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« L’implication des parents, elle est fondamentale. C'est un projet magnifique pour ça ! » Le travail de collaboration parents migrants – professionnels au sein d’un espace enfant situé dans un foyer pour requérants d’asile sur le canton de Genève

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Master

Reference

« L'implication des parents, elle est fondamentale. C'est un projet magnifique pour ça ! » Le travail de collaboration parents migrants –

professionnels au sein d'un espace enfant situé dans un foyer pour requérants d'asile sur le canton de Genève

BAHTIYAR, Merve

Abstract

Ce travail de mémoire réalisé en vue de l'obtention de la maîtrise universitaire en éducation précoce spécialisée (MAEPS) est une recherche menée dans un espace enfant au sein d'un foyer pour requérant d'asile. L'objectif de cette recherche est de connaître, premièrement, les spécificités d'accueil de l'espace enfant au sein même du foyer et, deuxièmement, les modalités de communication entre les parents migrants et les professionnels intervenant dans cet accueil. Par ailleurs cette recherche permet d'analyser, selon les points de vue des parents et des professionnels du foyer, la mise en place d'une collaboration ainsi que sur les outils et les différentes stratégies utilisées pour communiquer lorsque la langue des parents n'est pas celle du pays d'accueil. La méthodologie employée est un entretien semi-directif avec un focus groupe auprès des parents d'origine afghane et un entretien semi-directif individuel auprès des professionnels. Une analyse transversale des expériences vécues des participants permet de mieux comprendre les différents obstacles qui entravent la communication ainsi que les [...]

BAHTIYAR, Merve. « L'implication des parents, elle est fondamentale. C'est un projet magnifique pour ça ! » Le travail de collaboration parents migrants – professionnels au sein d'un espace enfant situé dans un foyer pour requérants d'asile sur le canton de Genève. Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:137592

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Mémoire réalisé en vue de l’obtention de la

Maîtrise universitaire en éducation précoce spécialisée (MAEPS) PAR

Merve Bahtiyar

DIRECTRICES DU MÉMOIRE

Myriam Gremion (Université de Genève) Nilima Changkakoti (Université de Genève)

JURY

Stéphanie Bauer (Haute École Pédagogique Vaud) Myriam Gremion (Université de Genève)

Nilima Changkakoti (Université de Genève)

GENÈVE, novembre 2019 UNIVERSITÉ DE GENÈVE

FACULTÉ DE PSYCHOLOGIE ET DES SCIENCES DE L’ÉDUCATION SECTION SCIENCES DE L’ÉDUCATION

« L’implication des parents, elle est fondamentale.

C'est un projet magnifique pour ça ! »

Le travail de collaboration parents migrants – professionnels au sein d’un espace enfant situé dans un foyer pour requérants d’asile sur le canton de

Genève.

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Résumé

Ce travail de mémoire réalisé en vue de l’obtention de la maîtrise universitaire en éducation précoce spécialisée (MAEPS) est une recherche menée dans un espace enfant au sein d’un foyer pour requérant d’asile.

L’objectif de cette recherche est de connaître, premièrement, les spécificités d’accueil de l’espace enfant au sein même du foyer et, deuxièmement, les modalités de communication entre les parents migrants et les professionnels intervenant dans cet accueil. Par ailleurs cette recherche permet d’analyser, selon les points de vue des parents et des professionnels du foyer, la mise en place d’une collaboration ainsi que sur les outils et les différentes stratégies utilisées pour communiquer lorsque la langue des parents n’est pas celle du pays d’accueil.

La méthodologie employée est un entretien semi-directif avec un focus groupe auprès des parents d’origine afghane et un entretien semi-directif individuel auprès des professionnels. Une analyse transversale des expériences vécues des participants permet de mieux comprendre les différents obstacles qui entravent la communication ainsi que les stratégies qui sont mises en place par les professionnels.

Mots-clés : Migration, migration forcée, requérant d’asile, famille, espace enfant, foyer, communication, collaboration, obstacle, ethnothéorie

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Remerciement

Je tiens à remercier :

- Mes directrices de mémoire Madame Myriam Gremion et Madame Nilima Changkakoti pour leur disponibilité, leurs aides précieuses et leurs relectures.

- Les parents et les professionnels qui ont participé à la recherche pour leur disponibilité et leur contribution.

- Mon amie Marwa qui a accepté de me traduire les entretiens.

- Ma famille (mes deux parents pour leur encouragement durant toute la période de mes études) et mes amis (particulièrement Charlène et Zehra) pour leur soutien moral tout au long de ce travail de recherche et de mes années d’études.

- Les membres du jury Madame Nilima Changkakoti, Madame Myriam Gremion et Madame Stéphanie Bauer pour leur présence à ma soutenance.

Un grand MERCI à tous.

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Sommaire

1. Introduction 8

2. Cadre théorique 10

2.1) La migration 10

2.1.1 Définition 10

2.1.2 Définitions de migrant, réfugié et demandeur d’asile 10

2.1.3 Les facteurs de la migration 11

2.2) La migration forcée 12

2.2.1 Définition 12

2.2.2 Vulnérabilité et précarité: impacts sur la famille 12

2.2.3 Une place d’hébergement : un réel problème 13

2.2.4 Impact sur l’éducation 14

2.3) L’interculturalité 16

2.3.1 Définition 16

2.3.2 La rencontre entre deux cultures : un « choc culturel » 16 2.4) Les ethnothéories éducatives des parents migrants et des professionnels 17

2.4.1 Définition 17

2.4.2 Les normes éducatives 18

2.4.3 Les divergences dans les pratiques 19

2.4.4 Conceptions de l’éducation à l’école enfantine 20

2.4.5 Respecter la diversité 20

2.4.6 Méthode de Cohen-Emerique 22

2.5) La collaboration 22

2.5.1 Définition 22

2.5.2 Les différents types de collaboration 24

2.5.3 La barrière linguistique: difficulté entravant le processus de collaboration ? 25

2.6) La coéducation : un modèle de collaboration 26

2.6.1 Définition 26

2.6.2 La participation parentale 27

2.6.3 La participation professionnelle 28

2.6.3.1 Les rencontres/échanges quotidiens 28

2.6.3.2 Des pistes pour l’intervention 28

2.6.4 Des stratégies possibles 29

2.6.4.1 Séances d’informations 29

2.6.4.2 Présence d’un médiateur 30

2.6.4.3 Des outils pour communiquer 30

2.7) Empowerment : soutien à la parentalité 31

(8)

2.8) Attitudes et postures professionnelles 32

2.9) Formation initiale et continue 33

3. Cadre contextuel 34

3.1 Provenance des requérants d’asile en Suisse et procédure 34

3.2 Particularités de l’espace enfant situé au foyer 38

3.2.1 Présentation 38

3.2.2 Objectifs 39

3.2.3 Projet pédagogique 39

3.2.4 Fonctionnement/organisation 40

3.2.5 Matériel et budget 41

3.2.6 Intervenants de l’espace 42

3.2.6.1 Professionnels 42

3.2.6.2 Bénévoles 43

3.2.6.3 Parents contre-prestataire 43

4. Problématique 44

5. La méthodologie 45

5.1) Approche phénoménologique 45

5.2) Population 45

5.3) Méthode de recueil de donnée 47

5.3.1 L’observation 47

5.3.2 L’entretien semi-directif 47

5.3.3 Le focus groupe 49

5.4) Mise en contact et déroulement 50

5.4.1 Démarche éthique 50

5.4.2 Déroulement et procédure 51

5.5) Méthode d’analyse thématique transversale 53

5.6) Ma posture et ma place dans ce travail de recherche 54

5.7) Limites de l’entretien 54

5.8) Opérationnalisation 55

6. Résultats et analyse 58

6.1) Les modalités de collaboration et de communication 58

6.1.1 Les moments d’échanges : transmissions d’informations 58

6.1.2 La participation professionnelle 61

6.1.2.1 Définitions du mot collaboration 61

6.1.2.2 S’impliquer en tant que professionnel et solliciter les parents 63

6.1.3 La participation parentale 65

6.1.3.1 Les parents, des véritables ressources dans une collaboration 65

6.1.3.2 Des parents demandeurs 66

6.1.3.3 L’obstacle majeur : la barrière linguistique 66

6.2) Les facteurs entravant la collaboration entre parents migrants et professionnels 68

(9)

6.2.1 Précarité et vulnérabilité des familles dues à la migration 68

6.2.1.1 Situation instable 68

6.2.1.2 À la recherche d’un avenir meilleur 69

6.2.1.3 Pas d’accès au monde du travail 69

6.2.1.4 Isolement 70

6.2.1.5 Demande de logement 71

6.2.2 Les ethnothéories éducatives 71

6.2.2.1 Divergences entre intervenants 71

6.2.2.2 Divergences entre parents et professionnels 73

6.2.2.3 Convergence entre parents et professionnels 76

6.2.2.4 Les limites en tant que professionnel 77

6.2.3 Différence linguistique : son impact sur la communication 78 6.2.3.1 Ne pas maîtriser la langue : un sentiment de honte chez les parents 78

6.2.3.2 Des parents « évitant » ? 78

6.2.3.3 Des professionnels gênés 80

6.3) Valoriser la culture des familles : facilitateur de la communication 80 6.3.1 Importance de la transmission de la culture du pays d’origine 80 6.3.2 Valorisation de la culture d’origine par les professionnels 81

6.4) Les outils et les stratégies de communication 82

6.4.1 Les supports utilisés par les professionnels 82

6.4.1.1 Le matériel « Entre nous » 82

6.4.1.2 Le dessin : un moyen de communication 84

6.4.1.3 La technologie 84

6.4.2 Stratégies employées pour communiquer 85

6.4.2.1 L’aide gestuelle 85

6.4.2.2 Traducteur/interprète 86

6.5) La formation des professionnels 87

6.5.1 La formation initiale 87

6.5.1.1 Module sur l’interculturalité 87

6.5.2 La formation continue 88

7. Synthèse des résultats obtenus et discussion 90

8. Conclusion 93

8.1) Recommandations 93

8.2) Perspectives 94

8.3) Limites de la recherche 94

8.4) Apport personnel 94

9. Bibliographie 96

10. Annexes

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1. Introduction

La migration est un phénomène qui touche toute la population mondiale et a des conséquences tant pour les pays d’origine que pour les pays d’accueil. En effet, presque tous les pays sont affectés par des départs et des arrivées et ce flux migratoire ne cesse d’accroître aux cours de ces dernières années (Wihtol de Wenden, 2016).

Le flux de migrants en provenance des pays en situation politique difficile et ma sensibilité pour cette population migrante m’ont motivée à être au plus près de ces personnes. C’est ainsi que j’ai réalisé une activité de bénévolat, en septembre 2016, dans un des foyers pour requérant d’asile sur le canton de Genève. J’ai considéré cette activité comme une opportunité autant pour mon parcours personnel que pour mon parcours professionnel futur. Mon activité de bénévolat s’est déroulée dans un espace enfant qui a débuté par l’intermédiaire d’une connaissance ayant un contact direct avec l’Hospice général. À mon arrivée au foyer, la personne responsable me donne quelques informations relatives sur le lieu et le fonctionnement de celui-ci. J’apprends que l’espace enfant est dédié seulement aux jeunes enfants migrants âgés de 1 à 4 ans et résidant au foyer avec leurs parents. Ce sont ces derniers qui sont responsables de l’espace tout en étant accompagnés par une équipe professionnelle composée de psychomotriciennes, d’un assistant socio-éducatif et de bénévoles. Le projet a vu le jour dans un foyer (nommé B) d’une commune genevoise suite aux demandes de parents résidants. Ce projet a été ensuite reproduit dans un espace enfant au sein d’un foyer (nommé Z) par l’Hospice général dans lequel je suis intervenue.

L’objectif premier de ce lieu est d’avoir un espace pour les enfants primo-arrivants et ainsi permettre aux parents de s’occuper des papiers administratifs sans avoir à amener les enfants aux démarches administratives qui peuvent parfois durer quelques heures. Ainsi, ce lieu permet également aux parents de participer aux cours de français mis en place par des associations. Bien évidemment, ce lieu est propice au développement des habilités sociales et, de ce fait, encourage l’enfant à se familiariser (se socialiser) avec les autres enfants du foyer, avec les adultes (professionnels, bénévoles, contre-prestataires), mais aussi à jouer, à s’épanouir et à entrer dans l’apprentissage de la langue française.

Mon sujet de mémoire s’est développé lors de ma présence auprès de jeunes enfants plus particulièrement dans les moments d’échanges entre les parents et les professionnels. J’ai été moi- même témoin des difficultés de communication entre des parents allophones et des professionnels parlant le français et parfois l’anglais. Cette difficulté est dans les deux sens : les parents sont confrontés, non seulement, à la difficulté de se faire comprendre pour pouvoir transmettre les informations utiles sur l’état général de leur enfant (maladie, infection, fatigue, etc.), mais aussi à celle de comprendre son interlocuteur. Les professionnels sont également confrontés aux mêmes problèmes.

Dans le domaine de l’éducation et notamment dans la petite enfance, les professionnels sont fréquemment amenés à échanger avec des parents dits « allophones » et provenant d’un milieu défavorisé, il est donc d’autant plus intéressant d’orienter ma recherche sur ce sujet.

Faisant partie d’une famille issue de la migration, ce sujet d’étude sur la migration m’a immédiatement intéressée et m’a permis de faire le lien avec ma formation. En 2016 dans le cours

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9 intitulé « Séminaire de recherche en éducation précoce spécialisée » de Madame Gremion, nous avions eu l’opportunité de traiter le thème de la migration et c’est ainsi que nous avions pu découvrir ce thème, ses sous-thèmes et le lien qui peut exister avec d’autres problématiques (migration et handicap, migration et situations précaires, etc.). Il m’était évident d’axer mon travail de mémoire sur la collaboration parents migrants et professionnels de la petite enfance. Étant donné que j’avais une activité de bénévolat au foyer, j’ai souhaité porter mon étude sur ce lieu précis car mes observations, notamment dans les moments d’échanges, m’ont fait prendre conscience des difficultés que peuvent rencontrer ces différents acteurs lors des échanges mutuels, des moments si important dans le processus de collaboration.

Dans ce contexte particulier des questions peuvent submerger : Comment accompagner au mieux ces familles primo-arrivantes et démarrer un processus de collaboration de qualité avec celles-ci ? Comment comprendre et répondre aux besoins et aux attentes de chacun ? Comment amoindrir les obstacles qui entravent la mise en place d’une collaboration ? Quelles peuvent être les stratégies pour communiquer ? Ces questions permettront de guider ma recherche tout au long de ce travail, en lien avec des concepts théoriques.

Cette étude présente également des apports scientifiques sur l’accompagnement des familles primo- arrivants (communication, obstacles, stratégies possibles, besoins, etc.). Cette recherche, en donnant la parole aux parents migrants, permet de cerner les difficultés de communication qui peuvent subvenir avec les professionnels dans le domaine de la petite enfance. Elle permet également de donner la parole aux intervenants pour connaître les stratégies employées par ces derniers pour dépasser la barrière de la langue et de comprendre les besoins en termes de formation afin d’accompagner aux mieux ces familles. Ce travail peut également apporter des éléments sur le fonctionnement d’un espace enfant dans un foyer pour requérant d’asile pour des éventuelles pistes d’amélioration.

Dans cette recherche qualitative, une approche phénoménologique est utilisée pour récolter des informations sur les participants à partir des expériences vécues et ainsi permettre d’éclaircir certains éléments liés à la migration et à la collaboration dans la petite enfance.

(12)

10

2. Cadre théorique

Dans la première partie de ce cadrage théorique, il sera question de la migration et des raisons qui poussent les personnes à migrer mais aussi des difficultés que rencontrent les familles une fois sur la terre d’asile. Dans la deuxième partie, la diversité culturelle au sein des structures de la petite enfance ainsi que les ethnothéories des pratiques éducatives seront discutées. Ensuite, une partie de ce cadrage sera dédiée à la collaboration entre parents et professionnels, en discutant de ses différents modèles, les obstacles qui peuvent apparaître lors du processus et les stratégies existantes. Enfin, une dernière partie sera attribuée à la posture et à la formation professionnelle.

2.1) La migration

2.1.1 Définition

Avant de développer le thème de la migration, il est important de définir certains termes que nous allons employer dans cette partie. D’après les Nations unies, la migration « concerne le passage des frontières politiques et administratives pour un minimum de temps. Elle inclut, les mouvements de réfugiés, les personnes déplacées et les migrants économiques. »1. Ici, le terme de migration est défini par un passage des frontières et, de ce fait, elle n’inclut pas les mouvements migratoires qui peuvent survenir au sein même du pays.

Selon la définition Jaffrelot et Lequesne (2009), la migration se définit par « la mobilité collective, volontaire ou forcée, des hommes sur de grandes distances » (p.11). Ainsi dans cette définition, les auteurs mentionnent que la migration peut être un acte réfléchi et personnel ou collectif, par exemple des membres de la famille décidant de quitter le pays pour offrir un avenir meilleur à leurs enfants. Toutefois, la migration peut être également un acte forcé qui peut s’expliquer par diverses raisons, principalement par une guerre civile. Contrairement à la définition utilisée par les Nations unies, Jaffrelot et Lequesne ne mentionnent pas le passage des frontières mais ils évoquent une mobilité sur de grandes distances ce qui peut également supposer que se déplacer dans le pays (par exemple du Nord au Sud) est aussi une forme de migration.

2.1.2 Définitions de migrant, réfugié et demandeur d’asile

Le terme « migrant » défini selon les Nations unies (cité par Wihtol de Wenden, 2016) désigne une personne née dans un pays et vivant actuellement dans un autre pays pour une durée égale ou supérieure à un an, quelles que soient les causes volontaire ou involontaire. Dans la catégorie de personnes migrantes se trouve également les demandeurs d’asile et les réfugiés. Marrus (1986, cité par Lochak, 2013) postule l’absence du mot réfugié jusqu’à la fin du XIX siècle. Dans la terminologie anglaise, les réfugiés étaient les personnes chassées du royaume de France. Cependant suite aux événements migratoires d’aujourd’hui, la désignation n’est plus la même car ces personnes cherchent à quitter un pays en guerre dont ils ne sont pas responsables. Ainsi, pour définir le terme

« réfugié », les auteurs (tels que Lochak, 2013 ; Costa-Lascoux, 1987) se basent sur la Convention de Genève de 1951 :

1UNESCO, définition du terme migration : http://www.unesco.org/new/fr/social-and-human- sciences/themes/international-migration/glossary/migrant/

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11

 Toute personne « considérée comme réfugiée en application des Arrangements du 12 mai 1926 et du 30 juin 1928, ou en application des Conventions du 28 octobre 1933 et du 10 février 1938 et du Protocole du 14 septembre 1939, ou encore en application de la Constitution de l’Organisation internationale pour les réfugiés; » (p.2)2

 Toute personne «craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tels événements, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner.» (p.2)

À partir de cette convention, le réfugié ne peut être exclu aux frontières par les autorités lorsque sa vie ou sa liberté est mise en danger dans son pays d’origine. Le réfugié est donc distinct d’un touriste, d’un étudiant ou encore d’un travailleur migrant. (Costa-Lascoux, 1987).

Un demandeur d’asile est « une personne qui dit être refugiée mais dont la demande est en cours d’examen » (UNHCR France). Ainsi on peut dire que chaque réfugié a été un demandeur d’asile mais chaque demandeur d’asile n’obtient pas le statut de refugié. (Costa-Lascoux, 1987).

2.1.3 Les facteurs de la migration

Plusieurs auteurs (Cambrezy & Lassailly-Jacob, 2005 ; Leblanc, 2000 ; Barou, 2013 ; Wihtol de Wenden, 2016) ont étudié les motivations des personnes à migrer dans un pays étranger et ainsi tout quitter pour trouver une vie meilleure ailleurs. Les motifs d’un exil peuvent être à plusieurs niveaux : politique, économique, social et écologique. Très souvent, les personnes migrent pour plusieurs raisons : la recherche d’un travail, des conditions de vie plus stables et fuir les pays en crise. Pour les familles, les raisons sont également à plusieurs échelles et il est question d’offrir un cadre sain aux membres de la famille (enfants, personnes âgées, malades, etc.). Ces dernières années, les causes principales qui poussent les personnes à migrer sont essentiellement la guerre, la violence politique par exemple en ce moment dans les pays d’Afrique (en Érythrée, en Somalie) ou encore dans les pays du Moyen-Orient (en Syrie, en Irak) et l’instabilité du pays (Wihtol de Wenden, 2016). Un autre facteur de migration est notamment l’espoir de trouver un meilleur emploi dans un pays développé.

En effet, parmi les migrants se trouvent également des personnes ayant un certain niveau d’études supérieures et espérant consolider un avenir stable (Wihtol de Wenden, 2016). Toutefois, quelles que soient les raisons de la migration, ce mouvement demande aux familles de quitter un pays dans lequel ils ont grandi, construit leur identité avec les coutumes de celui-ci.

Pour Losso et al. (2005) « toute migration est toujours une expérience traumatique » puisque la migration implique une rupture et parfois même un deuil avec son pays d’origine (Duparc, 2009). Ce dernier s’intéresse dans son article aux traumatismes survenus suite à une migration. Selon Duparc, pour les réfugiés économiques ou politiques, le deuil avec le pays d’origine n’est pas une question de choix, puisque ces personnes cherchent à fuir le pays pour des raisons vitales (famine, menace, guerre, etc.). En quittant le pays ces personnes subissent une rupture brutale avec les coutumes et les traditions dans lesquelles elles ont vécu dès la naissance. Fragilisées par leur parcours migratoire,

2 Convention relative au statut des réfugiés Conclue à Genève https://www.admin.ch/opc/fr/classified- compilation/19510156/200205030000/0.142.30.pdf

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12 elles ne sont pas en état de se préparer à adopter la nouvelle culture du pays qu’elles n’ont pas élu et souvent très différente du pays d’origine.

2.2) La migration forcée

2.2.1 Définition

On parle de migrants forcés lorsque les personnes sont contraintes de quitter leur pays pour des raisons telles que la guerre civile, la crise économique, des affrontements ethniques ou religieux ou encore lors des catastrophes naturelles (Cambrezy & Lassailly-Jacob, 2005). Ces personnes sont qualifiées de vulnérables. En effet selon l’article 21 de la Directive sur l’accueil des demandeurs d’asile, les personnes qualifiées de vulnérables sont : « les mineurs, les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladies graves, les personnes souffrant de troubles mentaux et les personnes qui ont subi des tortures, des viols ou d’autres formes graves de violence psychologique, physique ou sexuelle, telles que des mutilations sexuelles féminines. » (Boublil & Wolmark, 2018). Les migrants sont donc forcées de partir pour vivre dans un pays qu’ils n’ont peut-être ni imaginé, ni souhaité. Dans la catégorie des migrants forcés, on retrouve les réfugiés qui migrent très souvent dans les pays voisins pour demander l’asile et y habiter afin de fuir le pays en guerre.

Par ailleurs, près des frontières, des camps sont installés afin d’accueillir ces personnes et ainsi éviter un déplacement important dans les pays voisins. Loescher et Milner (2005) mentionnent également le problème des camps de réfugiés, censés êtres un lieu de transition. En effet, en raison de la durée des conflits, les familles abritées près des frontières sont amenées parfois à passer des années dans les camps et de vivre dans des conditions souvent déplorables. Il est d’autant plus important que les pays d’accueil puissent mettre en place une politique d’accueil adaptée aux demandeurs d'asile et aux réfugiés afin de leur permettre de s’intégrer à la vie en société ainsi qu’aux principes de celle-ci durant le processus. Toutefois, la souffrance des personnes demandant l’asile ne s’arrête pas aux difficultés rencontrées aux camps. Une fois sur la terre d’asile, les démarches pour obtenir le statut de réfugié sont d’autant plus compliquées et longues.

2.2.2 Vulnérabilité et précarité: impacts sur la famille

De multiples auteurs (Bourgeois, 2004 ; Daviet, 2005 ; Leblanc, 2000) se sont intéressés aux situations des familles demandeuses d’asile qui arrivent dans les pays d’accueil. Ces auteurs emploient souvent les termes de « vulnérabilité » et de « précarité » pour décrire leurs situations mais que signifient vraiment ces termes ? Pour définir le terme de « vulnérabilité », nous nous appuyons sur Blondel (2015) qui le définit comme « le caractère de ce qui est vulnérable. ». Ainsi une personne est dite vulnérable quand elle est «exposée aux blessures, aux coups, et par extension à la douleur physique, à la maladie »3 mais aussi à une souffrance morale (Blondel, 2015). Wresinski dans son rapport « Grande pauvreté et précarité économique et sociale » de 1987, définit la précarité comme :

3 Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, CNRS, ATILF, Portail lexical, Lexicographie, V.

Vulnérabilité.

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13 L’absence d’une ou plusieurs des sécurités, notamment celle de l’emploi, permettant aux personnes et familles d’assumer leurs obligations professionnelles, familiales et sociales, et de jouir de leurs droits fondamentaux. L’insécurité qui en résulte peut être plus ou moins étendue et avoir des conséquences plus ou moins graves et définitives. Elle conduit à la grande pauvreté quand elle affecte plusieurs domaines de l’existence, qu’elle devient persistante, qu’elle compromet les chances de réassumer des responsabilités et de reconquérir ses droits par soi-même, dans un avenir prévisible. (Wresinski, 1987, p.6)

Ainsi les familles primo-arrivantes, n’ayant pas obtenu de permis, sont confrontées à certaines difficultés notamment à l’interdiction d’accéder à un emploi sur le territoire (Leblanc, 2000) durant ce processus et dépendent des aides fournies par l’Etat. Zaouche Goudron (2006) dans son article dans lequel elle s’intéresse à l’influence de la précarité sur le développement de l’enfant, reprend cette définition qui a été proposée par Wresinski au Conseil économique et social et ajoute qu’il existe différentes formes de précarité : économique, social, physique, psychique. De plus, elle souligne que certaines personnes peuvent être précaires selon leur âge (personnes âgées), leur sexe (les femmes dans les situations de monoparentalité par exemple), leur parcours familial ou encore selon l’environnement. En effet, l’environnement de l’enfant (voisinage, activités réalisées au sein de la famille et à l’extérieur, fréquentation des parcs, etc.) est un facteur important pour son bon développement. Dans ce cas, il est intéressant de se référer au modèle théorique écosystèmique de Bronfenbrenner (1979) dans lequel il soutient que le développement humain doit être observé dans un système environnemental complexe.

Par ailleurs, selon Zaouche Goudron (2006), les personnes ayant un revenu faible n’ont pas toujours les moyens d’offrir un logement adapté et des activités extérieurs à leur enfant. À la maison, les activités proposées semblent être affectées par le manque de matériel d’apprentissage (livres, jouets, etc.) par faute de moyen. Comme le souligne Zaouche Goudron (2006), le logement peut être aussi un facteur de précarité. Une fois sur la terre d’asile, durant le traitement des dossiers, les familles sont souvent placées dans des centres d’hébergements lorsque cela est possible. La durée de traitement étant longue, les structures d’hébergement sont engorgées ce qui conduit à l’inadaptation du système pour un accueil de qualité (Bourgeois, Ebermeyer & Sevin, 2004). C’est ainsi qu’il est possible de noter une première difficulté et un premier paradoxe entre l’impossibilité de placer les familles dans des hébergements et la volonté de mettre en place une politique afin d’encourager les jeunes enfants à s’intégrer à la vie en société.

2.2.3 Une place d’hébergement : un réel problème

Selon les chiffres communiqués par les États européens en 2017, le nombre de demandes d’asile est estimé à 720 000 environ, soit plus de 3 fois plus qu’en 2006 avec 230 000 demandes (SEM, 2017).

Ainsi certains pays européens rencontrent de réelles difficultés afin de loger ces personnes.

Le but premier des travailleurs sociaux est d’accompagner ces personnes durant le traitement de demande dans un processus d’insertion puis d’intégration au sein de la société. Cependant des difficultés impactent cette entrée dans le processus. Bourgeois, et al. (2004), dans leur étude, s’intéressent aux situations des familles migrantes à Lyon, sur le territoire français. Pour cela, ils ont réalisé une étude exploratoire sur l’accueil des demandeurs d’asile, réfugiés et déboutés dans les structures d’hébergement du Rhône. Des entretiens sont effectués pour comprendre le fonctionnement du système d’accueil lyonnais, auprès des structures d’hébergement et pour finir une vingtaine d’entretiens auprès de la population pour cerner les obstacles et les difficultés.

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14 D’après cette recherche, les auteurs soulignent que les familles sont amenées à passer un certain temps dans la rue ou dans un accueil d’urgence avant d’être hébergées à l’hôtel. Suite aux nombreuses arrivées et un manque de place dans les centres d’hébergement une soixantaine de personnes se sont retrouvées dans l’obligation de dormir à la rue et cela pendant plusieurs semaines sur la passerelle de la gare de Perrache, à Lyon. Cependant les familles composées d’enfants sont prioritaires aux personnes célibataires et sont prises en charge pour être placées dans des hébergements spécialisés jusqu’à ce qu’elles reçoivent une réponse pour leur demande d’asile. Les demandeurs d’asile n’ont pas la possibilité de choisir leur lieu d’hébergement, ni leurs voisins comme ils peuvent le faire lors de leur parcours migratoire (Barou, 2013).

Une fois dans le pays d’accueil, les demandeurs d’asiles sont confrontés à de diverses difficultés comme l’isolement, le délai d’attente du processus des traitements de dossier, jugé long par les familles et l’interdiction de travailler sur le territoire. De ce fait, les professionnels sociaux parlent d’un risque de clochardisation qui s’explique par une dégradation physique et psychique (Bourgeois et al, 2004). En effet, les demandes d’asile étant nombreuses les services administratifs sont dépassés face aux traitements des dossiers. Entre 1990 et 2000, la durée de la procédure a été très longue pouvant aller jusqu’à environ quatre à cinq ans pour certains cas (Barou, 2013). Les personnes, ayant obtenu un statut de réfugié, ont également une difficulté pour accéder à un logement et cela peut varier entre six et neuf mois (Bourgeois, 2004). Aujourd’hui, même si ce délai est plus court, il reste néanmoins suffisamment long pour que les familles sombrent dans l’isolement.

Cependant, le droit international à l’éducation permet en quelque sorte aux jeunes enfants de démarrer un processus d’intégration dans le pays d’accueil en leur accordant l’accès à l’éducation.

2.2.4 Impact sur l’éducation

Dans l’article 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’éducation est un droit pour tous.

 Article 26 1. « Toute personne a droit à l'éducation. L'éducation doit être gratuite, au moins en ce qui concerne l'enseignement élémentaire et fondamental.

L'enseignement élémentaire est obligatoire. »4

Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, le droit à l’éducation pour les familles demandeuses d’asile est le même que les personnes résidant sur le territoire.

En Suisse, selon l’article 11 sur la protection des enfants et des jeunes : « Les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à l’encouragement de leur développement ».5

Le rapport en ligne de Moret et Fibbi (2010), réalisé à Berne en Suisse, s’intéresse aux interactions entre les institutions éducatives et les parents immigrés ayant des enfants entre 0 et 6 ans. Dans ce document Moret et Fibbi s’appuient sur la Convention européenne de 1977 dans laquelle il est mentionné que les enfants migrants ont accès au système éducatif dans les mêmes conditions que les enfants nés sur le territoire. Dans les textes de la Convention européenne, il est notamment conseillé que l’intervention soit axé sur trois points : le système éducatif doit être adapté aux besoins particuliers de l’enfant, dans le programme scolaire des cours de langue mais aussi de culture doit être mis en place et favoriser l’éducation interculturelle pour tous (Moret & Fibbi, 2010). Selon la

4 https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Documents/UDHR_Translations/frn.pdf

5 Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999https://www.admin.ch/opc/fr/classified- compilation/19995395/index.html#a11

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15 note de l’UNESCO sur la politique de la petite enfance (2008), une attention particulière doit être portée aux jeunes enfants migrants puisqu’ils ont plus de risques de « souffrir d’un mauvais développement » et de développer des traumatismes émotionnels engendrés suite aux parcours migratoires souvent périlleux des familles. Toujours selon la note de l’UNESCO, les enfants migrants ayant entre 3 et 4 ans ont moins de chances que les enfants du pays d’accueil de profiter des programmes préscolaires. Cette absence peut être due à une méconnaissance des programmes préscolaires causée par la barrière de la langue et de la culture mais aussi par un manque de place (UNESCO, 2008).

Le rapport de Moret et Fibbi (2010) permet de mettre en avant les recommandations et les mesures qui peuvent être utiles dans l’accompagnement des familles migrantes ayant des jeunes enfants. Les mesures proposées pour partager l’information sont, tout d’abord, de réaliser un matériel qui soit traduit dans la langue d’origine des parents afin que les informations soient comprises, des séances d’information qui peuvent être organisées par des associations et des autorités locales telles que le bureau d’intégration des étrangers, avec le soutien des interprètes interculturels. Dans ces séances d’information, informer les parents sur les institutions de la petite enfance et les écoles mais aussi sur les droits et les devoirs qui sont attendus des parents dans le système éducatif du pays d’accueil.

Pour finir, donner des possibilités aux parents d’apprendre la langue du pays d’accueil et de garderie de leurs enfants en bas âge en les informant des différentes adresses disponibles. À Zurich, en Suisse, un projet nommé Schulstart+ a été pensé et mis en place par l’ONG Caritas Zurich afin de soutenir les parents migrants et les enfants ayant entre 2 et 5 ans. L’idée est de préparer les parents à l’entrée de leurs enfants dans le système scolaire (Moret & Fibbi, 2010).

Dès que la procédure est entamée pour une demande d’asile, l’enfant âgé entre 6 et 16 ans est en droit d’aller à l’école et de profiter du système éducatif du pays. L’école permet aux enfants de parents qui demandent l’asile de se baigner dans une culture commune avec les enfants du pays.

Ainsi les enfants s’adaptent plus facilement à la société et acquièrent une bonne connaissance de la langue française (Daviet, 2005). L’accès à l’école permet aussi aux enfants de sortir du lieu d’hébergement souvent placé hors des centres urbains et d’éloigner les souvenirs parfois difficiles voire traumatiques qu’a pu engendrer le trajet migratoire. D’ailleurs dans l’article de Daviet (2005), une enfant d’origine albanaise en demande d’asile dit : «Je travaille beaucoup à l’école et alors j’oublie tout ». Ce processus d’intégration des enfants à la vie du pays d’accueil donne aux parents l’espoir d’une réussite dans ce nouveau pays (Daviet, 2005). Avec l’apprentissage de la langue du pays, les enfants sont parfois amenés à jouer un rôle important auprès de leurs parents, qui est celui de l’interprète (Daviet, 2005). En effet, les enfants qui deviennent très vite bilingues jouent les médiateurs entre leurs parents et le fonctionnement de la société d’accueil. Les enfants baignent alors dans deux cultures : celle de l’école (du pays d’accueil) et celle des parents (du pays d’origine).

Dans la terre d’asile, certains parents souhaitent que leurs enfants gardent leur identité d’origine c’est-à-dire la culture, les traditions, la langue et ainsi assurer une certaine continuité dans la transmission des valeurs (Daviet, 2015). Cependant, une perte d’identité peut également être vue comme une menace, un sentiment de peur, pour les parents (Billiez, 1985). On note notamment un paradoxe entre l’envie des parents que leurs enfants s’intègrent dans le pays d’accueil avec sa culture et l’envie que ceux-ci gardent tout de même la culture d’origine.

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2.3) L’interculturalité

2.3.1 Définition

Tout d’abord, il est important de définir le terme « interculturalité » dans lequel se trouve le préfixe

« inter » qui signifie du latin « entre » et le mot « culture ». Ce dernier est défini par Tylor et Seymour-Smith (1986) comme « un ensemble complexe qui inclut savoirs, croyances, arts, positions morales, droits, coutumes et toutes autres capacités et habitudes acquis par un être humain en tant que membre d’une société. ». Chacun de nous possède sa culture.

Après la Seconde Guerre mondiale, les flux migratoires ont été très nombreux dans toute l’Europe et aujourd’hui la culture des pays est très diversifiée. La différence culturelle a eu une place importante dans la philosophie politique et morale dans les années 1970. La différence culturelle (langues, traditions, pratiques éducatives, etc.) amène donc des questionnements et parfois quelques problématiques dans le quotidien du monde de l’éducation.

2.3.2 La rencontre entre deux cultures : un « choc culturel »

Les enfants des demandeurs d’asile ont dû, le plus souvent dans un court laps de temps, tout quitter: l’école, amis, maison, jouets, pour accompagner leurs parents sur le dur chemin de leur exil. Ils sont alors en transition entre deux vies. Une expérience initiatrice pleine de paradoxes. Daviet, 2005, p.72

Une personne migrante apporte, avec elle, tout ce qu’elle a acquis dans son pays d’origine c’est-à- dire la langue du pays, ses coutumes, sa croyance qui peut être religieuse et même les pratiques éducatives du pays ou celles de ses parents transmis de génération en génération. Ainsi la personne qui arrive avec tout ce bagage dans le pays d’émigration se trouve confronter à une autre culture qui est celle du pays d’accueil. Cadart (2006) a appelé cette confrontation un « choc culturel ». L’auteur postule que l’enfant se développe mieux s’il n’y a pas de rupture avec sa culture familiale, d’autant plus que cette rupture « risque d’exister de fait et d’être d’autant plus importante que les modes d’éducation familiaux sont éloignés de ceux des espaces de socialisation. C’est ce qui se passe quand les familles sont originaires d’autres pays et/ou quand elles appartiennent à des catégories sociales défavorisées» (Cadart, 2006, p.37). Cette rencontre entre les deux cultures amène parfois des confusions et créée des problématiques dans le monde du travail social. En effet, les travailleurs sociaux, qui ont très souvent une culture différente de celle de leur public, se retrouvent dans une incompréhension face aux pratiques éducatives des parents. En effet, l’incompréhension est accompagnée d’un sentiment de peur d’être jugé par les professionnels chez les parents. Selon l’article de Clausier (2007), il en ressort de cette recherche que les parents migrants craignent d’être jugés de leurs comportements envers leurs enfants par les professionnels de la petite enfance, ou encore Shim (2013) mentionne la réticence des parents à poser des questions et ainsi éviter que leurs enfants soient pénalisés et préfèrent rester dans le silence. La peur d’être jugé, d’être « mal vu » par les autres, incite les parents à instaurer une certaine distance avec les professionnels, et cela impacte le processus de collaboration avec les professionnels.

La diversité culturelle est un élément important qui doit être pris en considération dans l’intervention précoce mais pas seulement. En effet pour entamer une collaboration de qualité, les acteurs (parents, professionnels) gravitant autour de l’enfant doivent prendre conscience que les représentations et les pratiques des autres peuvent être différentes des nôtres.

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2.4) Les ethnothéories éducatives des parents migrants et des professionnels

2.4.1 Définition

Les auteurs de Conus et Ogay (2014) se sont appuyés sur les définitions de Super et Harkness (1986, 1996) pour définir le concept des ethnothéories éducatives : « les ethnothéories de l’éducation et du développement sont les représentations mentales, les théories de sens commun (même si leurs fondements sont parfois scientifiques), à la fois formelles et informelles, conscientes ou non conscientes, qui touchent à l’éducation de l’enfant et à son développement. ». Ainsi les ethnothéories éducatives font également parties de la niche développementale de l’enfant dans le modèle de Dasen (2004). Dasen s’appuie sur des schémas de plusieurs auteurs (Berry, Poortinga &

Dasen, 2002 ; la niche développementale de Super & Horkness, 1997 ; le modèle de Bronfenbrenner, 1989 ; le modèle de Georgas, 1988 ; et les cadres théoriques de Ogbu, 1981 ; Kagitcibasi, 1996 et Trommsdorff, 1999) pour complexifier la niche développementale de Super et Horkness. Dans son travail (voir figure n° 1) de 2004, le microsystème de Bronfenbrenner correspond à la niche développementale. Au centre du schéma, l’individu est en développement dans son milieu de vie tout en étant en interaction avec son environnement. Cette niche développementale comprend, selon Dasen (2004), trois volets qui sont les suivants: les contextes physiques et sociaux, les pratiques éducatives et les ethnothéories éducatives. Ainsi cette niche développementale est en interaction avec le macrosystème qui englobe le contexte écologique et le contexte socio-politique. Les interactions entre le macrosystème et le microsystème se réalisent par l’intermédiaire de différents processus tels que la transmission culturelle et l’acculturation.

Figure n° 1: Niche développementale complexifiée par Dasen (2004)

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18 Conus et Ogay (2014) s’intéressent dans leur étude aux ethnothéories de l’éducation entre les parents migrants et les enseignants et donc à l’influence de la variable culturelle sur les ethnothéories des participants. Une étude qualitative qui a été menée auprès de 31 enseignantes d’école enfantine du canton de Fribourg (Suisse) et de 49 parents issus de la migration dont 27 parents migrants portugais et de 22 parents migrants africains. Dans les résultats, il ressort des divergences dans les pratiques et les représentations entre les parents et les enseignants dans les domaines suivants : «les stratégies éducatives, la constitution de l’environnement physique de l’enfant, l’usage de la récompense, les attitudes attendues de la part de l’enfant, le rôle développemental attribué à la situation d’échec, la conception des rôles éducatifs familiaux et des rôles éducatifs père-mère, la représentation des buts prioritaires de l’éducation, le rythme d’éducation conçu comme collectif ou individualisé, la différenciation ou non de l’éducation selon le sexe de l’enfant ou encore la représentation du rôle des pairs dans l’éducation » (Conus & Ogay, 2014, p.103). Des divergences (notamment sur la représentation des rôles éducatifs du père et de la mère) sont aussi observées entre enseignants même si celles-ci sont moins prononcées qu’entre parents et enseignants. Dans ce travail, les chercheurs s’appuient sur le modèle de Dasen et mentionnent l’importance de l’environnement de l’enfant en développement. En effet, de multiples interactions entre le microsystème et le macrosystème sont observables tout au long de ce processus. Il est donc possible de souligner la nécessité de prendre en compte toutes ces interactions lorsque nous travaillons avec des jeunes enfants. Par ailleurs, dans leur étude, Conus et Ogay soulignent également que les enseignants peuvent être considérés comme un groupe culturel qui partage des ethnothéories qui sont liées à différentes appartenances communes telles que la formation professionnelle, le milieu social ou encore le lieu d’enculturation. Ainsi, la niche développementale peut être également adaptée aux professionnels (Leanza, 2003 cités par Conus &

Ogay, 2014).

2.4.2 Les normes éducatives

Bouve (1999) souligne que les normes éducatives varient en fonction de la personne, des institutions et des groupes sociaux. Elles sont influencées par des valeurs sociales et morales. Noël (1997) définit la pratique, en s’appuyant sur celle de Perrenoud, comme tel :

Un ensemble des schèmes de perception, de pensée, d'action et d'évaluation qui nous guident à chaque pas dans l'illusion de la spontanéité. Elle ne se limite pas à une mise en pratique de théories, de règles ou de recettes […] C'est pourquoi l'analyse des pratiques éducatives ne peut laisser place à la moindre improvisation : elle engage chaque enseignant et l'animateur dans un projet éthique commun, un travail permanent sur soi, sur ses valeurs, avec les autres, pour transformer son habitus et son action éducative. (Noël, 1997, p.52.) Dans cette définition, l’auteur postule que les pratiques éducatives ne se limitent pas seulement à la formation initiale du professionnel. Il souligne qu’elles évoluent avec l’expérience sur le terrain et grâce à un travail sur soi.

Bouve (1999) évoque différents points sur les relations entre parents et professionnels de la petite enfance, notamment dans les crèches collectives. Pour cela, elle réalise des entretiens semi-directifs, en France, dans lesquels elle interroge des parents qui ont une expérience avec une crèche collective. L’entretien est mené en s’appuyant sur deux thèmes principaux : « la motivation quant aux choix du mode de garde et l’expérience des parents à la crèche collective ». Dans sa recherche, elle s’intéresse aux représentations parentales au sujet de l’éducation, des pratiques éducatives des

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19 professionnels présents dans les institutions de la petite enfance. Avant de s’intéresser à ce sujet, Bouve postule l’importance de prendre en compte que chaque individu a une définition de l’éducation qui diffère et que cela est lié aux valeurs de chacun. Le chercheur met un point important sur la norme éducative. En effet, les normes éducatives diffèrent selon la personne mais aussi selon les institutions et les groupes sociaux. De plus, elles sont influencées par des valeurs sociales et morales (Bouve, 1999). Ainsi, ces normes ne sont pas écrites mais elles se dévoilent lors des moments d’échanges au quotidien entre les différents acteurs. Un autre point essentiel cité par Bouve (1999) est l’implication des parents à la vie quotidienne de la crèche. Peu de projets pédagogiques sont mis en place par les structures de la petite enfance afin d’impliquer les parents.

L’auteur parle même d’un certain pouvoir ou contrôle que peuvent avoir les professionnels de la petite enfance face aux parents. Il est possible de rencontrer des parents qui ont une bonne connaissance du fonctionnement de l’institution comme des parents qui en ont un peu moins et des parents ayant une relation plutôt ouverte avec les professionnels comme d’autre un peu moins.

2.4.3 Les divergences dans les pratiques

La crèche est un lieu qui peut amener les parents à réfléchir sur leurs pratiques éducatives en comparant leurs idées à celles des professionnels. Toutefois, des chercheurs (Daviet, 2005;

Mahmood, 2013; Rayna, 2011; Silva, 2014) soulignent qu’il peut exister des confrontations au niveau des pratiques éducatives. En effet, il est possible que des parents montrent leur désaccord avec les pratiques de l’institution. Bouve (1999) donne l’exemple d’une mère exprimant sa colère car elle souhaite que son fils de huit neuf mois apprenne à manger proprement avec sa cuillère, tandis que, le personnel passe par l’étape de la découverte des textures par les doigts. Ici, l’auteur partage une situation particulière qui montre bien une différence de conceptions entre la crèche et le milieu familial. Un parent impose à l’éducateur que son enfant garde tous ces vêtements chauds au cours de la journée ou encore un parent interdisant à l’éducateur de proposer des jeux aquatiques à son enfant. Ainsi, les professionnels sont parfois face à des situations difficiles à résoudre sur le terrain (Mahmood, 2013). Néanmoins, tous les professionnels ont conscience de la nécessité des relations positives avec les parents et ont évoqué une envie de collaborer avec ces derniers.

Par ailleurs, la crèche peut « jouer un rôle de balancier » (Bouve, 1999). En effet, ce lieu peut essayer de modifier certaines attitudes qui peuvent paraitre rigides ou sensibiliser d’autres parents à certaines règles éducatives (comme les limites). Au sein d’une crèche, il est possible de retrouver une complémentarité avec la maison. En effet, les professionnels ont besoin des parents pour introduire les aliments en crèche et connaitre les particularités de l’enfant (ce qu’il aime manger, ce qu’il aime faire comme activités, etc.). Or, pour certains parents se sont les professionnels qui partagent ce qu’ils mettent en place en crèche pour favoriser l’autonomie de l’enfant notamment quant il va sur le pot ou encore donnent des conseils tels que ne pas mélanger la viande avec les légumes pour que l’enfant puisse s’approprier les différents goûts (Bouve, 1999). Ainsi les parents adoptent des attitudes différentes suite aux échanges quotidiens avec les professionnels. Certains parents ajustent leurs façons de faire à celles du personnel.

Dans une recherche réalisée par Leanza en 2005, il est également possible d’observer des divergences dans les pratiques éducatives entre parents et professionnels. Dans une policlinique dont 61% des patients sont des migrants, il interroge huit médecins assistants en spécialisation pédiatrie. Dans sa recherche selon les propos des médecins, il ressort des différences à propos de l’alimentation, du sommeil ou de l’hygiène et pour certains ces différences sont liées à la culture des familles migrantes. Ainsi, des médecins font le lien entre l’alimentation et les habitudes culturelles

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20 des familles.

Withmarsh (2011) dans sa recherche interroge des mères demandeuses d’asile pour connaitre leur point de vue sur les relations parents- professionnels dans le pays d’accueil. Les mères disent se sentir inférieures aux professionnels de l’enfance par leur différence culturelle. Il est alors difficile pour ces parents d’accompagner leur enfant dans une nouvelle culture. Elles partagent leur étonnement lorsqu’elles apprennent que le contexte préscolaire occidental encourage les jeunes enfants à l’autonomie et à la prise de décision indépendante (Withmarsh, 2011). Elles mentionnent notamment la crainte de perte de contrôle de leurs enfants due à cette nouvelle culture. Ainsi selon Shim (2013), un déséquilibre dans les pouvoirs peut avoir un impact négatif sur les interactions parents- professionnels.

Cette méconnaissance des cultures par les uns et les autres qui s’ajoutent à une difficulté de communication provoque des incompréhensions. Silva (2014) mentionne notamment le parcours difficile des parents issus de la migration comme des « déchirements psychologiques et culturels » qui ne permet pas aux parents de « réfléchir de façon profondément sur leur propre modèle éducatif » (Silva, 2014, p.36). Par ailleurs, des différences dans les pratiques et les représentations éducatives sont également observées dans les écoles enfantines entre enseignants et parents.

2.4.4 Conceptions de l’éducation à l’école enfantine

D’autres études ont été réalisées dans les écoles enfantines. L’étude de Conus et Ogay (2014), menée en Suisse dans le canton de Fribourg, montrent notamment que les parents et les enseignants n’ont pas les mêmes conceptions des rôles éducatifs familiaux ainsi que l’école. Ils observent que les parents tendent plus vers un modèle à forte différenciation ce qui signifie une inégalité dans les rôles éducatifs entre la mère et le père ainsi que dans l’éducation de l’enfant selon son sexe. À l’inverse, les enseignants adopteraient un modèle à faible différenciation. Les parents quant à eux mentionnent que leurs pratiques éducatives peuvent être différentes de celles des enseignants mais que cela ne signifie aucunement qu’ils ne se soucient pas de l’éducation de leurs enfants. Par ailleurs, Roger (cités par Tétréault et al., 2014) postule l’existence d’une certaine divergence dans la façon de penser et d’agir. A ce propos, dans certaines cultures, il est jugé comme irrespectueux de s’opposer aux recommandations des intervenants. Ainsi, les parents préfèrent rester dans le silence pour éviter toute confrontation. (Westby, 2009 ; cités par Tétréault et al., 2014). Par conséquent, Mahmood (2013) évoque que des problèmes d’inégalités peuvent subvenir lorsqu’il n’y a pas d’échange entre les parents- professionnels.

2.4.5 Respecter la diversité

Ceci afin de créer, chez les enfants dès leur jeune âge, la conscience que, malgré la diversité, les êtres humains ont une appartenance commune et que la diversité, qu’elle soit ethnique, religieuse, linguistiques ou d’un tout autre genre, ne doit pas être un élément de division ou de hiérarchisation mais qu’au contraire elle doit être un élément important qu’il faut mettre en valeur. (Catarsi & Silva, 2010)

Aujourd’hui, la majorité des enfants sont exposés à deux langues dès leur jeune âge, on parle alors de bilinguisme. Ainsi, les enfants migrants deviennent bilingues en apprenant une nouvelle langue qui, lors d’un asile, sera celle du pays d’accueil. Il est recommandé que les parents transmettent la langue maternelle à l’enfant car cela a un impact positif sur le développement affectif et identitaire

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21 (Couëtoux-Jungman et al., 2010). Comme le souligne Moro (2010), lors d’une intervention précoce en situation migratoire, il est important de respecter la première langue de l’enfant. Le respect de la diversité culturelle permettrait d’apporter à l’enfant une sécurité dans ce pays d’accueil. À l’inverse, ne pas reconnaître la langue maternelle de celui-ci pourrait apporter des doutes sur son identité (Moro, 2010).

Ainsi, dans cette diversité culturelle, il est intéressant de mettre en place des modalités pédagogiques afin de travailler les deux langues : la langue maternelle et la langue du lieu d’accueil (Mony, 2008). Pour cela, l’auteur propose de travailler avec des parents, des professionnels bilingues ou encore des interprètes pour par exemple, écrire différents supports dans diverses langues et de les afficher à l’espace pour que les parents puissent accéder aux informations.

Cadart (2006) s’intéresse aux lieux d’accueil où la diversité est une richesse et dans lesquels le projet commun entre les professionnels et les parents est de « participer ensemble à l’éducation des enfants », on parle alors de coéducation. Une partie sera consacrée à cette thématique, un peu plus bas. Dans son article réalisé à Paris, Cadart postule que dire qu’un lieu d’accueil est ouvert à tous c’est donner la chance à chaque enfant et à chaque famille de profiter de l’espace tout en respectant leurs particularités (par exemple les personnes en situation de handicap), leur personnalité et leur culture. Dans les années 2000, des crèches parentales ont été créées afin que les familles issues de la migration puissent profiter de ces espaces et de favoriser la participation des parents dans la vie quotidienne de la crèche. La motivation de respecter les valeurs de ce fondement de la part des professionnels est très importante afin que ce projet fonctionne. Ainsi, Cadart a pu récolter des témoignages dans ces lieux où règne une mixité sociale et culturelle. Ils ressortent de ces témoignages des points très positifs tels que concevoir la différence comme une richesse, la chance de pouvoir échanger sur les pratiques éducatives et les modes de vie avec d’autres personnes (parents et professionnels), favoriser une ouverture d’esprit et éviter toutes les amalgames. Ces espaces permettent également l’implication des parents issus de la migration et de réaliser des actions qui apportent satisfaction.

En outre, ces espaces sont aussi des lieux de rencontres et d’échanges avec d’autres parents de la même culture ou non, et permettant la rupture de l’isolement de certaines familles. L’auteur souligne tout de même que ce travail demande de se remettre en question et que cela s’apprend et se construit à partir des rencontres sur le terrain. Ces lieux permettent également une prévention précoce sur les différents troubles qui peuvent exister dans une relation parent-enfant.

Mony (2008) s’intéresse à cette problématique sur les relations parents et professionnel et notamment à l’accueil de la diversité (culturelle, handicap, etc.) dans les institutions de la petite enfance. La diversité dans les institutions de la petite enfance a soulevé de multiples questions aux équipes éducatives. La diversité culturelle permet aux professionnels d’ajuster leurs pratiques éducatives et de prendre en considération « les références culturelles pour la construction identitaire » (p.142) de l’enfant. Selon l’auteur, la différence peut être vue comme une ressource à développer et non pas comme un « déficit à corriger ». Les échanges dans une équipe permettent de réfléchir sur les pratiques, de questionner et de se questionner, de croiser les regards, de découvrir d’autres façons de travailler et de ce fait, de considérer la diversité d’une équipe comme une richesse, tout en prenant conscience des difficultés qui peuvent exister. Prendre en compte les différences et essayer de travailler avec, par exemple, l’auteur mentionne la question du multilinguisme et l’importance de la langue maternelle.

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22 2.4.6 Méthode de Cohen-Emerique

Cadart (2006) évoque que la rencontre entre un professionnel et un parent peut créer une confrontation qui serait due aux modes de vie différents (l’alimentation, le sommeil, etc.). Ainsi cette confrontation ou encore ce « choc culturel » peut faire obstacle à la communication entre les deux acteurs. Pour amoindrir cela, Cohen-Emerique (1997, citée par Cadart 2006) suggère une méthode dans laquelle elle présente trois points : - se décentrer, cela permet de réfléchir tout en prenant du recul aux situations et « d’accéder à une certaine neutralité culturelle » ; -pénétrer dans le système de l’autre, se mettre à la place de l’autre, tout en essayant de comprendre ce que cela signifie pour lui ; -négocier, c’est-à-dire essayer de trouver un point commun tout en respectant les valeurs de chacun. Ici la négociation se fait par les deux acteurs et ce n’est pas seulement au parent ou au professionnel de faire le rapprochement. Ainsi le chercheur donne l’exemple d’une maman qui n’a pas l’habitude que son fils dorme dans un lit à barreaux. Ici la méthode de Cohen Emerique serait appliquée de cette manière : - se décentrer, c’est au professionnel de prendre conscience que sa théorie du sommeil n’est peut-être pas connue par la mère mais qu’elle a son savoir ; -pénétrer dans le système de l’autre, c’est essayer de connaitre les habitudes de l’enfant en discutant avec la maman ; -négocier, c’est de trouver une solution pour le bien-être de l’enfant et de se mettre d’accord tout en respectant les valeurs de chacun.

Le concept de collaboration est un sujet très abordé dans le monde de la petite enfance car les chercheurs ont réussi à démontrer l’importance de la communication entre les différents acteurs (parents, familles, professionnels, voisins, etc.) naviguant autour de l’enfant pour le bien-être de celui-ci. Dans le prochain paragraphe, nous allons essayer de définir ce concept et d’observer les différents types de collaboration mis en avant par Larivée (2006).

2.5) La collaboration

Aujourd’hui, le terme de collaboration est souvent utilisé dans le monde du travail social mais sa signification n’est pas connue par tous ces utilisateurs. Dans cette première sous-partie, je souhaite mettre en avant les différentes définitions de ce mot puisque mon travail de recherche se base majoritairement sur ce concept. Dans une deuxième sous-partie, des modèles de collaboration seront discutés, en s’appuyant notamment sur le modèle de Larivée (2006). Dans une troisième partie, nous nous appuierons sur différents chercheurs qui s’intéressent aux points de vue des parents et des professionnels sur les obstacles rencontrés pour entamer un processus de collaboration.

2.5.1 Définition

Avant d’énumérer les différentes définitions mises en avant par les auteurs, il est intéressant d’observer la composition du mot « collaboration ». Étymologiquement, ce terme se compose d’un préfixe « co » qui signifie le fait d’agir ensemble, à plusieurs et de « laboro » signifiant travailler, se donner de la peine (Gangloff-Ziegler, 2009). Maintenant le mot décortiqué, nous allons voir les définitions que les auteurs ont attribuées à ce terme. Une définition complexe de la collaboration est donnée par Chrislip (2002) :

La collaboration se situe au-delà de la communication, de la coopération et de la coordination. Comme ses racines latines (com et laborare) l’indiquent, elle signifie

« Travailler ensemble ». Il s’agit d’une relation mutuellement avantageuse entre deux ou plusieurs parties pour atteindre un but commun, dans un processus qui implique le partage

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23 des responsabilités et de l’autorité. C’est donc plus que le simple partage des connaissances et de l’information (communication) et, également, plus qu’un type de relations permettant à chaque partie d’atteindre ses propres buts (coopération et coordination). L’objet de la collaboration est de créer une vision partagée et des stratégies articulées pour faire émerger des intérêts communs dépassant les limites de chaque projet particulier » (Chrislip, 2002, pp.

41-42).

Dans cette définition, l’auteur met en avant qu’il s’agit d’une « relation mutuellement avantageuse entre deux ou plusieurs parties pour atteindre un but commun, dans un processus qui implique le partage des responsabilités et de l’autorité » (p.41) c’est-à-dire d’une entente entre deux personnes ou plusieurs et des prises de décisions qui vont leur permettre de se diriger dans une même direction pour ensuite arriver à un but commun. Ainsi dans le domaine de l’éducation, particulièrement de la petite enfance, le but commun du professionnel et des parents peut être par exemple le bien-être de l’enfant ou encore à l’école, il peut être question de sa réussite scolaire. De plus dans la définition, Chrislip (2002) souligne que la collaboration dépasse le simple échange que peuvent avoir un professionnel et un parent lors d’une transmission d’information. La collaboration va beaucoup plus loin car elle demande une ouverture d’esprit pour pouvoir partager la même vision et ainsi atteindre l’objectif ensemble.

En France, un travail a été mené par un groupe de travail, se composant de représentants des services de l'État, des Départements et de la Justice, de représentants d'associations habilitées et d'associations d'usagers, d'universitaires, et Roméo (Directeur de l'Enfance et de la Famille de la Seine-Saint-Denis), suite à la demande de Madame la Ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes Handicapées pour évaluer la nécessité d’évolution des relations entre parents, enfants et professionnels. Ainsi, le passage suivant est un extrait de la lettre de mission confié au groupe de travail :

Afin de mieux accompagner les enfants et leurs parents dans ces situations difficiles, il est nécessaire de faire évoluer les pratiques professionnelles pour obtenir une collaboration des familles pour les projets concernant leurs enfants, en veillant à associer au mieux la responsabilité parentale et les exigences de la protection de l'enfance. Cela nécessite de promouvoir une démarche coéducative par le développement d'espaces de travail novateurs, respectueux des savoirs de chacun, en vue de construire un projet d'avenir pour l'enfant et pour sa famille. Une telle approche peut contribuer à modifier le regard que les parents portent sur les professionnels et sur les institutions, mais aussi celui que portent les professionnels sur les parents et sur les enfants. (Roméo, 2001, p.9)

Dans cet extrait, l’auteur souligne la nécessité de la participation parentale dans une collaboration, plus précisément dans une approche coéducative, dans laquelle les professionnels et les parents prennent des responsabilités. D’où l’importance de la formation des professionnels pour les accompagner et les soutenir au mieux dans cette démarche. Dans le cadre de l’adaptation sociale de l’enfant, il est important de rappeler que la collaboration est avant tout dans une approche systémique (Bronfenbrenner, 1979) qui prend en compte l’environnement de l’enfant tel que les parents, les frères et sœurs, la crèche, les professionnels, la famille élargie, etc.

Bouchard, professeur à l’Université au Québec, est un auteur qui s’intéresse à l’éducation familiale et particulièrement à la place des parents dans l’adaptation scolaire des enfants en difficulté. Dans son article de 1996, il postule que la collaboration, en contexte d’inclusion, « correspond à la

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