P. H. Lalive
introduction
Les marqueurs biologiques en neuroimmunologie peuvent pro
venir de différentes origines, incluant l’immunité cellulaire, humorale, les cytokines, mais également des constituants neu
ronaux ou gliaux. Les biomarqueurs actuellement validés en pratique clinique ne concernent quasi exclusivement que les autoanticorps (auto
Ac) dirigés contre des constituants endogènes physiologiques de nos propres tissus (antigènes du soi). Ils peuvent être la cause directe d’un processus pathologique (par blocage/activation fonctionnel direct d’un récepteur, par l’activation de la cascade du complément, ou via leur opsonisation, par les macrophages) ou être détectés comme un épiphénomène, voire une conséquence de celuici. La limita
tion majeure concernant l’utilisation de ces biomarqueurs dans les maladies neu
rologiques, comme dans d’autres maladies systémiques, réside dans la capacité à établir des valeurs précises de sensibilité et spécificité en fonction du syndrome neurologique prédéfini.1 Cela dépend de plusieurs facteurs, incluant le type de matériel examiné (sérum, liquide céphalorachidien (LCR), biopsie), la technique de laboratoire utilisée pour la détection des anticorps (Ac), ainsi que la taille des échantillons de patients et contrôles analysés. Plusieurs de ces marqueurs sont hautement spécifiques et/ou sensibles pour certaines maladies inflammatoires du système nerveux et peuvent aider le clinicien à établir un diagnostic définitif, à évaluer le pronostic et à avoir un impact sur le choix thérapeutique. De plus, la reconnaissance récente de nouvelles entités neuroimmunologiques telles que les encéphalites et épilepsies autoimmmunes, ainsi que la redéfinition de certains syndromes grâce à la mise en évidence de nouvelles cibles antigéniques (par exemple : encéphalite à antiVGKC vs antiLGI1), nous obligent à constamment revoir la pertinence des biomarqueurs à disposition en clinique.
systèmenerveuxcentral
Sclérose en plaques
La sclérose en plaques (SEP) est la maladie démyélinisante et inflammatoire du système nerveux central (SNC) la plus fréquemment rencontrée dans nos régions Biomarkers in neuroimmunology
Biomarkers of clinical relevance are very im
portant in the workup of patients presenting with neurological autoimmune diseases. Ner
vous biopsy remains often the «gold stan
dard procedure» but is limited in practice due to the risk of complication and insufficient yield. These biomarkers, most often autoanti
bodies, can be the direct cause of the neuro
logical syndrome or be detected as an epi
phenomenon of the pathogenic process. The detection of these biomarkers, when perfor
med in well defined clinical conditions, may help the clinician to establish a definite diag
nosis which may in turn facilitate the thera
peutic decision. The purpose of this article is to review the biomarkers that are available in daily practice to investigate immunemedia
ted neurological conditions.
Rev Med Suisse 2011 ; 7 : 860-6
La mise en évidence de biomarqueurs de relevance clinique a une importance essentielle dans la prise en charge des maladies neurologiques dysimmunes. Les biopsies n’étant que rarement effectuées en neurologie, ceci en raison du risque lié à la pro
cédure et du rendement souvent discutable, la détection d’un biomarqueur spécifique est souvent le seul témoin biologique du processus pathogénique. Lorsque ces biomarqueurs sont recherchés dans le contexte d’un syndrome neurologique bien défini, ils peuvent aider le clinicien à établir un diagnostic de certitude, ce qui va influencer le choix thérapeutique dans de nombreux cas. Cet article fait la revue des marqueurs biologi
ques de relevance clinique, validés et disponibles en pratique courante lors d’investigations d’affections neurologiques d’ori
gine dysimmune.
Biomarqueurs en neuro
immunologie
revue
Dr Patrice H. Lalive Service de neurologie
Département des neurosciences cliniques
Service de médecine de laboratoire Département de médecine génétique et de laboratoire
HUG, 1211 Genève 14 patrice.lalive@hcuge.ch
(prévalence environ 1,5/1000 habitants).1 Malgré d’intenses programmes de recherche multicentriques, il n’existe pas à ce jour de biomarqueur spécifique de cette maladie. Cela s’explique en partie par l’hétérogénéité de la maladie, cer
taines formes étant associées à une immunité cellulaire et humorale, ou exclusivement cellulaire alors que d’autres semblent plus directement liées à un processus dégénéra
tif oligodendrocytaire.2 Le meilleur test biologique actuel pour la SEP reste l’examen du LCR par isoéléctrofocalisa
tion à la recherche d’une synthèse intrathécale spécifique d’Ac (distribution oligoclonale (DO), sensibilité de L 90%
pour la SEP). La présence d’une DO dans le LCR n’est ce
pendant pas spécifique pour la SEP, et peut se retrouver dans de nombreuses autres conditions inflammatoires af
fectant le SNC (tableau 1). Différents patterns d’anticorps peuvent être mis en évidence dans le LCR, toutefois seuls les patterns II et III signent la présence d’une vraie syn
thèse intrathécale d’Ac (figure 1). Relevons que les critères diagnostiques actuels de la SEP 3 ne nécessitent pas forcé
ment la réalisation d’un examen du LCR. Néanmoins, cet examen est fortement recommandé afin d’établir un diag
nostic le plus sûr possible, d’autant que cette maladie reste considérée comme un diagnostic d’exclusion.
Neuromyélite optique
La neuromyélite optique (NMO) ou syndrome de Devic est une maladie démyélinisante sévère et récidivante du SNC touchant préférentiellement les nerfs optiques et la moelle épinière.4,5 La mise en évidence d’un Ac antiNMO 6
spécifiquement dirigé contre la barrière hématoencépha
lique et le canal à eau aquaporine4 (AQP4),7 a permis de redéfinir les critères diag nostiques de la NMO et de classer cette maladie comme une channelopathie autoimmune.1 Cet Ac a démontré son caractère pathogénique lors de trans
fert passif au rat.8,9 Grâce à un nouveau test utilisant des cellules transfectées à l’AQP4, la spécificité de la détection des antiAQP4 pour la NMO atteint L 90%. Le diagnostic de NMO peut donc actuellement être établi à un stade pré
coce de la maladie, ce qui permet une prise en charge thé
rapeutique spé cifique, comme l’utilisation de traitement ciblant les lymphocytes B et la réponse humorale.10 La dé
tection des Ac antiNMO peut également se faire lors de myélite longitudinale trans verse extensive d’origine auto
immune et prédit une évolution progressive par poussées, de moins bon pronostic.11 De plus, la présence de cet Ac lors d’une névrite optique est un facteur prédictif de con
version en NMO.12 Le spec tre de la NMO s’est récemment étendu à des syndromes autoimmuns systémiques tou
chant le SNC incluant les neuroSjogren et neuroLupus13 (figure 2).
Encéphalites auto-immunes
Si les encéphalites ont pendant longtemps été considé
rées comme étant d’origine presque exclusivement infec
tieuse ou paranéoplasique, le concept d’encéphalite d’ori
gine autoimmune primaire s’est développé depuis peu de manière significative. Les encéphalites antiVGKC/LGI1,
NMDA/récepteur(/R), AMPA/R, GABAB, et Glycine/R sont parmi les mieux décrites.14 Seules les deux premières en
tités sont présentées ici.
Maladies/syndromes Incidence approximative de la présence d’une DO
dans le LCR (%)
Sclérose en plaques L 90
Panencéphalite sclérosante subaiguë 100
Neurosyphilis 95
Neuro-VIH 50-80
Neuro-Lyme 65-80
Neuro-Lupus 30-80
Neuro-Sjogren 75-90
Neuro-Behçet 20-50
Ataxie-télangiectasie 60
Vasculite primaire SNC (PACNS) Peut être positif
Harada’s meningitis-uveitis 60
Neuro-sarcoïdose 30-70
Encéphalite infectieuse (HSV, VZV…) 10-30 (souvent non persistante)
Adrénoleucodystrophie Elevé
Syndromes paranéoplasiques 10-50
Encéphalites auto-immunes Elevé
Epilepsies auto-immunes Elevé
Tableau 1. Diagnostic différentiel de la présence d’une distribution oligoclonale (DO) d’anticorps dans le liquide céphalo-rachidien (LCR)
Figure 1. Représentation des cinq patterns classi ques d’isoéléctrofocalisation du liquide céphalo-rachidien (LCR) à la recherche d’une distribution oligoclonale (DO) d’anticorps dans le LCR
CSF : liquide céphalo-rachidien (LCR) ; S : sérum.
Type 1 : absence de distribution oligoclonale (DO) dans le LCR ; Type 2 : synthèse intrathécale d’anticorps (Ac) (DO positive) ; Type 3 : idem type 2 mais certaines bandes se retrouvent également dans le LCR (DO positive) ; Type 4 : les bandes oligoclonales sont identiques dans le sang et le LCR (diffusion passive d’Ac du sérum dans le LCR, DO négative) ; Type 5 : détection d’une paraprotéine monoclonale dans le sérum avec diffusion passive dans le LCR (DO négative).
Seuls les types 2 et 3 signent une vraie synthèse intrathécale d’Ac (DO positive) dans le LCR.
6,5 pH 9,0
Type 1 Type 2
Type 3
Type 4
Type 5 CSF
S CSF
S CSF
S CSF
S CSF
S
Récemment, Dalmau et coll. ont décrit une cohorte ré
trospective de 100 patients avec encéphalite à Ac anti- NMDA/R.15 90% de ces patients sont des jeunes femmes (âge médian 23 ans) qui se présentent typiquement avec des symptômes psychiatriques aigus, vus dans les trois quarts des cas en première intention par des psychiatres.
Les autres symptômes incluent typiquement des crises d’épilepsie, des mouvements anormaux, une dysautonomie ainsi qu’une hypoventilation centrale pouvant évoluer par des troubles sévères de la vigilance, voire un coma. L’EEG et l’analyse du LCR sont pathologiques dans L 90% des cas alors que l’IRM n’est anormale que dans 55% des cas. Si une tumeur est trouvée dans environ 60% des cas (typique
ment un tératome ovarien), les 40% restants sont attribués à une origine autoimmune primaire. Le meilleur pronostic con cerne les patients avec tumeur rapidement opérée. Les autres patients peuvent bénéficier d’une immunothérapie.
L’encéphalite à Ac anti-canaux potassiques (Voltage-gated po- tassium channel – VGKC) est une condition clinique qui fait partie du diagnostic différentiel de l’encéphalite limbique.16 L’origine est autoimmune dans 6070% des cas et paranéo
plasique dans les 2030% restants. L’IRM cérébrale au début de la maladie révèle typiquement des modifications de si
gnal dans la partie médiane des lobes temporaux et le LCR montre souvent une DO. Ces patients sont négatifs pour les Ac paranéoplasiques, ne montrent pas de signe de neuro
myotonie (diagnostic différentiel : syndro me de Morvan) et ont habituellement une bonne réponse clinique à l’immu
nothérapie. En 2010, Dalmau et coll. ont remis en doute la cible antigénique des «canaux potassi ques» de cette encé
phalite. En effet, ils démontrent sur la base d’une cohorte de 57 patients avec encéphalite à antiVGKC que ces Ac sont plutôt dirigés contre l’antigène nommé Leucine-rich, glioma- inactivated 1 (LGI1). Dalmau propose que le terme d’encé
phalite limbique à antiVGKC soit renommé encéphalite limbique à antiLGI1 et classée comme encé phalopathie autoimmune synaptique.17
Epilepsies auto-immunes
La crise d’épilepsie est très souvent le premier symp
tôme présenté par le patient avec une encéphalite d’ori
gine autoimmune. Il peut s’agir de crise d’épilepsie isolée mais également d’une véritable épilepsie pharmacorésis
tante, le plus souvent dans le contexte d’encéphalopathie limbique non paranéoplasique. Les autoAc le plus souvent retrouvés sont les antiNMDA/R, les antiGlutamine acid de- carboxylase (antiGAD) et les antiVGKC18,19 ainsi que, plus récemment, les antiGABAB.20
Syndromes paranéoplasiques neurologiques
Les syndromes paranéoplasiques neurologiques (SPN) sont la conséquence d’un processus dysimmun touchant le système nerveux, secondaire à un cancer systémique. Une suspicion de SPN se base sur : 1) le type de syndrome clini
que (classique ou atypique) ; 2) les examens paracliniques incluant l’analyse du LCR (pléiocytose, augmentation des protéines, présence d’une DO, élévation de l’index IgG) et la recherche d’anomalies à l’IRM ou à l’électroneuromyo
gramme (ENMG) ; 3) la mise en évidence d’Ac paranéopla
siques ; 4) la démonstration d’un cancer et 5) l’exclusion d’autres étiologies. Les SPN les plus fréquents se présen
tent sous des formes dites «classiques» et sont résumés dans le tableau 2. Les Ac antiHu, Ri, Yo, Tr, CV2/CRMP5,
Ma2, et amphiphysine ont une spécificité élevée pour les SPN, alors que leur capacité de détection (Ac testés en bloc) est d’environ 5060%. Cela signifie que dans près de la moitié des cas de SPN confirmés (syndrome clinique clas
sique associé à la découverte d’une tumeur), aucun Ac para
néoplasique n’est retrouvé. La pathogénicité de la plupart des Ac associés aux SPN n’a pas pu être démontrée. Dans 50% des SPN, le syndrome clinique précède la découverte de la tumeur et il est important de souligner que celleci peut être révélée jusqu’à quatre ans après le début du SPN (par l’examen clinique, CTscan et/ou PETscan répétés).
Figure 2. Spectre clinique de la neuromyélite optique
Syndromes Tumeurs Auto-anticorps
paranéoplasiques
Encéphalite limbique* • SCLC • Hu
• Testicule • Ma2
• Sein • CV2/CRMP5
• Hodgkin, thymome • Amphiphysine
Neuronopathie • SCLC • Hu
subaiguë sensitive • Sein, ovaires • CV2/CRMP5
• Sarcome, Hodgkin
Dégénérescence • Sein, ovaires • Yo, Hu
cérébelleuse • SCLC • Tr
• Hodgkin • CV2/CRMP5
Opsoclonus- • Poumons • Ri, Hu
myoclonus • Gynécologique, sein • Ma2
• Mélanome • Amphiphysine
• Histocytome
• Neuroblastome
Syndrome de Lambert- • SCLC • VGCC Eaton (LEMS)* • Thymome
Syndromes • Thymome • VGKC
d’hyperexcitabilité • SCLC, non SCLC nerveuse périphérique • Hodgkin
(PNH)* • Plasmocytome
Syndrome de la • Sein • GAD (cave : diabète) personne raide (SPS)* • Amphiphysine Tableau 2. Auto-anticorps et syndromes paranéo- plasiques
SCLC : carcinome pulmonaire à petites cellules.
* Peuvent être primairement auto-immuns (non paranéoplasiques).
Relevons également que les Ac paranéoplasiques ont plus de valeur pour indiquer la présence d’une tumeur sous
jacente que le syndrome neurologique luimême. Le trai
tement d’un SPN est essentiellement basé sur la thérapie antitumorale et les traitements immunosuppresseurs sont la plupart du temps inefficaces, exception faite du syndro
me de LambertEaton (LEMS) et des syndromes d’hyper
excitabilité nerveuse périphérique (PNH) qui peuvent être d’origine paranéoplasique et avoir une bonne réponse à l’immunothérapie. Notons également que les Ac paranéo
plasiques se dosent dans le sang et que leur détection dans le LCR reste souvent difficile à interpréter (diffusion vs vraie synthèse intrathécale). Des nouvelles recomman
dations pour le dépistage des patients avec suspicion de SPN (EFNS task force) viennent d’être publiées.21
Syndrome de la personne raide (Stiff-person syndrome – SPS)
Le syndrome de la personne raide (SPS) est typiquement associé à un enraidissement et à une rigidité musculaire progressive touchant préférentiellement la musculature axia
le, une posture anormale (accentuation de la lordose lom
baire) et des spasmes musculaires. L’étiologie peut être paranéoplasique (souvent cancer du sein) ou primairement autoimmune. Cette dernière condition peut être associée à un diabète ou à d’autres maladies autoimmunes systé
miques.22 Les Ac antiGAD sont typiquement associés au SPS non paranéoplasique. Il est cependant important de noter que les antiGAD sont également fréquemment re
trouvés dans le diabète sans SPS mais à des taux moins élevés. Quand un SPS est suspecté et que les antiGAD sont négatifs, les Ac antiamphiphysine devraient être tes
tés (également souvent associés au cancer du sein).22 Les IVIG (immunoglobulines intraveineuses) ont été démon
trées comme étant un traitement efficace du SPS dans une études clinique contrôlée.23
systèmenerveuxpériphérique
Syndrome de Guillain-Barré
Le syndrome de GuillainBarré (GBS), ou polyradiculo
névrite inflammatoire, est considéré comme le prototype d’une maladie autoimmune postinfectieuse (mimicrie mo
léculaire) dans laquelle le système immunitaire agresse la myéline et/ou les axones du système nerveux périphérique.
Les symptômes neurologiques débutent typiquement une à trois semaines après une infection virale ou bactérienne et sont caractérisés par une parésie et des troubles sensi
tifs subaigus, progressifs et ascendants associés à une aré
flexie, des douleurs ainsi que des troubles neurovégétatifs variés.24 Le Campylobacter jejuni, le cytomégalovirus, le virus EpsteinBarr, le Mycoplasma pneumoniae, l’Haemophilus influenzae et le VIH sont les agents infectieux le plus souvent retrouvés.
Cependant, deux études multicentriques ont montré que la mise en évidence d’un agent infectieux n’était détermi
née que dans l 15% des cas.25,26 Le mode de présentation du GBS peut être très variable, raison pour laquelle il con
viendrait plutôt de parler de syndromes au pluriel. Les neu
ropathies motrices ou sensitivomotrices de type axonale (AMAN/AMSAN) sont typiquement associées à des Ac de
type IgG, détectables dans le sérum, et dirigés contre les gangliosides (glycosphingolipides présents à la surface des membranes neuronales) comme le GM1 (64%), GM1b (66%), GD1a (45%) et GalNAcGD1a (33%, AMAN seulement) (ta
bleau 3). Au contraire, la polyneuropathie aiguë inflamma
toire de type démyélinisante (AIDP, 90% des GBS dans nos régions) ainsi que sa variante chronique (CIDP) ne sont en général pas accompagnées d’autoAc détectables dans le sérum. D’autres variantes de GBS incluent la neuronopathie sensitive aiguë (ASN) qui peut être associée aux antiGD1b et le syndrome de MillerFisher (MFS), dont la triade clini
que comprend ataxie, ophtalmoplégie et hypoaréflexie, et qui est typiquement associé à des antiGQ1b (90%) ou plus rarement des antiGT1a. Les antiGT1a peuvent aussi être trouvés dans les formes plus rares de GBS avec présenta
tion oropharyngée.27 Exception faite du dosage des anti
GQ1b Abs dans le syndrome de MillerFisher, la détection des antigangliosides a un intérêt clinique limité sur le plan du diagnostic des différentes formes de GBS. Globalement, l 50% des GBS sont associés à des Ac antigangliosides détectables.
Neuropathie motrice multifocale à bloc de conduction
La neuropathie motrice multifocale à bloc de conduction (NMM) est caractérisée par la présence de blocs de conduc
tion moteurs multiples et asymétriques démontrés par l’élec
trophysiologie.28,29 La NMM est associée, dans environ 50%
des cas, à des anticorps antiGM1 de type IgM.29 Une réponse clinique favorable aux IVIG est en général observée.30 Re
levons que cette neuropathie peut mimer une maladie du motoneurone inférieur (type sclérose latérale amyotrophi
que), ce qui renforce la nécessité d’établir un diagnostic de certitude d’une NMM.
Neuropathie dysautonomique auto-immune
La neuropathie dysautonomique autoimmune (AAN), également décrite comme ganglionopathie autoimmune dysautonomique ou pandysautonomie aiguë, se traduit par une dysfonction sévère du système nerveux autonome d’ori
gine autoimmune. Les patients présentent typiquement des symptômes de dysfonction du système nerveux sympathi
que (hypotension orthostatique et anhidrose), et parasym
pathique (trouble du rythme cardiaque, sécheresse buccale, mydriase) ainsi que des troubles de la motilité gastroin
Syndromes de Guillain-Barré Auto-anticorps Polyradiculoneuropathie démyélinisante aiguë Inconnu inflammatoire (AIDP)
Neuropathie aiguë axonale motrice et sensitive GM1, GM1b, GD1a (AMSAN)
Neuropathie aiguë axonale motrice (AMAN) GM1, GM1b, GD1a, GalNac-GD1a Neuronopathie aiguë sensitive (ASN) GD1b
Syndrome de Miller-Fisher (MFS) GQ1b (85%), GT1a
Variante oropharyngée GT1a
Tableau 3. Auto-anticorps selon le type de syndrome de Guillain-Barré
testinale.31 Environ 50% des patients avec une AAN sont porteurs d’autoAc dirigés contre le récepteur neuronal ni
cotinique à acétylcholine qui se situe dans les ganglions du système nerveux autonome (Ganglionic neuronal (Alpha3) AChR).32 Des améliorations cliniques suite à des plasmaphé
rèses 33 ou aux IVIG ont été décrites.
Neuropathie à anti-MAG
Chez L 70% des patients avec neuropathie à gammapa
thie monoclonale IgM, des Ac spécifiques sont retrouvés.
Les anti-Myelin-associated glycoprotein (MAG) représentent L 50%, les autres autoAc le plus souvent détectés étant des antisulfatides et des antigangliosides.34 La neuropa
thie à antiMAG est caractérisée par une atteinte démyéli
nisante distale et symétrique, de type sensitivomoteur, médiée par des Ac antiMAG. La prévalence de cette neu
ropathie chez des patients avec gammapathie monoclonale à IgM (qui ont bénéficié d’un examen neurologique) est de l’ordre de 30%. La vaste majorité de ces patients (75%) ont une gammapathie monoclonale de signification inconnue (MGUS), alors que les autres patients présentent fréquem
ment des syndromes myélodysplasiques plus sévères in
cluant lymphome, plasmocytome ou maladie de Walden
ström.35 La détection des antiMAG peut précéder dans le temps la mise en évidence par immunoélectrophorèse dans le sang d’une gammapathie monoclonale. Relevons égale
ment qu’une biopsie cutanée limitée a été récemment pro
posée afin de visualiser par immunofluorescence la dépo
sition des Ac antiMAG sur les nerfs.36,37 La neuropathie à antiMAG est fréquemment résistante aux stéroïdes, aux plasmaphérèses/IVIG ainsi qu’aux immunosuppresseurs clas
siques. Trois études dont une contre placebo 38 ont montré que le rituximab (anticorps monoclonal antiCD20 déplé
tant les lymphocytes B circulants) constitue une alternative thérapeutique de choix qui peut se discuter en première intention chez ces patients.
Syndromes d’hyperexcitabilité nerveuse périphérique
Les syndromes d’hyperexcitabilité nerveuse périphérique (PNH) incluent le syndrome crampesfasciculations (CFS), la neuromyotonie (syndrome d’Isaac)39,40 et le syndrome de Morvan.41 Les Ac spécifiques identifiés dans ces condi
tions sont dirigés contre les VGKC. 35% des PNH acquis et 85% des PNH associés à un thymome sont positifs pour cet Ac.39,42 La détection de cet autoAc permet d’aider à diffé
rencier les diverses origines des syndromes PNH (autoim
mune/paranéoplasique vs toxique/familiale/génétique). Le syndrome de Morvan associe des symptômes dysautono
miques et encéphalitiques à ceux d’une neuromyotonie.
Ce syndrome a été associé à des antiVGKC, mais sa faible prévalence rend l’évaluation de la spécificité et de la sen
sibilité de ce test difficile.
jonctionneuromusculaire
Myasthénie grave
La myasthénie grave (MG) est le prototype de la mala
die neurologique autoimmune secondaire à des autoAc
pathogéniques. L’Ac dirigé contre le récepteur à l’acétylcho
line (AChR) de la jonction neuromusculaire (postsynapti
que) est un biomarqueur sérologique spécifique de la MG acquise. Les antiAChR sont connus pour leurs propriétés pathogéniques via la fixation et l’internalisation des AChR ainsi que l’activation de la cascade du complément. Le trans
fert passif des antiAChR de l’homme à l’animal ou de la femme enceinte à son enfant (myasthénie néonatale) con
firme le caractère pathogénique de ces Ac. Ces éléments démontrent formellement le caractère autoimmun de la pathogenèse de la MG selon les critères rigoureux de Rose- Witebsky.43 Les antiAChR sont donc spécifiques de la MG et leur sensibilité atteint 85% dans les formes généralisées et 5075% dans les formes purement oculaires.44,45 Les titres des antiAChR varient beaucoup d’un patient à l’autre et ne permettent pas de prédire la sévérité de la maladie, bien que les formes purement oculaires aient tendance à avoir des titres plutôt bas. Les faux positifs sont exceptionnels.
Les Ac antityrosine kinase spécifiques du muscle (MuSK) ont été plus récemment découverts et comportent plusieurs intérêts cliniques dont celui d’être présents seulement chez les patients avec MG séronégative pour les antiAChR.46 Si seulement 5% de patients avec une MG sont positifs, jus
qu’à 45% des patients antiAChR négatifs sont antiMuSK positifs.47 En plus, les antiMuSK sont souvent associés à des présentations cliniques atypiques incluant des attein
tes bulbaires ou faciales, pouvant toucher la musculature du cou, des épaules et éventuellement des atteintes respira
toires. Ces patients sont souvent plus difficiles à stabiliser sur le plan thérapeutique. Contrairement aux antiAChR, la pathogénicité des Ac antiMuSK n’est pas démontrée. La combinaison du dosage des antiAChR et des antiMuSK peut donc être considérée comme hautement spécifique et sensible pour exclure ou confirmer une MG généralisée.
D’autres autoAc peuvent être dosés dans la MG, notam
ment ceux dirigés contre des constituants musculaires. Les antimuscles striés incluent les antiStrAb, les antimuscles striés intracellulaires (antititine) ainsi que les antiryano
dine. Les antiStrAb sont présents dans 30% des MG et sont typiquement associés à la présence d’un thymome (80%), mais sont aussi détectables chez 24% des patients avec thymome sans MG.45 Cet Ac est considéré comme un mar
queur utile de thymome chez les patients avec MG de l 40 ans. Les Ac antititine sont détectés dans 95% des MG avec thymome mais sont également présents chez 50% des pa
tients âgés avec MG sans thymome.48 Enfin les Ac antirya
nodine sont présents dans 5075% des MG avec thymome et sont souvent associés à des thymomes malins.49 Les pa
tients avec antititine ou antiryanodine ont tendance à dé
velopper une maladie plus sévère et à répondre moins bien aux traitements.50 La combinaison des Ac antimuscles striés peut être utile afin de prédire la présence d’un thy
mome, principalement chez les patients jeunes. Néanmoins, la valeur ajoutée du dosage de ces Ac pour la recherche d’un thymome, par rapport à un CTscan thoracique (effectué dans le bilan de base d’une MG) reste discutable.
Syndrome de Lambert-Eaton
Le syndrome de LambertEaton (LEMS) est une maladie autoimmune touchant la jonction neuromusculaire présy
naptique et se caractérise cliniquement par une parésie
fluctuante intéressant préférentiellement les ceintures sca
pulaires et pelviennes. L’ENMG est l’examen de choix pour établir le diagnostic en montrant un incrément (au lieu du décrément typique de la MG) à la stimulation répétitive.
85% des LEMS ont des Ac dirigés contre les canaux calci
ques de type P/Qtype voltage gated calcium channel (VGCC).51 60% des LEMS sont paranéoplasi ques (PLEMS), essentiel
lement associés au carcinome pul monaire à petites cellu
les (SCLC) qui est connu pour exprimer les VGCC à la surface des cellules tumorales.52,53 La présence d’un thymome est également fréquemment associée au LEMS. 40% des LEMS sont non paranéoplasiques (NPLEMS) et le titre d’anti
VGCC ne permet pas de différencier une PLEMS d’une NP
LEMS.
conclusion
Le dosage de biomarqueurs en neuroimmunologie fait partie intégrante de la prise en charge des maladies neu
rologiques à consonance dysimmune, et est en constante évolution. Pour une interprétation optimale des résultats, ces biomarqueurs doivent être testés dans des situations cliniques ou paracliniques suggestives, tout en gardant en mémoire que la sensibilité et la spécificité de ces tests doivent être appréciées en relation avec un syndrome cli
nique spécifique. Certains de ces biomarqueurs, essentiel
lement des autoAc, peuvent être utiles pour confirmer ou
exclure une affection neurologique particulière (exemples : PNS, MG, LEMS, neuropathie à antiMAG, DO dans la SEP), pour différencier des variantes de maladie (NMO vs SEP) et, également, pour détecter des syndromes cliniques nou
vellement décrits (encéphalite à antiVGKC/LGI1, anti
NMDA). La détection de ces biomarqueurs permet souvent d’établir un diagnostic de certitude (tableau 4), de mieux évaluer le pronostic et surtout d’adapter des stratégies thérapeutiques spécifiques comme, par exemple, l’utilisa
tion d’une immunothérapie ciblant préférentiellement la réponse inflammatoire de type cellulaire ou humorale.
Implications pratiques
De nombreux auto-anticorps sériques mesurables en routine sont hautement spécifiques de certaines maladies neurologi- ques d’origine dysimmune. Ils permettent souvent de confir- mer le diagnostic présumé et d’offrir une thérapeutique ciblée La présence d’une distribution oligoclonale (synthèse intra- thécale d’anticorps) dans le liquide céphalo-rachidien de pa- tients avec une sclérose en plaques (SEP) est un test sensible (L 90%) mais non spécifique. Il n’y a actuellement aucun test biologique ou paraclinique spécifique de la SEP, ce diagnostic reste donc un diagnostic d’exclusion
Mis à part les anti-GQ1b IgG, qui sont retrouvés dans 90%
des syndromes de Miller-Fisher (MFS), et les anti-GM1 IgM retrouvés dans environ 50% des neuropathies motrices mul- tifocales à bloc de conduction (MMN), le dosage des anti- gangliosides dans les syndromes de Guillain-Barré n’aide que rarement au diagnostic final
La détection des anti-NMO/AQP4 a permis de définir un spectre de maladies démyélinisantes du système nerveux cen- tral (SNC) qui se différencie de la SEP
Le dosage des anti-AChR associés aux anti-MuSK permet de confirmer le diagnostic de myasthénie grave de forme géné- ralisée dans L 90% des cas
La détection d’auto-anticorps associés à un syndrome para- néoplasique précède la découverte d’une tumeur dans L 50%
des cas. En conséquence, lors de suspicion d’un syndrome paranéoplasique en l’absence de tumeur détectable, la recher- che d’une origine oncologique doit être poursuivie durant plusieurs années
Le concept d’encéphalite auto-immune primaire (non virale, non paranéoplasique) s’est récemment développé grâce à la mise en évidence de nombreux auto-anticorps dirigés contre des antigènes présents dans le SNC
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Syndromes neurologiques Auto-anticorps Fréquence Myasthénie grave généralisée a-AChR p 85%
a-MuSK p 45% des formes AChR nég.
Myasthénie grave oculaire a-AChR p 50-70%
Neuropathie motrice a-GM1 (IgM) p 50%
multifocale à bloc de conduction (MMN)
Neuropathie à gammapathie a-MAG p 30%
monoclonale IgM
Syndrome de Lambert-Eaton a-VGCC p 85%
(LEMS)
Syndromes d’hyperexcitabilité a-VGKC p 35%
nerveuse périphérique (PNH) (85% si thymome) Neuropathie dysautonomique a-ganglionic neuronal p 50%
auto-immune (AAN) (Alpha3) AChR
Neuromyélite optique (NMO) a-AQP4 p 90%
Tableau 4. Résumé des principaux auto-anticorps avec implication clinique en neurologie
(Syndromes paranéoplasiques : voir tableau 2).
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