gouvernement susceptibles de produire des rentrées d'argent : les chiffres tels qu'ils sont établis montrent que "l'industrie" d'imprimerie et de presse, après avoir hésité pendant deux ans, comme si la colonie n'était pas destinée à se développer, semble prendre son essor à partir de 1862. Les recettes de l'imprimerie permettent de déduire d'une part que la colonie a de plus en plus besoin de ses services, d'autre part que les revenus qu'elle assure sont encore bien loin d'être suffisants pour inciter un particulier à investir dans ce domaine.

La première période du Moniteur est définitivement close le 17 février 1865. Ce jour-là un arrêté du gouverneur supprime l'atelier de lithographie du Gouvernement ; Louis Triquéra, "ancien lithographe", termine là sa carrière d'homme de presse sans doute improvisée: il est nommé "écrivain-dessinateur" au service du cadastre par décision de la même date (*).

Le journal officiel est alors devenu ce que Charles Guillain voulait qu'il fût : un instrument au service de sa politique. Les colonnes du Moniteur sont consacrées presque entièrement aux faits concernant l'évolution de la colonie et aux actes du gouverneur, à tel point que bien des aspects de la personnalité de cet homme peuvent être pleinement appréhendés rien qu'à la lecture de ce journal.

On a vu en Guillain un "fouriériste", plus récemment on a entrepris de démontrer qu'il était plutôt un "explorateur et gouverneur saint-simonien "(♦*) ; à travers la lecture du Moniteur, le gouverneur Guillain nous est apparu comme un homme actif, efficace lorsqu'il s'agissait d'accomplir des tâches de caractère militaire; efficace encore mais moins sûr dans ses décisions quand il s'agissait de régler des questions d'ordre purement civil ; utopiste dans ses espérances colonisatrices et d'un jugement souvent douteux quant au choix des hommes ; conscient en tout cas de l'importance de la publicité à faire autour d'une entreprise coloniale pour la mener à bien.

Occasionnellement Guillain publie dans la presse coloniale métropolitaine des notes destinées à attirer des colons en Nouvelle-Calédonie : c'est surtout par le biais du Moniteur, reçu à titre d'échange par treize journaux français et six journaux étrangers, qu'il entend agir. La lecture du journal officiel de la colonie est sur ce point très édifiante, tout y est conçu pour séduire l'émigrant hésitant qui se documente avant de s'engager dans un choix décisif. Aix principales objections soulevées contre la Nouvelle-Calédonie en tant que terre de colonisation, le Moniteur oppose des témoignages rassurants :

— l'éloignement : des souvenirs de voyage vers la Nouvelle-Calédonie, présentés de façon poétique dans plusieurs numéros (*), dépouillent la traversée de tout ce qu'elle pouvait avoir d'inquiétant, n'en conservant que l'aspect séduisant d'une croisière romantique vers les mers du sud.

— l'inconnu : les comptes rendus d'exploration de la Grande Terre et des autres îles de l'archipel sont nombreux et ne concernent plus seulement les franges côtières : on peut lire des récits de voyages à pied dans l'intérieur (**); l'accent est mis sur tout ce qui peut donner de la Nouvelle-Calédonie une image de la société française : les festivités du 15 août en l'honneur de l'empereur, le théâtre, les courses de chevaux pour ce qui est des loisirs ; le culte, l'administration locale, la justice, l'état-civil, la poste, le service de santé, (*) : Cf. le Moniteur du 19 février 1865.

(**) : Thèse de Ille cycle (Aix-en-Provence, année de soutenance) de Michel Reuillard : Charles Guillain, Explorateur et Gouverneur saint-simonien.

(*) : Poèmes en vers signés Armand Closquinet.

(**) : Récits de Chambeyron, Marchant, Knoblauch en 1862 ; Chambeyron de nouveau, Boutan, Garnier, Bourgey en 1863.

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les écoles et l'orphelinat pour ce qui est des principaux services nécessaires à la cité ; le marché de Port-de-France et le détail des marchandises importées pour ce qui se rapporte aux nécessités économiques quotidiennes du ménage.

l'insécurité: les histoires de marins qui pouvaient courir sur la férocité des insulaires anthropophages ne sont pas démenties mais de longs développements sont consacrés aux rivalités entre tribus à l'occasion de conflits localisés et aux soulèvements indigènes parce qu'ils sont toujours facilement et inflexiblement réprimés. Montrer la réalité mélanésienne avec ses divisions, sa rusticité, son impuissance devant la présence militaire française, c'était démythifier la question et donner aux immigrants l'assurance qu'ils pourraient coloniser sans craindre trop pour leur sécurité.

— l'isolement : l'accent est mis sur la proximité de l'Australie et de la Nouvelle- Zélande, sur la régularité des courriers qui tous les mois apportent des nouvelles de la métropole ainsi que des marchandises de toutes sortes établissant un véritable cordon ombilical entre la colonie et la mère-patrie. On insiste surtout sur la sollicitude d'une administration bien structurée qui accorde toute son aide aux colons pour faciliter leur établissement en répartissant les terres disponibles et en apportant aide matérielle et conseils pour la mise en valeur du sol.

Les "Conseils aux colons "qui paraissent pour la première fois dans le Moniteur du 15 mars 1863, sont nombreux et variés car on fait appel à toutes sortes d'émigrants. On connaît encore mal les aptitudes et les ressources de l'île mais l'agriculture et l'élevage semblent pouvoir y prospérer ; on trouve ainsi dans le Moniteur des articles consacrés au coton, au vanillier, au café, au manioc, au coprah, aux divers animaux d'élevage.

En 1865, c'est en faveur de la canne à sucre que fait campagne l'organe officiel de la colonie; cette culture paraissait alors la plus prometteuse parce qu'elle présentait le double avantage de pouvoir donner par son développement naissance à une industrie et qu'elle était susceptible d'attirer de nombreux colons de la Réunion où la maladie de la canne à sucre provoquait alors faillites sur faillites.

Ce fut l'occasion de la première polémique de l'histoire de la presse néo- calédonienne. Engagée contre le Moniteur de la Réunion pour la défense de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie, elle se limite en ce qui concerne le Moniteur à un long article de trois pages où l'on trouve exprimé avec une franchise un peu brutale que la colonisation telle que la souhaite le Gouverneur suppose des bras et de l'argent. Le colon qui investit beaucoup de capitaux en Nouvelle-Calédonie est doublement intéressant, il apporte sa contribution à la constitution du capital local, très insuffisant, ensuite il se trouve attaché au pays par cet investissement qu'il lui sera difficile de récupérer en espèces s'il veut partir (*).

Après cela, la colonisation par la canne à sucre semblant provisoirement mise en sommeil, le Moniteur se fait, au début de 1866, le messager de l'Administration pour promouvoir la création de plantations de café.

Ce qui a sans doute le plus contribué à faire apparaître Guillain comme une disciple des utopistes, c'est l'expérience de colonisation par le "phalanstère"de Yaté. Or, si :e Gouverneur favorisa la création de cette société qui prétendait appliquer les idées exposées par le Prince Louis-Napoléon Bonaparte dans L'Extinction du Paupérisme, s'il était de tout cœur avec les colons qui la constituèrent et dont il espérait le succès, rien ne permet d'affirmer qu'il était l'initiateur de cette entreprise. Certes, quand le Moniteur publie une narration détaillée de cette aventure, en un premier temps il évoque, à l'occasion du récit du départ des colons pour Yaté, les multiples efforts du Gouverneur pour attirer des colons, justification de l'expérience et de la publicité qui lui est faite (U);

mais en un second temps, le récit de la catastrophe (***) n'est suivi que de la publication (*) : Le Moniteur du 31 décembre 1865: Exagérations anti-patriotiques. par F.

Romagné.

(**) : Le Moniteur du 10 janvier 1824.

(***) : Le Moniteur du 17 janvier 1824.

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Planche IV

Le N° 119 du Moniteur, premier journal typographié publié en Nouvelle-Calédonie.

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d'un arrêté du 14 mars 1864 concédant à titre gratuit à la société soixante-quinze hectares de terres représentant les bons de terres de troix nouveaux sociétaires ; puis plus rien : selon toute vraisemblance le journal officiel cesse en même temps que le gouverneur de s'intéresser aux expériences phalanstériennes.

Une idée semblait aller de soi pour attirer du monde en Nouvelle-Calédonie : après les ruées vers l'or des années 1848-50 en Amérique et en Australie, il suffisait de trouver de l'or dans la colonie française pour provoquer un afflux d'hommes tentés par le mirage de la fortune, et de capitaux. Le Moniteur se fait le propagandiste des prospections entreprises à l'initiative d'un groupe d'habitants de la colonie qui ouvrent une souscription pour la recherche de l'or en Nouvelle-Calédonie, huit mois après l'arrivée de Guillain.

Le N° 196 contient l'annonce triomphale de la découverte d'or et le 26 septembre 1863 paraît un arrêté sur l'exploitation des terrains aurifères. Mais très vite l'échec des prospections ôta toute possibilité de poursuivre sur le thème de l'or une campagne attractive pour les émigrants de tous horizons.

De nickel, la grande richesse naturelle du sous-sol calédonien, il n'est pas encore question ; toutefois, Jules Garnier qui parcourt la Grande Terre en 1864-65. fait paraître un premier état de son rapport dans le Moniteur (*). Des espérances y sont données sur les ressources minières de la Nouvelle-Calédonie, mais rien d'encore asse/ probant pour attirer capitaux et main-d'œuvre.

L'événement le plus important pour l'avenir immédiat de la Nouvelle-Calédonie ce fut la création du bagne. Quand, après avoir été désigné pour devenir le premier gouverneur en titre de la Nouvelle-Calédonie, Charles Guillain s'embarqua pour Port- de-France, il savait qu'il aurait pour tâche d'établir un pénitencier dans la colonie et s'il était en droit d'espérer que la colonisation pénale serait une aide pour la colonisation libre qui jusqu'alors n'avait progressé que très lentement, il ne pouvait se faire d'illusions quant au caractère répulsif que cette transformation de la colonie allait donner à la Nouvelle-Calédonie pour tout immigrant libre éventuel. Or, cette immigration libre, nous savons combien le gouverneur tenait à la favoriser. Il lui fallait donc donner à l'extérieur une image rassurante du bagne, une image de condamnés désireux de s'amender, dévoués à l'œuvre de colonisation, qui seraient des "ouvriers de la transportation" effectuant les gros travaux sans lesquels la mise en valeur de la colonie n'était pas possible par manque de main-d'œuvre.

C'est le Moniteur qui devait être l'agent essentiel de cette propagande. Aprèsavoir rendu public combien la loi du 30 mai 1854 portant création d'établissements pénitentiaires en Nouvelle-Calédonie avait été conçue pour favoriser l'accomplissement d'une œuvre de colonisation là ou la colonisation libre n'était pas parvenue à s'établir, le responsable de la rédaction multiplie les articles sur la communauté pénale nouvellement constituée afin de la rendre familière aux colons en termes aussi rassurants que possible (5). De larges extraits des discours que le gouverneur adresse aux condamnés sont publiés: tous sont empreints d'humanité mais aussi d'inflexible fermeté. Toujours l'accent est mis sur le fait que les transportés sont peu nombreux, isolés sur l'îlot Nou, bien surveillés, que ce sont des ouvriers arrivés là par malchance, poussés par la misère et que, mis en condition de se racheter, ils deviendront les plus précieux des auxiliaires pour l'œuvre de colonisation à réaliser.

Vision utopiste ou illusion sciemment orchestrée par voie de presse, tromperie même? Guillain savait que l'un des aspects principaux de sa mission serait d'organiser l'installation du bagne, il n'en a pas moins déployé tous ses efforts pour favoriser au maximum la colonisation libre sans laquelle la colonie ne pouvait sainement se développer.

En juillet 1866 arrivait le second contingent de transportés : dès lors la population pénale représentait un cinquième de la population européenne et lorsqu'un troisième (*) : Publication intermittente du 25 septembre 1864 au 25 juin 1865.

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convoi apportant 247 nouveaux bagnards arriva le 21 juillet 1867, Guillain avait déjà connu les premières déceptions causées par des actions criminelles mineures mais surtout par des tentatives massives d'évasion .

C'est bel et bien l'envoi en nombre trop important de condamnés où les criminels endurcis étaient de moins en moins l'exception qui devait par la suite entraîner un accroissement exagéré des prérogatives d'une Administration pénitentiaire corrompue par son excès de pouvoir et compromettre une œuvre de colonisation où le bagne aurait dû jouer un rôle moteur de façon permanente alors qu'il a trop fréquemment été une entrave coûteuse au progrès des colons libres.

— Le Bulletin de la Société de Recherches de la Nouvelle-Calédonie.

Une publication qui peut surprendre vient, au début de 1870, rompre l'unicité de la production de presse néo-calédonienne : c'est le Bulletin de la Société de Recherches de la Nouvelle-Calédonie qui inaugure la série des publications éphémères dont la presse locale allait être prodigue. Il s'agissait d'une revue qui se voulait à caractère scientifique.

Après sa disparition il ne devait rien paraître de semblable en Nouvelle-Calédonie avant longtemps.

Dans le Moniteur du 26 décembre 1869, le capitaine du génie Ed. Paté fait état d'un projet de création d'une "société libre pour l'avancement de la connaissance de la Nouvelle-Calédonie": l'idée de faire paraître un "bulletin "sous l'égide de la société est clairement exprimée, cependant le type n'en est pas encore défini. Paté pense qu'une sorte d'almanach représenterait déjà un beau résultat.

Ce genre d'entreprise entrait tout à fait dans les vues du gouverneur Guillain qui ne pouvait manquer d'y apporter son appui d'autant plus qu'on ne peut s'empêcher de le soupçonner d'en être plus ou moins l'inspirateur occulte : il était en effet question d'une

"société libre", c'est à dire non-officielle, mais son initiateur déclaré était un officier, un subordonné direct du gouverneur, et il s'agissait de constituer une association du même type que ces sociétés de géographie qui au XIX° siècle contribuèrent tant à la constitution des empires coloniaux et dont les militaires comptaient parmi les correspondants les plus actifs.

Au mois de mai 1870 paraissait le premier numéro du Bulletin: c'était un petit fascicule de seize pages contenant un historique des faits qui avaient amené la constitution de la société, l'arrêté d'autorisation, les statuts, les noms des membres participants. Trois autres bulletins sont encore sortis ensuite à intervalles irréguliers des presses de l'Imprimerie du Gouvernement : le second numéro a été déposé le 10 août 1870, les troisième et quatrième le 4 mai 1871 ; il n'y en eut pas d'autre (6).

La Société de Recherches.. semblait cependant tenir ce qu'elle avait promis : les textes publiés, pas nécessairement originaux, pouvaient être de quelque utilité aux colons et une Note sur les gisements aurifères du Nord de la Nouvelle-Calédonie parue dans le dernier Bulletin est peut-être à l'origine de la reprise de la prospection de l'or et d'un petit mouvement d'immigration en provenance d'Australie, mouvement qui, si modeste fût-il, causa quelque surprise aux habitants de Nouméa lesquels n'étaient pas préparés à un tel afflux de travailleurs libres et se révélèrent incapables de fournir à tous un logement provisoire décent (7).

— Le Moniteur, après 1870.

A partir de février 1871, le Moniteur cesse de paraître le dimanche pour être distribué le mercredi et il comporte en première page un sommaire dès le No 593 du 5 février. Un nouveau rédacteur récemment arrivé dans la colonie venait de prendre en main le journal officiel, Alfred Laborde qui assumait déjà outre les fonctions d'interprète de la langue anglaise au Secrétariat colonial celles de professeur d'anglais dans les écoles de garçons et de filles du chef-lieu. Il devait être le premier à faire en Nouvelle-Calédonie une véritable carrière dans la presse.

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Jusqu'à la fin de 1874 le Moniteur resta le seul journal de la colonie et il changea peu jusqu'à sa disparition en 1886. Les thèmes traités dans la partie non-officielle du temps du gouverneur Guillain continuèrent d'être abordés, approfondis et développés au fur et à mesure que s'améliorait la connaissance de la Nouvelle-Calédonie et que progressait la colonisation. Seule la gravité des événements en Europe devait être à l'origine d'une nouvelle évolution du journal ; elle joua à l'avantage des faits extérieurs qui prirent de nouveau le pas sur les choses propres à la colonie dans les colonnes du Moniteur.

Le 18 septembre 1870 un entrefilet en première page apprit aux habitants de la colonie que la France était entrée en guerre contre la Prusse le 19 juillet. Dès lors les nouvelles d'Europe sont impatiemment attendues mais elles ne peuvent être livrées au public qu'avec deux mois de retard sur la presse métropolitaine. Ce délai très long dû à l'éloignement est l'un des handicaps que la presse néo-calédonienne aura à subir de longues années durant sans parvenir à le surmonter vraiment, même après que la Nouvelle-Calédonie a été reliée à l'Australie par un câble télégraphique sous-marin en 1894. Pourtant dès 1872 une première expédition de dépêches a lieu en Australie pour inaugurer le télégraphe anglo-australien mais il faudra compter encore longtemps avec les délais d'acheminement par voie de terre de Port-Darwin à Sydney, quatre à cinq jours, puis de Sydney à Nouméa par voie de mer, sept jours en moyenne.

Les sources d'information les plus importantes pour l'unique organe de presse de la colonie étaient les journaux français dont les articles, à l'arrivée du courrier, étaient reproduits intégralement ou partiellement avec indication de l'origine, et surtout les journaux australiens dont les nouvelles qu'ils donnaient de la guerre étaient reprises,

méfiance nationale oblige, "sous toutes réserves".

Par le Moniteur du 29 janvier 1871 on apprend qu'à Melbourne va être édité un journal en langue française ayant pour titre l'Echo, destiné à l'usage des colons français, belges, suisses, italiens et autres pour qui n'existait jusqu'alors aucun journal particulier en Australie. Ainsi, alors que dans la colonie anglaise va paraître un journal en français, en Nouvelle-Calédonie il n'y a encore rien, en dehors du domaine officiel, en matière de presse : ni imprimerie privée, ni journal. Cependant le chiffre d'affaires de l'Imprimerie du Gouvernement, bien qu'établi sur un budget déficitaire, est en augmentation sensible comme on peut s'en rendre compte à la lecture du budget annuel de la colonie.

En fait le début des années 1870 est une période charnière pour la Nouvelle- Calédonie qui semble enfin sur le point de s'éveiller. A côté des nouvelles de la guerre puis de l'insurrection parisienne, on peut lire des articles qui maintiennent l'espoir d'un enrichissement de la colonie par une exploitation rentable de l'or trouvé dans le nord et dont l'heureuse découverte d'un gisement de cuivre à forte teneur devait prendre rapidement le relais ; un service de cabotage "tour de côte"mis en adjudication pour être assuré régulièrement suscite en juin 1872 cinq soumissions, ce qui prouve une vitalité certaine de l'intérieur de la colonie et provoque l'enthousiasme du rédacteur du Moniteur (8) ; enfin, l'on apprend que pour la première fois un établissement bancaire va s'ouvrir à Nouméa. Cette banque, dont il était question depuis longtemps, fut immédiatement l'objet d'une curieuse controverse dont le Moniteur se fit le publiciste impartial : la fondation de la banque étant assortie de la création d'une compagnie de colonisation, un parti se forma pour s'opposer à cette combinaison et deux pétitions circulèrent, l'une en faveur de la création de la société, l'autre contre. Cette dualité d'opinion rendue publique mais que l'Administration aurait pu orienter à son gré en n'ouvrant les pages du Moniteur qu'à la tendance de son choix, a dû contribuer à faire prendre conscience à la population nouméenne qu'en 1874 un seul journal, officiel de surcroît, ce n'était plus suffisant.

Durant ces premières années de la décennie, les pages du Moniteur contiennent des informations, des commentaires où l'on sent vibrer toute une vie naissante avec surtout l'espoir, cette fois concrétisé, d'un afflux d'immigrants considérable: il s'agit des déportés de la Commune dont certains devaient être rejoints par leur famille, ainsi que

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Remarquablement documentée, sérieusement ap- profondie, cette thèse sur la presse calédonienne avant 1900 ne manque pas de pittoresque ! Rehaussée d'abondantes

photographies, elle donne une image vivante de la société calédonienne d'alors.

L'importance était donnée aux nouvelles locales, au détriment des autres, nationales, voire internationales. Et les opinions étaient "engagées" ! Il est incroyable de penser qu'aient pu exister une telle densité de sujets, une aussi grande intensité du ton et du verbe, des défis lancés avec tant tant de vigueur ! Et l'on est surpris que soient révélés un aussi grand nombre de journaux !

Les anecdotes et les exemples abondent, riches d énseisynement !

Un très complet historique constitue la première partie, depuis le Moniteur jusqu'aux quotidiens de la fin du siècle, et le lecteur ne manquera pas d'êtr esurpris par la

"X et la vitalité de la presse de l'époque. Il appréciera i impensable liberté d'expression qui est ré«vélée, telle qu élle provoquait de véritables affrontements... qui dégénéraient parfois en voies de fait !

Déjà, certains des traits qui caractérisent la presse '

> x donienne actuelle sont relevés: le nombre nécessaire- ' .>?*r restreint des lecteurs, la parution fréquente, mais êp *r.:'-:re, de nouvelles publications, le problème, que l'étroitesse du milieu social rend particulièrement aigu, des rapports avec les puissances de tous ordres, le recours privilégié au fait local...

D'intéressantes notices biographiques des princi-

paux journalistes complètent une étude pleine d'intérêt. Et

la réussite de Georges COQUILHA T réside aussi dans le fait

que l'actualité du siècle dernier n 'a rien perdu de son intérêt

en se transformant en histoire, au fil du temps.

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