VARIATION DE LA TENEUR EN HYDROXYPROLINE
DE MUSCLES DE PORCS LARGE WHITE ET PIÉTRAIN
R. BOCCARD
A. TALMANT Colette GIRARD
Laboratoire de Rechevches sur la Viande,
Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-Josas
Institut national de la Rechevche agvonomique
SOMMAIRE
Dans
7 muscles de
5porcs de race Large Whiteet de 5 porcsde race Piétrain, les teneursenhydroxy- poline exprimées
par le rapport de l’azote de cet acide aminé à l’azote total ont été comparées.Les teneurs sont
significativement
différentes entre muscles. La différence raciale estégalement
hautement
significative.
I,es muscles étudiés des porcs de race Piétrain contiennent de z5à 30 p. 100d’hydroxvproliiie
de moins que les muscles correspondants des porcs de la race Large 1rhile.Les
conséquences
de ces variations sur leplan
del’élevage
et laqualité
des viandes sont discutéesen vue d’une amélioration de ce caractère.
INTRODUCTION
Les
qualités organoleptiques
ettechnologiques
de la viande sontlargement
conditionnées par sa
composition chimique.
La teneur en tissusconjonctifs,
enparti- culier,
influencelargement
la tendreté et la valeur nutritive. Les variations quan- titatives de ces tissus sontgénéralement
étudiées dans les différents muscles des animaux deboucherie,
enprenant
essentiellement en considération lesprotéines
fibreuses
qui
les constituent : l’élastine et surtout lecollagène
dont lapart
estprépon-
dérante. En
général,
celle-ci est mesurée par la détermination del’hydroxyproline,
acide aminé
spécifique
de cetteprotéine
musculaire.Il est maintenant bien établi que la teneur des muscles en
collagène
varie enfonction de nombreux facteurs : nature du
muscle, âge
et étatphysiologique
des ani-maux. L’influence de
l’hérédité,
par contre, a été moinsétudiée,
bien que de nom-breuses observations
pratiques, soulignant
les écarts de tendreté entresujets
demême
poids
et de mêmeâge,
laissent supposer une influencegénétique qui pourrait s’exprimer
par des différences dans lasynthèse
desprotéines.
Nous
rapportons
ici les résultats d’une série de déterminations desquantités d’hydroxyproline
de divers muscles de porcs de raceLarge
White et Piétrain.MATÉRIEL
ETMETHODES
Pour chacune des races Large White et Piétrain sur 5 porcs mâles castrés de IOOkg vif environ,
tout ou
partie
des muscles suivants furentprélevés
le lendemain de l’abattage :Les muscles, débarrassés de leur
graisse,
ont étébroyés, homogénéisés, puis
une fraction ali- quotelyophilisée.
La matière sèche obtenue a étépulvérisée
aubroyeur
à billesjusqu’à
ce que tout l’échantillon passe au travers d’un tamis aux mailles de o,4mm. Sur lapoudre homogénéisée
ont étéprélevés
¢ échantillons de 500 mg pour la détermination del’hydroxyproline
et 3 échantillons deioo mg pour celle de l’azote total.
L’hydroxyproline
a été déterminée par la méthodecolorimétrique
de BERGMAKK et LOXLEY(ig6o), adaptée
àl’auto-analyseur
Technicon. Les échantillons étaienthydrolysés
enprésence
d’HCl 6 N sous reflux
pendant
8 heures,passés
sur charbon, concentrés,puis
neutralisés avant la réactioncolorimétrique.
L’azote total a été déterminéaprès
minéralisationsulfurique
par la méthodecolorimétrique
de TII03IAS-BERTHELOT,adaptée
àl’auto-analyseur
selon un montageinspiré
decelui de FERRARI
(ig6o).
RÉSULTATS
Pour éliminer les causes de
variation,
celles dues enparticulier
aux différences d’étatd’engraissement,
lacomparaison
entremuscles,
animaux et races fut faited’après l’importance
de l’azote del’hydroxyproline
parrapport
à l’azote total. Lateneur en N de
l’hydroxyproline
fut calculée selon lerapport théorique
de l’azote N dansla ! hydroxyproline,
soit :Les résultats sont résumés dans la
figure
iqui
compare par race les résultats moyens obtenus pour chacun des muscles.d 1.., 1
lN H vpro
d’ff ’La teneur en
hydroxyproline exprimée
selon lerapport : N totalest différente
pour
chaque
muscle des deux races. La différence s’accroît en fonction de leur teneuren
hydroxyproline.
L’analyse
de variance(tabl. i)
démontre une interaction race-muscle hautementsignificative.
Les différences raciales sont doncplus
ou moinsimportantes
selon lemuscle.
Cependant,
sur les 7 musclesconsidérés,
la différence moyenne entre les deux races est hautementsignificative.
DISCUSSION
i. La teneur en
hydroxyproline
est une mesure trèsgénéralement adoptée
pour évaluer laquantité
decollagène présent
dans la viande. Le mode d’estimation de cedernier
change cependant
avec les auteurs selonqu’ils
retiennent un «collagène type
» renfermantplus
ou moinsd’hydroxyproline.
Si sa teneur varie de 12,5 à 14,
4 p. 100, le coefficient de transformation pour estimer la
quantité
decollagène
àpartir
del’hydroxyproline
passe de 8 à 7,1. Dans notrecomparaison, plutôt
que d’utiliser un coefficientapproché
pour calculer la teneur encollagène,
nous avonspréféré
traduire les teneurs enhydroxyproline
par lesquantités
d’azote(N)
de cetacide aminé. Nous avons
également préféré rapporter
cet azote del’hydroxyproline
à l’azote total
plutôt qu’aux protéines
totales.De nombreux auteurs,
cependant,
ont utilisé à la suite de 3IOLHER et ANTOx:!-coPOU!,os
( 1957 )
la formule :PRANDL,
H9AS et MOLKE( 19 6 7 )
ont discuté la valeur de ce mode de calcul. Ils ont montré que le choix des deuxcoefficients,
d’unepart
8 pour transformerl’hydroxyproline
encollagène
et6, 25 ,
d’autrepart,
pour calculer laquantité
d’azoteprotéique
àpartir
de l’azote déterminé par la méthodeKjeldalh, pouvait
conduirepour les viandes à des
pourcentages
decollagène
erronés. Les erreurs, variables avecla teneur de l’échantillon en
hydroxyproline, peuvent,
selon cecalcul,
atteindrejusqu’à
12points.
2
. Les valeurs des teneurs en azote de
l’hydroxyproline
parrapport
à l’azotetotal que nous avons obtenues sont très variables entre les muscles et selon les races.
Elles sont sensiblement
plus
fortes que celles obtenues sur des muscles parPujszo (zg66), (o,g5, z,78
et3,46 respectivement
pour le Psoasmajor,
le Semi membva!cosus et leT y iceps brachii),
mais moindres que cellesrapportées
par I,mx! et al.( 19 6 7 )
pour des morceaux de boucherie ou des
parties
de carcasses. Ces différences semblentpouvoir
êtreexpliquées
par le moded’échantillonnage.
La teneur encollagène
pou- vant fortement varier selon ledegré
de parage du muscle et, dans les morceaux, selonl’importance
desparties
tendineuses etaponévrotiques.
3
. Les différences de teneur sont d’autant
plus
fortes que l’on considère des musclesplus
riches en tissuconjonctif.
La différence entre le même muscle de chacune des deux races est ainsiplus marquée
pour les musclesBice!s
bvachü etTrice!s
bra-chii
ca!ut laterale,
que pour les muscles Semi tendi!osus et Semi membyanosus.Cette différence raciale
importante
est àrapprocher
de celle observée entre les animaux normaux et les animauxprésentant
unehypertrophie
musculaire dans certaines races bovines(race
Charollaise : BoccaxD, DUMONT et SCHMITT( 19 6 7 )
etrace Frisonne:
I,awxrE,
POMEROYet WILLIAMS(ig6 3 ).
Chez lessujets hypertrophiés,
la teneur en
hydroxyproline
des muscles estplus
faible.Par
ailleurs,
les porcs de Piétrainoffrent,
parrapport
aux porcsLarge White,
un
pourcentage plus
élevé demuscles,
enparticulier
dans leurs membrespostérieurs (MES
L
E, G IPON , D UMONT , 1959 ).
Cepoint, ajouté
à leur conformationplus particu-
lièrement
rebondie, peut
les faire considérer comme des animaux atteintsd’hyper- trophie
musculaire ou, selon le vocabulaire en usage dansl’élevage,
comme des« culs de
poulain
» ou « culards n. Ce caractère héréditairepourrait
être monofactoriel(O LLIV IE
R
etL AUV Ë R G N E, 1967).
4
. Sur le
plan
del’élevage
et de l’amélioration desanimaux,
la variabilité de la teneur enhydroxyproline
que nous avons constatée offre despossibilités
d’actionpar un meilleur choix des
reproducteurs
ou parcroisement,
une foisprécisée
la teneursouhaitable en
collagène.
Sur le
plan organoleptique
etnutritionnel,
ilparaît
utile de rechercher de faibles teneurs en tissusconjonctifs
dans les muscles. Mais il ne faudrait pas que lasélection,
continue dans ce sens, entraîne des troubles dans d’autres organes,
compromettant
de ce fait lescapacités
dereproduction
ou la rusticité desanimaux,
notamment parl’insuffisance du
squelette
parrapport
à la musculature(BoccA RD
et DunZO!T,ig6 7 ).
De
plus,
sur leplan
de latechnologie
de laviande,
les fabricationsnécessitent,
pour leur
cohésion,
desproportions
définies des différentesprotéines
et vraisembla- blement un taux minimum decollagène générateur
degélatine.
Un programme de modification par la sélection du taux de
collagène musculaire,
bien quepossible
àenvisager,
devraitêtre,
aupréalable, appuyé
sur les résultatsd’étude des caractères
zootechniques
des animaux et de la valeur desproduits
defabrication.
Reçu pour publication
enjanvier
1968.SUMMARY
VARIATIONS IN THE RATE OF HYDROXYYROLIVE IN MUSCLES OF « LARGE WHITE a AND « PIETRAW n PIGS
The rates of
hydroxyproline
in musclesof
5Large
White and 5 Piétrainpigs
wereexpressed
as
nitrogen
of this aminoacid per totalnitrogen
andcompared.
The differences between the 7 muscles of each animal were significant.
The difference between the two breeds was
highly significant :
the Piétrain muscles contained 25 or 30 per cent lesshydroxyproline
than the Large White.The
possible improvements
inbreeding
and meatquality
that can be infered from these varia- tions are discussed.RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
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