A NNALES DE L ’I. H. P.
F. C AP
Une interprétation causale de la théorie quantique est-elle possible ?
Annales de l’I. H. P., tome 15, n
o2 (1956), p. 113-122
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Une interprétation causale
de la théorie quantique est-elle possible ?
par
F. CAP (Innsbruck).
Un
phénomène
naturel estgénéralement
défini comme « causal »lorsque
àl’apparition
d’une situation initiale A( cause )
succèdetoujours
la même situation finale B
(effet). Cette loi
de la causalité(cause-effet) qui
remonte à Aristote est unpréjugé
indéracinablequi paralyse
ledéveloppement
des sciences naturelles et de laphilosophie
naturelle de la même manière que, de sontemps,
lepréjugé
del’espace
absolu.Même s’il
n’y
avait pas leprincipe
d’indétermination et si nous avions desprocédés
de mesure si idéaux que nous réussissions àproduire chaque
fois à nouveau la situation initialeA,
il ne seraitjamais possible
de prouver
qu’il
y a effectivement une telle relation de cause à effet dans lesphénomènes
de la nature. La situation finale B autemps t1
nedépend jamais
seulement de la causeA (au temps to ) :
: tous les incidentsqui
sepassent
dansl’espace compris
dans le cône lumineux t t1,x ~ ct
ont aussi
quelque
influence sur l’incident B.Par
suite,
il nous faut définir autrement le terme d’écoulement causal(ou déterministe)
dans unphénomène
naturel. Tous lesphénomènes
naturels se réduisent en fin de
compte
au mouvement decorpuscules
età la
propagation
dechamps
d’ondes. Chacun de ces deuxphénomènes
de base peut être décrit par des
équations
différentielles. De la sorte, onpeut
décrire finalement tous lesphénomènes
naturels à l’aided’équa-
tions différentielles.
Toutefois,
il nous restera encore à examiner si c’estune
description
suffisante. La solution d’uneéquation
différentielle estétablie d’une manière
univoque
à l’intérieur d’un domaineprécisé
par les conditions initiales et les conditions aux limites.Nous allons maintenant
désigner
comme sepassant
d’une manière causale toutphénomène
naturelqui
nepeut
être décritunivoquement, complètement,
et exactement que par deséquations
différentielles etpar des conditions
initiales
et aux limites(au
moins enprincipe).
Ence sens - comme on l’a
toujours
affirmé - laMécanique
ondulatoire deSchrôdinger
est strictement causale. C’est ce que Bohr aexprimé
dans sa célèbre
complémentarité :
ladescription
desphénomènes
ato-miques
est,soit,
commeHeisenberg
leprétend,
concrète, maisn’est pas
causale
(principe d’indétermination)
oubien, d’aprés
la théorie deSchrôdinger,
elle estcausale,
mais abstraite(interprétation probabi- liste).
C’est aussi lepoint
de vue défendu parSchrôdinger.
Pour
l’interprétation
desphénomènes naturels,
onpeut
aussi peu faireappel
aux théoriesqui
ne contiennent pas lespin, qui
ne sontpas
relativistes et, par
là, toujours justes
seulement d’une manièreapproxi- mative, qu’à
la théorie de Ptolémée sur le mouvementplanétaire !
1 Lesthéories de
Schrôdinger
et deHeisenberg,
sont, comrne tout le mondele
sait, parfaitement équivalentes
etapportent
les mêmes résultats(valables
seulement d’une manièreapproximative);
elles sont seulementdes méthodes
d’approximation pratiques
que,toutefois,
on nepeut
pasemployer
pourl’interprétation
duphénomène
naturel. Si on lefait,
il yaura
obligatoirement
des contradictions internes(la
théorie causale deSchrôdinger
et la théorie non causale deHeisenberg
sontéquivalentes)
et l’on arrivera aux
interprétations probabilistes,
aux sautsquantiques
et aux
probabilités
detransition,
etc.En
quoi
consistent donc les véritables effetsquantiques,
les véritables déviations de cette causalité que nous avonsjustement
définie ?Un
phénomène qui
se passe d’une manière non causale serait unphé-
nomène naturel
qui
nepourrait
pas être décrit d’une manièreunivoque, complète,
et exacte par deséquations
différentielles. Par « effetsquantiques »
nousdésignons l’apparition
de valeurs discrètes chez desgrandeurs qui,
dans ladescription
causale du mêmephénomène naturel,
peuvent
prendre
d’une manière continue toutes les valeurspossibles.
Très peu de
temps après
la découverte de la théorie desquanta,
ridéeII5
est venue
que
l’indétermination viendrait toutsiniplémënt
du faitqu’il y
aurait désparamètres
cachet dans la nature. D’où noùs n’aurionsQu’une
cdnhaissaticepeu précisé
de !’etàt Initial Aet, par là;
nousn’aurions
pas
à nous étonner d.esrésultats vagues
cbncérhant l’état nnal. Cettepensée fut,
Cômrrié orl lesait, contredite par
Neumann.M: Destouches
et Mme Février se sont aussioccuper
dé ceproblème.
Siles théories
quantiques
actuelles sontjustes dans
l’essentiel - et l’onne
peut pas
en douter èh face des beauxrésultats
obtenus - il népeut
pas y avoir de tels
paramètres caches.
S’ilsexistaient,
les théoriesqUah- tiques dbnneràient
d’autres résultats.Eh fin de
compte, la preuve
dè la nonihierventi8h
desparamètres
cachés ne vaut
que pour
lesthéories linéaires ; pour
cellesqui
ne lesont pas, elle n’est pas valable. Le
problème
se pose alors de savoir si les théories non linéaires nepeuvent
pas donner uneinterprétation
deseffets
quantiques.
Comme l’introduction de termes non linéaires dans les théories linéairesquantiques
actuellescorrespond
àaccepter
de nou-veaux effets
physiques jusque-là
inconnus(ou
à assumer une formulénon linéaire pour des effets
déjà connus),
onpourrait
ainsi atteindreune
interprétation
causale d’effetsquantiques
par desparamètres
cachésnon
linéaires,
sans êtregêné
par la preuve de Neumann.Parlons de tels essais : ils ne
prétendent
absolument pas donner uneexplication causale,
non linéaire des effetsquantiques,
ils veulent seu-lement discuter une
possibilité
- d’abordpurement
formaliste.Il y a
aujourd’hui
différentes théoriesquantiques.
Nous allons exa-miner dans
chaque
théorieparticulière, jusqu’à quel degré
l’introduction de termes non linéaires dans la théorieclassique correspondante [qui apparaît
par la transition( h --~ o ) ou (matrices
- c -nombres)
peut susciter des effetsquantiques].
La théorie de Bohr-Sommerfeld. - On ne fait
plus appel aujourd’hui
à la théorie de Bohr pour
expliquer
lesphénomènes atomiques,
toutefoisil
peut
être intéressant d’examiner s’il estdéjà possible
dans cettethéorie encore presque
classique,
ennégligeant
la conditionquantique greffée
là-dessus , de dériver la formule de Balmer d’une manièreclassique
et causale par l’introduction deparamètres
cachés non linéaires.
La formule de Balmer demande que l’électron de l’atome
d’hydrogène
demeure
toujours
seulement sur certaines orbites sans rayonner; toutautre orbite non
quantifiée
estinterdite,
unséjour
entre les orbitesquantiques
n’est pasautorisé,
unéchange
entre deux orbites se passe dans depetits
intervalles detemps
inobservables. Il faut doncqu’il
existe une force d’amortissement ou d’excitation cachée
qui place
trèsvite
l’énergie
dusystème
sur les niveaux de Balmer. Le calcul de cetteforce
quantique
K par leséquations
du mouvement d’un électron ponc- tuel encoordonnées sphériques
est assezlong
et ne sera pas refait ici.Nous
employons
une méthode du calcul des variations.La force
quantique
ne peut pas être une force conservantl’énergie,
vu
qu’elle
commande. des valeurs propresparticulières En’
donc susciteun
Ë 0,
où E == T + U = const., T étantl’énergie cinétique
et Ul’énergie potentielle.
La preuve que pour des forces conservantl’énergie, E
= o est connuedepuis longtemps.
Nous avons donc comme
équations
deLagrange :
Pour
É,
on a(3 ) , ~, .
k
alors
(4)
H = T + U - R = E - R = o, E = R,
(.5) ~ T + U - R = H = const. = E - R..
On obtient
(6) H = En = - 203C02me4 n2h2 et H = E si R = o, alors
( 7 ) E = const. = En,
k
si nous posons
Kk=
,~f,(E~
, ’~’k
et
II7 où
v2 = q2k.
Nous avons donc ainsi une déduction tout à fait
formelle,
mais cepen- dantclassique
et causale de la formule de Balmer àpartir
de la Méca-nique classique.
La Mécanique ondulatoire de
Schrôdinger.
- Ellereprésente d’après
la
conception
de L. deBroglie,
deSchrôdinger,
deBohr,
une théoriecausale. Les effets
quantiques apparaissent
d’une manièrepurement
classique
et causale par des valeurs propres. La théorie deSchrôdinger
en tant que théorie
classique
duchamp
demande uneinterprétation
duchamp
d’onde. Iln’y
a pas à s’étonnerqu’il
faille aborder celui-ci en le considérant commephysiquement irréel,
commechamp
deprobabilités,
car nous avons affaire à une théorie
qui
estjuste
seulement d’une manièreapproximative :
la théorie deSchrôdinger
n’est pas invariante d’unpoint
de vue relativiste et ne contient pas lespin électronique.
Parsuite,
elle ne sera pas du tout conforme à cequi
se passe dans la natureet l’on ne pourra en aucune
façon l’employer
pourl’interprétation
duproblème atomique.
La théorie relativiste de l’électron(théorie
deDirac)
a une
signification physique
réellequi
seperd
dans la transition c 00 .On a souvent omis de
signaler
que la théorie deSchrôdinger
est unethéorie causale du
champ
deprobabilités
et l’on aessayé d’interpréter
d’une manière
classique
les effetsquantiques
apparus par cettepremière quantification.
Oncomprend
par ces termes le fait curieux que l’onobtient par .
pk ~ h i ~ ~xk
une
équation
ondulatoire pour laprobabilité
deprésence.
Le faitque
des
points massiques classiques
sont décritsaprès
l’exécution de cetteopération
par des ondes deprobabilité (qui
donnent des niveauxd’énergie discrets) s’appelle justement
lapremière quantification.
Cesessais
étayés
sur une théorieinterprétée
d’une manièreprovisoire
maisjuste
seulement d’une manièreapproximative,
et dupoint
de vue relati-viste non invariante ne peuvent que peu contribuer au
problème
del’interprétation
causale des effetsquantiques.
Ainsi parexemple
deBroglie, Madelung, Franke,
etc. ont donné uneinterprétation hydrody- namique
de laMécanique
ondulatoire deSchrôdinger,
la méthode de la double solution futreprise
par deBroglie,
Destouches et leurs collabo-rateurs sous une forme non
linéaire,
alors que Bohm s’estoccupé
encorerécemment du
problème
desparamètres cachés,
sanspouvoir échapper
toutefois à la
critique
dePauli ;
deBroglie
et Destouches ont clairementreconnu
à juste
titre que des membres non linéaires sontindispensables.
Janossy
veutexpliquer
les effetsquantiques
par des vitessesplus grandes
que celle de la lumière et Weizel donne un modèle de diffusionclassique
de la théorie deSchrôdinger,
danslequel
ilespère échapper
aux difficultés des
paramètres
cachés par l’introduction departicules
inobservables en
principe (les zérons).
D’autres font à nouveau con-fiance à une
interprétation statistique classique,
à la chaîne deMarkoff,
ou transforment - comme
Bopp -
enpleine
connaissance de la diffi- culté desparamètres
cachés lalogique
du mouvementstatistique
clas-sique
desparticules
etemploient
unemécanique
non newtonienne.La Mécanique des matrices de Heisenberg. - En fait elle est tota-
lement
équivalente
à laMécanique
ondulatoire deSchrôdinger,
maiselle est toutefois intéressante pour
elle-même,
car elle est, comme la théorie de Bohr une théoriecorpusculaire classique,
surlaquelle
estgreffée
une conditionquantique (principe
d’indétermination ou commu-tateur).
npeut
être intéressant d’examiner si l’onréussit,
par l’intro- duction de forcesquantiques
comme dans la théorie deBohr,
à déduireles effets
quantiques
d’une manièreclassique.
Le
principe
d’incertitude s’écrit(10) 0394pk 0394qk ~ ou bien pkqk - qkpk = .
L’oscillateur
de Planck obéit àInéquation
(11)
avec la solution .
(12) q = A si n (1) t.
Les niveaux
d’énergie
sontII9
Dans la
physique classique,
on a(t4)
.
avec la solution
(t5) q = A sin 03C9t si
F(q) = o,
03C9 =k m.
Avec
on obtient
comme
et
Par des formules
appropriées
pourE = f ~E~,
on peut aussi aboutir à des sauts et à desprobabilités
de transition :quand
parexemple
pour x > xo, où xo serait le
premier
zéro, o estvalable,
doncE
à droite et à
gauche,
à côté dechaque
zéro(sauf
lepremier)
estnégatif
et les niveaux
d’énergie
discrets sont instables. Le moindredérangement
suffit pour
produire
un saut dans un niveaujuste
inférieur. Lesproba-
bilités de transition peuvent être ensuite
exprimés
parf(E).
La théorie
quantique
deschamps d’ondes,
théoriequi
est invariantedu
point
de vuerelativiste,
desparticules
élémentaires avecspin
est,d’après
laconception largement répandue
de nosjours,
la théorie quan-tique
fondamentale. Ce n’est que cette théoriequi
travaille sansapproxi-
mation et,
par là,
on peutemployer
seulement sesgrandeurs
dechamp
pour
l’interprétation
duphénomène
dans le domaineatomique.
La théorie
quantique
deschamps
d’ondespart,
comme on lesait,
deschamps classiques
tensoriels ouspinoriels, qui
ont une véritablesigni-
fication
physique :
des ondesélectromagnétiques
peuvent être direc-tement
décelées,
la diffraction duchamp
d’ondesélectroniques
estconnue
depuis plus
de 20 ans, ce sont des ondes de chocmésoniques
que trouve le chercheur de radiations
cosmiques
sur sesplaques photo- graphiques.
L’image classique
duchamp
suffit pour ladescription d’incidents, auxquels participent
de nombreuxquanta
duchamp
et de nombreusesparticules
- on sait que l’onpeut
enpremière approximation
dériverd’une manière purement
classique
la force de Coulomb et la force nucléaire. C’est seulementlorsqu’on
s’intéresse auxparticularités
cor-pusculaires
de ceschamps qu’il
fautquantifier.
Cettequantification
estla seule
quantification authentique,
la seulequi s’adapte
à l’atomismedu
phénomène
naturel. Onl’appelle généralement
la secondequantin-
cation. Si l’on veut aboutir à une
explication,
à uneinterprétation
cau-sale des effets
quantiques,
il fautprendre
la théoriequantique
deschamps
d’ondes.Employer
les théories deSchrôdinger
et deHeisenberg qui
ne sontjustes
que d’une manièreapproximative
etqui,
dupoint
devue
relativiste,
sont des théories non invariantes et sansspin
conduittout au
plus
à des conclusions fausses. ’-
Comm.e ni
l’équation
deDirac,
ni celle de deBroglie
et de Kemmerne sont des
équations
pour une seuleparticule,
mais deséquations classiques
dechamp,
de même que celles deMaxwell,
tous les effetsqui
ne se réfèrent pas à la nature
corpusculaire
desquanta
dechamp,
doncdes
électrons,
des mésons sont dérivés sansquantification,
donc d’unemanière
purement classique. Schrôdinger
a montré, il y a seulement peu de temps, que ceci était valable pour la formule de structure fine.La formule de structure fine
simplifie
l’énoncé concernant la superpo- sition de certaines oscillations propres duchamp
des ondes électro-niques
dans lechamp
de Coulomb.L’énigme
des effetsquantiques,
del’apparition
derapports
déterminésen nombres entiers dans les théories
classiques
duchamp peut
seulementtrouver sa solution dans le cadre de la théorie des
champs
d’ondes et deleurs
interactions,
mais non dans le cadre des anciennes théoriesquantiques.
Donc,
comme audébut,
nous ne cherchons pas àinterpréter
lathéorie courante - elle ne doit
pas
du tout être modifiée - elle doitêtre
valable,
avant commeaprès
les étatsquantiques
autorisés.C’est seulement dans les états interdits par la théorie
quantifiée
duchamp
d’ondes que des forces stabilisantes doiventapparaître qui
forcent le
système
à atteindre un étatquantique.
Cet état stationnaire121
est caractérisé maintenant par la
disparition
de ces nouvelles forcessupplémentaires,
de telle sorte que nous arrivons à une théoriequi
est
classique
maisqui
concorde exactement dans les étatsquantiques
avec la théorie
quantique
courante deschamps
d’ondes.La fonction
Lagrangienne peut
être écrite pour ungrand
nombre dechamps
sous la formeet alors on a
et
(21)
~=2~S~
03C3, k
Pour
K03C3 =
o, on auraet avec
(23) (~~~ ~~ _ ~~
on a
Par un choix
approprié
des forcesquantiques K,
on peut obtenir tout effetquantique
désiré.Mais
plus
essentiel que ce résultat purement formel estl’interpré-
tation
physique
de ces nouvelles forces. Comme elles ne nous appa- raissent pas dans les étatsquantiques qui
nous sont offertsuniquement
par la nature et se manifestent seulement dans des transitions très
fugi-
tives, d’après
la théorie courante, dans des sauts, il sera trèsdifficile,
sans doute
impossible,
de les mettre en évidence d’une manière direc-tement
expérimentale.
Probablement on ne pourra direquelque
chosede l’existence ou de la non-existence de ces forces de stabilisation ou d’amortissement
qu’après
d’autres réflexionsthéoriques
àpartir
duthéorème de la conservation de
l’énergie
et de l’interaction avec d’autreschamps.
Comme notre marche dans la théorie de la force de radiationet dans les interactions des
particules
élémentaires n’est encoreaujour-
d’hui
qu’un
véritable tâtonnement dans l’obscurité nouspourrions peut-être
avoir unjour
dessurprises,
à savoir que les effetsquantiques
seraient
peut-être engendrés
par des actes d’interactions.Jusqu’à
nouvel ordre on nepeut
toutefois attribuer à ces examensqu’une signification purement
formaliste.Conférence faite le ~5 avril ic)5G à l’Instjtut H. Poincaré.