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La limitation de la responsabilité médicale

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Academic year: 2022

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Master

Reference

La limitation de la responsabilité médicale

TISTOUNET, Camille

Abstract

Cette maîtrise concerne les limitations de la responsabilité médicale du médecin. Suite au rappel de certaines notions générales nécessaires à la compréhension du reste du travail, les conditions de la responsabilité médicale sont analysées, avec notamment une réflexion sur la possibilité éventuelle d'une clause contractuelle d'exclusion de responsabilité. Le travail se poursuit avec l'exploration des limites du devoir de diligence incombant au médecin en se concentrant sur deux aspects fondamentaux à savoir le respect des règles de l'art et le devoir d'information. Le respect des règles de l'art, d'une part, est une notion très abstraite dont l'interprétation juridique cadre l'activité du médecin mais permet également de laisser une marge de manoeuvre nécessaire au bon exercice de la profession médicale. D'autre part, la délimitation du devoir d'information du praticien varie selon les circonstances, ce qui a été analysé dans un premier temps de manière générale, et dans un second temps par le biais de situations spécifiques telles que, entre autres, l'urgence, le consentement [...]

TISTOUNET, Camille. La limitation de la responsabilité médicale. Master : Univ. Genève, 2018

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:120900

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(2)

Université de Genève – Faculté de droit Travail de master

Semestre de printemps 2018

La limitation de la responsabilité médicale

Camille T ISTOUNET

Travail effectué sous la supervision du Professeur Sylvain M

ARCHAND

et de M. Gabriel J

ACCARD

dans le cadre du séminaire « Clauses

contractuelles en matière de responsabilité »

(3)

Camille Tistounet -

T

ABLE DES MATIERES

I. TABLE DES ABRÉVIATIONS ET DES BASES LÉGALES 3

II. INTRODUCTION 5

III. NOTIONS GENERALES 6

LES PARTIES 6

1) Le Médecin 6

2) Le Patient 6

LA RELATION ENTRE LE MÉDECIN ET LE PATIENT 7

1) Les Relations entre le Patient et son Médecin Privé 7

2) Les Relations dans le Cadre d’un Établissement Hospitalier Public 9 IV. LA LIMITATION DE LA RESPONSABILITE MEDICALE 10 LES CONDITIONS DE LA RESPONSABILITÉ MÉDICALE 10

1) Le Fondement Juridique de la Responsabilité Médicale 10

2) L’Acte illicite, la Violation Contractuelle et la Faute 11

3) Le Dommage et la Causalité 14

LES LIMITES LIÉES AU DEVOIR DE DILIGENCE DU MÉDECIN 14

1) Les Sources du Devoir de Diligence du Médecin 14

2) Le Respect des Règles de l’Art 16

3) Le Devoir d’Information 22

V. CONCLUSION 32

VI. BIBLIOGRAPHIE 34

OUVRAGES 34

OUVRAGES ELECTRONIQUES 35

(4)

Camille Tistounet - Table des Abréviations et des Bases Légales

I. T

ABLE DES

A

BRÉVIATIONS ET DES

B

ASES

L

ÉGALES

ASSM Académie Suisse des Sciences Médicales

CC Code civil suisse du 10 décembre 1907 (RS 210)

CO Loi fédérale du 30 mars 1911 complétant le code civil suisse (RS 220)

Code de déontologie de la FMH Code de déontologie de la FMH adopté par la Chambre médicale suisse entré en vigueur le 1er juillet 1997

Convention sur les Droits de l’Homme et la biomédecine

Convention du 1er décembre 1999 pour la protection des Droits de l’Homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine (RS 0.810.2)

CP Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (RS 311.0)

Cst Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (RS 101)

FMCH Association suisse des médecins avec activité chirurgicale et invasive

FMH Fédération des médecins suisses

Id. Idem

LAGH Loi fédérale du 8 octobre 2004 sur l’analyse génétique humaine (RS 810.12)

LEPM/GE Loi sur les établissements publics médicaux (LEPM/GE;

RS/GE K 2 05)

Loi sur la stérilisation Loi fédérale du 18 décembre 1998 sur les conditions et la procédure régissant la stérilisation de personnes (RS 211.111.1)

Loi sur la transplantation Loi fédérale du 8 octobre 2004 sur la transplantation d’organes, de tissus ou de cellules (RS 810.21)

LPD Loi fédérale du 19 juin 1992 sur la protection des données (RS 235.1)

LPMA Loi fédérale du 17 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (RS 810.11)

(5)

Camille Tistounet - Table des Abréviations et des Bases Légales

LPMéd Loi fédérale sur les professions médicales universitaires du 23 juin 2006 (RS 811.11)

LREC/GE Loi sur la responsabilité de l’État et des communes (RS/GE A 2 40)

LS/GE Loi sur la santé (RS/GE K 1 03)

P Page

RS Recueil systématique

RS/GE Recueil systématique genevois

Ss Suivants

(6)

Camille Tistounet - Introduction

II. I

NTRODUCTION

Alors que la profession médicale est pratiquée depuis la nuit des temps, la problématique de la responsabilité juridique qu’encourent les médecins est de plus en plus mise en exergue. Certes déjà reconnue dans le code d’Hammourabi de 1752 av. J-C, elle ne quitte son statut de cas exceptionnel pour prendre une place centrale dans la jurisprudence du Tribunal Fédéral suisse que vers la fin du XXème siècle.

Plusieurs raisons peuvent se dissimuler derrière ce phénomène, que ce soit la présence exponentielle des médias dans ce domaine, ou l’influence d’autres systèmes juridiques tels que le système anglo-saxon, où les procès dans ce domaine sont non seulement plus nombreux mais portent également sur des montants très élevés d’indemnités, avec une moyenne de 353'000 dollars accordés par le tribunal par procès1.

Il est incontestable que la relation entre un médecin et son patient est caractérisée par un lien de confiance fort et que la vie du dernier dépend souvent du premier. Ce lien privilégié est mis à l’épreuve dans le cadre d’allégations de responsabilité médicale, rendant l’analyse d’une potentielle responsabilité du médecin particulièrement délicate.

En effet, toute procédure médicale, aussi importante ou insignifiante soit-elle, qu’il s’agisse d’une prise de sang ou d’une opération neurochirurgicale, présente théoriquement tous les éléments constitutifs d’une infraction portant atteinte non seulement à l’intégrité corporelle du patient et à son intégrité morale, mais aussi à ses intérêts pécuniaires au sens du code pénal suisse. Cela justifie les devoirs accrus d’information et de diligence auxquels sont soumis tous les professionnels du domaine médical et qui permettent alors de limiter leur responsabilité, soulevant des questions juridiques mais aussi éthiques. Cela étant, les risques pris quotidiennement par les médecins pour sauver des vies nécessitent de leur laisser une certaine marge de manœuvre sans laquelle cette profession rencontrerait une efficacité bien moindre.

Dans le cadre de ce travail, nous analyserons la limitation de la responsabilité médicale, qu’elle soit contractuelle ou légale. A cet effet, à la suite de l’examen de la possibilité de clauses contractuelles d’exclusion de la responsabilité, nous examinerons en détail l’étendue des obligations principales incombant aux médecins et la manière dont le traitement de ces dernières et les nombreux cas particuliers y relatifs permettent de protéger la responsabilité des praticiens de la santé.

1 SOLOVYOV.

(7)

Camille Tistounet - Notions Générales

III. N

OTIONS

G

ENERALES Les Parties

Afin d’appréhender clairement la relation juridique liant les médecins aux patients, il s’agit dans un premier temps de définir les parties en question.

1) Le Médecin

Un médecin est considéré comme tel lorsqu’il a suivi la formation qui, selon l’article 3 al. 2 LPMéd, fournit les fondements nécessaires à l’exercice de la profession médicale choisie. De plus, l’article 34 al. 1 LPMéd exige de toute personne qui souhaite exercer la profession médicale à titre d’activité économique privée de requérir une autorisation du canton sur lequel elle souhaite exercer2. Cette autorisation ayant comme objectif principal de protéger les intérêts du patient, tout contrat passé par une personne qui n’en dispose pas est considéré comme nul3. De plus, selon l’article 134 al. 1 let. e LS/GE, l’exercice de la profession médicale sans autorisation est passible de sanctions pénales, à savoir d’une amende4. Il s’agit également de préciser que le médecin peut non seulement être dépendant, engageant ou non sa responsabilité, mais également indépendant5 – les spécificités quant aux différents contrats liant les médecins seront précisées infra6.

2) Le Patient

Le patient peut être personnellement partie au contrat de soins, s’il dispose de l’exercice des droits civils au sens de l’article 12 CC7. Il doit donc satisfaire aux exigences de deux conditions, à savoir, au sens de l’article 13 CC, la capacité de discernement et la majorité, qui est fixée à 18 ans révolus au sens de l’article 14 CC8.

En principe, si le patient est mineur mais capable de discernement ou s’il est majeur mais sous curatelle de portée générale, il ne peut généralement être lié contractuellement qu’avec le consentement de son représentant9. Le contraire est néanmoins possible dans les cas où il exerce ses droits strictement personnels ou dans les cas où les actes en question sont considérés comme étant de la vie quotidienne et de peu d’importance selon l’article 19c al. 1 et 2 CC10. Or, selon la jurisprudence du Tribunal Fédéral, le fait de donner son consentement à un acte médical est considéré comme un droit strictement personnel11. Cependant, il est fondamental d’ajouter que

2 TERCIER/BIERI/CARRON,N 4730.

3 Id.

4 Id.

5 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 9.

6 Cf. III. B.

7 TERCIER/BIERI/CARRON,N 4731

8 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 21.

9 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 22.

10 Id.

11 ATF 134 II 235, in RDAF 2009 I 560, consid. 4.1.

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Camille Tistounet - Notions Générales

la capacité de discernement doit être analysée dans les deux cas à la lumière des circonstances et à la clarté des informations données12. L’article 46 al. 1 LS/GE précise en outre que, pour ce qui est des patients mineurs, leur consentement libre et éclairé doit être recueilli s’ils sont capables de discernement. Néanmoins, les circonstances entourant toute intervention médicale peuvent engendrer un affaiblissement ou une appréhension auprès du patient, ce qui peut remettre en question la capacité de discernement d’un patient mineur nécessitant alors une protection spéciale et donc la nécessité de l’accord du représentant légal13.

Au contraire, la situation est plus simple si le patient est incapable de discernement, le consentement de son représentant étant alors nécessaire14. L’article 378 CC prévoit une liste en cascade des représentants possibles dans le cadre des soins médicaux15.

La Relation entre le Médecin et le Patient

1) Les Relations entre le Patient et son Médecin Privé a. Le Type de Contrat

Selon la jurisprudence du Tribunal Fédéral, la relation liant tout patient à son médecin privé est régie par le contrat de mandat au sens des articles 394ss CO16. D’une part, le médecin s’engage à prodiguer des soins au patient ; il est lié par une obligation de moyen, non de résultat, et une bonne et fidèle exécution du mandat est exigée de sa part, tout en lui accordant une indépendance totale du point de vue technique et stratégique de l’intervention17. D’autre part, le patient a comme obligation de fournir une rémunération au praticien pour ses services18. Avant la prise de position du Tribunal Fédéral à ce sujet, dans certains cas des doutes subsistaient quant à la qualification des relations, montrant une hésitation entre le contrat de mandat ou le contrat d’entreprise. Certains travaux effectués par le médecin pouvaient relever d’un contrat d’entreprise au sens des articles 363ss CO, exigeant alors une obligation de résultat19. Nous pouvons citer notamment quelques situations qui peuvent encore faire l’objet d’une telle hésitation, à savoir la pose de couronnes par des dentistes, les analyses de

12 ATF 114 Ia 350, in SJ 1989 425, consid. 7a.

13 MANAÏ, Droits du patient et biomédecine, p. 42.

14 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 26.

15 Article 378 al. 1 CC: « Sont habilités à représenter la personne incapable de discernement et à consentir ou non aux soins médicaux que le médecin envisage de lui administrer ambulatoirement ou en milieu institutionnel, dans l'ordre:1.la personne désignée dans les directives anticipées ou dans un mandat pour cause d'inaptitude; 2.

le curateur qui a pour tâche de la représenter dans le domaine médical; 3. son conjoint ou son partenaire enregistré, s'il fait ménage commun avec elle ou s'il lui fournit une assistance personnelle régulière; 4. la personne qui fait ménage commun avec elle et qui lui fournit une assistance personnelle régulière; 5. ses descendants, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière; 6. ses père et mère, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière; 7. ses frères et soeurs, s'ils lui fournissent une assistance personnelle régulière ».

16 ATF 114 Ia 350, in SJ 1989 425, consid. 6; ATF 105 II 284, in JdT 1980 I 169, consid. 1.

17 PELET,p. 314s; HIRSIG-VOUILLOZ,p. 13.

18 PELET,p. 314.

19 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 14.

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Camille Tistounet - Notions Générales

laboratoires, les prestations radiologiques, voire même la chirurgie plastique, dont l’objet pourrait rappeler la notion d’ouvrage du contrat d’entreprise20.

Cela étant, nous suivons l’avis du Tribunal Fédéral, dont la jurisprudence constante consiste en la qualification en contrat de mandat de tout contrat médical21. En effet, lorsqu’un patient se rend chez un dentiste, radiologue ou chirurgien plastique, il recherche certes un service, mais il est reconnu qu’« aucun résultat précis ne peut être exigé ou promis avec certitude »22. Ces médecins jouissent d’une indépendance relevant du contrat de mandat. De plus, les contrats les liant sont conclus sur une base intuitu personae, à savoir en se basant sur les qualités personnelles du praticien en question, représentant un autre caractère distinctif du mandat23. Le but des praticiens dans tous les exemples mentionnés ci-dessus reste l’amélioration générale de l’état de santé du patient et il faut alors reconnaître que les ouvrages effectués dans ce cadre, ouvrages qui pourraient être assimilables à un contrat d’entreprise, sont englobés dans le contrat de mandat, étant nécessaires à l’accomplissement du but de ce dernier.

b. La Formation du Contrat

Dans le cadre des relations de droit privé entre le patient et son médecin, deux situations peuvent être distinguées : celle du médecin dans son cabinet privé et celle du médecin dans un établissement hospitalier privé.

Dans le premier cas, le contrat de mandat est conclu au moment où la consultation médicale débute24. Aucune condition de forme n’étant exigée, ce type de contrat est le plus souvent conclu par actes concluants entre le médecin et le patient. Toute action en responsabilité contractuelle ou délictuelle sera alors intentée contre le médecin directement.

Dans le second cas, celui de la clinique privée, deux possibilités existent. D’une part, le contrat peut être un contrat global, ce qui signifie qu’il lie le patient à l’hôpital, chargé de lui fournir le traitement médical, les soins médicaux mais aussi infirmiers, l’assistance, le logis et la nourriture, les médicaments et l’organisation hospitalière25. Il n’existe alors aucune relation contractuelle directe entre le patient et le médecin. Par conséquent, une action en responsabilité contractuelle pourra être intentée contre la clinique et une action en responsabilité délictuelle sera ouverte contre le médecin.

D’autre part, le contrat peut être un contrat d’hospitalisation démembré avec deux contrats parallèles. Le premier, relatif au traitement médical, lie le patient au médecin ; le second, relatif

20 Id.

21 ATF 110 II 375, in JdT 1985 I 375, consid. 1b; ATF 132 III 359, in JdT 2006 I 295, consid. 3.1; ATF 129 II 353, in RDAF 2004 I 870, consid. 4.7.

22 ATF 110 II 375, in JdT 1985 I 375, consid. 1b.

23 ATF 110 II 375, in JdT 1985 I 375, consid. 1b; concernant le contrat avec un médecin-dentiste : Arrêt du Tribunal fédéral 4A_216/2016du 26 septembre 2016, consid. 3.1.

24 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 14.

25 DUCOR,p. 22.

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Camille Tistounet - Notions Générales

au séjour et aux soins, lie le patient à l’hôpital26. Pour que cette division de contrats soit possible, le médecin doit être agréé, c’est-à-dire économiquement et professionnellement indépendant, tout en utilisant l’infrastructure de l’hôpital27. Son indépendance impliquant alors sa responsabilité à l’égard des patients, il dispose en général de sa propre assurance responsabilité civile, à noter cependant que le nombre de ces médecins est limité dans les cliniques28.

Dans un tel cas de contrats séparés, il faudra dans un premier temps déterminer quel contrat a été violé et dans un second temps le patient pourra intenter une action en responsabilité contre la clinique ou contre le médecin selon le cas29.

La qualification contractuelle est généralement communiquée au patient dès le début de son séjour dans l’établissement afin d’éviter tout malentendu30. En effet, en l’absence d’un éclaircissement de la situation à ce moment-là, l’établissement médical pourrait subir une responsabilité relative aux actes du médecin alors que l’intention du praticien et de la clinique était en réalité de conclure des contrats séparés31.

2) Les Relations dans le Cadre d’un Établissement Hospitalier Public

Lorsqu’un médecin exerce sa profession dans un établissement hospitalier public, la situation est quelque peu différente de ce qui a été analysé ci-dessus. Dans ce cas, aucune relation contractuelle directe n’est en général conclue entre le patient et son médecin ni entre le patient et l’établissement. Selon la jurisprudence, la dispense de soins relève alors de l’exécution d’une tâche publique pour autant que le médecin en question pratique sa profession en sa qualité officielle32.

L’article 61 al. 1 CO permet à la législation cantonale de déroger aux dispositions du CO en ce qui concerne notamment la responsabilité encourue par les employés publics « pour le dommage ou le tort moral qu’ils causent dans l’exercice de leur charge ». Tous les cantons ont fait usage de cette compétence33. Ainsi, le canton de Genève, modèle que nous allons utiliser pour ce travail, a adopté la LEPM/GE dont l’article 21 prévoit la responsabilité des médecins chefs de service34. De plus, l’ancien article 5 al. 2 prévoyait une responsabilité des établissements pour les actes commis par leurs employés dans l’exercice de leur activité. La suite de cet article renvoyait à la LREC/GE.

26 DUCOR,p. 23.

27 DUCOR,p. 12s.

28 DUCOR,p. 16.

29 DUCOR,p. 42.

30 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 17.

31 Id.

32 ATF 139 III 252, consid. 1.3; ATF 111 II 149, in JdT 1986 I 17, consid. 3a.

33 DUPONT, p. 46.

34 ASSM/FMH, Base juridique pour le quotidien du médecin,p. 36.

(11)

Camille Tistounet - La Limitation de la Responsabilité Médicale

En date du 1er mai 2018 est entrée en vigueur une nouvelle teneur dudit article 5 LEPM/GE qui supprime l’ancien alinéa 2. Cela étant, en l’absence de publication d’un exposé des motifs du Grand Conseil à ce jour, nous sommes d’avis que cette modification n’entraîne pas d’importantes conséquences quant à la responsabilité des établissements médicaux publics et consiste en une simplification légale.

Même en l’absence d’un renvoi, les médecins pratiquant leur profession dans ces établissements exercent néanmoins une tâche publique et peuvent être considérés comme des fonctionnaires ou agents au sens de la LREC/GE. Cette dernière reste donc applicable et l’article 2 al. 1 LREC/GE nous apporte donc des prévisions relatives à la responsabilité supportée pour les actes illicites commis par des fonctionnaires. Ainsi, il est précisé que l’État de Genève et les communes du canton sont tenus de réparer le dommage résultant de tels actes commis intentionnellement, par négligence ou par imprudence et qu’aucune action directe contre le fonctionnaire, dans notre cas le médecin, n’est possible (al. 2).

Nous pouvons donc conclure que la véritable différence dans ce cas réside dans la personne du défendeur, qui se trouve être l’État, ce qui est bénéfique pour le plaignant en raison de sa solvabilité.

IV. L

A

L

IMITATION DE LA

R

ESPONSABILITE

M

EDICALE Les Conditions de la Responsabilité Médicale

1) Le Fondement Juridique de la Responsabilité Médicale

Trois fondements de responsabilité différents peuvent être distingués en ce qui concerne la responsabilité médicale. Le plus fréquemment invoqué est celui de l’article 97 CO, qui concerne les relations contractuelles relevant du contrat de mandat et plus précisément l’obligation de diligence de l’article 398 CO35. Le second est celui de la responsabilité publique, à savoir de l’article 61 CO, qui renvoie aux articles de la LEPM/GE et surtout à l’article 2 LREC/GE dans le canton de Genève et requiert l’observation de conditions identiques à celles d’une responsabilité délictuelle.

Subsidiairement, l’article 41 CO, qui établit une responsabilité délictuelle, peut être appliqué, soit à défaut de réglementation cantonale, soit cumulativement à l’action basée sur la relation contractuelle36. Il est en particulier pertinent dans les cas où des tiers qui ne sont pas parties au contrat souhaitent agir en justice37, ou dans les cas où aucun contrat n’a été conclu et s’applique alors parallèlement aux articles 419ss CO, régissant le contrat de gestion d’affaires sans mandat38.

35 TERCIER, N. 4752.

36 BÜCHLER/GÄCHTER, N 224.

37 DUPONT,p 46.

38 BÜCHLER/GÄCHTER, N 224.

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Camille Tistounet - La Limitation de la Responsabilité Médicale

Alors que la première disposition exige la survenance d’une violation contractuelle, d’un dommage, d’un lien de causalité entre les deux précédents et une faute qui est présumée, les deux fondements suivants remplacent la première condition par l’accomplissement d’un acte illicite et ne présument pas la faute39. Cela étant, en pratique, les conditions de l’acte illicite, la violation contractuelle et la faute sont analysées conjointement donc il n’est pas nécessaire de faire une distinction entre les différents fondements pour la suite de l’analyse ; mais ce travail se concentre particulièrement sur l’aspect contractuel de la responsabilité médicale, qui est le plus souvent invoqué en matière médicale40.

2) L’Acte illicite, la Violation Contractuelle et la Faute a. L’Explication Générale de la Condition

Comme établi ci-dessus, le Tribunal Fédéral considère que la violation contractuelle du contrat de mandat dans le domaine médical « correspond, au plan contractuel, à la notion d’illicéité propre à la responsabilité délictuelle »41. Ces deux conditions peuvent se résumer à la violation de deux obligations du médecin que nous allons examiner en détail dans la suite de ce travail, à savoir le devoir de respect des règles de l’art et le devoir d’information42.

Quant à la condition de la faute, il est considéré en pratique qu’elle est remplie lorsque l’acte prétendu préjudiciable viole les obligations de diligence mentionnées ci-dessus ; on dit alors que la faute est objectivée43. Une distinction relative au fardeau de la preuve à propos de cette condition existe néanmoins selon le fondement de l’action. Alors qu’en matière contractuelle la faute est présumée et qu’il incombe alors au médecin de prouver l’absence de cette condition, en matière délictuelle il appartient au plaignant de prouver la faute du médecin44.

Ainsi, même si les conditions se rejoignent, un patient qui estime être lésé sera davantage incité à invoquer l’article 97 CO que l’article 41 CO, parce qu’il n’aura généralement pas à apporter la preuve de la faute du médecin. De plus, l’article 97 CO offre une prescription de 10 ans alors que l’article 41 CO est soumis à une prescription d’un an au sens de l’article 60 CO. Finalement, en agissant sur une base contractuelle, le médecin sera en principe responsable pour ses auxiliaires au sens de l’article 101 al. 1 CO, alors que l’article 55 CO relatif à la responsabilité délictuelle offre au médecin la possibilité de fournir une preuve libératoire - cura in eligendo, cura in instruendo et cura in custodiendo45 – pour être libéré de toute faute.

39 DUPONT, p. 45s.

40 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 90; ASSM/FMH, Base juridique pour le quotidien du médecin,p. 132.

41 ATF 133 III 121, in SJ 2007 I 353, consid. 3.1.

42 DUPONT, p. 47.

43 ASSM/FMH,p. 132s.

44 ENGEL,p. 502; DUPONT,p. 46; LANDOLT/HERZOG-ZWITTER, N 738.

45 L’attention dans le choix, dans l’instruction et dans la surveillance.

(13)

Camille Tistounet - La Limitation de la Responsabilité Médicale

b. La Possibilité d’une Clause d’Exclusion de Responsabilité

En principe, la responsabilité du médecin s’étend à toute faute46. Cependant, dans des jurisprudences plus anciennes, le Tribunal Fédéral limitait sa punissabilité aux cas de faute grave en justifiant ce tempérament par la prise en compte des « imperfections de la science et de la faillibilité humaine »47. En effet, l’aspect fondamental de la profession médicale dans la vie quotidienne impose un traitement délicat de cet aspect de la responsabilité afin de ne pas aboutir à une situation dans laquelle les médecins seraient davantage concernés par l’adoption d’un comportement strictement irréprochable que par le traitement de leurs patients. L’exercice de cette profession comportant par nature des risques, nous pouvons nous poser la question de la validité d’éventuelles clauses contractuelles d’exclusion de responsabilité qui dérogeraient au principe général de responsabilité pour toute faute.

Selon l’article 100 al. 1 CO a contrario il est possible de procéder conventionnellement à une exclusion de la responsabilité sauf dans les cas de dol ou de faute grave. Cette base légale de la partie générale du CO peut nous inciter à penser qu’a priori, le contrat médical étant un contrat de mandat, une telle clause pourrait être valable. Afin de confirmer ou d’infirmer la validité de clauses d’exclusion, leur cohérence en vertu de deux dispositions légales doit être analysée, à savoir l’article 100 CO et l’article 27 CC.

D’une part, la doctrine estime qu’en vertu de l’article 100 CO, les clauses d’exclusion de responsabilité qui contreviennent à la nature du contrat en question sont nulles48. En effet, en matière médicale, nous avons vu que nous sommes dans le cadre d’un contrat de mandat qui prévoit à l’article 398 al. 1 CO une obligation générale de diligence. L’importance de cette obligation est d’autant plus fondamentale en matière médicale, l’objet du contrat étant la santé voire la vie du patient. Il serait donc contraire à l’esprit de tels contrats de prévoir parallèlement une disposition qui permettrait au médecin de ne pas répondre d’une violation, même par une faute légère, de cette obligation fondamentale49.

De plus, l’article 100 al. 2 CO interdit la limitation de l’al. 1 concernant la faute légère lorsque le créancier acceptant la clause en question se trouve au service du débiteur50. Une partie de la doctrine, à laquelle nous nous rallions, propose d’étendre cette condition aux cas de dépendance économique51. En effet, la position de faiblesse dans laquelle se trouve le patient vis-à-vis du médecin justifie l’interdiction de clauses d’exclusion, l’adoption desquelles le placerait dans une situation d’inéquité et d’injustice.

D’autre part, une autre base légale, l’article 27 CC, est pertinente dans cette analyse puisqu’elle protège la personnalité de chacun contre des engagements excessifs. Cet article concerne

46 ATF 133 III 121, in SJ 2007 I 353, consid. 3.1; TERCIER/BIERI/CARRON, N 4753.

47 ATF105II284,in JdT 1980 I 169, consid. 1.

48 CR CO I-THÉVENOZ,ad. art. 100, N18.

49 Id.

50 TERCIER/PICHONNAZ,N 1271.

51 CR CO I-THÉVENOZ,ad. art. 100, N25.

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Camille Tistounet - La Limitation de la Responsabilité Médicale

également les cas de dommages corporels et ajoute de ce fait une limite supplémentaire à une éventuelle possibilité de rédaction de clauses d’exclusions de responsabilité dans le domaine médical, dont l’objet des contrats est l’intégrité corporelle des patients52.

A la suite de l’analyse de ces trois arguments, ajoutés à l’avis du Tribunal fédéral selon lequel toute faute du médecin est répréhensible, il semble clair que l’exclusion de responsabilité pour faute légère est contraire au droit et à l’esprit de tout contrat médical.

Cependant, il convient tout de même d’analyser l’hypothèse de la négligence. En effet, certains auteurs se basent sur l’article 27 CC et affirment qu’il ne s’appliquerait alors pas, puisqu’il n’apporte une protection que pour les restrictions excessives à la liberté de l’individu, si l’on se base sur son titre53. Ils estiment également qu’une incohérence naîtrait par rapport à la possibilité pour un patient de renoncer à des soins, mais cette thèse est discutable parce que dans ce dernier cas le choix provient entièrement du patient qui exerce son droit à l’autodétermination par rapport à ses propres intérêts54. Le même raisonnement n’est donc pas applicable à une exclusion de responsabilité du médecin55. Finalement, il serait également possible de s’inspirer de l’interprétation des clauses d’exclusion de responsabilité pour négligence acceptées notamment dans le cadre du contrat de mandat en général56.

Cela étant, aucun de ces arguments ne nous semble convaincant pour les raisons qui suivent.

Nous sommes de l’avis que la relation médicale est un cas particulier de mandat en raison des intérêts dont il est question et la position de vulnérabilité dans laquelle se trouve le patient requiert une protection particulière qui réfute les arguments énoncés ci-dessus. Nous choisissons donc de suivre le Tribunal Fédéral qui s’est départi de la responsabilité pour faute grave, pour prévoir une responsabilité du médecin pour toute faute, sans offrir de régime particulier à la faute légère ou à la négligence. Nous nous appuyons également sur l’avis du législateur genevois qui prévoit, dans le cas d’établissements hospitaliers publics, une responsabilité pour négligence ou imprudence (article 2 al. 1 LREC/GE). Aucune raison ne nous pousse à distinguer la faute des médecins dans les rapports publics ou privés. En effet, les obligations de consentement et de diligence dans le cadre de ces deux rapports sont identiques, de même que les enjeux. Il serait donc arbitraire d’opérer une différence dans le traitement de la faute. De plus, comme nous le verrons dans la suite de ce travail, de nombreux moyens légaux permettent aux médecins de limiter leur responsabilité dans le cadre des obligations qui leur incombent, lorsqu’une telle limitation est justifiée par les circonstances. Dès lors, nous sommes d’avis que les clauses d’exclusions de responsabilité en matière médicale ne sont pas valables.

52 CR CO I-THÉVENOZ,ad. art. 100, N16;CR CO I-WERRO,ad. art. 398, N47.

53 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 142.

54 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 142s.

55 Id.

56 CR CO I-WERRO,ad. art. 398, N 46.

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3) Le Dommage et la Causalité

Les conditions du dommage et de la causalité ne sont guère différentes dans le domaine de la responsabilité médicale que dans le domaine de la responsabilité contractuelle ou délictuelle générale.

Le dommage au sens strict est défini comme une diminution involontaire du patrimoine d’une personne ; ce dommage de nature économique inclut les frais de traitement ou de soins, la perte de gain ou encore la perte due en raison de difficultés à soutenir son ménage57. Le tort moral, qui nous intéresse davantage en matière médicale, est quant à lui défini comme « les souffrances physiques ou psychiques ressenties par la victime à la suite d’une atteinte à sa personnalité »58. Pour ce qui est du critère de la causalité, deux conditions doivent être données. Premièrement, pour admettre une causalité naturelle, la violation contractuelle ou l’illicéité doivent avoir été une cause sine qua non de la survenance du dommage59. Deuxièmement, pour qu’il y ait une causalité adéquate, il faut que « selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, la cause envisagée ait été propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraissait de façon générale favorisée par l’inexécution »60. Un aspect du dommage lié à la causalité, la perte d’une chance, a néanmoins fait couler de l’encre en matière médicale. Cette théorie permet d’établir une responsabilité lorsque le lien de causalité naturelle est incertain. Est alors considéré comme dommage la probabilité pour le patient d’obtenir un profit ou de ne pas subir un préjudice61. En effet, le Tribunal Fédéral a pris position à ce sujet dans un arrêt en 2007 où un patient avait été traité de façon tardive pour une méningite après avoir été renvoyé chez lui avant que la maladie ait été diagnostiquée62. Alors que le patient estimait que le retard de diagnostic a conduit à une perte de chance de guérison sans séquelles, le Tribunal Fédéral a rejeté l’application de la théorie de la perte d’une chance, car elle n’est selon lui pas compatible avec la conception de la causalité naturelle définie ci- dessus63.

Les Limites Liées au Devoir de Diligence du Médecin 1) Les Sources du Devoir de Diligence du Médecin

« Dans toute la mesure de mes forces et de mes connaissances, je conseillerai aux malades le régime de vie capable de les soulager et j’écarterai d’eux tout ce qui peut leur être contraire ou

57 TERCIER/PICHONNAZ,N 1210; HIRSIG-VOUILLOZ,p. 92.

58 TERCIER/PICHONNAZ,N 1215.

59 TERCIER/PICHONNAZ,N 1224.

60 TERCIER/PICHONNAZ,N 1225.

61 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 105.

62 ATF 133 III 462, in SJ 2008 I 111, consid. A.

63 ATF 133 III 462, in SJ 2008 I 111, consid. 4.4.3.

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nuisible »64. « J’exercerai mon art avec conscience et dignité ; je considérerai la santé de mon patient comme mon premier souci »65.

Le premier extrait date du IVème siècle av. J-C et provient du texte original du serment d’Hippocrate ; le second est tiré du serment actuel prononcé par les médecins de Genève. Ces engagements ont subsisté durant plus de 25 siècles et montrent l’importance du centre de gravité du contrat médical, à savoir la santé du patient. En effet, la première obligation du médecin est de guérir le patient, et la seconde est d’éviter toute autre atteinte à sa santé66. Contrairement au patient qui n’a qu’une obligation de paiement des honoraires, honoraires qui seront principalement versés par les assurances67, il incombe au médecin de respecter certains devoirs afin d’honorer les obligations mentionnées ci-dessus, et la violation de ces devoirs peut engendrer sa responsabilité.

Une particularité du droit médical est le caractère fondamental de la pratique et des spécificités de chaque situation. Ainsi, l’analyse de l’étendue des devoirs dépend de chaque cas, nécessitant alors une interprétation objective de toutes les circonstances du cas d’espèce, en raison de l’importance du lien entre le médecin et son patient qui est basé sur une relation de confiance.

L’analyse de la situation en question se base alors non seulement sur des normes juridiques mais également, et de manière très importante, sur des principes déontologiques et éthiques qui remontent au serment d’Hippocrate.

Ainsi, l’obligation générale de diligence du médecin est la première source de ces devoirs. Elle dérive principalement des dispositions sur le contrat de mandat et notamment de l’article 398 al. 2 CO qui prévoit que « le mandataire est responsable envers le mandant de la bonne et fidèle exécution du mandat ». De plus, l’article 40 LPMéd énonçant les devoirs professionnels des médecins prévoit que le premier de ces devoirs est le fait d’« exercer leur activité avec soin et conscience professionnelle et respecter les limites des compétences qu’[ils] ont acquises dans le cadre de leur formation universitaire, de leur formation postgrade et de leur formation continue » (let. a).

Cela étant, la soft law, et notamment le code de déontologie établi par la Fédération des médecins suisses (FMH), organisation professionnelle nationale dont la plupart des médecins suisses font partie, nous apportent davantage d’informations relatives aux devoirs des professionnels de la santé68. L’Académie Suisse des Sciences Médicales (ASSM) quant à elle possède une Commission centrale d’éthique qui édicte des directives visant à aider les médecins dans des situations relativement précises. Ainsi, leur ouvrage le plus récent offre des informations quant à la prise en charge et le traitement des patients atteints de démence,

64 UNIGE.

65 Id.

66 LANDOLT/HERZOG-ZWITTER,N 458.

67 TERCIER/BIERI/CARRON,N4757.

68 ASSM/FMH, Base juridique pour le quotidien du médecin, p. 12s.

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notamment relatives au processus de prises de décision de ces derniers afin de se conformer aux obligations d’information et de consentement69.

Dans le domaine médical, l’obligation de diligence se traduit notamment par deux obligations que nous allons examiner en détail : le devoir de respect des règles de l’art et le devoir d’information. En effet, comme nous l’avons vu, la limitation de la responsabilité médicale par une exclusion contractuelle de la faute du médecin n’est pas possible. Cela étant, il s’avère que la réelle limitation de la responsabilité médicale se trouve dans l’analyse de l’étendue de ses obligations, présentes à la fois dans tout rapport entre médecin et patient, ainsi que des nombreux cas particuliers qui permettent de porter des limites aux conditions de la responsabilité médicale exposée ci-dessus.

2) Le Respect des Règles de l’Art a. Les Règles de l’Art

L’obligation de diligence est notamment considérée comme remplie lorsque le médecin respecte les règles de l’art médical, ce qui mène souvent à une confusion dans l’analyse de ces deux obligations70. Il s’agit donc de qualifier ces règles et leur étendue, vu leur rôle fondamental dans l’analyse de la responsabilité des médecins.

Le médecin est lié par une obligation de moyens dans le cadre de sa relation avec le patient, et non par une obligation de résultat71. Cela implique qu’il doit tout mettre en œuvre pour arriver au résultat escompté par le patient mais qu’il n’en est pas garant72. Le médecin n’est donc pas responsable si le patient ne guérit pas malgré ses efforts. Ainsi, dans la poursuite de cet objectif, le médecin doit respecter les règles de l'art, à savoir des principes de la science médicale, reconnus et admis de manière générale, communément suivis et appliqués par les praticiens au moment de l’événement litigieux73.

Ces principes ne sont pas définis de manière précise mais dépendent des particularités de chaque cas. Selon la jurisprudence, l’élément décisif de l’analyse se trouve dans le résultat d’expériences et dans le succès d’une thérapie déterminée74. L’abstraction de cette définition pousse ainsi à l’adoption d’une interprétation négative de cette obligation. Ainsi, les règles de l’art ne sont considérées comme violées que si l’intervention médicale ou le traitement doivent être considérés comme indéfendables au vu de l’état de la science ou sortent du cadre médical considéré de manière objective75.

69 ASSM, Personnes atteintes de démence

70 LANDOLT/HERZOG-ZWITTER,N 458.

71 BÜCHLER/GÄCHTER,N 339.

72 DUPONT,p. 57.

73 TERCIER/BIERI/CARRON,N 4748; ATF 133 III 121, in JdT 2008 I 203, consid. 3.1.

74 ATF120V472,consid. 4a; ATF 119 V 26, consid. 3a.

75 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 37; Arrêt du Tribunal fédéral 4A.448/2010 du 9 juillet 2010, consid. 6.1.

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b. Les Limites Dues à l’Application des Règles de l’Art

Un certain nombre de précisions a été apporté par le Tribunal Fédéral afin d’appréhender l’étendue de cette obligation, de préciser les cas d’application et indirectement de limiter la responsabilité des médecins à ce sujet.

Les critères habituellement utilisés pour appréhender l’obligation de diligence médicale permettent d’appréhender la situation en question et les règles de l’art médical qui doivent être respectées. Ces éléments d’analyse sont la nature de l’intervention médicale ou du traitement ainsi que les risques qui y sont liés, la marge d’appréciation du médecin, le temps et les moyens à disposition de ce dernier, ainsi que sa formation et ses capacités76.

Cette dernière caractéristique, relative à la personne même du médecin, peut notamment être très importante dans certains cas. Ainsi, si un médecin se trouve dans l’incapacité de présenter un diagnostic à son patient ou d’exécuter les actes nécessaires à son traitement, il se trouve dans l’obligation de faire appel à un spécialiste77. Le cas échéant, s’il surestime ses capacités et ne respecte pas cette obligation, il sera considéré comme responsable d’avoir accepté un mandat pour lequel il n’était pas qualifié78. Cela implique entre autres que les praticiens ne cessent de se former aux progrès effectués continuellement par la science médicale afin de respecter la qualité de traitement requise79. Ainsi, l’article 3 al. 3 du Code de déontologie édicté par la FMH précise que « le médecin utilise les possibilités qui lui sont offertes pour assurer la qualité de son travail. Il s’astreint à se perfectionner en permanence selon le Règlement pour la formation continue ».

La doctrine nous permet également d’identifier d’autres cas dans lesquels les règles de l’art médical ont effectivement été violées. Un premier exemple concerne les patients qui refusent d’être traités. En effet, les médecins ont en principe la liberté de ne pas être liés par toutes les demandes des patients, en particulier si ces dernières constitueraient des violations des règles de l’art médical. Cependant, la situation est différente si l’instruction donnée par le patient concerne un refus de traitement ; ils sont alors obligatoirement liés par cette demande80. Les conséquences de l’omission de traitement subséquente sur l’état de santé du patient n’ont alors pas d’importance ou de conséquence juridique sur la responsabilité du médecin81. En effet, le droit du patient à l’auto-détermination l’emporte dans ce cas sur les devoirs de soins du médecin et les règles de l’art seraient alors violées si ce dernier ne respectait pas les instructions de non- traitement ordonnées par le patient.

Un autre exemple de violation des règles de l’art est le cas du praticien qui ne tient pas, ou pas assez, compte des éventuelles conséquences que son comportement pourrait avoir sur l’état de

76 DUPONT,p. 57.

77 BÜCHLER/GÄCHTER, N 339; HIRSIG-VOUILLOZ, p. 39.

78 BÜCHLER/GÄCHTER,N 339.

79 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 39.

80 BÜCHLER/GÄCHTER, N 340.

81 Id.

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santé de son patient82. Les règles de l’art sont également enfreintes si le médecin ne peut traiter le patient correctement en raison d’un équipement médical défectueux ou d’une incapacité physique, qui peut certes être lié une maladie mais aussi simplement à un état la fatigue83. Le code de déontologie de la FMH interdit, à son article 4, particulièrement l’exploitation de la position d’autorité dans laquelle se trouve le médecin et toute discrimination. Finalement, la situation est également favorable à une violation de l’obligation de diligence et de respect des règles de l’art si le médecin a simplement omis de prendre les précautions généralement connues et admises qui auraient empêché la survenance du risque84.

Cependant, il sied de préciser que les risques inhérents à la pratique médicale d’une part, et à l’intervention en question d’autre part, ne peuvent être considérés comme des sources de responsabilité des praticiens85. Les risques liés à cette profession, qui ne peuvent être simplement écartés par un comportement diligent du médecin, nécessitent d’accorder une marge de manœuvre importante à ce dernier qui doit avoir la liberté de faire les choix nécessaires au cas d’espèce. Ainsi, il n’engage en principe pas sa responsabilité s’il s’avère, en rétrospective, qu’il n’a pas trouvé la solution idéale à la situation de son patient86.

Ces précisions nous permettent de définir les atteintes inacceptables aux règles de l’art médical et les cas où aucun reproche ne peut être opposé aux praticiens. Cela étant, il est incontestable que de nombreuses situations peuvent se trouver entre ces deux pôles et sont donc soumises à une large marge de manœuvre des praticiens.

En effet, le Code de déontologie en particulier se base principalement sur la « conscience » du médecin pour analyser l’ampleur de ses devoirs : « le médecin exerce sa profession avec diligence et au plus près de sa conscience », « le médecin se refuse à tout acte médical ou toute prise de position incompatible avec sa conscience » (article 3 al. 1 et 4). L’interprétation de cette formulation peut alors limiter la responsabilité du médecin en laissant une marge d’appréciation au juge et en se basant uniquement sur l’appréciation des faits objectifs du cas.

c. La Preuve

Au vu de la marge d’appréciation existant dans l’analyse du respect des règles de l’art, la question de la preuve et de sa démonstration est essentielle.

Le fardeau de la preuve incombe au lésé ; il doit donc prouver que le médecin a violé les règles de l’art médical et qu’il a ainsi commis une violation contractuelle ou un acte illicite entraînant un dommage87. A première vue, cela semble poser une limite conséquente aux allégations de non-respect des règles de l’art. Cela étant, en général, le lésé délègue ce devoir à un expert qui

82 HIRSIG-VOUILLOZ, p. 39.

83 Id.

84 DUPONT,p. 58; ATF 70 II 207, consid. 2a.

85 Arrêt du Tribunal fédéral 4A.448/2010 du 9 juillet 2010, consid. 6.1.

86 HIRSIG-VOUILLOZ,p. 40.

87 DUPONT,p. 58.

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est plus apte à déterminer l’état des règles de l’art médical au moment de l’acte litigieux, ainsi que leur éventuelle violation88.

Les experts ne se prononcent pas sur des questions de droit mais ont comme unique fonction d’éclaircir des questions médicales techniques qui sont de leur ressort89. Selon le Règlement du Bureau d’expertises extrajudiciaires de la FMH, bureau ouvert à tout patient qui pense être victime d’une atteinte, les experts doivent établir si le praticien en question est responsable ou non d’une faute de traitement ou de diagnostic90. Dans l’hypothèse d’une réponse affirmative, ils doivent comparer l’état de santé du patient avec celui qui aurait été le sien si le traitement ou le diagnostic avaient été corrects91.

Le Tribunal Fédéral est strict quant à la démonstration de cette preuve et exige une instruction poussée. Certes, le degré de preuve exigé dans un rapport d’expertise est celui de la vraisemblance prépondérante92, mais les experts doivent présenter les règles de l’art applicables au cas et les raisons expliquant la non-conformité du médecin à ces règles, ce qui peut s’avérer complexe à prouver93.

De plus, l’analyse de la causalité naturelle est centrale dans l’expertise94. Ainsi, si le dommage résulte d’un risque inhérent à l’intervention et qu’il est impossible pour les experts de déterminer ce qui l’a causé et donc quelles mesures auraient dû être entreprises par le praticien, la preuve ne sera pas acceptée95. Mais, s’il est prouvé que l’événement constitue une condition sine qua non du préjudice, même si ce n’est pas le seul, la causalité naturelle sera considérée comme étant prouvée96.

En conclusion, la responsabilité médicale peut être limitée de deux manières différentes par les règles de l’art. D’une part, l’étendue abstraite de la notion même des règles de l’art offre aux praticiens la possibilité d’exercer leur profession librement, tant qu’ils ne commettent pas d’abus trop importants au regard de la pratique de la science médicale. D’autre part, les exigences quant à la démonstration des preuves par les experts étant très strictes, un médecin ne pourra être considéré comme responsable que s’il a réellement commis un acte en violation des règles de l’art, lequel a directement entraîné le préjudice subi par le patient. Les interventions et actes objectivement contraires aux règles de l’art médical doivent certes être punis, ce qui consolide la confiance que chacun a envers cette profession. Mais il reste une certaine marge de manœuvre, fondamentale à l’exercice correct de la profession médicale, qui permet de prendre en compte l’importance de risques inhérents à cette profession.

88 Id.

89 MEINE,p. 2.

90 FMH, Bureau d’expertises extrajudiciaires.

91 Id.

92 MEINE,p. 13

93 DUPONT,p. 58.

94 MEINE, p. 7; PAYCHÈRE,p. 148.

95 DUPONT,p. 58; Arrêt du Tribunal fédéral 4P.110/2003 du 26 août 2003, consid. 4.2.

96 PAYCHÈRE,p. 149.

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d. Des Différences selon les Spécialisations ?

Nous avons vu que le principe de diligence et de respect des règles de l’art est prévu de manière générale dans la loi et les principes jurisprudentiels et qu’aucune distinction n’est faite selon les spécialisations médicales. Ni la FMH ni l’ASSM ne prévoient de règles de conduite particulières selon la profession médicale. Tous les praticiens sont liés par les devoirs développés ci-dessus, ainsi que par les obligations d’information développés infra97. Les dentistes, par exemple, n’ont pas de principes qui leur sont spécifiques et les obligations du médecin leur sont applicables mutatis mutandis98.

Cependant, il est mis en évidence que l’interprétation de l’obligation de diligence doit être conduite en fonction des circonstances du cas particulier. Cela nous incite donc à nous demander si certains domaines médicaux auraient des exigences relatives aux règles de l’art plus pointues que celles que nous avons établies ci-dessus. Nous allons donc mettre en évidence les spécialités de deux domaines médicaux qui font l’objet de beaucoup d’attention dans le cadre des actions en responsabilité.

Les Chirurgiens

Le Tribunal Fédéral considère notamment que la profession chirurgicale requiert une réserve particulière dans l’interprétation des obligations médicales, apportant ainsi une limite supplémentaire à la responsabilité médicale pour les membres de cette profession99. Comme l’estime la jurisprudence, « la chirurgie comporte nécessairement une certaine hardiesse, une certaine acceptation des risques », nécessitant une interprétation limitative de la responsabilité sans laquelle les chirurgiens risqueraient de ne plus opérer dans des cas qualifiés de « douteux »

100. Ils ont donc une liberté importante concernant la décision d’opportunité d’une intervention ainsi que de son processus, tout de même dans les limites du respect des règles de l’art, traduites alors comme la prise de toutes les précautions requises en vue de réduire les risques liés à l’intervention101.

La responsabilité que devraient encourir les chirurgiens esthétiques soulève également un certain nombre de questions en raison de son caractère ni nécessaire ni urgent. Comme nous le verrons ci-dessous102, une première caractéristique de cette spécialisation concerne l’étendue du devoir d’information qui doit être plus importante que dans le cadre d’autres interventions, étant donné l’absence de l’aspect médicalement nécessaire103. Par ailleurs, certains auteurs estiment également que dans le cadre de cette relation médicale il faudrait se départir de la jurisprudence constante établissant une obligation de moyen et reconnaître une obligation de

97 Cf. IV.B.3.

98 MANAÏ, Les droits du patient face à la biomédecine, p. 166.

99 ATF105II284,in JdT 1980 I 169, consid. 1.

100 Id.

101 Id.

102 Cf. IV.B.3.b.

103 FMCH p.2.

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résultat, ce qui pourrait amener d’importantes conséquences relatives à la responsabilité des chirurgiens esthétiques104. Le Tribunal Fédéral n’a cependant pas encore effectué de revirement de jurisprudence à ce sujet. Nous nous rangeons donc à l’avis selon lequel, tant que le Tribunal fédéral ne change pas sa jurisprudence, le traitement de ces professionnels ne devrait pas différer pas de celui des praticiens d’autres spécialisations, sous réserve du devoir d’information.

Les Psychiatres

Un deuxième domaine qui nécessite une diligence particulière de la part des spécialistes est celui concernant les maladies psychologiques. En effet, les cas impliquant notamment des patients suicidaires sont délicats et la règle générale consiste à n’imposer un contrôle du patient et une restriction de sa liberté que dans les limites de ce qui est nécessaire105. De plus, il s’agit alors de différencier l’évaluation d’un manquement à la diligence de l’évaluation de l’événement dommageable106. Comme pour les autres domaines médicaux, la diligence médicale à observer, dépend des circonstances dans lesquelles l’événement litigieux est survenu, nécessitant ainsi un avis psychiatrique107. La jurisprudence donne des clefs d’interprétation de la diligence particulière à observer pour ce type de patients.

Ainsi, dans un cas où un patient avait réussi à s’échapper d’une clinique fermée par l’ascenseur pour ensuite porter atteinte à sa vie, le Tribunal Fédéral a considéré qu’il appartenait à l’établissement d’apporter l’assurance que la fermeture de l’établissement ne pouvait être compromise108. Le Tribunal Fédéral avait ainsi établi qu’il était raisonnable d’exiger une occupation permanente de l’infirmerie et un contrôle du hall jusqu’à la fermeture de la porte d’entrée, avec un personnel soignant composé de 120 à 130 personnes109.

Par ailleurs, une erreur de diagnostic ne peut être reprochée au médecin d’une clinique psychiatrique que si le danger de suicide s’est concrétisé au cours de l’entretien110. Mais si ce danger ne peut pas être exclu parce que le patient avait un syndrome connu, notamment des psychoses aigues de nature schizophrénique alors cette circonstance seule ne peut encore engager la responsabilité du médecin111.

De plus, les exigences relatives aux mesures de construction des établissements en question doivent être évaluées au moyen de de toutes les circonstances du cas d’espèce112. En effet, le danger concret de suicide joue un rôle déterminant et différents standards peuvent donc s’appliquer à différentes cliniques113. Ainsi, la clinique est considérée comme responsable si

104 PELET,p. 316.

105 LANDOLT/HERZOG-ZWITTER, N 799.

106 Id.

107 Id.

108 ATF 112 Ib 322, in JdT 1987 En 186, consid. 4b.

109 LANDOLT/HERZOG-ZWITTER, N 799.

110 Id.

111 ATF 120 Ib 411, in JdT 1995 I 554, consid. 4.c.bb.

112 LANDOLT/HERZOG-ZWITTER, N 799.

113 Arrêt du Tribunal fédéral 4C.53/2000 du 13 juin 2000, consid. 4a.

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