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La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux en droit constitutionnel comparé

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(1)

UNIVERSITE DE PAU ET DES PAYS DE L’ADOUR FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE ET DE GESTION

ECOLE DOCTORALE 481SCIENCES SOCIALES ET HUMANITES

Thèse de doctorat en droit public

LA PROTECTION NON JURIDICTIONNELLE DES DROITS FONDAMENTAUX EN DROIT CONSTITUTIONNEL COMPARE

L’EXEMPLE DE LOMBUDSMAN SPECIALISE PORTUGAIS, ESPAGNOL ET FRANÇAIS

Présentée et soutenue publiquement par Dimitri LÖHRER

Sous la direction de

Monsieur le Professeur Olivier LECUCQ

Membres du jury

Monsieur Luís AGUIAR DE LUQUE,

Professor Catedrático de Derecho Constitucional de la Universidad Carlos III de Madrid, rapporteur

Monsieur Pierre BON,

Professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour

Monsieur Denys DE BECHILLON,

Professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour

Monsieur Olivier LECUCQ,

Professeur de droit public à l’Université de Pau et des pays de l’Adour

Monsieur Jorge MIRANDA,

Professor Catedrático da Faculdade de Direito da Universidade de Lisboa

Monsieur Didier RIBES,

Maître des requêtes au Conseil d’Etat, rapporteur

Soutenue à Pau, le 5 juin 2013

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A la mémoire de mes grands-parents,

A ma grand-mère,

A mes parents, Véronique et Jean-Marc

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REMERCIEMENTS

J’adresse mes remerciements à Monsieur le professeur Olivier Lecucq, pour m’avoir accordé sa confiance, pour sa patience et ses précieux conseils, ainsi que pour l’attention toute particulière dont il a fait preuve à mon égard tout au long de cette recherche. Qu’il reçoive ici l’expression de ma plus profonde gratitude.

Je veux profiter de ces quelques lignes pour remercier Monsieur le Défenseur du Peuple, Enrique Múgica Herzog, ainsi que Monsieur Francisco Vírseda Barca sous l’autorité desquels j’ai pu réaliser un stage de deux semaines au sein de l’institution du Défenseur du Peuple espagnol.

Je tiens également à remercier Monsieur le Secrétaire général du Défenseur des droits français, Richard Senghor, pour m’avoir accordé un entretien au sujet de l’institution nouvellement mise en place.

Une pensée va vers ma famille, mes amis et à tous ceux qui ont partagé à un moment ou à un autre et de diverses manières ces quatre années. Leur présence et leur soutien sans faille m’ont aidé plus qu’ils ne peuvent le penser.

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"L’université n’entend donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse ; ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur"

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TABLE DES PRINCIPALES ABREVIATIONS

a. : autres

A.F.D.C. : Association française de droit constitutionnel A.I.J.C.: Annuaire international de justice constitutionnelle A.J.D.A. : L’Actualité juridique – Droit administratif A.J.D.I. : L’Actualité juridique – Droit immobilier A.P.D. : Archives de philosophie du droit

aff. : affaire

Ann. fac. droit : Annales de la faculté de droit

art. : article(s)

B.I.M.J. : Boletín de información del Ministerio de Justicia B.O.C. : Boletín oficial de las Cortes Generales

B.O.E. : Boletín oficial del Estado

B.O.M.J. : Bulletin officiel du ministère de la justice Bull. civ. : Bulletin civil des arrêts de la Cour de cassation Bull. euro. et int. : Bulletin européen et international

c. : contre

C.D.E. : Cahiers de droit européen C.E. Ass : Conseil d’Etat, arrêt d’assemblée C.E. Sect. : Conseil d’Etat, arrêt de section

C.E. : Conseil d’Etat

C.E.D.H. : Cour européenne des droits de l’homme

C.J.C.E. : Cour de justice des Communautés européennes C.J.E.G. : Cahiers juridiques de l’électricité et du gaz C.J.U.E. : Cour de justice de l’Union européenne

C.N.C.D.H. : Commission nationale consultative des droits de l’homme C.P.D.H. : Combats pour les droits de l’homme

C.R.D.F. : Cahiers de la recherche sur les droits fondamentaux

C.R.E.D.O.F. : Centre de recherches et d’études sur les droits fondamentaux CADA : Commission d’accès aux documents administratifs

Cass. Ass. plén. : Cour de cassation, Assemblée plénière Cass. ch. mixte : Cour de cassation, chambre mixte Cass. civ. : Cour de cassation, chambres civiles Cass. crim. : Cour de cassation, chambre criminelle Cass. soc. : Cour de cassation, chambre sociale

chron. : chronique

CNDS : Commission nationale de déontologie de la sécurité CNIL : Commission nationale de l’informatique et des libertés

coll. : collection

concl. : conclusions

Cons. const. : Décision du Conseil constitutionnel Coord. : Sous la coordination de

CSA : Conseil supérieur de l’audiovisuel

D. : Recueil Dalloz

D.A. : Droit administratif

(10)

D.A.R. : Diário Asamblea Republica D.G. : Diário do governo

D.R.: Diário da República Dir. : Sous la direction de

doctr. : doctrine

Dr. Soc. : Droit social

E.D.C.E. : Etudes et documents du Conseil d’Etat

éd. : édition

en part. : en particulier

fasc. : fascicule

FJ : Fondement juridique

G.D.C.C. : Les grandes décisions du Conseil constitutionnel

G.D.C.C.E. : Les grandes décisions des cours constitutionnelles européennes Gaz. Pal. : Gazette du Palais

HALDE : Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité J.C.P. A. : JurisClasseur périodique (La semaine juridique),

édition Administrations et Collectivités territoriales

J.C.P. G. : JurisClasseur périodique (La semaine juridique), édition générale J.C.P. S. : JurisClasseur périodique (La semaine juridique), édition social J.O. : Journal officiel

L.G.D.J. : Librairie générale de droit et de jurisprudence La Doc. fr. : La Documentation française

n° : numéro

not. : notamment

obs. : observations

op. cit. : précité

Ord. : Ordonnance

p. : page

P.U.A.M. : Presses universitaires d’Aix-Marseille P.U.B. : Presses universitaires de Bordeaux P.U.F. : Presses universitaires de France P.U.G. : Presses universitaires de Grenoble

par ex. : par exemple

pp. : pages

R.A. : Revue administrative

R.A.P. : Revista de administración Pública R.C.G. : Revista de las Cortes Generales R.D.E.S. : Revista de Direito e Estudos Sociais R.D.H. : Revue des droits de l’homme

R.D.P. : Revue du droit public et de la science politique en France et à l’étranger R.D.S.S. : Revue de droit sanitaire et social

R.D.T. : Revue de droit du travail

R.E.A.L.A. : Revista de Estudios de la Administración Local y Autonómica R.E.D.A. : Revista española de derecho administrativo

R.E.D.C. : Revista española de derecho constitucional R.E.D.M : Revista española de derecho militar

R.E.P. : Revista de estudios políticos

R.E.T.D. : Revista española de derecho del trabajo

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R.E.V.L. : Revista de estudios de la vida locale R.F.A.P. : Revue française d’administration publique R.F.D.A. : Revue française de droit administratif R.F.D.C. : Revue française de droit constitutionnel R.G.D. : Revista general del derecho

R.G.D.P. : Revue générale de droit processuel R.I.D.C. : Revue internationale de droit comparé R.I.D.E. : Revue internationale de droit économique

R.I.S.A. : Revista Argentina del Régimen de la Administración Pública R.J. : Revista Jurídica

R.J.N. : Revista Jurídica de Navarra R.J.O. : Revue juridique de l’ouest

R.M.C.U.E : Revue du marché commun et de l’Union européenne R.R.J. : Revue de la recherche juridique. Droit prospectif R.S.C. : Revue de science criminelle

R.S.S.L : Revista de seguridad social y laboral R.T.D. Civ. : Revue trimestrielle de droit civil

R.T.D.H. : Revue trimestrielle des droits de l’homme R.U.D.H. : Revue universelle des droits de l’homme R.V.A.P: Revista Vasca de administración pública Rec. : Recueil des décisions du Conseil d’Etat ;

Recueil des décisions du Conseil constitutionnel ;

Recueil des décisions de la Cour de justice des Communautés européennes (Cour de justice de l’Union européenne)

Rép. cont. adm : Répertoire du contentieux administratif Dalloz

req. : requête

S. : Sirey

spéc. : spécialement

ss. : suivant(e)s

STC : Sentencia del Tribunal constitucional,

décision du Tribunal constitutionnel espagnol TGI : Tribunal de grande instance

th. : thèse

trad. : traduction

v. : voir

vol. : volume

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(13)

SOMMAIRE

PREMIERE PARTIE UNE PROTECTION INDISPENSABLE

TITRE I L’INSUFFISANCE DU SYSTEME INSTITUTIONNEL CLASSIQUE DE GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX

Chapitre 1 – Une insuffisance a priori surprenante

Chapitre 2 – Une insuffisance pourtant avérée

TITRE II L’APPORT DE LOMBUDSMAN SPECIALISE AU SYSTEME INSTITUTIONNEL DE GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX

Chapitre 1 – Une institution spécialement aménagée pour la protection des droits fondamentaux

Chapitre 2 – Une institution conçue pour compléter les mécanismes classiques de garantie des droits fondamentaux

SECONDE PARTIE UNE PROTECTION RELATIVE

TITRE IUNE CONSOLIDATION DES DROITS FONDAMENTAUX VARIABLE Chapitre 1 – Une réussite incontestable au sein de la péninsule ibérique

Chapitre 2 – Une réussite sans doute plus mesurée en France

TITRE IIUNE CONSOLIDATION DES DROITS FONDAMENTAUX PERFECTIBLE

Chapitre 1 – Des voies de perfectionnement communes aux modèles ibérique et français de l’ombudsman

Chapitre 2 – Des voies de perfectionnement propres à chaque modèle

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« Chaque pays, à un instant donné, a l’ombudsman qu’il mérite » Michel le Clainche

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I

NTRODUCTION

1. « La persuasion à mon sens est beaucoup plus efficace que n’importe quelle procédure autoritaire »1. A l’évidence, l’affirmation de Pierre-Gilles de Gennes, Prix Nobel de physique 1991, ne manque pas de surprendre. Contrairement à un acte d’autorité dont le propre est d’imposer, par voie de commandement, une volonté à autrui, l’acte de persuasion, parce qu’il consiste à obtenir quelque chose du persuadé sans recours à la contrainte, laisse, en effet, celui-ci libre de suivre la conduite préconisée et, par conséquent, encourt le risque permanent de demeurer sans effet. Surprenante, l’affirmation l’est d’autant plus dans le cadre d’une étude juridique, a fortiori lorsque celle-ci a trait aux droits fondamentaux. Ainsi que le rappelle le professeur Bénédicte Delaunay, les droits fondamentaux, selon la doctrine allemande, « doivent être protégés par un système de recours à procédure contentieuse susceptibles d’aboutir à des sanctions »2. Aussi leur effectivité est-elle généralement associée à la protection offerte par les organes juridictionnels, dont la spécificité est de prononcer des décisions revêtues de l’autorité de la chose jugée s’imposant à leurs destinataires.

2. L’engouement contemporain pour les voies non juridictionnelles de garantie, notamment dans le domaine des droits fondamentaux, impose pourtant de nuancer sensiblement le propos. Privilégiant le recours à des mécanismes incitatifs de direction des conduites pour remplir leur office, les instances de garantie non juridictionnelle se proposent effectivement de garantir l’effectivité des droits et libertés par la voie du dialogue et de la persuasion, c'est-à-dire en dehors de tout pouvoir coercitif. A ce titre, leur développement attesterait d’une insuffisance de la protection juridictionnelle dont le caractère juridiquement contraignant ne saurait être aussi efficace qu’une première approche peut le laisser penser. En ce sens que la protection offerte par le juge, aussi indispensable soit-elle, ne permettrait pas toujours, compte tenu, notamment, de son manque de souplesse, de garantir une protection optimale des droits fondamentaux et, par conséquent, justifierait l’instauration d’organes de garantie destinés à défendre les droits et libertés par le biais de moyens incitatifs. En mesure

1 P.-G. de Gennes, « La persuasion vaut mieux que toutes les procédures », L’Expansion management review, Groupe expansion, Paris, décembre 1996, p. 102.

2 B. Delaunay, « Les protections non juridictionnelles des droits publics subjectifs des administrés », in Les

2 B. Delaunay, « Les protections non juridictionnelles des droits publics subjectifs des administrés », in Les droits publics subjectifs des administrés. Actes du colloque organisé les 10 et 11 juin 2010 par l’Association française pour la recherche de droit administratif au Pôle universitaire de gestion de l’université de Bordeaux, 2011, Litec, Paris, p. 211.

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18

de combler certaines carences affectant les traditionnelles voies de recours, de tels organes favoriseraient, en somme, l’émergence d’un système institutionnel de garantie des droits et libertés complet et, partant, attesteraient du caractère incontournable de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux au sein de nos systèmes juridiques contemporains.

3. Or, parmi ces différents organes, la figure de l’ombudsman spécialisé se présente incontestablement, à ce jour, comme la forme de protection non juridictionnelle des droits et libertés la plus aboutie. Spécialement aménagée pour assurer la défense des droits fondamentaux, cette institution, dont les modalités d’intervention procèdent d’une philosophie sensiblement différente de celle des autres instances, spécialement juridictionnelles, de garantie, se propose, en effet, de répondre à des besoins que ces dernières ne sauraient satisfaire. Aussi convient-il de se féliciter de la récente introduction du Défenseur des droits au sein du système juridique français par la révision constitutionnelle du 23 juillet 20083. Témoignant d’un regain d’actualité et d’intérêt pour cette forme de protection, la mise en place d’un Défenseur des droits à compétence générale, en lieu et place d’un certain nombre d’autorités administratives indépendantes disposant d’une seule compétence sectorielle, n’est certes pas du goût de tout le monde. Elle n’en procède pas moins d’une volonté du constituant de consolider le système institutionnel de garantie des droits et libertés. Dans ces conditions, le choix de privilégier le modèle de l’ombudsman spécialisé en vue de rendre compte du caractère actuellement incontournable de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux s’impose sans trop d’hésitation.

4. Evidemment, le Défenseur français, en tant qu’institution émergente qui n’en est qu’à ses balbutiements, n’offre pas un recul suffisant pour dégager des enseignements généraux au sujet de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux. C’est pourquoi l’apport de ce mode de garantie aux droits et libertés ne saurait véritablement être appréhendé indépendamment du recours à une démarche comparatiste. A ce titre, les exemples du Provedor de Justiça portugais et du Défenseur du Peuple espagnol comme objets de comparaison s’imposent, pour ainsi dire, d’eux-mêmes dès l’instant où, d’une part, le Portugal et l’Espagne se présentent comme les pays précurseurs du mouvement de spécialisation de l’ombudsman dans la protection des droits fondamentaux et, d’autre part, le Défenseur des droits s’inspire expressément du modèle ibérique, spécialement espagnol, de l’human rights ombudsman. La préférence donnée aux exemples ibériques se trouve, de surcroît, renforcée par la raison d’être actuelle du Provedor de Justiça et du Défenseur du Peuple. A savoir que les ombudsmen ibériques, s’ils répondent à un besoin historique, propre à la péninsule ibérique, d’acclimatation des valeurs de l’Etat de droit à la sortie d’une longue période de dictature, trouvent, à l’instar du Défenseur des droits, une justification contemporaine à travers l’insuffisance des mécanismes classiques de garantie.

5. En somme, la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux telle que proposée par l’ombudsman spécialisé, bien qu’elle ne saurait nécessairement être plus

3 Loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet de modernisation des institutions de la Ve République, J.O. du 24 juillet 2008, p. 11890.

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19

efficace que les modes de direction autoritaire des conduites, présenterait, a minima, l’intérêt, en France aussi bien que de l’autre côté des Pyrénées, de s’inscrire en complémentarité des dispositifs juridiquement contraignants de garantie et, ce faisant, de contribuer à la consolidation des droits et libertés consacrés par les normes de valeur supérieure.

6. Afin de poursuivre l’analyse plus avant, la recherche entreprise appelle une série d’observations liminaires nécessaires à la compréhension de son objet (§ 1). L’objet de la recherche déterminé, il conviendra d’exposer plus précisément les raisons qui justifient que l’on s’intéresse, aujourd’hui, à ce sujet (§ 2), avant d’énoncer la problématique et le plan retenus pour organiser les développements de l’étude (§ 3).

§ 1. L’objet de la recherche

7. L’objet de la recherche, d’une part, commande d’identifier la notion de protection non juridictionnelle des droits fondamentaux telle qu’elle sera entendue dans le cadre de cette étude (A), d’autre part, requiert quelques développements concernant la volonté de rendre compte de cette forme de protection par le biais d’une démarche comparatiste (B).

A. La protection non juridictionnelle des droits fondamentaux

8. Le concept de protection non juridictionnelle des droits fondamentaux appelle une série de précisions, tout d’abord, quant à l’expression « droits fondamentaux » (1), ensuite, au sujet de la notion de « protection non juridictionnelle » (2), enfin, vis-à-vis des contours de la protection non juridictionnelle des droits fondamentaux (3).

1. La notion de « droits fondamentaux »

9. Relativement récente (a), l’expression « droits fondamentaux », désormais préférée à celle de « libertés publiques » par de nombreux auteurs, suscite l’hésitation lorsqu’elle demande à être expliquée. Outre que le recours au label « droit fondamental », en France à tout le moins, n’emporte pas toujours l’adhésion4, l’ambiguïté de la notion de « droits fondamentaux » se révèle effectivement propice à l’émergence d’approches doctrinales diverses et variées, parmi lesquelles se doit toutefois d’être privilégiée l’approche formelle (b).

4 En ce sens, le professeur Patrick Wachsmann a pu écrire, quelques années avant l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité, il est vrai, que « le droit français actuel est encore loin d’avoir atteint la ''perfection'' qui est ainsi suggérée, de sorte que l’étiquette ''droits fondamentaux'' est largement usurpée et l’est d’autant plus que ses promoteurs se refusent à assumer les conséquences que son emploi devrait comporter.

Ainsi, l’entreprise doctrinale dont il s’agit ici témoigne avant tout d’une certaine arrogance française – paradoxale à plus d’un titre, puisqu’elle refoule ce que le système français a d’inachevé (le contrôle de constitutionnalité des lois), tout en omettant de souligner, voire en désapprouvant, ce qu’il a de progressiste (le contrôle de conventionnalité des lois). […] il est pour le moins prématuré de parler de droits fondamentaux en France, à moins que cela ne soit pour indiquer le chemin qui reste à parcourir pour soutenir ce que ces termes impliquent » (« L’importation de la notion de ''droits fondamentaux'' en France », R.U.D.H., 2004, p. 40).

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20 a. Une émergence récente

10. Comptant parmi les « emblèmes majeurs de la culture politico-juridique des démocraties européennes »5, la notion de « droits fondamentaux » n’en demeure pas moins relativement récente. Apanage des Constitutions dites modernes, cette notion d’origine allemande6, connaît au lendemain de la Seconde guerre mondiale un véritable succès, non seulement auprès des systèmes internationaux et régionaux de garantie des droits de la personne humaine7, mais également auprès des autres démocraties européennes.

Expressément réceptionnée par les Constitutions espagnole et portugaise8, l’expression se révèle, en revanche, absente du texte constitutionnel français. Etrangère à la Constitution du 4 octobre 1958 et à son préambule9, l’expression n’est cependant pas ignorée par le droit positif français. A la suite d’une promotion doctrinale des expériences étrangères à partir du milieu des années 7010, la théorie des droits fondamentaux gagne, en effet, progressivement du

5 F. Moderne, « La notion de droit fondamental dans les traditions constitutionnelles des Etats membres de l’Union européenne », in H. Labayle et F. Sudre (Dir.), Réalité et perspectives du droit communautaire des droits fondamentaux, Némésis, Bruylant, coll. Droit et Justice, Bruxelles, 2000, p. 35.

6 Un premier emploi de l’expression peut être trouvé au sein de la section VI de la Constitution allemande du 28 mars 1849. Ce n’est toutefois qu’à l’occasion de l’adoption de la loi fondamentale du 23 mai 1949, dont les 19 premiers articles sont consacrés aux droits fondamentaux, que la notion s’enracine dans la doctrine et le système juridique allemand (pour des études approfondies sur la notion allemande de droits fondamentaux, le lecteur pourra utilement se référer à : R. Alexy, Theorie der Grundrechte, Baden-Baden, 1985 ; D. Capitant, Les effets juridiques des droits fondamentaux en Allemagne, th. dactylographiée, Université Panthéon-Sorbonne, Paris I, 1996 ; O. Jouanjan, « La théorie allemande des droits fondamentaux », A.J.D.A., 1998, n° spécial, p. 44 ; Th. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, L.G.D.J., Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, tome 112, Paris, 2003 ; D. Ribes, L’Etat protecteur des droits fondamentaux. Recherche en droit comparé sur les effets des droits fondamentaux entre personnes privées, th. dactylographiée, Université Paul Cézanne, Aix-Marseille III, 2005, pp. 46 et ss).

7 S’agissant des systèmes internationaux de garantie des droits et libertés, l’expression « droit fondamental » apparaît dans le préambule de la Charte des Nations unies du 26 juin 1945 et à l’article 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966. Le préambule de la Déclaration universelle des droits de l’homme du 10 décembre 1948, en revanche, préfère l’expression de « droits de l’homme et libertés fondamentales ». A l’échelle régionale, cette dernière expression se retrouve au sein de la Convention européenne du 4 novembre 1950, tandis que la formule « droit fondamentaux » est expressément consacrée par le droit de l’Union européenne depuis l’adoption de la Charte des droits fondamentaux à Nice, le 7 décembre 2000, laquelle se trouve revêtue d’une portée juridique contraignante depuis l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne.

8 Qu’il s’agisse de l’Espagne ou du Portugal, le texte constitutionnel fait expressément référence à l’expression

« droits et devoirs fondamentaux », la Constitution espagnole du 27 décembre 1978 au sein de son titre premier et la Constitution portugaise du 2 avril 1976 au sein de sa première partie.

9 Tandis que l’article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958 fait référence à la notion de « libertés publiques », le préambule du texte constitutionnel évoque, d’un côté, les droits de l’homme contenus dans la Déclaration de 1789 et, d’un autre côté, les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et les principes particulièrement nécessaires à notre temps par renvoie au préambule de la Constitution du 27 octobre 1946.

10 La période est effectivement marquée par la multiplication d’études comparatistes faisant état des expériences étrangères dans le domaine des droits fondamentaux (en ce sens, v. spéc. : A. Auer, « Les droits fondamentaux et leur protection », Pouvoirs, 1987, n° 43, p. 87 ; P. Bon, « La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen », in D. Maus et P. Bon (Dir.), La nouvelle république brésilienne, Economica, P.U.A.M., coll. Droit public positif, Paris, 1991, p. 223 ; « Les droits et libertés en Espagne. Eléments pour une théorie générale », in 10 ans de démocratie constitutionnelle en Espagne. Actes du Colloque de Bordeaux, 29-30 mars 1990, Editions du C.N.R.S., coll. de la maison des pays ibériques, Paris, 1991, p. 35 ; M. Fromont, « Les droits fondamentaux dans l’ordre juridique de la République fédérale allemande », in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, Editions Cujas, Paris, 1977, p. 490).

Parallèlement à ces contributions « isolées » s’ajoute l’organisation, les 19, 20 et 21 février 1981, d’un colloque

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terrain, si bien que le juge administratif11 et, surtout, le Conseil constitutionnel12 s’emparent, à la suite du législateur13, de la notion.

11. Commune à l’ensemble des systèmes juridiques contemporains dont les fondements reposent sur les valeurs de l’Etat de droit, la notion de « droits fondamentaux » n’en suscite pas moins la controverse. Se réalisant dans une cacophonie souvent décourageante14, la politique de dénomination des droits fondamentaux donne effectivement lieu à des définitions diverses et variées, sans véritable lien entre elles si ce n’est leur objet. Parmi les différentes acceptions des droits fondamentaux à l’œuvre, l’approche formelle peut toutefois être préférée.

b. La préférence donnée à l’approche formelle des droits fondamentaux

12. Considéré par le professeur Nicolas Molfessis comme un label incontrôlé et rebelle à toute systématisation15, le concept « droit fondamental », compte tenu « du défaut de concordance entre les ''lignes de la Constitution'', les ''conclusions des théoriciens'' et les ''mots du juge'' »16, se révèle, de toute évidence, particulièrement délicat à appréhender. Ainsi, le professeur Véronique Champeil-Desplats, à partir de l’exemple du système juridique français, recense quatre types de définition de l’adjectif « fondamental » dans le langage de la doctrine17, parmi lesquels il convient de privilégier l’approche formelle18.

international à Aix-en-Provence sur le thème de la protection des droits fondamentaux par les cours constitutionnelles européennes (L. Favoreu (Dir.), Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, Economica, P.U.A.M., coll. droit public positif, Paris, 1982).

11 Dès sa décision d’Assemblée du 26 septembre 1984, Lujambio Galdeano, le Conseil d’Etat contrôle, conformément aux principes généraux du droit de l’extradition, le respect des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine par le système juridique de l’Etat requérant (C.E. Ass., 26 septembre 1986, Rec. p. 380 ; R.F.D.A., 1985, p. 183, note H. Labayle ; A.J., 1984, p. 669, chron. J.-E. Schoettl et S. Hubac).

12 Après une première utilisation de l’adjectif « fondamental » dans sa décision du 16 janvier 1982 sur les nationalisations (le Conseil constitutionnel affirme « le caractère fondamental du droit de propriété ». Cons.

const., décision 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, Rec. p. 18, J.O. du 17 janvier 1982, p. 299), le Conseil constitutionnel emploie expressément la notion de « droit fondamental » lors de ses décisions en dates du 22 janvier 1990 et du 13 août 1993 relatives aux droits des étrangers (Cons. const., décision 89-269 DC du 22 janvier 1990, Loi portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, Rec. p. 33, J.O. du 24 janvier 1990, p. 972 et décision n° 93-325 DC du 13 août 1993, Loi relative à la maîtrise de l’immigration et aux conditions d’entrée, d’accueil et de séjour des étrangers en France, Rec. p. 224, J.O. du 18 août 1993, p. 11722 ; R.F.D.C., 1993-15, p. 583, note L. Favoreu ; R.F.D.A., 1993, p. 871, note B. Genevois ; R.D.P., 1994, p. 5, note F. Luchaire).

13 Le législateur s’empare de la notion à l’occasion de l’adoption de la loi du 22 juin 1982 relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs (loi n° 82-526 du 22 juin 1982 dite Quilliot relative aux droits et obligations des locataires et des bailleurs, J.O. du 23 juin 1982, p. 1967). Finalement abrogé en 1986 (loi n° 86- 1290 du 23 décembre 1986 tendant à favoriser l'investissement locatif, l'accession à la propriété de logements sociaux et le développement de l'offre foncière, J.O. du 24 décembre 1986, p. 15531), l’article 1er de ce texte qualifie de « droit fondamental » le droit à l’habitat.

14 A. Viala, « Droits fondamentaux (Garanties procédurales) », in D. Chagnollaud et G. Drago (Dir.), Dictionnaire des droits fondamentaux, Dalloz, 2006, p. 293.

15 N. Molfessis, « Droit fondamental, un label incontrôlé », J.C.P. G., 2009, n° 25, p. 58.

16 M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, Bruylant, Collection droit et justice, Paris, 2ème éd., 2008, p. 68.

17 V. Champeil-Desplats, « Les droits et libertés fondamentaux en France. Genèse d’une qualification », in A. Lyon-Caen et P. Lokiec (Dir.), Droits fondamentaux et droit social, Dalloz, Paris, 2005, pp. 25-30 ; « la notion de droit fondamental et le droit constitutionnel français », D, 1995, pp. 324-325.

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13. Systématisée en France par l’école aixoise19 et réceptionnée par une frange non négligeable de la doctrine20, l’approche formelle repose sur une « fondamentalité » hiérarchique consistant à qualifier de fondamentaux les droits et libertés justiciables inscrits dans une norme de valeur supérieure, c'est-à-dire soit dans la Constitution, soit dans les conventions internationales. Intimement liée au mouvement de constitutionnalisation et d’internationalisation des droits, une telle acception exige que les droits fondamentaux soient préservés contre toute violation en provenance, non seulement des autorités législatives et réglementaires21, mais également des particuliers22. Revêtus d’un rang supralégislatif et sanctionnés par un organe de contrôle, les droits fondamentaux se trouvent, ainsi, rendus indisponibles23. En somme, la conception formelle des droits fondamentaux commande une relation à quatre termes susceptible d’être résumée comme il suit : les droits fondamentaux sont des permissions de valeur supralégislative conférant, aux personnes physiques et morales, des droits et libertés subjectifs assortis d’une garantie juridictionnelle permettant de les rendre opposables aux normes inférieures24. La notion de « droits fondamentaux », entendue dans son acception formelle, se distingue ainsi de celle, longtemps privilégiée, de libertés publiques qui renvoie aux droits et libertés reconnus par le législateur et protégés contre le seul pouvoir exécutif.

14. Or, une telle acception formelle des droits fondamentaux, généralement opposée à l’approche matérielle25, peut être préférée à cette dernière. En effet, bien que la conception

18 Outre l’approche matérielle, le professeur Véronique Champeil-Despalts recense une conception structurelle, selon laquelle « les droits ou principes fondamentaux sont […] ceux sans lesquels un système juridique, un sous- système ou un élément du système perdrait non seulement sa cohérence, son mode de fonctionnement mais surtout son existence spécifique, son identité » (« la notion de droit fondamental et le droit constitutionnel français », D, 1995, p. 325) et une conception commune ou comparative, où le caractère fondamental des droits et libertés est déduit des similitudes de qualification dans différents systèmes juridiques nationaux ou internationaux (Ibid.).

19 Sur ce point, v. en part. : L. Favoreu, (Dir.) et alii, Droit constitutionnel, Précis Dalloz, Paris, 15ème éd., 2013, pp. 865 et ss. ; « Rapport général introductif » in L. Favoreu (Dir.), Cours constitutionnelles européennes et droits fondamentaux, op. cit., p. 41 ; « L’élargissement de la saisine du Conseil constitutionnel aux juridictions administratives et judiciaires », R.F.D.C., 1990, p. 587 ; O. Pfersmann, « Esquisse d’une théorie des droits fondamentaux », in L. Favoreu (Dir.) et alii, Droit des libertés fondamentales, Précis Dalloz, Paris, 6ème éd., 2012, pp. 63 et ss. ; J. Pini, « Le droit à l’environnement, droit fondamental ? », Association française des constitutionnalistes, deuxième Congrès français de droit constitutionnel, Bordeaux, 1993, p. 409 ; D. Ribes, L’Etat protecteur des droits fondamentaux. Recherche en droit comparé sur les effets des droits fondamentaux entre personnes privées, op. cit., pp. 45-170.

20 Pour une réception de l’approche formelle des droits fondamentaux, v. not. : V. Barbé, Le rôle du Parlement dans la protection des droits fondamentaux. Etude comparative : Allemagne, France, Royaume-Uni, L.G.D.J., Bibliothèque constitutionnelle et de science politique, tome 131, Paris, 2009, pp. 8 et ss. ; J.-J. Israël, Droit des libertés fondamentales, L.G.D.J., 1998, Paris ; Th. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, op. cit.

21 Sur ce point, v. par ex. E. Dreyer, « La fonction des droits fondamentaux dans l’ordre juridique », D., 2006, p. 750.

22 En ce sens, v. not. D. Ribes, L’Etat protecteur des droits fondamentaux. Recherche en droit comparé sur les effets des droits fondamentaux entre personnes privées, op. cit.

23 M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., p. 63.

24 En ce sens, v. spéc. O. Pfersmann, op. cit., p. 75.

25 Principalement défendue en France par le professeur Etienne Picard (« L’émergence des droits fondamentaux en France », A.J.D.A., 1998, numéro spécial, p. 6 ; « Droits fondamentaux », in D. Alland et S. Rials (Dir.), Dictionnaire de culture juridique, P.U.F., 2003, p. 547), la conception matérielle de la « fondamentalité », de

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matérielle de la « fondamentalité » suscite un engouement doctrinal indiscutable26, deux facteurs, directement liés à l’objet de l’étude entreprise, commandent d’écarter cette conception.

15. En premier lieu, l’approche formelle demeure, dans le cadre d’une démarche comparatiste, la seule à permettre « d’identifier les droits fondamentaux dans des contextes juridiques, notamment constitutionnels, différents »27. En ce sens que, s’il existe un « fonds commun de droits fondamentaux matériels en Europe »28, les différents systèmes juridiques n’accordent pas nécessairement une signification identique au vocable « droit fondamental », si bien que, quand bien même les textes juridiques ou les juges nationaux établissent un catalogue de droits fondamentaux, celui-ci varie nécessairement d’un Etat à l’autre29. Par conséquent, « s’avère inappropriée, et en tout état de cause vouée à l’échec, l’entreprise qui consisterait à établir la notion à partir de l’inventaire des droits qualifiés de droits fondamentaux dans différents pays »30. Purement impossible, une telle approche des droits fondamentaux ne saurait avoir cours en droit comparé. C’est pourquoi la conception formelle, en tant qu’elle permet l’identification des droits fondamentaux en fonction de critères objectifs, transposables à des systèmes juridiques différents, s’impose.

16. En second lieu, l’action de l’ombudsman spécialisé, si elle ne saurait nécessairement se limiter à la seule défense des droits et libertés de valeur supralégislative, participe avant tout d’un mouvement de consolidation des droits consacrés à l’échelon constitutionnel et conventionnel31, c'est-à-dire ceux-là mêmes auxquels renvoie l’acception formelle.

type « jusnaturaliste », postule que les droits sont fondamentaux parce qu’ils défendent des valeurs morales particulièrement importantes, indépendamment de leur reconnaissance comme tel dans le droit positif (en ce sens, v. V. Champeil-Desplats, « Les droits et libertés fondamentaux en France. Genèse d’une qualification », op. cit., p. 26). En somme, ce qui importe, selon cette approche axiologique, n’est pas tant la place du droit ou de la liberté considéré dans la hiérarchie des normes que son contenu. En ce sens que si les droits et libertés qualifiés de fondamentaux font généralement l’objet d’une valorisation et se trouvent, à terme, consacrés dans les normes de valeur supérieure (sur ce point, v. : V. Barbé, Le rôle du Parlement dans la protection des droits fondamentaux. Etude comparative : Allemagne, France, Royaume-Uni, op. cit., p. 13 ; V. Champeil-Desplats, op. cit., p. 27), seul leur essence, à savoir la défense de valeurs inhérentes à la dignité humaine, permet de conclure ou non à leur « fondamentalité ». Ainsi, à la différence de la conception formelle des droits fondamentaux, « un droit n’est pas fondamental parce qu’il est constitutionnel, il est constitutionnel parce qu’il est fondamental et il peut être fondamental sans être constitutionnel » (D. Rousseau, « Droits fondamentaux », in A.-J. Arnaud (Dir.), Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, L.G.D.J., Paris, 2ème éd.

refondue, 1993, p. 374).

26 Arnaud Lyon-Caen et Pascal Lokiec écrivent en ce sens : « cette acception axiologique des droits fondamentaux, qui autorise à les reconnaître indépendamment de toute consécration constitutionnelle, participe de la référence croissante des droits fondamentaux dans le discours doctrinal » (« Propos introductifs », in A. Lyon-Caen et P. Lokiec (Dir.), Droits fondamentaux et droit social, op. cit., p. 2).

27 D. Ribes, L’Etat protecteur des droits fondamentaux. Recherche en droit comparé sur les effets des droits fondamentaux entre personnes privées, op. cit., p. 50.

28 C. Grewe et H. Ruiz Fabri, Droits constitutionnels européens, P.U.F., coll. Droit fondamental, Paris, 1ère éd., 1995, p. 158.

29 En ce sens, v. D. Ribes, op. cit., p. 47.

30 Ibid., p. 49. Dans un sens similaire, v. Th. Meindl, La notion de droit fondamental dans les jurisprudences et doctrines constitutionnelles françaises et allemandes, op. cit., pp. 9 et ss.

31 Certes, en Espagne, la contribution du Défenseur du Peuple à la protection des droits conventionnels peut de prime abord surprendre dès lors que l’article 54 de la Constitution semble lui assigner une mission de défense des seuls droits et libertés constitutionnellement garantis (aux termes de l’article 54 « une loi organique règlemente l'institution du Défenseur du peuple comme haut commissaire des Cortès générales, désigné par

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17. Par conséquent, seront considérés comme fondamentaux les droits et libertés de valeur supralégislative assortis d’une garantie juridictionnelle. En somme, l’ensemble des droits et libertés inscrits dans la Constitution et dans les conventions internationales, et ce indépendamment de leur qualification comme tel par les textes de référence.

2. La notion de « protection non juridictionnelle »

18. Action ou fait de soustraire quelqu'un ou quelque chose à un danger qui pourrait lui nuire, la notion de protection, entendue dans son acception juridique, est susceptible de prendre essentiellement deux formes : juridictionnelle et non juridictionnelle. Poursuivant une mission similaire de résolution des différends en vue de rendre la justice, notamment dans le domaine des droits fondamentaux, ces deux formes de garantie ne sauraient, pour autant, se confondre. Au contraire, s’inscrivant en réaction aux insuffisances affectant la protection offerte par le juge, le concept de « protection non juridictionnelle » peut être défini de façon négative, c'est-à-dire par opposition à la fonction de juger. Les quelques propositions de définition en ce sens laissent toutefois un léger goût d’inachevé. Rarement définie par le peu d’études doctrinales consacrées aux mécanismes non juridictionnels de garantie32, la notion de

« protection non juridictionnelle », lorsqu’elle fait l’objet d’un effort de conceptualisation, donne effectivement lieu à des définitions tautologiques. On songera, par exemple, à la définition proposée par le professeur Bénédicte Delaunay selon laquelle les protections non juridictionnelles constituent « des garanties destinées à défendre des droits par des moyens non juridictionnels, c'est-à-dire en dehors de la fonction de juger des juridictions »33. De toute évidence, une telle définition demeure insuffisante dès lors qu’elle se garde bien de préciser ce qu’il faut entendre par « moyens non juridictionnels » et « fonction de juger ».

celles-ci pour la défense des droits inclus dans le présent titre »). Ce serait toutefois sans compter sur le fait que, d’une part, il existe une influence réciproque et une vertu de complémentarité évidente entre les sources internationales et les sources internes relatives aux droits fondamentaux (J. Andriantsimbazoniva,

« L’enrichissement de la protection des droits fondamentaux au niveau européen et au niveau national, vers un contrôle de fondamentalité ? », R.F.D.A., 2002, p. 124) et, d’autre part, la Constitution espagnole consacre le principe d’interprétation des droits et libertés constitutionnellement garantis conformément aux conventions internationales applicables en la matière (En Espagne, l’article 10-2 de la Constitution dispose que « les normes relatives aux droits fondamentaux et aux libertés reconnues par la Constitution doivent être interprétées conformément à la Déclaration universelle des droits de l'homme et aux traités et accords internationaux ratifiés par l'Espagne en la matière »). Par ailleurs et surtout, le Défenseur du Peuple, à l’instar de ses homologues portugais et français, non seulement aime à rappeler que les conventions internationales de garantie des droits de l’homme constituent des sources à part entière de sa fonction de protection des droits fondamentaux, mais, de surcroît, contribue activement à la promotion de ces mêmes droits à l’échelle internationale (Sur ces questions, v. infra, n° 1101 et ss.). Ce faisant, les sources internationales des droits fondamentaux paraissent devoir être nécessairement comprises dans le champ de la protection offerte par le Défenseur espagnol.

32 La plupart des études sur le sujet se contentent, en effet, d’une présentation des principaux mécanismes non juridictionnels de garantie sans pour autant définir le concept de protection non juridictionnelle (en ce sens, v. not. : J. Morand-Deviller, « Les mécanismes non juridictionnels de protection des droits », in L'effectivité des droits fondamentaux dans les pays de la communauté francophone: colloque international, 29 et 30 septembre, 1er octobre 1993, AUPELF-UREF, p. 485 ; T. Takizawa, « Les contrôles juridictionnels et non juridictionnels », R.F.D.A., 1995, n° 73, p. 103 ; J. Tornos Mas, « Medios complementarios a la resolución jurisdiccional de los conflictos administrativos », R.A.P., 1995, n° 136, p. 149).

33 B. Delaunay, « Les protections non juridictionnelles des droits publics subjectifs des administrés », op. cit., p. 212.

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19. Prenant le contrepied, ne serait-ce qu’en raison de son appellation, de la protection offerte par le juge, le concept de « protection non juridictionnelle » ne saurait, en réalité, être appréhendé sans une définition préalable de la notion de juridiction34. « Est juge celui qui juge »35. Redondante, la formule du professeur Georges Wiederkehr se doit d’être explicitée.

Pour ce faire, s’impose le postulat selon lequel « le statut ne fait pas le juge »36. Bien qu’essentiel, dès l’instant où il s’attache à garantir l’indépendance et l’impartialité du juge, qualités indispensables à l’exercice de sa fonction37, le statut ne saurait, en effet, constituer un critère de définition suffisant de la notion de juridiction. « S’il en était autrement, tous les juges devraient bénéficier du même statut ou, du moins, chaque juge aurait un statut et les différents statuts du juge présenteraient d’importantes caractéristiques communes »38. Or, tel n’est pas le cas en pratique. En France, par exemple, le statut des magistrats de la Cour de cassation ou des conseillers d’Etat détonne par rapport à celui des magistrats du tribunal de commerce ou des conseillers prud’homaux qui, d’une part, ne sont pas magistrats de carrière, mais des commerçants, pour les premiers, des salariés et des employeurs, pour les seconds, élus par leurs pairs, et, d’autre part, exercent leur fonction de juge à temps partiel. Le recours au statut en tant que critère de définition de la notion de juridiction se révèle d’autant moins heureux que la plupart des organes de protection non juridictionnelle présentent également des qualités d’impartialité et d’indépendance. En conséquence de quoi définir le juge en raison des éléments de son statut ne suffit pas pour distinguer la protection juridictionnelle de la protection non juridictionnelle.

20. A la vérité, la notion de juridiction ne peut être comprise qu’à l’aune de deux éléments complémentaires : d’un côté, la fonction de juger et, d’un autre côté, les pouvoirs et les obligations qui sont ceux du juge dans l’exercice de cette tâche39. Il convient de préciser ces deux points.

21. Dans la mesure où « le juge est une personne désignée comme tel pour exercer soit seul, soit en collège la fonction de juger »40, il apparaît, en premier lieu, indispensable de déterminer en quoi consiste la fonction de juger afin de savoir à qui l’on doit reconnaître la qualité de juge41. Définie par Carré de Malberg comme la partie de l’activité de l’Etat se

34 Sur la notion de juridiction, le lecteur pourra utilement se référer à : R. Chapus, « Qu’est-ce qu’une juridiction ? La réponse de la jurisprudence administrative », in Recueil d’études en hommage à Charles Eisenmann, op. cit., p. 265 ; R. Kovar, « La notion de juridiction en droit européen », in Liber amicorum Jean Waline, Gouverner, administrer, juger, Paris, Dalloz, 2002, p. 607 ; G. Wiederkehr, « Qu’est-ce qu’un juge ? », in Mélanges en l’honneur de Roger Perrot, Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs ?, Dalloz, Paris, 1995, p. 575.

35 G. Wiederkehr, op. cit., p. 577.

36 Ibid.

37 Ibid., p. 579.

38 Ibid., p. 577.

39 En ce sens, v. par ex. D. Connil, L’office du juge administratif et le temps, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses, Paris, 2012.

pp. 16 et 18.

40 G. Wiederkehr, op. cit., p. 575.

41 Ibid., pp. 575-576.

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