C AHIERS DE
TOPOLOGIE ET GÉOMÉTRIE DIFFÉRENTIELLE CATÉGORIQUES
P IERRE A GERON
La tour holomorphe d’une esquisse
Cahiers de topologie et géométrie différentielle catégoriques, tome 37, no4 (1996), p. 295-314
<http://www.numdam.org/item?id=CTGDC_1996__37_4_295_0>
© Andrée C. Ehresmann et les auteurs, 1996, tous droits réservés.
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LA TOUR HOLOMORPHE D’UNE ESQUISSE
par Pierre AGERON
CAHIERS DE TOPOLOGIE ET
GEOMETRIE DIFFERENTIELLE CATEGORIQUES
1 ôlume XXXVII-4(1996)
ABSTRACT. In 1974, C. Lair has associated to each sketch S a
group which describes all
possible
"dualities" on the category of models of S. Theholomorph
of S can then be definedusing
a cross-product
construction. In this paper, the author studies the "tower of iteratedholomorphs" generated by
S. Theheight
and the "dialec- tical" group of S aredescribed,
andexamples
ofcomputation
ofthese invariants are
given.
RESUME En
1974,
Christian Lair a montré comment associer àune
esquisse
E un groupequi
décrit toutes les "dualités"possibles
sur la
catégorie
des modèles de E : on peutalors,
parproduit croi.sé,
construirel’holomorphe
de E. Nous étudions ici la "tour desholomorphes
itérées" obtenue àpartir
d’uneesquisse
E donnéeNous définissons la hauteur et le groupe
"dialectique"
de E,invariants dont nous donnons des
exemples
de calculCe travail a fait
l’objet
de conférences lors desColloques
ECCT(Tours,
Juillet1994)
et CAEN(Caen, Septembre 1994).
1. Rappels
surles esquisses
La notion
d’esquisse,
introduite dans[Ehresmann66],
offre une syn-taxe
diagrammatico-équationnelle
pour décrire lestypes
de structuresmathématiques. Rappelons
d’abord celle decompographe (ou graphe
multiplicatif) qui généralise
à la fois celle degraphe
et celle decatégorie.
Définitions. Un
graphe G
est la donnée d’une classed’objets Ob(G),
d’une classe de flèches
Fl(G)
et de deuxapplications
« source » et« but » de
Fl(G)
dansOb(G).
Uncompographe (encore
notéG)
est ladonnée dans un
graphe G
d’une flèchedistinguée idA :
A --+ A pourchaque objet
A et d’une loi decomposition partielle
sur les flèches notée o(les couples
de flèches( f , g)
pourlesquels g
of
existe sont ditscomposables)
vérifiant :a)
si( f , g)
estcomposable,
alorsbut ( f )
-source (g) , source(g
of) = source( f )
etbut (g
of ) = but (g) ;
b)
uncouple
de la forme( f , idsource( f ) )
esttoujours composable
eton a
ldsource( f ) of
=f ;
de même(idbut(g) , g)
esttoujours
com-posable et g
oidbut(g) =
g.Remarque.
Si G n’a pas d’autre flèches que lesidentités,
on lequalifie
de discret.Que
lesobjets
d’uncompographe
ou d’uneesquisse
soient tous dotés d’une identité n’a rien d’une commodité
technique :
nous verrons ces identités se «
démultiplier »
en ungroupoïde synta- xique
non trivial.Définitions. Il y a une notion évidente de
f oncteur
entre deux com-pographes G
etG’.
Si F et G sont deux foncteurs de G versG’,
unetransformation
naturelle de F vers G est la donnée pour toutobjet
Ade G d’une flèche tA :
F(A)
-->G(A)
de sorte que si a : A --+ A’est une flèche de
G,
lescomposés G(a)
otA
ettA’
oF(a)
existent etsont
égaux.
Enparticularisant
cette notion au cas où F(resp. G)
est un foncteur
constant,
on obtient la notion de côneprojectif (resp.
inductif)
dans G’ d’indexation G.Définitions. Soient l et
J
deux ensembles depetits compographes.
E =
(E, P, Q)
est une(I, y)-esquisse
si :+ IE est un
petit compographe (dit support
deE) ;
+ P est un ensemble de cônes
projectifs (dits distingués)
dans Edont le
compographe
d’indexation est élément de1 ;
+
Q
est un ensemble de cônes inductifs(dits distingués)
dans IE dontle
compographe
d’indexation est élément de,J.
Si
Q (resp. P,
resp. P UQ)
estvide,
on dit que E est uneesquisse projective (resp. inductive,
resp.élémentaire).
Si E et E’ sont deux
(I, J)-esquisses,
unhomomorphisme
de E vers E’est un foncteur de E vers
E’ qui
envoie tout côneprojectif distingué
deE sur un cône
projectif distingué
de E’ et tout cône inductifdistingué
de E sur un cône inductif
distingué
de E’. On notera(I, J)-Esq
lacatégorie
des(I, 7)-esquisses
ethomomorphismes.
Définitions.- Si E est une
(I, ,7)-esquisse,
un modèle(ensembliste)
de E est un foncteur de E vers Ens
qui
envoie tout côneprojectif distingué
de E sur un cône limiteprojective
de Ens et tout cône in-ductif
distingué
de E sur un cône limite inductive de Ens. On noteMod(E)
lacatégorie
des modèles de E et transformations naturelles.Une
catégorie (nécessairement
localementpetite) équivalente
à unecatégorie
de la formeMod(E)
est diteesquissable.
Onpeut
de la mêmefaçon
définir lacatégorie Mod(E, C)
des modèles de E dans unequelconque catégorie
(C. Il va de soi(c’est
un atout de la théorie des es-quisses !) qu’il n’y
a aucune sorte d’unicité del’esquisse esquissant
unecatégorie donnée ; toutefois,
dansbeaucoup
de cas usuelss’impose
uneesquisse
« laplus simple possible » .
Ceci autorise àparler
del’esquisse
des
graphes, l’esquisse
des groupes, etc. Lesfigures regroupées
en find’article
présentent quelques esquisses simples, accompagnées
de leuresquisse holomorphe,
une constructionqui
seraprésentée plus
loin.Une
(I, :J)-théorie
ou(I, J)- type
est unepetite catégorie
danslaquelle
existent et ont été choisies toutes les limites
projectives
indexées par un élément de 1 et toutes les limites inductives indexées par un élémentde J.
Onpeut
la voir comme une(I, J)-esquisse particulière :
enfait,
toute(I, :J’)-esquisse engendre
librement une(I, J)-théorie
quel’on notera
ThI,J (JE)
ousimplement Th(E).
2. Semi-automorphismes d’une esquisse
La notion de
semi-automorphisme,
ou «automorphisme
àconju- gaison près »,
s’avère mieuxadaptée
à l’étude dessymétries
d’uneesquisse
que celled’automorphisme.
Dans toute la
suite,
I etJ
sont deux ensembles depetits
com-pographes.
On noteAut(I, J)
le groupeproduit
ITllEI Aut(H) x ITJJE3 Aut(J).
Un élément a ==((oI)llEI, (oJ)JEJ)
de cegroupe est
appelé
une(I, J )- conjugaison.
Si E est une(I, J)-esquisse
et si o est une
(I, J)-conjugaison,
ondispose
de la(I, J)-esquisse
Eade même
support
IE queE,
mais danslaquelle
les cônesprojectifs distingués
sont ceux de la forme p o an(où
p estdistingué
dans E etU est l’indexation de
p)
et les cônes inductifsdistingués
sont ceux dela forme q o os
(où q
estdistingué
dans E et J est l’indexation deq).
Ainsi le groupe
Aut (I,J) opère
à droite sur lacatégorie (I, :1)-Esq.
Il est clair que les modèles de Ea sont exactement les modèles de E.
Définition 2.1. Soit E une
(I, J)-esquisse.
Unautomorphisme
Adu
compographe
est unsemi- automorphisme
de E si et seulement siil existe une
(I, J)-conjugaison
Q telle que A induise unisomorphisme d’esquisses
de E sur IEa. L’ensemble dessemi-automorphismes
de E estun sous-groupe de
Aut(E)
que l’on noterar(IE)
et que l’onappellera parfois simplement
le groupe de E.Remarque
2.2. On noteral’analogie
entre cette définition et celle du groupe semi-linéairerL(E)
d’un espace vectoriel E. Mais ici un mêmesemi-automorphisme d’esquisse peut
être associé àplusieurs conju-
gaisons
différentes :Aut(E)
n’est donc pas un sous-groupedistingué
de r(E).
Remarque
2.3. Il est aussipossible,
comme dans[Lair74],
de con-struire le groupe
r(E)
comme le groupe desautomorphismes
d’unecertaine
esquisse Q(E),
obtenue en « saturant » E par toutes les con-jugaisons possibles.
Exemple
2.4. Si E estl’esquisse (projective)
des magmas(figure 1),
il est facile de voir que E admet exactement un
semi-automorphisme
distinct de l’identité
(celui qui transpose
lesprojections
pi etp2) : r(IE)
est donc d’ordre 2. Plusgénéralement,
le groupe del’esquisse
des magmas n-aires est
isomorphe
au groupesymétrique 6n .
Exemple
2.5. Si E estl’esquisse (élémentaire)
desgraphes (figure 2),
il est facile de voir que E admet exactement un
semi-automorphisme
distinct de l’identité
(l’automorphisme qui transpose
les flèches s etb) : F(E)
est donc d’ordre 2.Remarque
2.6.Puisque
E et les JEU ont la mêmecatégorie
demodèles,
toutsemi- automorphisme
de E induit unautomorphisme
deMod(E), qui,
même s’il n’est pas d’ordre2,
seraappelé
une dualité(partenariat
seraitpeut
êtrepréférable).
Dansl’exemple 2.4.,
ils’agit
de
l’automorphisme
de lacatégorie
des magmasqui
à un magma(M, *)
associe son magma dual
(M, *)
défini parx*’ -
y * x(dualité opératoire) .
Dansl’exemple 2.5.,
ils’agit
del’automorphisme
de la
catégorie
desgraphes qui
à ungraphe G
associe songraphe opposé
G°P(dualité graphique).
Les
exemples
2.4. et 2.5. sontimportants,
car laplupart
desesquisses
de structures usuelles sont des
sur-esquisses
del’esquisse
des magmasou/et
de celle desgraphes.
Maisl’opérateur
r n’est bien sûr pas fonctoriel :Définition 2.7. Soit H : E --> E’ un
homomorphisme
entre(I, :1)-
esquisses.
On dit que H a lapropriété
de relèvement si il existe unmorphisme
de groupes der((E)
versr(E’),
noté(abusivement,
car iln’est pas forcément
unique) H[-],
tel que pour tout élément A der((E),
on ait :
H[A]
o H = H o A. Si H estl’homomorphisme
d’inclusion d’uneesquisse
E dans une autreesquisse E’,
on ditsimplement
que E’relève E.
Proposition
2.8. Si H est unmonomorphzsme
entre(I, J) -esquisses
jouissant
de lapropriété
derelèvement,
lemorphisme
de groupesH[-]
est
injectif.
Démonstration - Soit A E
r(E).
SiH[A] = idr(F,,),
alorsH
= H o A,
d’où A =idr(E), puisque
H est unmonomorphisme.
Exemples
2.9.L’esquisse
des magmas commutatifs(figure 3)
relèvel’esquisse
des magmas et son groupe est d’ordre 2. Les mêmes faits sont valables pourl’esquisse
des magmas associatifs(qui comporte
certes un cônedistingué supplémentaire
« à troispieds »,
maisl’image
de celui-cipar un
semi-automorphisme
estfigée
par leséquations).
Enrevanche, l’esquisse
des magmas distributifs àgauche
ne relève pasl’esquisse
desmagmas, et son groupe se réduit à l’identité :
l’automorphisme
degraphe qui échange
pi et p2 n’est pascompatible
avec leséquations.
(Sémantiquement,
c’est évident : le dual d’un magma distributif àgauche
est distributif àdroite,
mais pas àgauche
engénéral !) Ajoutons
encore que les groupes desesquisses (usuelles)
des structuressuivantes sont tous d’ordre 2 :
monoïdes,
groupes, groupesabéliens,
magmas
partiels, compographes, catégories,
etc.Exemples
2.10.L’esquisse (usuelle)
descatégories
cartésiennes estsur-esquisse
à la fois del’esquisse
desgraphes (car
unecatégorie,
c’estd’abord un
graphe)
et del’esquisse
des magmas(on
a la loi «produit
de deux
objets ») :
onpeut
constaterqu’elle
relève laseconde,
maispas la
première (ici
encore,l’explication sémantique
estévidente,
maisnous voulons insister sur le fait que ces
phénomènes
dedualité/non-
dualité sont lisibles au niveau des
esquisses).
Son groupe est donc d’ordre 2. Mais deux variantesclassiques
de cetteesquisse
relèvent àla fois
l’esquisse
desgraphes
et celle des magmas :i) l’esquisse
descatégories
monoïdales - dont le groupe est un groupe de Klein(groupe
noncyclique
d’ordre4) ;
ii) l’esquisse
descatégories
bicartésiennes : si onprend
soin de laconstruire de sorte que les
opérations
deproduit
et de sommeaient des sources
différentes,
son groupe est un groupe non abélien d’ordre 8 et contenant au moins trois éléments d’ordre 2(lesquels
induisent au niveau
sémantique
la dualisationgraphique,
la trans-position
des facteurs d’unproduit,
latransposition
des termesd’une
somme) :
ils’agit
donc du groupe diédralD4.
Le résultat suivant -
probablement
améliorable - montrequ’on peut
en fait obtenir
n’importe quel
groupe, et ceci même si on se limite à desesquisses
trèsparticulières.
Proposition
2.11. Soient G un groupe et 1 un ensemble depetits compographes
contenant descompographes
discrets de tout cardinalNcard(G) . Il
existe une(1, 0) -esquisse
E telle que les groupes G etr(E)
soientisomorphes.
Démonstration - Donnons-nous une
application injective À
de G dans la classe de tous les cardinaux différents du cardinal de G et strictement inférieurs à
Ncard(G) :
cela existe. Construisonsl’esquisse projective
E suivante :. un seul
objet S ;
· outre l’identité en
S,
deux familles de flèches(px)xeG
et( fx)xeG,
toutes ces flèches étant deux à deux distinctes etayant -
nécessairement -l’objet
S pour source et pourbut ;
. pour
chaque couple (x, y)
d’éléments deG,
on convient que lecomposé
pr of y
existe et estégal
à pxy ;. les cônes
projectifs distingués (tous
d’indexationdiscrète)
sont,
d’unepart,
le cône(px)xeG,
d’autrepart,
les cônes(fx)KA(X)
pourchaque x
E G.Soit alors A E
r(E).
On a évidemmentA(S) =
S. Comme tousles cônes
distingués
de JE sont d’indexationdifférente,
chacund’eux est nécessairement sa propre
image
à unautomorphisme
del’indexation
près.
Dans le cas des cônes(fx)KA(a),
cela conduit àA (fx) - fx
pourchaque x
e G. Dans le cas du cône(px)xEG,
cela conduit à l’existence d’une
permutation
a de G telle que pour tout élément x deG,
on ait :A(px) = pa(j:)’ Appliquant
alors Aà
l’équation
px ofy -
pxy, nous obtenons :Pa(x)
ofy = Pa(xy»
ce
qui implique
quea(xy) - a(x)y,
et ceci pour tous x, y dans G. Lespermutations
de Gqui
satisfont à cette condition sontles translations à
gauche.
Il en résulte queT(E)
estisomorphe
au sous-groupe de
6 (G)
constitué des translations àgauche,
etdonc, d’après
le théorème deCayley,
à G.3. Esquisses holomorphiquement complètes
Remarquant
que le groupe dessemi-automorphismes
d’uneesquisse
E «
opère »
defaçon
naturelle surE,
Lair a été amené(toujours
dans[Lair74])
à considérerl’esquisse produit
croisé(au
sensd’Ehresmann)
E Xid
r(1E).
Paranalogie
avec une notion bien connue en théoriedes groupes
(on
pourramême,
vul’exemple 3.11.,
considérer que c’en est unegénéralisation),
nous proposonsd’appeler
cetteesquisse l’holomorphe
de E. En voici la construction :Définition 3.1. Soit E une
esquisse.
Onappelle holomorphe
de E eton note
Hol(E) l’esquisse
ainsi construite :- les
objets
deHol(E)
sont ceux deE ;
- une flèche de
Hol(IE),
de source E et de butE’,
est uncouple (e, A)
où A est un élément der(IE)
et e une flèche deE,
de sourceA(E)
et de butE’ ;
- l’identité d’un
objet
E dansHol(E)
est(idE, idE),
oùidE
est sonidentité dans
E ;
- deux flèches
(e’, A’)
et(e, A)
sontcomposables
dansHol(E)
si etseulement si e’ et
A’(e)
sontcomposables
dansE,
on pose alors :(e’, A’)
o(e, A) = (e’
oA’(e), A’
oA) ;
- les cônes
projectifs distingués
dansHol(E)
sont les cônes de la forme«pi, idJE)IEn)
où(PI) IEII
est un côneprojectif distingué
dansE ;
les cônes inductifs
distingués
dansHol(E)
sont les cônes de la forme((qJ, idE) JEJ)
où(qJ) JEJ
est un cône inductifdistingué
dansE.
Remarque
3.2. Parconstruction,
ondispose
d’unhomomorphisme d’esquisses canonique ho :
E pHol(E),
tel queho (E)
= E pour toutobjet
E etho (e) = (e, idE)
pour toute flèche e. Ondispose
donc aussidu foncteur d’oubli
canonique Mod(ho) : Mod(Hol(E))
--+Mod(E).
Les modèles de
Hol(E) peuvent
être vus comme les modèles de E « endualité avec eux-mêmes de toutes les
façons possibles ».
Proposition
3.3. Soit IE uneesquisse projective.
Alors tout modèlede E
engendre
librement un modèle deHol(E).
Démonstration - Si E est
projective,
alorsho
est un homo-morphisme
entreesquisses projectives.
En vertu du « théorèmedu faisceau
associé »,
ceci entraîneautomatiquement
queMod(ho)
admet un
adjoint
àgauche.
Exemple
3.4.Supposons
que E soitl’esquisse (projective)
des mag-mas
(figure 1).
Il est facile de voirqu’un
modèle deHol(E)
s’identifie à un magma(M, *)
muni d’unantiautomorphisme
involutif. Pourdécrire
explicitement
le modèle deHol(E)
librementengendré
par(M, *),
il suffit de considérer un ensemble Mdisjoint
de M et unebijection x
--+x de M surM, puis
dequotienter
le magma librementengendré
par M U M par les relations ab = a * b et àb = b * a.Exemple
3.5. Soit El’esquisse (élémentaire)
descouples
d’ensembles(figure 4).
Il est facile de voirqu’un
modèle deHol(E)
s’identifie à uncouple
d’ensembles(E1, E2)
muni d’unebijection
deEl
surE2.
Pourdécrire
explicitement
le modèle deHol(E)
librementengendré
par uncouple
d’ensembles(El, E2),
il suffit de considérer la réuniondisjointe
E =
Ei±LE2
et de former lecouple (E, E).
Définition 3.6. On dit
qu’une esquisse
E estholomorphiquement complète
si et seulement si il existe unhomomorphisme d’esquisses f
de
Hol(E)
dansTh(E)
tel quef
oho
soitl’homomorphisme
d’inclusion de E dansTh(E).
Exemple
3.7. Touteesquisse
IE telle quer(IE)
soit réduit à{idE}
est
holomorphiquement complète.
Eneffet, Hol(E)
est alorsisomorphe
à E. C’est le cas par
exemple
del’esquisse
des magmas distributifs àgauche.
Exemple
3.8.L’esquisse
des magmascommutatifs
est holomor-phzquement complète.
Eneffet,
il est facile de vérifierqu’en posant
et en
imposant
deplus
quef o ho
=idE,
on définit unhomomorphisme f
deHol(E)
dans E(pas
besoin ici deTh(IE)).
L’existence def
estla traduction
syntaxique
du faitsémantique (évident !)
que l’identitéd’un magma commutatif M est un
isomorphisme
involutif de M sur son magma dual.Exemple
3.9.L’esquisse
des groupes estholomorphiquement complète.
Partons cette fois du
point
de vuesémantique.
Si G est un groupe, ondispose
d’unisomorphisme
involutif de G sur son dual :l’application qui
transforme tout élément en son inverse. Il est alors facile de con-struire un
homomorphisme f
deHol(E)
dansTh(E) qui
«esquisse »
cette remarque : si s est la flèche de E ou
Th(E) qui représente
lepassage à
l’inverse,
on posef (i’1)
= s, etc.Remarque
3.10. Les deux méthodesprécédentes
seraientapplica-
bles à
l’esquisse
des groupes abéliens : on voit ainsi quel’homomorphis-
me
f
de 3.6. n’a riend’unique.
Exemple
3.11. Soit IE uneesquisse
élémentaire à un seulobjet
dont les
flèches forrraent
un groupe G. Alors IE estholomorphiquement complète
si et seulement si lemorphisme,9:
G -->Aut(G) qui
envoietout éléments de G sur
l’automorphisme
intérieurqu’il définit
est sec-tionnable. En
effet, l’holomorphe
de E s’identifie alors àl’holomorphe
de G
(au
sensclassique),
et il est immédiat que lemonomorphisme canonique
de G dansHol(G)
est rétractable si et seulement si a est sectionnable.Lorsque
E n’est pasholomorphiquement complète,
il est naturel de se demander siHol(E)
l’est. Il faut pour cela décrire le groupef(Hol(JE)).
Voici un résultat
général :
Théorème 3.12.
(i)
Pour touteesquisse E, l’homomorphisme canonique ho
de E dansHol(E)
a Lapropriété
de relèvement.(ii)
Le grouper(E) s’identifie canoniquement
à un sous-groupe def(Hol(JE)) ;
si il y aégalité, Hol(E)
estholomorphiquement complète.
Démonstration - Fixons un élément A de
r(E)
et posons : + si E est unobjet
deHol(E), ho [A] (E)
=A(E) ;
+ si
(e, B)
est une flèche deHol(E), ho[A](e,B) = (A(e), A o B o A-1 )
Il est alors facile de vérifier que
ho [A]
ainsi défini est un semi-automorphisme
deHol(E).
A titred’exemple,
si(e, B)
a poursource
E,
cequi implique
que e a pour sourceB(2?),
alors lasource de
ho[A](e, B)
est(A
o B oA-1 ) -1 (A(B(E)) ),
c’est-à-direA(E) qui
est bienho[A](E).
Deplus,
on constate queho [A
oA’]
=ho [A]
oho [A’]
pour tousA,
A’appartenant
àr(E).
On a donc
l’homomorphisme
de groupesho[-] cherché ;
notonsqu’il
estinjectif puisque ho
est unmonomorphisme (proposition 2.8.). Plaçons-nous
maintenant dans le cas oùho[-]
est un iso-morphisme :
onpeut
alors identifier les flèches deHol (Hol (E) )
àdes
triplets
de la forme(e, A, B),
où A et B sont deux élémentsde
r(E).
Un calculsimple
montre que lacomposition
dansHol(Hol(IE))
s’écrit alors sous la forme(e’, A’, B’)
o(e, A, B) = (e’
oA’(B’(e)), A’
o B’ o A oB’-1, B’
oB).
Autrementdit,
on a :Hol(Hol(E)) =
E x;d(r(E)
x,yr(E)), où q désigne l’opération
der (E)
sur lui-même parautomorphismes
intérieurs. Il en résulte quel’application qui
autriplet (e, A, B)
associe lecouple (e,
A oB)
établit unhomomorphisme d’esquisses
deHol(Hol(E))
dansHol(E), qui
est bien un inverse àgauche
del’homomorphisme canonique.
Enparticulier, Hol(E)
estholomorphiquement complète.
Mais la
réciproque
dupoint (ii)
n’est pasexacte,
comme le montre lecontre-exemple
suivant :Proposition
3.13. Soit El’esquisse
desgraphes.
AlorsHol(E)
estholomorphiquement complète,
maisr(IE)
est un sous-groupe strict der(Hol(E) ) .
Démonstration - On a vu que
r(IE)
est d’ordre 2 :Hol(E)
contient donc 8 flèches
qui
secorrespondent
deux pardeux ;
on notera cette
correspondance
e -->e’ (étant
entendu que(d’)’
=d, etc.).
Outre les deuxsemi-automorphismes idHol(E)
et A
qui proviennent
der(E), r(Hol(JE))
contient deux autressemi-automorphismes
B et C définis par :C’est un groupe de Klein.
L’esquisse Hol(Hol(E)) comporte
alors32 flèches. Considérons
l’homomorphisme
degraphes
F :
Hol(Hol(E))
-->Hol(E)
induisant l’identité sur lesobjets
et tel que pour toute flèche e de
Hol(E),
on ait :F(e, idH.1 (E»
=F(e, C)
= e etF(e, A)
=F(e, B)
=e’.
Il estfacile de vérifier que F est un
homomorphisme d’esquisses
et queF o ho = idHol(E) .
Dans le cas des
graphes,
le processus d’« autodualisation » induit par la notiond’holomorphe
s’arrête donc en uneétape.
Nous verronsdans la section suivante que les choses sont différentes dans le cas des magmas.
4. La hauteur d’une esquisse
Soit E une
esquisse.
Par récurrencetransfinie,
on obtient pour tout ordinal a uneesquisse Hola (E)
ainsiqu’un homomorphisme d’esquisses ho : Ho1°(E)
-->Hola+1 (E)
enposant :
si a est limite.
Définitions 4.1. On
appelle
hauteur d’uneesquisse
IE et on noteh(E)
le
plus petit
ordinal a, s’ilexiste,
tel quel’esquisse Hola (E)
soit holo-morphiquement complète.
Si E admet une hauteur(ordinale),
on ap-pelle
groupedialectique
de E le groupeA(E)
= --+ h (E)lim (Hola(E)).
Ainsi les
esquisses
de hauteur0, qui
sont aussi celles dont le groupedialectique
esttrivial,
sont exactement lesesquisses holomorphique-
ment
complètes.
Il résulte de laproposition
3.13. quel’esquisse
desgraphes
est de hauteur 1 et que son groupe-dialectique
estisomorphe
à
Z/2Z.
Le cas del’esquisse
des magmas est différent :Proposition
4.2. Pour tout entier naturel n, notonsEn l’esquisse
des magmas n-aires. La hauteur
de En
est :Démonstration - Il est clair que le groupe
F(En)
est isomor-phe
au groupesymétrique 6n. L’esquisse Hol(En)
contient donc(n+ 3)n! flèches,
que nous noterons comme descouples (e, o)
oùe est une flèche de E et Q un élément de
Gn .
Les2(n+ 1) couples
de flèches
composables
de E(tous
triviaux!)
donnent naissance à2(n + 1) (n!)2 couples
de flèchescomposables
dansHol(E),
oùles
équations
suivantes sont vérifiées(pour
tous Q, T EGn
etmE
{1,...,n}) :
Enfin,
le seul cônedistingué
dansHol(E)
est le côneprojectif
dont les
projections
sont(pi, id), ... , (Pn, id).
Cherchons maintenant les
semi-automorphismes
deHol(E).
SiA e
r(Hol(E)),
onpeut
lui associer unepermutation
7r E6n
telleque pour tout m E
{1, ... , n},
on ait :A(pm, id) = (PII(m), id).
Ilexiste aussi une
permutation f
eG(Gn)
telle que, pour toutor E
6n,
on ait :A(il, a) == (il, f(a)). L’équation (I)
estéquivalente
au fait quef
soit unautomorphisme
du groupe6n.
Notons maintenant que
(i 1, o)
o(pm,id) = (po(m) , a).
Enappli-
quant A,
il vient(i1, f(o) ) o (pII(m) , id)
=A(p)(m) , a). L’équation (III), particularisée
au cas T =id,
donne alorsA(po(m), o) = (pf (o) (II (m)), f(a)). Puisque a
est unepermutation,
onpeut
con- clurequ’on
a pour tout m :A(pm, o) = (pf(o)(II(o-1(m))), f(a)).
De la même
façon,
il existe unepermutation g
e6(6n)
telleque, pour tout m
E {1,..., n},
on ait :A(i2, o) = {i2, g (o) ) . L’équation (IV)
estéquivalente
au fait que g soit un automor-phisme
du groupe6n. L’équation (VI)
estéquivalente
àl’équation A{pm, o)
oA{i2, T) - A(pm,o
oT), qui
s’écrit :ou encore
Or ces
égalités,
vraies pour tout m, sontéquivalentes
à :7r =
f (T) 01r 07-1
etf (a) og(T)
=f (ooT),
c’est-à-dire finalement à :f = g et f(T)= II o T o II-1. Ainsi f et g
sont un seul et mêmeautomorphisme
de6n : l’automorphisme
intérieur associé à 7r.A (pm, a)
s’écrit doncsimplement (pII(m), r o r o r-1)
et on vérifieque le cas
général
del’équation (III)
est alorsautomatiquement
vrai. Il nous reste maintenant à traiter les
équations (II)
et(V).
Comme
précédemment,
il existe unepermutation 0
e6(6n)
telle que, pour tout Q e
6n,
on ait :A(k,u) = (k, cP(a)).
L’équation (V) équivaut
à(il, ro6or-1)o(k, §(T)) = (k, 0(oo7-»,
ou encore à
(k, r
o a or- 1
o0(-r» = (k, o(6
oT)).
On adonc,
pour tous Q, T e
Sn, l’égalité
7r o Q o7r-1
oo(T)= 0(u
oT).
Enfaisant T =
id,
on voit que0(6)
est de la forme 7r o a or- 1
0 6o;réciproquement,
touteapplication 0 qui
a cette forme convient.De la même
façon,
on montre quel’équation (VI) signifie
exacte-ment que
0(6)
est de la forme Ql o 7r o Q or-1.
Mais en faisantQ =
id,
on établit que al estégal
à Qo. On doit doncavoir,
pourtous a, T E
Gn :
r 0 Or 0r-1 o 6o = 6o r o 6o r-1.
Comme6
--+ro6or-1 est
unepermutation
de6n,
cela veut dire que Qo est dans le centre de8,,.
Sin # 2,
on a donc Qo =id,
et ilreste
A(k, 6) = (k, r
o a or-1) :
dans ce cas, A est entièrement déterminé par 7r, et le grouper(Hol(En))
estisomorphe
à6n ; d’après
lepoint (ii)
du théorème3.12.,
celaimplique
queHol(En)
est
holomorphiquement complète. Or, pour n > 3, En
elle-même n’est pas
holomorphiquement complète (vérification
laisséeau
lecteur, qui
constatera que l’obstruction est dansl’équation (III)) :
on en conclut que dans ce cas, la hauteur deEn
est 1. Maisdans le cas n =
2,
il y a deuxpossibilités :
soitA(k, 6) = (k, 6),
soit
A (k, 6) = (k, 6oo6)
où Qo eGn B {id}.
Le grouper(Hol(E2))
est alors un groupe de Klein. On
peut
établir queHols (E2)
n’estpas
holomorphiquement complète, quel
que soit l’entier naturel s; nous nous limiterons ici à uneexplication sémantique
un peu vague. Un modèle deHol(E2)
s’identifie à un magma(M, *)
muni d’un
isomorphisme
involutiff
sur son dual(M, 7) (défini
par
x*y
= y *x).
Il est alors loisible de considérer deux nou-velles lois de
composition
internes T et T sur M définies parxTy = f (x) * f (y)
=f(x*y)
etxTy
=f (x * y) = f(x)*f(y),
lois
qui
sontesquissées
par les deux éléments der(Hol(IE2))
ne
provenant
pas der (E2 ).
Mais on nepeut
pas construire« de
façon générale » d’isomorphismes
entre(M, *)
et(M, T)
ou
(M, T) :
autrementdit, l’esquisse Hol(Hol(E2)), qui
créeformellement de tels
isomorphismes,
nepeut
pas se réaliser dans la théorieengendrée
parl’esquisse Hol(E2).
Cephénomène
serépète jusqu’à
l’ordinal limite w, pourlequel
on arrive àl’esquisse holomorphiquement complète Holw (JE2)..
Le groupe
dialectique A(E2)
est donc un groupeinfini, isomorphe
à(Z/2Z)W,
alors que pour n >3, A(En)
est fini etisomorphe
à6n.
Onvoit sur tous ces
exemples
queA(E)
donne une information fine surles
symétries
etdissymétries
« cachées » de E. En voici undernier,
laissé au lecteur
(qui
utilisera 3.11. et des résultatsclassiques
sur lespermutations). Qualifions
de discrète uneesquisse
élémentairequi
n’apas d’autres flèches que les identités. Alors :
Proposition
4.3. Soit n un entier naturel(ou
uncardinal). L’esquisse
discrète à n
objets
a pour hauteur :BIBLIOGRAPHIE
[E 66]
Charles EHRESMANN - Introduction to thetheory
of struc-tured
categories,
TechnicalReport1966-10, Department of Mathematics, University of
Kansas.[L 74]
Christian LAIR - Dualités pour les structuresalgébriques
es-quissées,
Cahiers deTopologie
et GéométrieDifférentielle
15(1974)
353-376.Pierre AGERON
Groupe
de Recherche enAlgorithmique
etLogique Département
deMathématiques
Université de
Caen,
14032 CaenCedex,
FranceQUELQUES ESQUISSES,
AVEC LEURESQUISSE
HOLOMORPHEDans les
esquisses représentées ci-dessous,
laflèche ik représente
tou-jours
l’identité del’objet Ek
et(pl,p2)
esttoujours
un côneprojectif distingué.
Si e est une flèche deE,
on note encore e la flèche(e, idE)
deHol(E) ;
deplus, lorsque r(E)
est d’ordre 2(ce qui
est le cas dans tousles