• Aucun résultat trouvé

PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET CONTEXTE DE L’ETUDE

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET CONTEXTE DE L’ETUDE"

Copied!
72
0
0

Texte intégral

(1)

U N I V E R S I T E P A R I S S O R B O N N E E N A

Ecole des hautes études en sciences de l'information et de la communication

Ecole nationale d’administration

Master Professionnel 2e année

Option : COMMUNICATION DES INSTITUTIONS PUBLIQUES

« La communication politique de Mario Monti en période électorale »

Sous la direction de

Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris-Sorbonne

et

Monsieur Jean-Emmanuel Paillon,

Délégué général à l’administration des ressources et des services, INRIA

Nom et Prénom(s) : Bernardo Tarantino Promotion : Jean de la Fontaine Option : Communication des Institutions Publiques Soutenu le :

Mention : Note du mémoire :  

(2)

REMERCIEMENTS

Je remercie Madame Françoise Boursin, Professeur des Universités au CELSA Paris-Sorbonne, pour l’aide et le soutien qu’elle m’a apporté.

Je remercie également Monsieur Jean-Emmannuel Paillon, Délégué à l’administration des ressources et des services, pour sa disponibilité et le dynamisme transmis lors des cours à l’ENA.

Je remercie Kim Griffin et Sandrine Blaison pour l’organisation matérielle de ce master.

(3)

SOMMAIRE

INTRODUCTION………p. 3 Partie I : Cadre théorique et contexte de l’étude...p.5

1. La communication politique comme produit de l’interaction entre système politique, médias et citoyens-électeurs………p.5 2. La médiatisation de la communication politique………...p.8 3.La campagne électorale comme moment central de la communication politique…...p.12 4. La communication politique en Italie : de Berlusconi à Mario Monti……….p.21 5. Conclusion partielle………..p. 30 Partie II : La construction d’une nouvelle image pour Mario Monti candidat à la Présidence du Conseil………p.31

1.La candidature de Mario Monti à la Présidence du Conseil………p.31 2.L’humanisation de l’image de Mario Monti……….p.39 3. Conclusion partielle : les trois limites de la construction d’image du Professeur Monti candidat à la Présidence du Conseil………p.47 Partie III : Le message politique de Mario Monti : « vieille politique » Contre

«nouvelle politique » ………..p.51 1. Mario Monti : de l’éthos super-partes à l’antipolitique constructive…………p.51 2. Le spot publicitaire de Mario Monti : la difficulté de transmettre

un message cohérent………p.52 3. Conclusion partielle………..p.62

CONCLUSIONS……….p.65

RESUME……….p. 68

BIBLIOGRAPHIE………..p. 69

SITOGRAPHIE………..p. 70

MOTS-CLES………..p. 71

(4)

INTRODUCTION

En novembre 2011, l’Italie traversait la plus grave crise économique et financière depuis la fin de la seconde guerre mondiale. L’attaque spéculative des marchés financiers internationaux élargissait le différentiel entre les obligations italiennes et les Bund allemands. La solvabilité de la dette de la troisième économie de l’euro était remise en question.

Face au discrédit interne et international, le Président du Conseil des ministres, Silvio Berlusconi, démissionnait et laissait sa place au Sénateur, Professeur, économiste, Mario Monti, qui aurait formé un gouvernement de techniciens « prêtés à la politique » pour « sauver l’Italie ». Au cours des treize mois passés à la tête du gouvernement, Mario Monti a inauguré une nouvelle ère de la communication en Italie. Après les années caractérisées par le modèle de communication spectaculaire de Silvio Berlusconi, le Professeur Mario Monti dévient protagoniste d’une stratégie de communication sobre, directe, sincère.

Malgré les hésitations initiales, le 25 décembre 2012, Mario Monti annonce la création d’un nouveau parti politique « Scelta Civica » et sa volonté de participer à la compétition électorale de février 2013. Ainsi, une nouvelle page de la communication électorale italienne s’ouvre.

L’objectif de ce mémoire est donc d’offrir une analyse de la communication de Mario Monti en occasion de l’échéance électorale de février 2013. La période du 25 décembre 2012 au 25 février 2013 est la délimitation temporelle de cette analyse.

Les élections de 2013 ont représenté un tournant pour le système politique italien. La participation à la compétition électorale de nombreuses forces politiques nouvelles en contraste avec le système bipolaire de la Seconde République a bouleversé les équilibres propres au monde politique italien, frappé par une vague d’antipolitique sans précédents. La société civile devient donc protagoniste d’une

(5)

tentative de rénovation et moralisation de la vie publique italienne. Les mouvements de proteste captent le consensus des citoyens déçus par une classe politique considérée comme incapable et corrompue.

Dans ce cadre, la figure de Mario Monti occupe une place d’extrême intérêt tantôt pour les simples observateurs, tantôt pour les analystes de communication politique. Homme externe à l’arène politique, économiste de renommée mondiale, Mario Monti représente une particularité dans un contexte de « formatage » croissant des candidats, dont le marketing politique est le principal promoteur. En outre, un intérêt personnel pour l’évolution de la communication politique en Italie, ainsi que des influences étrangères pour la définition des stratégies des candidats est à l’origine de la décision de effectuer une telle étude.

Afin de structurer la recherche, une problématique et des hypothèses de réponse ont été formulées.

Problématique

Dans un contexte de crise économique, de délégitimation croissante de la classe politique et de recrudescence du populisme, comment la stratégie de communication austère et directe du Professeur Mario Monti peut-elle obtenir du succès en occasion de la compagne électorale des élections politiques italiennes de 2013 ?

Hypothèse 1 : Dans un contexte de méfiance généralisée vers les « politiciens », l’image largement consensuelle d’un technicien externe au monde politique comme Mario Monti pourrait étendre le consensus électoral du parti « Scelta Civica ».

Hypothèse 2 : La nature réaliste du message politique promu par Mario Monti pourrait s’avérer comme la plus crédible aux yeux des électeurs exacerbés par l’incapacité des gouvernements précédents à tenir leurs promesses.

(6)

! Méthodologie

L’analyse s’appuiera sur les ressources documentaires suivantes: déclarations à la presse, discours au Parlement, interviews, spot électoraux, messages sur les réseaux sociaux. Sur la base des données recueillies, nous entamerons :

• une étude d’image émise et relayée du candidat Mario Monti ;

• une étude du contenu du message politique du candidat Mario Monti.

Pour ce qui concerne l’étude d’image, l’interview à l’émission Invasioni Barbariche fera l’objet d’une analyse plus approfondie.

S’agissant de l’étude du contenu du message politique de Mario Monti, le spot électoral de la campagne sera retenu comme source principale d’analyse.

! Annonce de plan.

Le mémoire s’articulera autour de trois parties.

(i) La première partie offrira le cadre théorique et le contexte de l’étude, ainsi que une brève analyse de la communication politique en Italie focalisée sur la comparaison entre le style de communication de Silvio Berlusconi et celui de Mario Monti Président du Conseil.

 

(ii) La deuxième partie portera sur l’étude de la construction d’une nouvelle image de Mario Monti candidat à la Présidence du Conseil. A cette fin, le contraste entre l’image sérieuse initiale et la tentative de construire une image plus humaine du Professeur Monti sera mis en exergue.

 

(iii) En fin, la troisième partie sera consacrée à l’analyse du message politique de Mario Monti, dont la principale caractéristique était le contraste entre vieille et nouvelle politique.

       

(7)

PARTIE I : CADRE THEORIQUE ET CONTEXTE DE L’ETUDE

       

  La première partie de ce mémoire est consacrée à la définition du cadre théorique et à l’identification des outils nécessaires pour mener une analyse de la campagne électorale de Mario Monti de 2013.

En premier lieu, l’analyse se focalisera sur les modèles et les acteurs de la communication politique pour ensuite examiner en détail l’évolution de la communication en période de campagne électorale. Une description générale des techniques du marketing politique sera également fournie dans ce cadre.

En second lieu, l’objectif de cette partie sera d’offrir au lecteur une présentation sommaire de la communication politique en Italie : des années 1960 à la diffusion des mass média, du modèle de marketing spectaculaire de Silvio Berlusconi à la communication austère de Mario Monti en tant que Président du Conseil des ministres. La comparaison entre les styles de communication politique des deux anciens Présidents du Conseil fera l’objet d’un développement particulier afin de contextualiser les stratégies électorales de Mario Monti.

Bien que cette partie ne porte pas sur la campagne électorale de Mario Monti, l’analyse de la communication politique du Président du Conseil, au cours des treize mois à la tête du gouvernement, est un point de départ nécessaire pour répondre à la problématique de l’étude. Cette première partie a pour objectif partiel de confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle l’image sérieuse et crédible de Mario Monti pourrait bénéficier d’un consensus au sein de l’électorat.  

   

1. La communication politique comme produit de l’interaction entre système politique, médias et citoyens-électeurs

En 1963 Karl Deutsch affirmait que « […] il pourrait être utile d'examiner les Etats un peu moins comme une question de pouvoir et un peu plus comme un

(8)

problème de leadership, […] et le leadership est certainement un problème de communication ».1

Bruno Leopoldo, plus précisément, note que «L'espace public […] a complètement changé de nature. A l’origine lieu de dialogue, d’argumentation, de confrontation entre des idées et de changement des opinions, il est devenu un espace de consommation. La communication de masse a imposé un modèle de spectacularisation de la politique, tantôt aux acteurs politiques, tantôt au public. Le rôle du leader a été amplifié et une grande partie de l'élite politique est sélectionnée selon des critères qui n'ont rien à voir avec la logique de la concurrence politique ».2

Ainsi, la relation entre politique et communication a atteint des niveaux d'interdépendance impensables il y a un siècle. A la suite de la conquête par les médias de la scène politique, il est difficile d'imaginer une politique sans radio, télévision, internet, réseaux sociaux. La communication politique est donc le produit de l'interaction entre trois acteurs principaux: le système politique, les médias et les citoyens-électeurs.

1.1 Le système politique.

Le système politique est composé des acteurs institutionnels et politiques qui représentant la colonne vertébrale de la vie politique d’un pays : la Présidence de la République, le Gouvernement, le Parlement sont des acteurs qui ont recours au quotidien à la communication politique afin d’informer les citoyens et confirmer leur légitimité politique.

Les partis, les associations et les groupes de pression font également partie du système politique. Ils trouvent leurs origines dans une idéologie, une vision du monde et des intérêts partagés et sont en concurrence pour la conquête du pouvoir et du consensus.

                                                                                                               

1 K.W. DEUTSCH, This week citations classic, Deutsch K.W. The nerves of government, Interview and Editorial Introduction « Current contents, Social and Behavioral Sciences », 19/1986, pp. 176.1.

La traduction française est notre.

2B. LEOPOLDO, Democrazia e comunicazione politica, 2005,

www.peacelinkg.it/mediawatch/11896.htlm, La traduction française est nôtre.

(9)

1.2 Le système des médias

La télévision, la radio, la presse, internet et les réseaux sociaux sont les acteurs principaux du système des médias. Leur rapport avec le système politique change en fonction des stratégies éditoriales qu’ils adoptent. Le choix entre un rôle d’ « amplificateur » ou de « gardien » dépend du rapport entre les deux systèmes.

Dans l’hypothèse d’une large intervention de l’Etat dans l’organisation sociale de la communauté, ils font l’objet d’une réglementation administrative et législative. Le système des médias s’impose également comme représentant de l’opinion publique qui s’exprime à travers la parole des journalistes, et plus récemment, avec par leurs « twits » sur internet.

1.3 Les citoyens-électeurs

Les flux de messages transmis par les institutions politiques à travers le système de média n’ont du sens que par rapport à la présence de citoyens qui, au cours des campagnes électorales, deviennent électeurs destinataires de toute information utile pour prendre une décision de vote. Le troisième grand acteur de la communication politique n’est pas, cependant, identifiable dans une structure organisée. La campagne électorale et les élections sont les seuls moments où les citoyens-électeurs peuvent faire l’objet d’une étude plus détaillé par le biais des sondages d’opinion. Entre une élection et l’autre, l’interaction directe (rencontres publiques, talk-show, réseaux sociaux) constitue une autre forme de communication entre le système politique et les citoyens-électeurs.

2. La médiatisation de la communication politique

Pour l’étude de la communication politique, les concepts d’ « espace public » de Hannah Arendt et de « sphère publique bourgeoise » de Jürgen Habermas sont fondamentaux. Ces deux concepts insistent sur l'importance d'une opinion publique éclairée et critique liée à la participation des citoyens.

(10)

Ainsi, la communication politique est partie intégrante des systèmes démocratiques caractérisés par l’exercice d’un « pouvoir visible »3 et par une

«gestion du pouvoir public dans le public ».4 Le lien étroit entre communication politique et exercice du « pouvoir visible » se manifeste dans la circulation de l'information à tous les niveaux de l’espace public. Pour s’assurer que le pouvoir soit visible, il est indispensable que tous aient accès aux informations relatives à son exercice.

Dans les sociétés post-industrielles, l'échange entre les trois acteurs de la communication politique s’accomplit principalement par le biais des médias. Ils sont le pivot autour duquel tourne le discours politique; les médias sont devenus, en fait, source de pouvoir, d'influence, le principal moyen d'information pour les institutions publiques; ils ont endossé le rôle de scène sur laquelle ont lieu les événements de la vie publique nationale et internationale; ils sont devenus la source privilégiée des définitions, des images, des significations et des interprétations de la réalité sociale; ils représentent les moyens nécessaires pour atteindre une visibilité publique.

En partant du constat de la position centrale des médias dans l’espace public, Mazzoleni élabore deux modèles pour décrire les relations entre les trois acteurs de la communication politique : système politiques, médias, citoyens- électeurs : le modèle « publiciste-dialogique » et le modèle « médiatique ».5

2.1 Le modèle « publiciste-dialogique »

Le modèle « publiciste-dialogique » est caractérisé par l’existence d’un rapport paritaire entre les acteurs de la communication politique. La communication politique, dans l’espace public moderne, s'inscrit dans un environnement dynamique, dans un schéma relationnel entre les acteurs de la politique moderne : institutions politiques, médias, citoyens. Dans ce modèle, les médias ne sont donc pas l'espace public ; ils participent en revanche à sa création. Leur action a le même poids d'action et de dialogue que celui dont disposent les deux autres                                                                                                                

3 N. BOBBIO, Democrazia e segreto, Einaudi, Torino, 2011, 5. La traduction française est notre.

4 Ibidem

5 G. MAZZOLENI, La comunicazione politica, Il Mulino, 2004, pp. 20-23

(11)

acteurs (citoyens et système politique) qui conservent ainsi la capacité à l'auto- communication propre aux acteurs de la polis grecque. Les institutions politiques communiquent avec les citoyens et vice versa. En même temps les médias activent des formes autonomes de communication avec les citoyens. Les institutions politiques communiquent de façon indépendante avec le système des médias.

2.2 Le modèle médiatique

Dans le modèle « médiatique », l’action politique publique se déroule au sein de l’espace médiatique ou dépend en grande partie de l’action des média.

Mazzoleni construit ce second modèle à partir de l’analyse de Bernard Manin, qui considérait que, en réponse à la crise du système politique, le nouveau forum de la représentativité politique s’était constitué au sein du système médiatique par le biais des sondages d’opinion et des images.6 Dans cette hypothèse, la communication politique se définirait comme « l’interaction entre système politique et citoyens-électeurs dans l’espace public médiatisé ».7 Le                                                                                                                

6 B. MANIN, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995, cité par G.

MAZZOLENI, op. cit. (5), p. 22.

7 G. MAZZOLENI, op. cit (5), p. 23

Médias  

Citoyens   électeurs   Système  

politique  

Médias  

Citoyens-­‐

électeurs   Système  

politique  

(12)

concept de « médiatisation de la politique » relève de la capacité propre des médias à affecter les formes et les contenus de la communication. Pour comprendre l’importance du rôle des médias, il suffit de penser à combien l’introduction de la télévision a influencé le débat politique. Par exemple, en Italie, lorsque les premières « Tribune elettorali »8 furent diffusées sur la RAI,9 les hommes politiques purent rentrer en contact directe avec des millions de téléspectateurs. Lors d’une des premières émissions de la Tribuna elettorale, le leader libéral Malagodi souligna l’importance du nouveau média qui s’offrait à eux :

« Nous les hommes politiques, nous sommes habitués à parler au Parlement, à parler dans les théâtres et sur les places. Et pourtant ce n’est pas sans une nouvelle émotion que je vous parle ici, ce soir, comme orateur du Parti libéral italien […]. Je sais que ce soir mon visage et ma voix pénètrent dans des millions de foyers et que mes paroles sont entendues par des millions de citoyens italiens

».10 La communication politique en Italie était en train de changer radicalement.

Les hommes politiques ont dès lors compris que le rapport avec les électeurs ne pouvait plus se limiter aux meetings, manifestations politiques ou rencontres avec les militants du parti. La télévision devenait ainsi le principal moyen de communication et, par conséquence, de tentative de légitimation de la classe politique.

« La médiatisation de la politique, ne se limite pas seulement au recours massif aux médias, mais il s’agit d’un processus qui modifie les formes et les contenus de la communication entre les trois acteurs ».11 Le système des médias a donc modifié radicalement le langage et la communication du système politique en imposant de nouveaux formats, contenus et typologies de communication. Cela n’est pas seulement imputable à l’omniprésence de la télévision, mass medium par excellence, mais aussi à la crise profonde des partis qui a amené, après un long déclin, à la fin des partis de masse.

                                                                                                               

8 Première émission télévisée italienne où les hommes politiques étaient interviewés en directe.

9 Radio Televisione Italiana.

10 G. MALAGODI, Tribuna elettorale, 18 octobre 1960, cité par R. BRIZZI, « Ne fais pas de bruit avec ta soupe, laisse-moi entendre ce que dit le député Reale ». Les premiers pas de la politique italienne à la télévision, Le Temps des médias 2/ 2006 (n° 7), p. 64-77.

11 G. MAZZOLENI, op. cit. (5), p. 24. La traduction est nôtre

(13)

Les transformations des médias et du système des partis ont fait prévaloir le modèle « médiatique » sur le modèle « publiciste-dialogique ». Les médias sont désormais devenus le cadre quasi-exclusif de l’interaction entre système politique et citoyens-électeurs.

3. La campagne électorale comme moment central de la communication politique

Antonio Gramsci affirmait que : « les idées et les opinions ne naissent pas spontanément dans le cerveau de chacun : elles ont eu un centre de formation, de rayonnement, de diffusion, de persuasion […]. Le décompte des voix […] est la dernière manifestation d’un long processus dans lequel l’influence maximale appartient précisément aux centres de rayonnement les plus forts, aux élites décisives ». A partir de ce constat, l’analyse de la communication en période électorale demeure indispensable pour comprendre comment elle peut influencer les modalités « de formation, de rayonnement, de diffusion, de persuasion »12 des idées et des opinions au sein de l’électorat. L’objectif de cette analyse sera de décrire l’évolution, les caractéristiques principales ainsi que les modèles des campagnes électorales afin d’identifier les outils théoriques nécessaires pour mener une étude approfondie de la campagne électorale de Mario Monti de 2013.

3.1 Evolution historique des campagnes électorales

La campagne électorale, en tant que phénomène étroitement lié à la communication, a évolué avec la diffusion des médias de masse. Elle passe par l'utilisation d'affiches, des grands rassemblements, au cours des premières décennies du siècle dernier, à la diffusion de la radio, de la télévision et des nouveaux médias.

Pippa Norris13 a analysé le processus de modernisation des campagnes électorales dans nombreux pays occidentaux et a établi une évolution en trois phases.

                                                                                                               

12 A. GRAMSCI, cité par L. CANFORA, L’imposture democratique, Edition Flammarion, 2002, p. 84.

13 P. NORRIS, “ Campaign Communication », cité par G. MANZOLENI, op. cit. (5), p. 132.

(14)

Phase 1 - les campagnes pré-modernes (1850-1950) sont caractérisées par :

a) une interaction directe entre les candidats et les électeurs ;

b) les médias sont les intermédiaires entre les partis et les citoyens ; c) un électorat qui s’identifie et adhère aux partis dans la durée.

Phase 2 - les campagnes modernes (1960-1980) qui ont introduit plusieurs changements :

a) La télévision devient l’espace principal de la communication politique en remplaçant les places centrales des villes.

b) Recours aux consultants professionnels politiques, experts en marketing et image, sondeurs politiques.

c) Le clip publicitaire et les débats télévisés deviennent les principaux outils de la campagne électorale moderne ;

d) Grâce au langage de la télévision et à la centralité de l’image, les candidats remplacent rapidement les partis au centre de l’espace public.

Phase 3 - les campagnes post-modernes (années 1990 et suivant) sont caractérisées par :

a) une professionnalisation de la planification et de la gestion de la communication. L'électorat est segmenté et étudié en profondeur afin d’identifier une cible précise ;

b) un recours au marketing électoral de manière à communiquer avec chaque électeur ;

c) un électorat post-moderne de plus en plus volatil et moins lié aux partis politiques.

3.2 Les campagnes post-modernes et le marketing électoral

Mazzoleni observe que les caractéristiques des campagnes électorales post- modernes sont essentiellement de trois ordres:

1. Esprit de compétition et nature dramatique : les hommes politique utilisent de plus en plus des termes sportifs (match, jeu) dans un cadre dramaturgique siège d’événements spectaculaires, de controverses, d’astuces et d’ insultes (sic !);

(15)

2. Analogie entre la compétition électorale et la concurrence de marché : les élections peuvent être considérées comme un immense marché des idées et des propositions où la demande du citoyen-consommateur répond à l'offre de partis-entrepreneurs. Comme dans les marchés économiques, dans le contexte politique, il y a des tactiques de persuasion, de vente ainsi que de négociation entre les partis ;

3. Capacité des médias à influencer le système politique : les campagnes électorales sont principalement des campagnes de communication. Dans ce cadre, les médias peuvent avoir un impact direct et indirect dans la dynamique concurrentielle du marché électoral.

L’analogie entre la compétition électorale et la concurrence de marché demeure centrale dans l’étude de la communication des campagnes post- modernes. Anthony Downs affirmait qu’il existe deux types d’acteurs : les électeurs et les hommes politiques. Les électeurs correspondent aux consommateurs qui doivent choisir parmi différents produits (programmes) en octroyant leur vote à une marque (parti) plutôt qu’à une autre. Les hommes politiques se comportent comme des entrepreneurs en établissant un programme et une image pour gagner les élections. Les électeurs-consommateurs adoptent un comportement rationnel, en comparant les bénéfices obtenus grâce à l’action du gouvernement avec ceux qu’ils auraient pu avoir si les partis d’opposition étaient au pouvoir.

Dans le cadre d’une approche de marché, la communication politique devient donc marketing politique. Michel Bongrand, politologue et consultant français, définit le marketing politique comme : « l’ensemble de techniques sur mesure ayant pour objectif de favoriser l'adéquation d'un candidat à son électorat potentiel, de le faire connaître par le plus grand nombre d'électeurs et par chacun d'eux, de créer la différence avec les concurrents, et avec un minimum de moyens d'optimiser le nombre de suffrages qu'il importe de gagner au cours de la campagne. »14 Le marketing politique est donc un ensemble de techniques dont l'objectif est de promouvoir l'adaptation d'un candidat à son électorat potentiel, de le faire connaître du plus grand nombre d'électeurs, de créer une différence avec

                                                                                                               

14 M. BONGRAND, Le marketing politique, Presses universitaires de France, 1993, p. 13.

(16)

les concurrents et d'optimiser le nombre de votes pour atteindre la valeur nécessaire pour gagner.

3.2.1 Les étapes du marketing électoral : comment construire une campagne.

Selon le politologue français Philippe Maarek, les techniques des campagnes électorales sont de plus en plus influencées par la planification stratégique et les outils du marketing commercial.15 Il identifie quatre étapes du marketing politique en campagne électorale : la définition de la stratégie, l’analyse du contexte, la tactique, la phase opérationnelle.

                                                                                                               

15 P. MAAREK, Communication et marketing de l’homme politique, Litec, 2007.

Etape 1-Définition de la stratégie

Option 1 - La campagne de notorieté Selon le schèma "nous contre eux" le parti/candidat s'appuie sur un électorat

fidélisé et utilise les médias pour faire valoir et défendre son bassin électoral

plutôt que de l'étendre.

Option 2 - Campagne de conquête Dans un système à faible identité politique, où l'électorat est une masse politique indifférienciée, le parti/candidat fait recours aux médias pour imposer son existence et sa position et conquérir ainsi

l'électorat

(17)

A ce stade, le candidat doit concentrer son analyse sur cinq éléments de contexte :

1. Le contexte physique : c’est-à-dire la division en circonscriptions électorales du territoire national;

2. Le contexte politique : le parti, les alliés, l’ensemble des hommes politiques nationaux ou locaux avec lesquels entretenir un rapport de confiance.

3. Le contexte socio-économique et politique. Le candidat doit identifier la catégorie sociale, économique et politique dont il fait partie afin de s’assurer un bassin de voix ;

4. Le contexte médiatique et les acteurs des médias dépositaires d'un pouvoir d'influence sur l'opinion publique ;

5. Le contexte concurrentiel. Le candidat doit faire face à la présence des autres concurrents et évaluer la force de leurs stratégies de communication.

Parmi les cinq cibles, c’est le contexte physique, c'est-à-dire l'ensemble des électeurs, qui exige l'approche cognitive la plus scientifique. Ainsi, la connaissance de la demande demeure fondamentale dans la construction d’une campagne électorale. Elle est menée par quatre types d’enquête :

Le Benchmarking : recherche préalable visant à évaluer les possibilités de succès du candidat.

Le Sondage de tracking : série d’enquêtes conduites pour observer les fluctuations des orientations des électeurs pendant et en fin de campagne

Etape 2 - Analyse du contexte

Analyse de la cible (caractéristiques socio-

démographiques des collèges électoraux)

Analyse de la concurrence (partis et candidats

adversaires)

Analyse des moyens disponibles (diagnostic des outils médiatiques disponibles

sur le territoire)

(18)

Les Quick-response sont effectuées immédiatement après les événements, les émissions de télévision pour connaître la réaction de l'électorat ;

Le Focus groupe est l'alternative moins chère des enquêtes par sondage.

Le focus groupe permet de créer un profil plus complet de la cible et de corriger les erreurs faites au cours de la campagne.

Une fois définies les caractéristiques de la demande, l’étape suivante consiste en l’élaboration des différentes activités et des modes de communication du produit politique.

3.2.2 Les techniques du marketing électoral

Tout au long de la campagne électorale, les candidats font recours aux outils et aux techniques propres du marketing politique. Maarek distingue trois catégories de technique de marketing :

Etape 3- La tactique

Plan mèdias Issues Image du candidat

Etape 4 - Phase opérationnelle

Action sur le terrain et sur les

médias Suivi continu des performances

(19)

Les techniques traditionnelles qui sont de deux types :

o Techniques interactives : porte à porte, dîners, comités, propagandes, meetings etc.

o Techniques unidirectionnelles : presse de parti, affiches, gadget ;

Les techniques audiovisuelles : liées principalement à la télévision (spot, débats, talk-show, émissions d’approfondissement).

Les publicités électorales télévisées sont nées en 1952 avec l'élection de la campagne présidentielle d'Eisenhower. Il est l’acteur principal de 49 spots publicitaires télévisés qui présentent des analogies avec les spot utilisés en matière de promotion commerciale. Au cours de cette campagne, pour la première fois, l’aspect physique du candidat a eu une grande importance. 16

Il existe différents types de spot selon la classification de Patrick Devlin17:

Spot en demi-longueur (candidat seul qui parle)

Spot négatif (contre les concurrents)

Spot cinéma-vérité (moments de la vie réelle du candidat)

Spot documentaire (ce qu'il a fait dans la vie politique et professionnelle)

Spot-interview des personnes (déclarations de soutien du peuple)

• Spot-témoignage (célébrités pro-candidat)

Les techniques de marketing direct : envoi de matériel de propagande ou de lettre à des destinataires précis; le télémarketing en utilisant le téléphone. Les techniques de marketing direct incluent les nouveaux médias, tels que Internet et les réseaux sociaux. Ces nouvelles technologies ne remplacent pas les médias traditionnels, mais les complètent. Ils permettent une personnalisation précise de la cible. Avec facebook et twitter les campagnes se transforment en dialogue interactif entre candidats et électeurs.

3.2.3 Le recours aux consultants politiques

La professionnalisation de la communication politique, en particulier en période de campagne électorale, a appelé le développement, au sein de l’entourage du                                                                                                                

16 S. ALBOUY, Marketing et communication politique, l’Harmattan, 1994, p. 7.

17 G. MANZOLENI, op.cit. (5), p. 151

(20)

candidat, de l’expertise technique nécessaire pour la planification des stratégies de campagne. Les candidats des campagnes électorales post-modernes font souvent recours à un ou plusieurs consultants politiques afin d’appuyer leur campagne sur une stratégie de communication qui rende leurs messages plus séduisants aux yeux des citoyens électeurs.

Les consultants politiques sont des experts, des spécialistes, des personnages du marketing commercial, des sondages d'opinion, des agences de publicité, des médias et des relations publiques. Le premier cas de conseils professionnels politiques remonte à 1934, dans la campagne de gouverneur de Californie, lorsque l'aide donnée par le cabinet de relations publiques Whitaker&Baxter s'est révélée décisive pour la victoire du candidat républicain. Depuis les années 1970, les campagnes s'allongent, deviennent plus complexes et coûteuses, de sorte que le recours aux consultants politiques est désormais permanent et, dans certains contextes politiques, presque incontournable.

L’expérience de la War room est l’exemple par excellence du recours aux consultants politiques. La War room est littéralement la salle de guerre, où les stratégies de compétition électorale sont développées. Dans la War room sont prises les décisions liées aux stratégies à long terme, ainsi que celles qui répondent aux réajustements nécessaires au cours de la campagne. Pour atteindre une réalisation efficace de ces objectifs, la War room rassemble des spécialistes dans tous les domaines (sondeurs, experts des logiciels, experts de la recherche de l'opposition).18

Le recours aux consultants politiques en campagne électorale est devenu de plus en plus fréquent dans le système politique italien. Comme nous l’analyserons dans les prochains chapitres, la contribution du consultant politique David Axelrod a marqué en profondeur la stratégie de campagne de Mario Monti en 2013.

                                                                                                               

18  La première War room a été mise en place par Bill Clinton pour les élections américaines de 1992. A cette occasion, pour la première fois, le siège d'une campagne a été coordonné par un général connu par le grand public, James Carville, accompagné par le consultant / sondeur Stanley Greenberg, et entièrement géré à partir d'une salle grouillant d’experts et de consultants en activité constante. Ce modèle a été repris par Tony Blair au Royaume-Uni dans le format des « réunions du lundi » et par Silvio Berlusconi en Italie avec « la table pour l’Italie».

(21)

3.2.4 La construction de l’image du candidat

Niccolò Machiavelli a donné la définition de commercialisation de l'homme politique, en affirmant que, pour obtenir le consensus, le prince doit « donner une excellente image de lui […] ; une image de grand homme et excellent talent [...] ; Il doit de plus, à certaines époques convenables de l’année, amuser le peuple par des fêtes, des spectacles ».19 Les ingrédients essentiels de la stratégie moderne de campagne sont déjà ici identifiés : image et spectacle.

S’agissant de l'image, il faut distinguer entre:

Image projetée : le profil d'une entité politique construit et distribué, directement ou à travers les médias ;

Image perçue : construction mentale subjective influencée par les messages projetés, de sorte que la représentation mentale soit conditionnée par des stimuli sensoriels.20

L'image est donc une ressource stratégique dans le marché électoral.

Thompson affirme que les dirigeants doivent se soumettre à la loi de la visibilité.

Renoncer au contrôle de leur propre image véhiculée par les médias équivaudrait à un suicide politique.21

Aujourd'hui, l'image est devenue une ressource stratégique dans le cadre du marketing politique. Grâce à l'utilisation des techniques d’image management l'acteur politique représente lui-même et son offre politique, se distinguant ainsi des autres concurrents.

L'image d'un personnage politique est créée par l'union de l'image publique et du caractère personnel du candidat, par la façon de la communiquer et par la perception des électeurs.

                                                                                                               

19 N. MACHIAVELLI, Le prince, http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Prince/Texte_entier, p. 99.

20 G. MAZZOLENI, op.cit (5), p. 148

21 J.B. THOMPSON, The media and the modernity. A social Theory of the Media, Cambridge, Polity Press, 1995. Trad. italienne, Media e modernità, Bologne, il Mulino, p. 194.

(22)

4. La communication politique en Italie : de Berlusconi à Mario Monti Dans le cadre de l’étude de la campagne électorale de Mario Monti de 2013, il est nécessaire de rappeler quelques éléments de contexte sur les évolutions récentes de la communication politique en Italie et notamment sur la communication en campagne électorale.

4.1 Des partis de masse aux mass média

Jusqu’aux années 1960, grâce à leur organisation solide et leur capacité de mobilisation idéologique, les grands partis de masse italiens (Démocratie chrétienne et Parti communiste italien) communiquaient directement avec leurs électeurs à travers les représentants territoriaux et la presse de parti. Dans ce contexte, l’objectif des campagnes électorales de l’époque était de mobiliser la base de chaque parti. Cette mobilisation limitait le passage des votes d’un parti à l’autre. L’identification de l’électorat avec les partis était ainsi totale.

La diffusion de la télévision dans les années 1960 change complètement la communication politique italienne. La télévision permet aux hommes politiques et aux partis de s’adresser non seulement à leurs électeurs traditionnels mais aussi à tous les italiens. A partir des années ’80, avec l’avènement des chaînes commerciales et l’affaiblissement des grands partis de masse, l’équilibre entre mass media et système politique commence à chavirer. Les candidats, leur image et leur personnalité prennent la place des partis et des idéologies. L’électorat devient de plus en plus volatil et le « vote d’appartenance » se transforme en

« vote d’opinion ».22 Par conséquent, les messages produits au cours des campagnes électorales n’ont plus la rigueur logique de l’idéologie mais deviennent variables en fonction des opinions des électeurs qui sont pour la première fois analysées avec des sondages.

                                                                                                               

22 R. CARTOCCI, Fra lega e chiesa. L’Italia in cerca di integrazione, Bologne, Il Mulino, 1994, p. 33.

(23)

4.2 La communication politique de Silvio Berlusconi : le marketing politique à l’italienne

Le scandale de « Tangentopoli »23 et l’effondrement de l’URSS ont bouleversé la scène politique italienne. La Démocratie Chrétienne et le Parti socialiste italien ont disparu à la suite des accusations de corruption de leurs principaux leaders. Le Parti communiste italien a été dissout pour créer une nouvelle force politique de gauche : les Democratici di sinistra (Démocrates de gauche). L’entrepreneur Silvio Berlusconi, propriétaire de la télévision commerciale italienne, décide de remplir le vide politique en créent le parti politique Forza Italia. Une courte analyse de la stratégie de communication de Silvio Berlusconi est nécessaire pour comprendre le contexte dans lequel s’est inscrit l’entrée en politique de son successeur, le Professeur Mario Monti.

La « descente en politique » de Silvio Berlusconi en 1994 scelle le début des campagnes post-moderne en Italie. Grâce au recours aux techniques du marketing politique (publicité, recherches de marché et visibilité médiatique), Silvio Berlusconi porte au centre de la politique italienne la communication de masse. Comme dans le cas d'une entreprise, le parti de Berlusconi (Forza Italia) offre le bon produit en en exaltant les avantages concurrentiels par rapport à ses adversaires. Cette stratégie a conduit à de profonds changements et a obligé les autres partis politiques à adopter un type de stratégie de communication différent. Les partis adversaires ont commencé à leur tour à considérer les électeurs comme de potentiels consommateurs. « La politique est devenue une marchandise à vendre et les différentes entreprises - le centre-droit et le centre-gauche – promeuvent leur produit afin de convaincre les consommateurs-électeurs de l’acheter ». 24

                                                                                                               

23 En langage journalistique, la ville où il y a l’usage généralisée de prétendre et recueillir des « tangenti » [« pot-de-vin » en grec,], soit des sommes d'argent exigées en échange de faveurs, des concessions ou d'autres formes d’opérations illicites par ceux qui sont en mesure d'influencer le succès d’une opération économique. L'utilisation du terme s'est établie depuis 1992 à la suite d'enquêtes judiciaires menées par le Parquet de Milan, qui ont conduit à la dissolution de certains partis historiques italiens (y compris les DC et PSI).

24 D. PITTERI, Il consumo elettorale: la comunicazione politica in Italia da Berlusconi ad oggi, http://www.fondazione-einaudi.it/Download/145-153.pdf, p. 145 - 146. La traduction est nôtre.

(24)

Grâce à son langage pragmatique et simple Silvio Berlusconi a créé, en outre, un lien direct avec l’électorat. La tentative de mettre en place un rapport de communication vertical entre le leader politique et les citoyens-électeurs a fortement influencé les choix linguistiques et communicatifs du Président Berlusconi. Un langage simple et non-spécialiste pour réduire la distance et la diversité avec les destinataires de la communication et faciliter l'identification du public avec le leader politique. Le registre de Silvio Berlusconi se caractérise donc par les fréquentes références à des domaines qui conviennent aux "porteurs"

symboliques de la culture dite de masse, d'où l'utilisation abondante de métaphores linguistiques tirées, par exemple, de l'univers de la télévision et, surtout, du monde de football, afin de définir les événements, les phénomènes et le discours politique.25

Un des leitmotivs de la communication de Berlusconi est la technique rhétorique de la répétition. Elle consiste à choisir quelques concepts, des slogans, des "mots-clés", des topos communicatifs et de les répéter dans le temps avec force et cohérence. Il s’agit d’une stratégie de communication dont l'objectif est double: d'une part, la répétition constante aide le processus de rétention à long terme, même dans le public le plus distrait, d'autre part, elle veut exercer un effet de persuasion, sur la base de la théorie selon laquelle la répétition continue du même concept peut modifier l'attitude de l'auditoire, même des citoyens plus attentifs.26

4.3 L’austérité communicative de Mario Monti

En Novembre 2011 des bouleversements considérables ont eu lieu dans la politique italienne. Le Président du Conseil, Silvio Berlusconi, à la suite d'une période très difficile pendant laquelle la dette souveraine a subi l'attaque des marchés financiers internationaux, a dû céder la place à l'ancien Recteur de l'Université Bocconi et Sénateur à vie, Mario Monti.

                                                                                                               

25 E.CANIGLIA, Berlusconi, Perot e Collor come political outsider. Media, marketing e sondaggi nella costruzione del consenso politico, 2000, p. 33.

26 R. BORGATO, Le dita dell'Aurora; en R.BORGATO, F. CAPPELLI, M. FERRARESI, L'arte di far credere, 2010, p. 62.  

(25)

Mario Monti avait comme tâche principale de garantir le respect des engagements signés par le gouvernement précédent avec l'Union européenne, notamment l’obligation de parvenir à un budget équilibré en 2013. A cette fin, le gouvernement a adopté une politique économique fortement restrictive, alliant réductions des dépenses et hausse des impôts. Pour parvenir à cet objectif, le gouvernement Monti bénéficiait d’une large majorité politique, composée par le Parti démocratique à gauche, le Peuple de la liberté à droite et l’Union de Centre de Pier Ferdinando Casini.

L’austérité en matière financière et économique s’accompagne de l’austérité de la communication politique de M. Monti. Un style sobre et un langage clair excluant toute rhétorique politique ont été les traits essentiels de sa stratégie de communication pendant la période de la crise financière. La presse et les initiés les ont qualifié diversement mais les choix de « Gouvernement du Président » et de

« gouvernement technique » ont de loin été les plus populaires.

Le contexte de crise et d’urgence et la crédibilité interne et internationale de Mario Monti ont favorisé sa popularité. En tant que « sauveur de la Patrie », Mario Monti a bénéficié, depuis le début de son mandat, d’un large consensus au sein de l’opinion publique italienne. Cependant, sobriété et austérité ne correspondent pas à une absence de stratégie de communication. Au contraire, le caractère calme et l’image sérieuse du Professeur Monti ont été des outils indispensables pour communiquer sur des mesures financières et économiques qui changeaient la vie et les habitudes des italiens.

4.3.1 La force de la sincérité

Après vingt ans marqués par le modèle Berlusconi, Mario Monti a apporté un changement important dans la façon de communiquer en Italie.

Le changement était déjà évident lors de la conférence de presse du 4 décembre 2011 pendant laquelle le Président du Conseil italien adopte une approche communicative franche et directe, en se distinguant ainsi du style dédramatisant de son prédécesseur Silvio Berlusconi. A 20h14 la conférence de

(26)

presse du gouvernement commence. Avant de donner la parole aux différents ministres pour présenter le décret « Salva-Italia » (décret qui sauve l’Italie), Monti décide de s’adresser directement aux citoyens italiens, debout, avec un arrière- plan dominé par un drapeau italien et un de l’Union européenne, « pour donner un message de préoccupation, mais aussi d'espoir ».27

Les Italiens, entrés soudain dans le stade de alarmed-discovery,28 ont été confrontés à une situation qui les concernaient directement, mais dont ils ne connaissaient pas l’existence auparavant. La capacité de Mario Monti de communiquer mais en même temps d’informer les citoyens a ainsi facilité l’acceptation de la dureté des mesures.

La communication a donc joué un rôle central dans l’action du gouvernement Monti. Le Président du Conseil est devenu le protagoniste d’une exposition croissante dans les médias, afin de conquérir une légitimité populaire et d'expliquer aux citoyens les raisons des choix qui allaient affecter directement leurs vies. La décision de parler directement aux citoyens au cours de conférences de presse avant de répondre aux questions des journalistes dénote de l’attention particulière portée aux dynamiques de la communication politique. Les conférences de presse, grâce à leur fréquence et à l’atmosphère détendue et rassurante dans laquelle elles se tiennent, deviennent donc un des piliers de la communication de Mario Monti.

4.3.2 News-management : entre packaging et « boniment » des médias

La communication du gouvernement Monti a été la résultante du travail de professionnels du secteur29 et, globalement, le gouvernement a manifesté sa volonté d'accorder un rôle central à la communication. Le contrôle de la circulation de l'information et le news-management ont été particulièrement utilisés afin d’affirmer la supériorité de la politique du gouvernement sur la communication des                                                                                                                

27 M. MONTI, Conférence de presse du gouvernement, 4 décembre 2011.

28 A. DOWNS, Up and down with ecology - the “issue-attention cycle”, Public Interest: p. 28-50.

29 Elisabetta Olivi est porte-parole du président et du gouvernement. Gianluca Sgueo est coordinateur du site, des flux d'information, et de la section Dialogue avec les citoyens. Carmine Sarno est assistant à la presse étrangère, Amelia Torres est conseillère pour la presse internationale, Giancarlo Salemi gère les relations avec la presse italienne.

(27)

médias. Les stratégies utilisées par le gouvernement Monti consistent à programmer et doser l'information, afin d’en limiter les effets négatifs, ou, au contraire, de souligner les événements d'une grande importance. Le but ultime est un gain de popularité, avec les avantages qui découlent d'une collaboration prudente avec les moyens de communication.

En particulier, l'objectif de Mario Monti était de promouvoir le slogan «équité, développement, rigueur » annoncée lors de la conférence de presse de fin d’année pour lancer le décret « Cresci-Italia » (décret pour la croissance de l’Italie). Les concepts de « équité, développement, rigueur » ont été utilisés pour définir de manière autonome, par rapport aux médias, le cadre d'interprétation des mesures du gouvernement. En ce qui concerne l'efficacité de cette stratégie, quelques doutes subsistent sur la capacité du gouvernement d’imposer le cadre du débat public. Deux journaux proches de l'exécutif le Corriere della sera et la Repubblica30 ont mis en question la capacité du gouvernement technique d’inscrire son action dans l’équité. Dans ce cas, le récit de Monti ne semble pas avoir porté.

Les conseillers du Président du Conseil Monti ont également porté une grande attention au packaging des politiques.31 La tentative (réussie) pour suggérer aux médias les appellations des deux principaux décrets adoptés par le gouvernement, Salva-Italia et Cresci-Italia, démontrent efficacement la volonté de créer un cadre favorable, afin de souligner l’inévitabilité des mesures d’une part, et d’induire un soutien populaire naturel de l’autre.

Une grande attention a été consacrée au « boniment » des médias que Mazzoleni a défini comme « l’attitude amicale et coopérative de la Présidence avec les acteurs des médias, les journalistes, les journaux, les commentateurs, le network, afin d’atteindre un couverture médiatique bienveillante ».32 Ainsi, la                                                                                                                

30 Palladino et Esposito, par exemple, ont commenté: « Le frame est d'autant plus important que l'équité est l'un des slogans, avec rigueur et croissance, par lequel le gouvernement Monti s’est présenté Italiens. Mais comme le suggèrent les nombreux commentaires négatifs sur ce point, il semble avoir sensiblement déçu ce cette attente», dans PALLADINO, ESPOSITO « Governare con l’emergenza», XXVI Congrès SISP 0,13 au 15 Septembre, p. 16.

31 Le packaging est un terme anglais qui fait référence au marketing. Dans la communication politique, nous l’utilisons pour illustrer la façon de présenter les politiques publiques.

32 G. Mazzoleni, op. cit. (5), p. 51.

Références

Documents relatifs

Dans notre série la résection de la fin du cordon terminal avec ou sans reste testiculaire a été réalisé dans 16 cas (15 cas vanishing inguinal ; 01cas

[r]

Dans l’analogie formelle entre champ électrostatique et champ de gravitation, beaucoup de candidats ne se sont pas préoccupés du signe qui témoigne du fait que

Afin de mieux comprendre les problèmes auxquels a dû faire face le dispositif institutionnel mis en place pour améliorer l’efficacité technique et commerciale ainsi que les

Méthode : Lever une forme indéterminée sur les fonctions avec des radicaux

Déterminer une équation di¤érentielle véri…ée par et démontrer que tend vers une limite réelle a > 0 en + 1.. Démontrer que (E 1;0 ) n’est pas stable par rapport

[r]

Dans le cas d’un objet à l’infini, un astre par exemple, l’image intermédiaire A’B’ se forme dans le plan focal image de l’objectif ; cette image est d’autant plus