A NNALES DE L ’I. H. P.
E. S CHRÖDINGER
Sur la théorie relativiste de l’électron et l’interprétation de la mécanique quantique
Annales de l’I. H. P., tome 2, n
o4 (1932), p. 269-310
<http://www.numdam.org/item?id=AIHP_1932__2_4_269_0>
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269
Sur la théorie relativiste de l’électron
et l’interprétation de la mécanique quantique
PAR
E. SCHRÖDINGER
I. - Introduction
J’ai
l’intentiond’exposer
dans ces conférences diverses idées concer- nant lamécanique quantique
etl’interprétation qu’on en
donnegéné-
ralement à l’heure
actuelle ; je parlerai principalement
de la théoriequantique
relativiste du mouvement de l’électron. Autant que nouspouvons nous en rendre
compte aujourd’hui,
il semble à peuprès
sûr que la
mécanique quantique
del’électron,
sous sa formeidéale,
que nous ne
possédons pas
encore, doit former unjour
la base de toute laphysique.
A cet intérêt tout à faitgénéral, s’ajoute,
ici àParis,
un intérêt
particulier :
vous savez tous que les bases de la théorie moderne de l’électron ont étéposées
à Paris par votre célèbre compa- triote Louis de BROGLIE.Les recherches
que je
vais exposer ne forment nullement une théorienette et
complètement
achevée(1).
Le lien commun, un peu lâched’ailleurs, qui
les rattache les unes aux autres, la source commune dont ellesdérivent,
est le mécontentement que l’onéprouve quand
on considère l’état
présent
de la théorie et surtout celui de l’in-terprétation physique
actuelle de lamécanique quantique. Je
voudrais(i) Les mémoires originaux, qui forment la base de ces conférences, ont été publiés dans les .SitzuYzgsberick1? der preussischen Akademie der Wissenschaften, i93o, p. q.i8; I93I, pp. 63, 144, 238. Dans les pages qui vont suivre, quelques-uns des asp;cts des problèmes envisagés sont peut- être un peu mieux précisés ; on y trouvera également des résultats nouveaux (v. Notes I-III).
essayer d’attirer votre attention sur les
grandes
difficultésqui s’y pré-
sentent et dont la
plus
sévère etpeut-être
laplus
inattendue con- cerne la réconciliation desconceptions
de la théorie de la relativité- restreinte d’unepart,
et de lamécanique quantique
d’autrepart.
Commençons
par fixer les notions fondamentales pour être assurés . que nous nous entendons bien entre nous. Enmécanique quantique figurent
deuxespèces d’êtres mathématiques :
les fonctions~ (x, t)
etles
opérateurs (linéaires
ethermitiques) ,~. û
est une fonctioncomplexe
des coordonnées d’un
système physique
et dutemps t, qui
est traité.comme un
paramètre ; 03C8
décrit l’état de cesystème
à un moment déter-miné. Un
opérateur
est une loipermettant
de former àpartir
d’unefonction
quelconque ’f
descoordonnées,
une autre fonction des mêmes .arguments (1)
’L -~ .~.
La
signification physique
desopérateurs,
est la suivante : àchaque quantité physique
que l’on supposemesurable,
ou observable dans lesystème considéré; correspond
unopérateur déterminé ;
parexemple,
à la coordonnée x
correspond l’opérateur « multiplication
par x », etc...Or,
étant donné l’état~~,
si l’onrépète
ungrand
nombre de fois la mesure ..de la «
quantité A
», on ne trouvera pastoujours
la mêmevaleur,
maisla moyenne de ces mesures sera donnée par
~== ~ ~~*a~~ dx,
où
’f*
est laconjuguée complexe de 03C8 ;
dxindique
quel’intégration porte
sur toutes lesconfigurations
dusystème.
Telle estl’interprétation généralement adoptée aujourd’hui.
Elle contientdéjà
l’indication quew I
fournit non seulement la valeur moyenne, mais encore toute la.statistique
de ~,~~, c’est-à-dire dechaque
observable. Admettonsqu’une
fonction
analytique f()
- unopérateur
- soit définie par une série - depuissances :
t~t~~)
=bo +
+ b2a~~’ + ... ,où
signifie l’opération
.brépété ~2
lois.( i) ~~~ opère (en général) uniquement sur les coordonnées et non sur le temps, c’est-à-dire définit . une loi reliant entre elles des fonctions des coordonnées et non des fonctions des coordonnées et du temps ; cependant l’opérateur a peut dépendre du temps qui figure dans son expression....
comme paramètre (voir ce qui suit).
En
particulier,
considérons une fonction comme celleindiquée
sur lafigure :
nullepartout,
saufentre al
et a2 où elleprend
la valeurII.
Il estFig. 1.
très facile
d’approcher
une telle fonction par une suite de fonctions ana-lytiques.
La valeur moyenne de la fonctionf()
définiepar
cettesuite,
estévidemment
laprobabilité
pour que soitcompris
entreal et a2. On montre aussi très facilement que les seules valeurs
possibles
- les seulesqui
aient uneprobabilité
différente de zéro - sont les valeurs propres del’opérateur
~A~.Je
ne peux pas insister sur cepoint.
L’opérateur H, qui correspond
àl’énergie
dusystème
définit enmême
temps,
la naturedynamique
dusystème,
c’est-à-dire la varia- tionspontanée de §
avec letemps
parl’équation
(i) h 203C0i.~03C8 ~t = - 03C8.
(Ij
Il est facile de résoudre cette
équation
d’une manière tout à faitgénérale.
La solution est§(x, t)
= _~~§(x, o) ,
x - h ...~~x~ t) ! ~ ~2~"
~e x est définie par une série de
puissances
bien connue. La vérification de cette solution est trèsaisée ;
naturellement elle est encore assezimplicite.
Il y a deux méthodes pour arriver à des énoncés
plus explicites
dansle
problème posé
par une «équation
d’ondes » telle que(1). L’une,
bien connue, est la recherche des valeurs propres et des fonctions propres de
l’équation
03C8 = E03C8,
ou, en d’autres termes, le
développement
de la solution en série de FOURIER relative autemps.
C’est la méthode de lamécanique
ondu-latoire..
L’autre méthode est celle du calcul
opérationnel.
On cherche à éviter l’étude de la variationtemporelle
de’f,
et l’on se demande :n’y
a-t-ilpas à
chaque
instant unopérateur (t), qui
doitdépendre
duparamètre t,
tel que cetopérateur
donne avec la fonctionc~ (x, o)
la même valeurmoyenne et la même
statistique
que A donne avec~J~ (x, t) ?
Laréponse
est
affirmative.
Et la variationtemporelle
de cet(t)
est, pour unopé-
rateur
quelconque,
donnée pai la même formulesimple :
(2) vd(t) dt
=(t)
-(t),
dont la solution
générale
est(t)
= e x " .L’avantage
de cette méthode est que tout cequ’on
en déduira seravalable pour un état initial
quelconque ~~(x, o).
On n’est pasobligé
de le fixer à l’avance. En
général
onsupprime l’argument
t dans l’énoncéde la relation
(2).
Signalons
un casparticulier
degrande importance,
à savoir le cas,où ui, commute avec . La
statistique
d’une tellequantité physique
est alors
indépendante
dutemps.
Onpeut
direqu’alors
est une«
intégrale première »
dusystème
considéré.I I . - L’électron de Dirac.
Nous
appliquerons
ces faits bien connus à l’électron de DIRAC dans le cas de l’absence dechamp. L’opérateur
hamiltonien est dansce cas le suivant :
= c(03B11p1 + 03B12p2 +
03B13p3
+03B14mc),
Les Pk
sont lesopérateurs
xa ,
, et xi, x2, x3représentent
x, y, z.Les
(k
== i, 2, 3,4,) opèrent
sur une variable différente de xi, x2, x3,qu’on peut appeler C,
etqui
n’a quequatre
valeurspossibles.
Doncles
ak
sont des matrices de 4 X 4 éléments. Mais tout cequ’il
est né-cessaire de connaître de ces matrices sont les relations de commu-
tation :
I)
Ces matrices commutent naturellement avecchaque opérateur qui
comme
xk,
etc...n’opère
passur Ç ;
et2l j akal -1- ala.k = 203B4kl.
En
appliquant
le calculopérationnel (équation (2)),
on prouve faci- lement que lesak (k
= 1, 2,3)
ouplutôt
lescak
sont lesopérateurs
qui correspondent
auxcomposantes
de la vitesse de l’électron.En effet,
par la relation bien connuepkxk
--xkpk
= x. I,(k
= I, 2,3)
on trouve
xdxk dt
= xk - xk = 03BAc03B1k.dxk dt
- c03B1k.
Un des traits les
plus
intéressants del’équation
de DIRAC consisteprécisément
dans le fait que les notions de moment et de vitesse seséparent. L’opérateur
de vitesse commute avec lescoordonnées,
ellessont donc observables
simultanément,
tandisque xk
etPk
se com-portent
comme enmécanique quantique
ordinaire.Ce
qu’il
y a deplus intéressant,
c’est que même en l’absence dechamp,
lescomposantes
de la vitesse ne sontpas
desintégrales pre-
mières. Elles ne commutent pas avec *. On trouve une valeur
simple
non pas pour leur commutateur, mais pour leur anticommutateur avec ~ : :
3Ôxk + =
2cpk. (k
= I, 2,3).
Donc
xd03B1k dt = 203B1k
-2Cfik + 2(03B1k - c-1pk)
= 2~ken
posant
~k = 03B1k - c-1
pk.
On en
tire, puisque
etPk
commutent avec lié,xd~k dt = 2t,k,
qu’on peut intégrer :
,~k = 03B1k - c-1pk = e
~0k.
Comme xk correspond
, on obtient pour xk, par une secondeintégration :
Posons :
ak +
c2-1pkt
=xb:
cx 2-1 rah
__c-1pk)
- 03BEh Ou a : xk = k + 03BEk.L’opérateur
des coordonnées sedécompose
donc en deuxparties.
La
première
est une fonction linéaire dutemps,
comme on l’auraitattendu pour
l’opérateur xk
toutentier,
et même avec le facteur de tcorrect : pk correspond , -1 à I - 03B22 mc2
, par suitecorrespond
àI c2vk
Xc2,
doncMais il y a encore une autre
partie, qui correspond
à une sorte d’os-cillation ou de « tremblement ». En calculant la valeur moyenne de xk,
on
s’aperçoit qu’en général
la valeur moyenne de la secondepartie
n’est
pas
nulle : l’oscillation du « centre degravité électrique ))
est par- faitement réelle.Pourtant,
il y a deux remarques à faire. Lapremière
est quel’ampli-
tude de la vibration est
toujours
trèspetite.
Posonsx k = ~’k + ~li On trouve aisément
03BE2k = h2c2 I603C02
-2(I - -2c2p 2k -
Mais
~’9 =
e2(p;
+~-~
+f s
+m~c2).
Donc les valeurs propres de 2 sont toutes
supérieures
àm2c4, 1 J6 ) (
> mc2. Donc celles de -2 sont inférieures àI m2c4
et l’on a :va eurs Propres e 03BE2k
h2 I603C02m2c2,
1
valeurs propres de03BEk | h 403C0mc
I0-11 cm,La seconde remarque se
rapporte
au fait que le tremblement du centre degravité
s’annule dans un casspécial,
à savoir dans le cas où lafonction ~
est ce que nousappellerons plus
tard « une fonctionpurement
positive
», c’est-à-direqui
ne contientque
des fonctions propres de *275
appartenant
à des valeurs proprespositives.
Cela deviendra bientôt- plus
clair. Pour le moment notons seulement le faitmathématique que
et Y]k anticommutent avec ,~~ :,
-~ ~ === ’ ) .
~k + - o, fait
qui
seraimportant
dans la suite.I I I. .
-
Opérateurs
pairs etimpairs
Les
opérateurs qui
commutent avec(intégrales
en l’absence dechamp)
et lesopérateurs qui anticommutent
avec(comme 03BEk, ~k)
forment des cas
spéciaux
d’une classificationimportante
que nous.allons introduire maintenant : classification en
opérateurs pairs
etimpairs.
’
Nous venons de prouver
que
les valeurs propres de sontsupérieures
en valeur absolue à
) ; >
mc2.Donc elles sont
ou ) mc2, ou £ -
1nc2. Il est facile de prouver queréciproquement
une valeurquelconque,
extérieure à l’intervalle(- mc2,
+mc2)
est une valeur propre de ~, etqu’il
luicorrespond
unefonction propre
(une
ondeplane
parexemple).
On sait que c’est là laplus
grosse difficulté de la théorie de DIRAC. En effet les valeurspropres négatives
n’ont pas designification physique ;
on voudrait bien s’en débarrasser. Au moins il devrait êtreimpossible qu’une
fonctionpropre «
positive »
se transforme au cours dutemps
en donnant naissance à des fonctions «négatives
», ou tout au moins cette varia-tion ne devrait se
produire qu’infiniment lentement,
pour rendre suffi- samtrentimprobable
l’énormechangement d’énergie
2mc2 que nousn’ avons j amais
observé.On
prévoit
que dans cet ordred’idées,
il deviendraimportant
dedistinguer
lesopérateurs qui
enopérant
sur une fonction propre «posi-
tive » n’en déduisent
qu’un
ensemble de fontions propres «positives
».La méthode la
plus simple
de faire cette distinction est dereprésenter
tous les
opérateurs
dans lesystème
de matrices où estdiagonale.
Considérons une telle
représentation (v. Fig. 2).
Laçroix
centrale estvide,
lechamp
d’éléments de matrice sedécomposent
enquatre régions.
Nous
appellerons positive
une fonction~L (x) qui, développée
en sérieselon les fonctions propres de
(toujours l’énergie
en l’absence dechamp !)
ne contient que des fonctions proprespositives.
Une fonction.négative
est définie de la même manière. Unopérateur
dont les élé-Indices des colonnes
lig. 2.
ments de matrice
appartiennent uniquement
auxrégions
I et III nechangera
pas le caractèrepositif
ounégatif
d’une fonctionpositive
ou
négative.
Nousl’appelerons opérateur « pair ».
Pour lesopérateurs
«
impairs »
les éléments de matriceappartiennent
auxrégions
II etIV ; appliqués
à une fonctionpositive
cesopérateurs
la rendentnégative
et vice versa.
Maintenant,
il est facile de voir que lesopérateurs qui
commutent avec sont
pairs,
ceuxqui
anticommutent avec f sontimpairs.
Parexemple,
si pourl’équation
= o,
nous écrivons l’élément de matrice
(û7)
dans le schéma où est dia-gonal,
nous obtenons(~p
-~- = 0Donc,
siHp ~ mc2, mc2,
ou siH~ mc2,
mc2, il s’ensuitque
doit êtrenul, l’opérateur 03BEk
est doncimpair.
Le même rai- sonnements’applique
aux -On prouve de la même
façon qu’il suffit,
pourqu’un opérateur
soitpair (ou impair)
que sondeuxième, troisième,
ou engénéral
sur n-èmecommutateur
(ou anticommutateur)
avec ~6 soit nul. Il s’en suit que:la
décomposition
des coordonnées àlaquelle
nous avons été amenéeplus
haut : ,xk = Xk
est
précisément,la décomposition
enopérateurs pair
etimpair.
Eneffet,
nous avons
prouvé que 03BEk
estimpair. xk
de son côté estpair
parcequ’il
est fonctionlinéaire
dutemps
en l’absence dechamp.
Donc sondeuxième commutateur avec ~6
s’évanouit, donc xk
estpair.
De même la.décomposition
xk =
C;J(g-lPk
+(ak
- c-1pk) _ + ~k,représente
unedécomposition
enpair
etimpair.
Nous
ajouterons quelques propositions
presque évidentes :1)
Unopérateur quelconque
estdécomposable
d’une seulefaçon
enparties paire
etimpaire.
,2)
Une fonctionquelconque
estdécomposable
d’une seulefaçon
enparties positive
etnégative.
3)
Une fonctionpositive quelconque
estorthogonale
à une fonctionnégative quelconque.
4)
La moyenne d’unopérateur pair prise
pour un étatreprésenté
par une fonction « pure »
(c’est-à-dire positive
ounégative),
est nulle.5)
Les fonctions propres d’unopérateur pair peuvent toujours
êtrechoisies « pures »
(Mais
il sepeut
que des fonctions proprespositives
et
négatives appartiennent
à une seule et même valeurpropre).
6)
Unopérateur impair
n’ajamais
de fonctions propres putes saufpeut-être
pour la valeur propre zéro.7)
Unproduit
depuissances
d’un certain nombred’opérateurs
« purs » est
pair
ouimpair
suivant que le nombred’opérateurs impairs qui
y entrent(ou
la somme de leursexposants)
estpair
ouimpair.
La
proposition 4)
démontre cequi
a été dit à la fin du dernier para-graphe
sur lecomportement
du centre degravité
dans le cas où la fonc-tion
’f
est purementpositive (ou négative).
.IV. - Cas d’un champ extérieur
Nous utiliserons les résultats que nous avons obtenus pour
répondre
à la
question,
suivantequi
est d’un intérêt fondamental : l’état initial de l’électron étant donné par unefonction positive,
cette fonctionrestera-t-elle purement
positive
au cours dutemps ?
En l’absence de
champ,
laréponse
est affirmative. La variationde 03C8
estrégie
parl’équation
depropagation
,x~03C8 ~t = - 03C8
ou .
d03C8 = - 03C8dt
L’opérateur
estpair
par définition. Donc l’accroissementde 03C8
est
positif
àchaque
instantet §
restepositif.
Envisageons
maintenant le cas d’unchamp
extérieurquelconque
donné par les
potentiels Al, A2, A3,
et V. La théorie de DIRAC tientcompte
de l’action d’unchamp
extérieur sur l’électron par les modi- . fications suivantes dansl’opérateur ,~ :
,r)
Il faut yajouter l’énergie potentielle
eV.’
2)
Il fautremplacer pk par pk
+e cAk.
Cette manière de tenir
compte
de l’existence d’unchamp
extérieurn’est
nullementsatisfaisante ;
toute laconception
de «champ extérieur »
ne l’est pas. Ce n’est que
quelque
chose deprovisoire,
un « ersatz »pour une théorie que nous ne
possédons
pas encore. Envérité,
les«
champs
extérieurs »proviennent
d’autres électrons et deprotons
etl’on devrait donc traiter le
problème
comme un «problème
deplusieurs
corps » et cela en toute
généralité,
c’est-à-dire dans le cas où les corpssont
siéloignés
les uns des autres que lasimple
loi de COULOMB ne suffitplus
à décrire leurs actions mutuelles. Nous ne savons pas encore atta- quer ceproblème ;
du moins les méthodesqui
ont étéproposées jusqu’à - présent, l’hyperquantification
ou laquantification répétée,
laquanti-
fication des
champs,
sont sicompliquées
et offrent de sigrandes
. difficultés que
je
ne peux enparler aujourd’hui.
Employons
donc la méthode de DIRACqui,
vous le savez, a conduit àde si bons
résultats,
parexemple
en cequi
concerne structure fine del’hydrogène,
etc....Soit:K l’opérateur d’énergie
dans unchamp quel-
conque, c’est-à-dire
l’opérateur
y ayant subi les deux modificationsindiquées plus
haut.(La
lettre a été choisie pourrappeler
le nom- ~de
KÉPLER) :
279
Al, A2, A3,
V étant .des fonctions données de xi, x2, x3, t.L’équation
d’onde
pour §
est alors ~(4) d’f = - x 03C8dt.
Préservera-t-elle le caractère
positif
de03C8,
siIf
estpositif
au com-mencement ? Cela
dépend
de laparité
del’opérateur
,x. Nous verronsbientôt que ,
quoique grossièrement pair,
contient unepetite partie impaire.
Avant d’aller
plus loin,
insistons bien sur le fait que dans les défini- tions de «positif »
et «négatif
», «pair »
et «impair
», c’esttoujours l’opérateur
du mouvement sanschamp
de forcesqui intervient,
et non pas x. En
effet,
cequi
nous intéresse c’est laprobabilité d’ap- parition
au cours dutemps
d’uneénergie
internenégative, énergie qui correspond classiquement
àl’expression
bien connuemeut.
I - 03B22,
et non pas la.
probabilité
d’uneénergie
totalenégative.
En effet, pouréviter toute contradiction avec
l’expérience,
il est nécessaire d’exclure les étatsd’énergie
internenégative :
voilà le but que nous avons en vue.Il faut donc étudier
l’opérateur K
et trouver sadécomposition
enparties paire
etimpaire.
Ceci est rendu facile par laproposition
sui-vante, que nous démontrerons tout à l’heure.
Ëtant
donnée une décom-position
desopérateurs
Jlo,"~’, ,q~", ...
~~~,-~
+ 1~/ == ~ + ~
"
= p"
+ i"...
la
décomposition
d’unopérateur
«s,fonction
de , ’,", ...
est donnée parCette
proposition
se démontre aisément. On commence parprendre
pour fonction
f
leproduit
~~~~~~~’ et on déduit que le théorème est valable pour unproduit
depuissances quelconque,
ensuite pour une somme deproduits
depuissances,
et enfin pour une fonctionanalytique
’quelconque.
Notre
opérateur
1ii est donné comme fonction desdes Pk
et des xk.Nous avons obtenu au
paragraphe précédent la décomposition
des 03B1k et des xk. Or, lesPk
sontpairs (ils
commutent avec donc la décom-position
de Kpeut
s’effectuer au moyen du théorèmeprécédent.
Examinons de
plus près
le cas de l’atomed’hydrogène.
Nous avonsLes
opérateurs 03BEk
sont un peucompliqués,
il estvrai, puisqu’ils
con-tiennent -1 qui
n’est pas unopérateur
différentiel. Néanmoins tout est bien défini.L’extraction
de la racine carré neprésente
pas de diffi-cultés, puisque
laquantité
sous le radical est unopérateur positif,
c’est-à-dire ayant des valeurs propres
positives,
et il est à peuprès
évi-dent
qu’il
fautprendre
la racine carrée de manière que toutes ses valeurs propres soientpositives (L’ambiguité qui
seprésente
est eneffet la même que celle
qui apparaît
dans la définition del’opéra-
teur r
lui-même).
Nous avons
posé
laquestion
suivante :L’équation (4)
conserve-t-elle le caractèrepositif
d’une fonctionpositive ? évidemment
non :J~ n’est pas
pair.
Sapartie impaire ~,
que nous avonsisolée,
va provoquerau cours du
temps l’apparition
departies négatives
dans la fonctiond’ondes.
Quoique J
soit assezpetit comparé
à ~(ainsi
que nous le verrons tout àl’heure),
laprobabilité d’appatition
d’un électron de massenégative
devientbeaucoup trop grande
pourpouvoir
êtreacceptée.
On
pourrait
s’en débarrasser ensupprimant 3
ou, en d’autres termes,en
remplaçant l’opérateur K
par *, sapaltie paire.
Cela est-ilpermis ? 1/opérateur 3
est-il suffisammentpetit comparé
à ou à pourque la
suppression
de J nechange
pas sensiblement les valeurs propres, c’est-à-dire la valeur des termes de la structure fine del’hydro- - gène ?
La
petitesse
de J résulte de lapetitesse
des~~,
dont nous avons- estimé l’ordre de
grandeur
à :{ 03BEk } = h 403C0mc
.(Nous
utilisons lesigne ) )
pourindiquer
l’ « ordre degrandeur »).
Lerapport
des ordres degrandeur
de J etde e2 2r (qui
estprécisément égal
àla valeur du terme
d’énergie)
sera environ2
{ 03BEk } { r }
Pour
on pourraprendre
le « rayon de l’atomed’hydrogène »
bienconnu :
{ r
} = h2 403C02me2.Il en résulte
~
J{
__21te2 -
~ terme ; " ~ "
"~où «
désigne,
commed’habitude,
la constante de structure fine.Vous savez que le
rapport
de la structurefine
au terme estbeaucoup plus petit,
environ (/.2. Parconséquent
il semble que J soitbeaucoup trop grand
pour que sasuppression
soitpermise.
Il semble que la sup-pression
de lapartie impaire
de Jchangerait
les valeurs propres debeaucoup plus
que laséparation
en structurefine,
et parconséquent
détruirait tout à fait l’accord avec
l’expérience.
Mais il n’en est pas ainsi en réalité. Pour le
voir,
il est un peuplus
commode de ne pas
parler
de lasuppression
de J, mais departir
del’opérateur *
et de se demanderquel changement
subiront les valeurs propres de si on luiajoute l’opérateur
J. Vous savez que la per-turbation d’une valeur propre se calcule au
premier
ordreprès
aumoyen des
intégrales («
matrices deperturbation »)
W!r*
J ~Lkdx,
.où les
~k ’
sont les fonctions propres duproblème
nonperturbé, qui appartiennent
à la valeurpropre
dont on veut calculer laperturbation.
Mais, l’opérateur :J
étantimpair,
tous ces éléments de matricedispa-
raissent,
si les f onc cions propresc~k qui appartiennent
à cette valeur propre sont ou toutespositives,
ou toutesnégatives.
Dans ce cas donc la per-- turbation des valeurs propres d’unopérateur pair
par unpetit opéra-
teur
impair
est tout auplus
d.u second ordre.Avant de rechercher
quel
est l’ordre degrandeur qui
entre enjeu.
dans notre cas, nous devons nous demander s’il est exact que les fonc- tions propres de ~
appartenant
à la même valeur propre sont, toutespositives,
ou toutesnégatives.
Soitx = x+ + x-
la
décomposition
d’une telle fonction propre avec la valeur propre P’.On a alors
(~+
+ ~-)
= P’.(~+
+~-)
et par
décomposition
enparties positive
etnégative :
= =
P’X-.
Donc /+,
X- sont elles-mêmes fonctions propres de ~. Onpeut toujours prendre
les fonctions propres de ~pures.
Mais il sepeut
qu’à
la même valeur propreappartiennent
un certain nombre de fonc- tionspositives
et aussiquelques
fonctionsnégatives.
Cette
possibilité
existe engénéral
pour unopérateur pair,
mais nonpas pour . Car il n’en est pas ainsi avec
l’opérateur
pardéfinition,
et * est suffisamment voisin de ~ pour
qu’on puisse
conclure que la.même chose se
produit
avec *. Si l’onregarde ~
comme le résultatd’une
perturbation
de cetteperturbation
est d’un ordre de gran- deur debeaucoup
inférieur à 2mc2, - valeurqui sépare
les deux caté-gories
de valeurs propres de J1t Celles-ci nepeuvent
donc pas être confondues par une telleperturbation.
283
Revenons à la recherche de l’ordre de
grandeur
de laperturbation- produite
par . Nous avons trouvé que{ } { terme }
= 03B1et que la
perturbation
est du second ordre. Est-ce que cela veut direqu’elle
est de l’ordre a2 parrapport
au terme ? Heureusement non,puisqu’il
faut la comparer àl’opérateur complet qui
est del’ordre de mc2. Vous trouverez facilement que le terme n,’est
qu’une
fraction a2 de mc2. Donc,
comparé à :K,
lepremier
ordre esta3,
le secondas, et
ce second ordrecomparé
au terme n’est que rA4. Ceci est de beau- coup inférieur à laséparation
en structurefine,
et même de beau-coup inférieur à la
largeur
naturelle desraies,
causée par l’amortis- sement durayonnement
etqui
est de l’ordre de a3.On
peut
démontrer de même que dans l’effet STARK et dans l’effet ZEEMAN laperturbation
est tout à faitinsignifiante. Je
n’insisterai pas’là-dessus : il ne se
présente
pas depoint
de vue nouveau.V. - Le
problème
de la relativitéPar un
procédé
biendéterminé,
à savoir ensupprimant
lapartie impaire
del’opérateur
de DIRAC nous avons réussi à en déduire uneéquation
d’ondesqui
conserve le caractèrepositif
de la fonction’f
etqui
néanmoins fournit pour la structure fine del’hydrogène,
l’effetSTARK et l’effet ZEEMAN des résultats en accord avec
l’expérience.
Toutefois on ne doit pas estimer ce succès
trop
haut. Enpremier
lieu on doit se
rappeler
que l’introduction de la notion de «champ
exté-rieur » dans
l’équation
de DIRAC n’est elle-même au fondqu’un
artificequi
nouspermet
d’éviter la résolution, duproblème
des n corps, pro- blème que nous ne savons pas encore traiter d’une manièrequi
tiennecompte
de la relativité et despotentiels
retardés. En secondlieu,
ilfaut remarquer que l’existence d’un
opérateur pair
avec les valeurs . propres correctes nesignifie
rien : il est même évidentqu’il
existeune infinité de semblables
opérateurs. Car,
étant donnée une sériequelconque
de nombres réels- et un
système complet
de fonctionsorthogonales quelconques
~~2,~3,’"
on
peut toujours
- au moins formellement - écrire une fonction de deux groupes de variables- ~
~~.~~h(x)~,~,,(:)~
,k
qui, regardée
comme noyauintégral,
est unopérateur
linéairehermitique
ayant
les ~k
comme valeurs propres et les 03C9k comme fonctions propres.Or, on
peut
choisir les w defaçon qu’ils
soient tous « purs » et dans ce casl’opérateur
serapair.
Cequ’il
y a de satisfaisant dans notre pro- cédé consisteuniquement
dans le fait que nous avons réussi à formerun tel
opérateur
par unprocédé
relativementsimple.
Il y a un certain nombre de
questions particulières qui
devront êtreexaminées. Par
exemple,
en introduisant desAk qui correspondent
àune onde lumineuse et en étudiant l’onde
diffusée,
il sera intéressant de voirsi,
pour le cas limite des hautesfréquences,
on retrouve laformule
classique
de RAYLEIGH. I. WALLER a démontréqu’avec l’équation
de DIRAC on la retrouve eneffet,
maisuniquement grâce
àla
possibilité
de transitions entre les étatsd’énergie positive
etnéga-
tive. Dans le cas
présent, si
l’on retrouve la même formule(ce
que,j’espère
et ce queje crois,
- maisje
ne l’ai pas encoredémontré),
lemécanisme
mathématique
doit être différent duprécédent,
car cestransitions sont strictement interdites
après
la «purification »
que nous. avons
entreprise.
Mais il y a d’autres
questions plus inquiétantes.
On aregardé
commeune des
propriétés
lesplus importantes
del’équation
de DIRAC, oumême
peut-être
laplus importante
soninvariance
parrapport
à la transformation relativiste de LORENTZ. Si on introduit pour les~2, ~3, ~ -~
~ ~3,
tla transformation bien connue de LORENTZ et si en même
temps
onfait une certaine transformation linéaire entre les
quatre composantes
. de ,§ :
. .. ~2, ~3, ~4 -~
~i, ~ ~’3, ~4,
l’équation
àlaquelle
satisfont les~~‘~
est exactement celle àlaquelle
satisfaisaient les
c~k.
285
Est-ce que cette invariance se conserve
après
lasuppression
de J’?La
réponse
estqu’elle
ne se conserve pas exactement. Naturelle- ment dans les casqui
nous intéressent le défaut d’invariance nepeut
pas êtregrand, puisque
lechangement d’opérateur
n’est pasgrand.
Mais il n’est pas
possible
de restituer àl’équation
sa forme exacte.Au
premier abord,
on est enclin à croire que ce résultatdésespérant
rend inutiles tous les résultats
précédents.
Maisje
ne crois pasqu’il
en soit ainsi. En
effet, je
suis convaincuqu’en mécanique quantique
la
question
de l’invariance relativiste estbeaucoup plus compliquée qu’on
nel’imaginait jusqu’à présent
etj’ai
l’intention dans un pro- chainparagraphe
dereprendre
leproblème
desrapports
entre la méca-nique quantique
et la relativité restreinte d’unpoint
de vue un peuplus général.
Pour le
moment,
onpeut
faire les remarques suivantes pour excuser enquelque
sorte la non-invariance de notre nouvelleéquation.
En
premier lieu,
onpourrait
se demanderquelle
forme devrait avoir notreéquation
pour être invariante. Aquelle
sorted’équation
doitsatisfaire une
fonction qui
est «positive »
pour toutes les valeurs duparamètre t
etqui
restepositive
pour une transformation de LORENTZquelconque ?
Cette
question
estsusceptible
d’uneréponse précise,
et même d’uneréponse unique,
assezfrappante. Je
vais seulementindiquer
lerésultat
(1) :
Si onimpose à ~.~
les conditions d’être «positive »
àtout instant et invariante pour une transformation de LORENTZ
quelconque,
celaimplique
inévitablementque
doit être une solu-tion de
_ - ~f~~
at
’c’est-à-dire du
problème
en l’absence dechamp.
Donc la recherched’une
équation
d’ondequi
nous débarrasse des valeurs propresnéga-
tives et
qui
soitinvariante,
est inutile.L’équation précédente
est laseule
qui jouisse
de cespropriétés
et elles’applique
évidemment seu-lement au cas d’absence de
champ.
Devra-t-on donc renoncer au
postulat
de la relativité ?Évidem-
ment non. Mais la transformation de LORENTz semble être une chose
beaucoup plus compliquée
enmécanique quantique qu’elle
ne l’était en(I) Voir Note I.