Article original
Dépérissement du pin maritime (Pinus pinaster Aït)
en Vendée. Les causes écologiques
JP Guyon
H Magnin
ONF,
Département
des recherchestechniques, lnterrégion
Ouest, BP 521 72017 Le Mans Cedex, France(Reçu
le 7 octobre1990;accepté
le 24janvier 1991)
Résumé — Nous comparons les données
dendrométriques,
etécophysiologiques (nutrition
miné-rale)
de 10couples
deplacette (saine/dépérissante)
depeuplements
depin
maritime(Pinus pinaster Aït)
de la forêt domaniale desPays
de Monts(Vendée).
Nous avons mis en évidence l’influence né- faste despluies
d’hiver et deprintemps
sur la croissance radiale, ainsi que laprésence
de 2origines génétiques (Aquitaine
et PéninsuleIbérique).
Nous montrons que lesrapports
calcium/sodium et po- tassium/sodium dans lesaiguilles
discriminent aussi bien lespopulations dépérissantes
et sainesque les
populations aquitaines
etibériques.
Enfin, uneanalyse
multivariable faisant intervenir les ca-ractères de croissance, de
peuplement
et de nutrition minérale, permet de regrouper lespopulations
selon leur état sanitaire et leur
origine génétique.
Ces résultatssuggèrent
que lesdépérissements
observés sont le résultat d’une sécheresse
physiologique
induite par un excès de sodium, consécutif à de fortespluviométries
hivernales : laréponse
des arbres à cet excès de sodium diffèrerait selon leurorigine génétique.
dépérissement
/dendrochronologie
/écophysiologie
/Pinus pinaster /
dune côtière / VendéeSummary—
Maritimepine
forest dieback on North Atlantic coastal dunes. Stand andecophy- siological
data sets from 20 maritimepine plots,
have beencompared.
Theseplots
were stratifiedinto 2 groups
by degree
ofvitality: healthy
anddeclining. Using
astepwise multiple regression
wefound a
negative
correlation between the radialgrowth
index of one year and wet winters of the pre- vious year. Another observation was that these forests arecompound
inorigin,
with 2 kinds of prove- nance,"Aquitaine"
and "Iberian". The foliar calcium/sodium andpotassium/sodium
ratio in the nee-dles differentiate both the
healthy
vsdeclining populations
and the 2 provenances. Results of aprincipal
componentsanalysis suggested
that maritimepine
forest decline is a climate provenance interactionphenomenon
due to sodiumtoxicity.
dieback /
dendrochronology
/ecophysiology
/ Pinuspinaster
/ coastal dune / VendéeINTRODUCTION
Le mauvais état
physiologique
dupin
mari-time
(Pinus pinaster Aït)
sur la côté atlanti- que concernerait actuellementplus
de5 000 ha dans les forêts domaniales des dunes
côtières, depuis
lapresqu’île
de Quiberon(Morbihan) jusqu’à
l’île d’Oléron(Charente-maritime).
Cedépérissement, qui
se traduit par unjaunissement
et unechute
prématurée
desaiguilles, pouvant
induire la mort del’arbre,
adéjà
faitl’objet
d’observations il y a une
vingtaine
d’an-nées
(Bonneau, 1969; Rivraillon, 1971).
Pendant une
vingtaine d’années,
de telsfaciès de
dépérissement
n’ontplus
étéobservés.
L’ampleur
et lagravité
duphé-
nomène -qui
estréapparu
nettement de-puis
1933 - ontimposé l’ouverture,
en1988,
d’un programme de recherches dont l’un des volets concerne la recherche descauses
d’origine abiotique.
Les observations de Bonneau
(1969)
et l’étude de Boudaud(1986)
avaient en effetpour conclusion que ce
dépérissement
était
plutôt
dû à des causesd’origine
éco-logique (climat, sol, sylviculture) qu’à
desinsectes ou des
champignons.
Les milieux
géologiques
etpédologi-
ques dans
lesquels
s’observent cesdépé-
rissements sont très divers. Dans l’île d’Oléron(Charente-maritime),
la forêt do- maniale des Saumonards touchée àplus
de 30% de sa surface par ce
dépérisse-
ment
(INRA, 1988),
est située sur desdunes
récentes, qui reposent
sur des cal- cairesargileux
et des marnés du Portlan- diensupérieur.
La forêt deSaint-Trojan (Charente-Maritime),
au sud de l’île d’Olé- ron,qui
ne subit pas cetype
dedépérisse-
ment, est assise sur le même substrat que la forêt des Saumonards. La forêt doma- niale des
Pays
de Monts(Vendée)
estelle,
sise sur des dunesqui elles-mêmes, reposent
sur les marais flandriens.L’objectif
de cette étude est d’unepart,
de faire lepoint
sur le rôle des facteursécologiques
dans le processus dedépéris-
sement, et d’autre
part,
de fournir une ex-plication
des mécanismesphysiologiques qui
conduisent aujaunissement.
Laconnaissance de ces mécanismes doit
permettre
d’unepart,
de savoir si lepin
maritime est actuellement à sa
place
dansces
milieux,
et d’autrepart,
depouvoir
conseiller les forestiers dans la
gestion
dece
dépérissement.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Choix des
placettes
et donnéesstationnelles
Le domaine d’étude concerne la forêt domaniale des
Pays
de Monts(Vendée).
Nous avonsadop-
té la méthode des
couples
deplacette (saine/
dépérissante)
utilisée dans le cas dudépérisse-
ment de la
sapinière vosgienne (Becker
etLévy, 1988).
À partir
dephotographies
aériennes en infra-rouge couleur au 1/5 000,
prises
dans le courantde l’été 1989 par le laboratoire de télédétection de l’INRA à Bordeaux
(INRA, 1989),
il a été ré-péré
10couples
deplacette (saine/
dépérissante),
soit 20placettes
numérotées de 1 à 20. Les numérospairs correspondent
auxplacettes
saines, et les numérosimpairs
auxplacettes dépérissantes. Chaque placette
est desurface variable. La limite de la
placette
est dé-terminée par le dernier des 20 arbres dominants à
partir
du centre de laplacette,
choisi arbitraire- ment.L’état sanitaire est
apprécié
selon ledegré
de
jaunissement
des arbres(ONF, 1988).
Uneplacette
saine est uneplacette
où la totalité deshouppiers
de tous les arbres de laplacette
sontverts. Une
placette
estjugée dépérissante quand
tous les arbres de cetteplacette
ont aumoins 50% de leur
houppier jaune.
Chaque couple
deplacette
se situe dans desconditions de station aussi
homogènes
que pos- sible, selon leplan d’expérience
décrit dans letableau I. Les seules données stationnelles re- cueillies sont des
analyses pédologiques.
Cesanalyses
concernent les horizons A des 10couples
deplacette
et les horizons C de 4 deces 10
couples.
Lesanalyses
concernent les élémentsmajeurs
(K,Mg,
Ca,Na)
et lesoligo-
éléments
(Cu,
B, Fe - total et facilement extrac-tible -).
Ont été aussi
analysés :
le calcaire total, la matièreorganique,
le calcaire actif, ainsi que lescaractéristiques physiques
de ces sols.Observations sur les arbres
L’origine génétique
des arbres desplacettes
aété déterminée par analyse des tissus corticaux des
jeunes
rameaux de l’année de 30 arbres dechaque placette,
selon la méthode décrite par Baradat etMarpeau-Bezard (1988).
Les
caractéristiques dendrométriques princi- pales
desplacettes
ont été relevées. Nous avons réalisé un inventaire enplein,
sur 5 ou 10ares
(selon
la densité dupeuplement).
Nousavons mesuré les diamètres (à 1,3 m) de tous les arbres
présents
sur cette surface et les hau-teurs des 20 arbres dominants de la
placette.
Des
analyses dendrochronologiques
ont étéfaites sur 400 carottes de
sondage (20
arbresdominants par
placette).
Les données climati- ques(températures
etpluviométries
men-suelles) proviennent
de la station de Nantes Petit-Port(44).
Nous avons utilisé, dans cetteétude, l’indice de croissance relatif défini par Van Deusen et Koretz
(1988)
comme leloga-
rithme
népérien
du rapport(R(A)/R(A-1)), R(A) représente
lalargeur
d’un cerne élaboré l’annéen et
R(A-1),
représentant lalargeur
du cerneélaboré l’année n - 1. Ce rapport
représente
bien les variations annuelles de croissance
(in-
dépendamment
del’âge
ducerne)
et sembleêtre le meilleur indice à corréler aux variations
climatiques (Van
Deusen,1988).
Les
prélèvements
de rameaux feuillés pour la détermination d’éventuelles carences ou toxi- cités ont été réalisés enseptembre
1989. Nousavons fait
analyser
pourchaque placette
unéchantillon «moyen» constitué de rameaux
pré-
levés sur 10 individus différents, choisis au ha- sard sur laplacette.
En outre, pour 3
placettes,
nous avons faitanalyser
dix individusséparément.
Les élé-ments
analysés
sont les élémentsmajeurs (N,
P, K, Ca, Na,Mg)
ainsi que B, Cu, Fe, Mn, Znet S. Ces
analyses
ont été réalisées par le La- boratoired’analyses végétales
de l’INRA à Bor- deaux(Gironde).
L’analyse
des donnéesAfin de connaître les variables
climatiques expli-
catives de la croissance en diamètre, nous réali-
sons une
régression multiple
pas à pas. On compare ensuite lesplacettes
saines etdépéris-
santes sur la base des résultats moyens des
analyses
foliaires,pédologiques
et des donnéesdendrométriques.
Une
analyse
encomposantes principales
permet de regrouper entre elles lesplacettes
pour
lesquelles
les valeurs des caractères étu- diésprécédemment
sontproches
les unes desautres.
À partir
des résultats de cesanalyses,
on
peut
formuler deshypothèses
sur les méca-nismes
physiologiques qui
conduisent aujaunis-
sement.
RÉSULTATS
Une forêt
composée
deplusieurs origines génétiques
La
figure
1 donne ladispersion
dans leplan
1/2 des centroïdes des 20placettes analysées.
Il esttoujours
difficile de déter- miner avecprécision
les limites entre les différents groupesgéographiques.
Cependant,
nous avonsdistingué
les 2groupes suivants :
- le groupe des
placettes aquitaines : 9, 10, 13, 14, 15
et16;
- le groupe des
placettes d’origine
ibéri-que :
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 17, 18,
19 et 20.La
répartition
desplacettes
dans les dif- férents groupes estindépendante
de leurposition
parrapport
à la mer et del’âge
des
peuplements.
Ce classement despla-
cettes est
légèrement
différent de celui ré-alisé par le Laboratoire d’amélioration des arbres forestiers de l’INRA à Pierroton
(Gi- ronde).
Eneffet,
nous avonsregroupé
sous
l’appellation «Aquitaine»
despeuple-
ments issus vraisemblablement d’un mé-
lange «Aquitaine»
et «Péninsuleibérique».
Le rôle de l’interaction
climat/provenance génétique
sur le
dépérissement
Les indices de croissance relatifs
(ICR)
né-gatifs
des arbres desplacettes
actuelle-ment
dépérissantes d’origine Ibérique
sontsignificativement plus grands
que les ICRnégatifs
des arbres desplacettes
actuelle-ment saines
d’origine Aquitaine (Laumaillé, 1990).
En d’autres termes, les ralentisse- ments de la croissance radiale sontplus
accusés chez les
populations ibériques
dé-périssantes
que chez lespopulations aqui-
taines saines.
Dans un
premier temps,
nous avonscherché
quelles
étaient les variables clima-tiques
les mieux corrélées(individuelle- ment)
à l’ICR. Nous avons ensuite modéli- sé cet indice de croissance en fonction deces variables
climatiques,
dans le cadre d’unerégression multiple
pas à pas.Les tableaux II et III donnent
respective-
ment le classement des variables par
ordre de
priorité explicative
et les résultats de larégression multiple.
Les facteurs cli-matiques expliquent
53% de la variance to- tale. Le coefficient de corrélation entre le modèle et les valeurs observées est de0,73 (significatif
à1%).
Lareprésentation
des variations de croissance radiale en
fonction du climat est donc très satisfai- sante, comme l’atteste le schéma de la fi- gure 2.
Il est
surprenant
de constater que lapluviométrie
cumulée des mois dejanvier
à
juillet
de l’année n - 1(qui explique près
de la moitié du
modèle)
est corréléenéga-
tivement à l’ICR des arbres calculé l’année
n. On serait tenté
d’interpréter
cela de lamanière suivante : par construction
même,
l’ICR l’année n est d’autantplus négatif
que la croissance l’année n - 1 estimpor-
tante.
Cependant,
une corrélationnégative (non significative)
existe entre la crois-sance absolue moyenne l’année n et la
pluviométrie
cumulée dejanvier
àjuillet
del’année n. Il en va de même pour la
pluvio-
métrie de certains mois des années n - 2 et n-3.Les résultats concernant la
pluviométrie
de l’année n, ainsi que ceux concernant les
températures,
sontplus logiques.
Uneapparente
contradiction semble exister dans le fait que lespluies
cumulées desmois d’avril à
septembre
d’une année don- née influentpositivement
sur l’indice de croissance radiale de cetteannée-là,
etnégativement
sur la croissance radiale de l’année suivante. Nous faisonsl’hypothèse
que l’effet
positif
despluies
deprintemps
et d’été d’une année donnée entraîne une
croissance radiale
importante
en fin de sai-son de
végétation
cetteannée-là,
mais un début de croissance ralenti l’année sui- vante.Sodium et calcium des
aiguilles
diffèrent selon la provenance et l’état sanitaire
Les résultats des
analyses
foliaires sontdécrits,
élément parélément,
et dans uneanalyse multivariable,
parMagnin (1990).
Les résultats les
plus significatifs
de cetteétude,
montrent que la discrimination despopulations
saines etdépérissantes
se faitsur les taux de sodium et de calcium dans les feuilles. Nous avons calculé les rap-
ports
Ca+/Na+ et K+/Na+ pour lespopula-
tions saines et
dépérissantes
et pour lespopulations ibériques
etatlantiques (ta-
bleau
IV).
Le tableau V compare les mêmes éléments mais parcatégorie
d’ori-gine génétique
et d’état sanitaire.D’une manière
générale,
nous consta-tons :
- que les
rapports
Ca+/Na+ et K+/Na+ desaiguilles
d’arbres sains sontsupérieurs
auxrapports
Ca+/Na+ et K+/Na+ desaiguilles
d’arbres
dépérissants;
- que les valeurs les
plus
faibles deNa+,
ainsi que les
rapports
lesplus
élevés deCa + /Na
+et K+/Na+se trouvent chez les po-
pulations aquitaines;
- que les valeurs de cette
population,
constituée des arbres
d’origine Aquitaine
et actuellement
sains,
ne diffèrent defaçon significative qu’avec
lespopulations ibériques dépérissantes.
Les
caractéristiques
des sols de la forêt domaniale desPays
de Monts(Vendée)
ont été décrites par Bonneau
(1969),
Bou- daud(1986)
etMagnin (1990).
La variabili-té des
caractéristiques physico-chimiques
de ces sols est très faible sur toute la sur-face de la forêt.
C’est un sol
qui
se caractérise par unpH
élevé(toujours supérieur
à8,5),
à forteteneur en calcaire total
(20
à25%)
mais àfaible teneur en calcaire actif
(moins
de1% en
moyenne).
Ces solssalsodiques
sont dits alcalins. Le sodium est
présent
en
quantité importante (0,3-0,7 méq
pour 100 g, selon lesplacettes).
Les teneursdes autres éléments
(N, P, K)
ne diffèrentpas
significativement
de celles des sols landais(ONF, 1989).
Il
n’y
a pas de différence entreplacettes
saines et
dépérissantes,
dans la teneur en éléments et enoligo-éléments.
En d’autres termes, aucun facteurphysico-chimique
nedifférencie les
placettes
saines despla-
cettes
dépérissantes.
Ceci semblelogique, compte
tenu de laproximité
des 2pla-
cettes.
Le rôle des facteurs
sylvicoles
Les surfaces
terrières,
les nombres detiges
par ha ainsi que les facteursd’espa-
cement ont été calculés pour les 20
pla-
cettes. La surface terrière des
placettes
saines est
supérieure
à la surface terrière desplacettes dépérissantes (fig 3)
pour lescouples
deplacettes
suivantes :1/2, 3/4, 5/6, 11/12, 17/18,
19/20. Cesplacettes
sont
d’origine ibérique.
Pour lescouples d’origine aquitaine, 9/10, 13/14, 15/16,
la surface terrière desplacettes dépéris-
santes est
supérieure
à celle desplacettes
saines
(fig 4).
Un seulcouple
deplacettes échappe
à ceschéma,
ils’agit
ducouple
7/8. L’examen de la
figure
1 montre que laplacette
8 estproche des aquitains,
alorsque la
placette
7 estproche
desibériques.
Nous avons fait la même observation pour les variables de facteur
d’espacement
et de nombre de
tiges
par ha. D’une ma-nière
générale,
chez lesibériques,
lespla-
cettes saines sont donc celles
qui portent
un
plus grand
nombred’arbres, qui
ont laplus
forte surface terrière et leplus
faiblefacteur
d’espacement.
C’est lephénomène
inverse que l’on observe chez les
aqui-
tains. Il reste à déterminer si l’observation faite actuellement est la cause ou la cons-
équence
duphénomène.
Mise en évidence de la discrimination
génétique
et d’état sanitaire àpartir
des seules données
dendroécologiques L’analyse
encomposantes principales
a été réalisée àpartir
des variables étudiéesséparément
etqui
discriminent mieux l’état sanitaire despeuplements.
Ils’agit :
- de l’indice de croissance relatif 1989
(ICR89);
- des
rapports
Ca+/Na+et K+/Na+ dans lesfeuilles;
- des surfaces terrières
GHA,
des densités NHA par ha ainsi que du facteurd’espace-
ment
(S%).
Les résultats sont résumés dans les ta- bleaux VI et VII et dans la
figure
5. La cor-rélation
positive
etsignificative (0,57)
entreICR89 et GHA confirme l’observation que nous avions faite sur les relations entre dé-
périssement
et surface terrière.Les 3
premiers
axesexpliquent
90% dela variance totale. La
première
compo- sante CO1(43%
de la variancetotale)
peut s’interpréter
comme une «variable»sylvicole.
Eneffet,
cettecomposante
estsurtout liée aux variables dendrométri- ques,
négativement
à GHA etNHA,
et po- sitivement àS%).
La secondecomposante
CO2
(33%
de la variancetotale) peut
s’in-terpréter
comme une variable de l’étatphy- siologique, puisque
liée à l’ICR89 et auxrapports
Ca+/Na+ et K+/Na+. Lafigure
5 re-présente
les coordonnées desplacettes
etdes variables dans le
plan
des 2premières composantes (CO1
etCO2).
Les regrou-pements,
sur cettefigure,
ont été faits ma-nuellement.
En
première approximation,
l’axe 2 sé-pare les
populations
saines(ordonnée
po-sitive)
despopulations dépérissantes (or-
donnéenégative).
Quant à l’axe1,
ilsépare
lespopulations ibériques
continen-tales
(abscisses négatives)
despopula-
tions
aquitaines
etibériques atlantiques -
Tras O Montes-(abscisses positives).
Cinq placettes échappent
à ceschéma,
il
s’agit
desplacettes 5, 7, 8,
11 et 16. Laplacette
8(ibérique dépérissante)
estplus proche
desaquitains
que desibériques (fig 1). La placette
5(ibérique saine)
n’estpas bien
représentée
dans leplan 1/2,
ellese situe
trop près
del’origine
des axes. Laplacette
16(Aquitaine dépérissante)
esten fait intermédiaire entre les 2 prove-
nances. La
placette
11proche
del’origine portugaise atlantique (Tras
OMontés),
serapproche plus
desorigines aquitaines
que des
origines ibériques
continentales.Finalement,
seule resteinexpliquée
laposition
de laplacette
7(ibérique saine), qui
se classeparmi
le groupe despla-
cettes
dépérissantes.
Laposition
dans ceplan pourrait
traduire le fait que cettepla-
cette vient de subir une éclaircie sanitaire.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
La sécheresse
physiologique
L’évolution du
type
de sol de la forêt do- maniale desPays
de Monts est sous ladépendance
des eauxpluviales (Duchau- four, 1988) qui provoquent
une alcalinisa- tion selon le schéma :Dans la suite de la
discussion,
nous fai-sons référence aux résultats de
NGuyen
et Lamant
(1989), puis
nous verrons dansquelle
mesure ceshypothèses
correspon- dent à nos observations.Dans une
première phase,
la libérationmassive de Na+ a pour
conséquence
uneaugmentation
de lapression osmotique
del’eau dans le sol et une
augmentation
durapport Na + /Ca + , engendrant
des difficul-tés de
prélèvement
de l’ion calcium etdonc de l’ion
potassium.
Dans une seconde
phase,
pour ré-pondre
à uneaugmentation
de lapression osmotique
de l’eau dans lesol,
les arbres doiventaugmenter
lepotentiel osmotique
de l’eau dans leurs
tissus,
donc la teneur en K+ dans les racines.Des
stratégies
différentes de résistance à la sécheresse selon la provenanceL’augmentation
dupotentiel osmotique
de l’eau dans les tissus se réalise selon 2stratégies (NGuyen
etLamant, 1989) qui correspondent
aux 2 schémas de résis- tance à la sécheresse mis en évidence chez lepin
maritime(Guyon, 1980).
Les provenances
aquitaines
limitent letransfert de l’ion K+vers les feuilles. Il y a donc un
stockage
de K+ existant dans les racines.La provenance marocaine
Tamjoute
ac-cumule le
K + ,
parprélèvement (difficile)
decet ion dans l’eau du
sol,
il y a donc aussiun
prélèvement
de Na+et Ca+ ettransport
de ces ions vers les feuilles.
Dans la suite de notre
discussion,
nousrapprochons
lecomportement
des prove-nances
ibériques
aucomportement
desprovenances marocaines. Il a été en effet démontré
(Guyon, 1980)
que lecomporte-
ment des
ibériques
vis-à-vis du stresshy- drique
estplus proche
du schémaqui
évitela sécheresse
(Tamjoute)
que du schémaqui
tolère la sécheresse(Landes).
Le
prelèvement
de sodium par les pro-venances
ibériques implique qu’il
y a, dansun
premier temps, photosynthèse
et donccroissance, puis
dans une secondeétape
saturation de sodium dans les vacuoles des racines et des feuilles
(Lauchli
etSchubert, 1987).
Lerapport
Na+/Ca+ aug- mente dans lesparois
descellules,
le cal-cium est
remplacé
par lesodium,
laparoi
devient
perméable
et il y a donc déficithy- drique.
Laperméabilité
desparois
provo- que unedépolarisation
de la membrane etdonc un efflux de K+ des
membranes,
d’oùune diminution du
rapport
Na+/K+(Flowers
et
Yeo, 1989).
Si lephénomène
est decourte
durée,
ilpeut
y avoir unerepolarisa-
tion de la
membrane,
sinon lephénomène
devient irréversible et provoque donc la mort des
aiguilles.
La
stratégie
des provenancesd’Aqui-
taine consiste à limiter
l’importation
d’ionspotassium,
lacontrepartie
de cette straté-gie
est une limitation de lacroissance,
cecijusqu’à
un certain seuil de tolérance au-delà
duquel
ces provenances doivent im-porter
du sodium. Ceshypothèses
sont enaccord avec nos observations. En effet :
- la teneur en sodium des arbres
ibériques dépérissants
estplus importante
que celle desaquitains sains;
- la teneur en
potassium (qui
est éliminé par afflux desodium)
estplus importante
chez les arbres sains que chez les
dépé- rissants;
- la teneur en calcium
(qui
s’accumuledans les
feuilles)
estplus importante
chezles
dépérissants
que chez lessains;
- le ratio Ca+/Na+
(qui
diminue s’il y a des- truction de laparoi
par afflux desodium)
est
plus
élevé chez lesaquitains
que chez lesibériques,
ainsi que chez lespopula-
tions saines
(quelle
que soit leurorigine).
Les conclusions
précédentes
valentaussi pour le ratio
K + /Na + ,
dont la teneurdonne des indications sur la destruction de la membrane. Les différences
significa-
tives des
rapports
Ca+/Na+ et K+/Na+ s’observent pour lespopulations extrêmes,
à savoir les
aquitains
sains et lesibériques dépérissants. Enfin,
l’observation de la carte dudépérissement
et despeuple-
ments fait
apparaître
que lejaunissement
est
plus
intense sur les bordures(chemins,
routes,
clairières)
et sur les sommets desdunes
qu’à
l’intérieur despeuplements,
c’est-à-dire dans des situations où il y a des
problèmes
accrus d’alimentation en eau.Comment
expliquer
alors la réversibilité duphénomène
La discrimination entre les arbres sains et
dépérissants
se fait lors d’une baisse de croissance radiale(Laumaillé C, 1990).
Les indices de croissance relative
(ICR)
des arbres
dépérissants d’origine ibérique
sont
toujours plus négatifs
que les ICR des arbres sains(quelle
que soitl’origine) (Lau- maillé, 1990).
Soit l’année n unepopula-
tion d’arbres P1 dont la croissance a étéaffectée,
et unepopulation
d’arbres P2 in- demne de toutjaunissement.
Si l’année n + 1 est favorable à lacroissance,
P1 vacroître moins que
P2,
et parconséquent
va stocker moins de sodium. Dans ces
conditions,
si une nouvellepériode
défavo-rable
survient,
la croissance de P1 rede- viendrasupérieure
à celle de P2.Le
phénomène
dedépérissement
dupin
maritime seprésente
donc comme unesécheresse
physiologique,
due à un excèsde sodium dans le sol. Les arbres
exprime-
raient différemment cette contrainte
hydri-
que selon leur
origine génétique (aquitaine
ou
ibérique).
Les facteursécologiques qui peuvent
déclencher cephénomène
sontles fortes
pluviométries
des années anté- rieures. Les éclaircies seraient respon- sables del’aggravation
duphénomène.
Les recherches à conduire doivent per- mettre d’une
part
de tester ceshypothèses
en laboratoire et au
champ,
et d’autrepart,
de mieux cerner les
possibilités
d’améliorer l’état sanitaire de cesarbres,
parexemple
par une
fertilisation
au sulfate decalcium, qui
enaugmentant
le taux de Ca+ rendraitplus favorable,
pour lepin maritime,
leratio Na+/Ca+.
REMERCIEMENTS
Cette étude a été réalisée
grâce
au soutien fi-nancier de la
région Pays
de Loire. Nous avonsbénéficié de
l’appui technique
de l’ensemble despersonnels
de l’ONF de la forêt domaniale desPays
de Monts(Vendée)
et de P Baradat(INRA,
recherches forestières àPierroton).
Nosremerciements vont
également
à JGelpe (INRA,
recherches forestières àPierroton),
JRiom
(INRA,
télédétection à Bordeaux) et M Becker(INRA, phyto-écologie
àNancy)
pour leurappui scientifique,
ainsiqu’à
LPagès (INRA Agronomie
àAvignon)
et à 2 lecteurs ano-nymes, pour les
critiques
du manuscrit.RÉFÉRENCES
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