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75. C’est un lieu commun, la seule existence d’un catalogue de droits et libertés, aussi

complet soit-il, ne saurait suffire à assurer l’exercice des droits de la personne humaine179. A

la vérité, ce n’est qu’à partir du moment où les droits et libertés se trouvent assortis de

mécanismes de protection de nature à en garantir l’effectivité qu’ils peuvent se réaliser180. Ce

n’est d’ailleurs rien d’autre que décrit le professeur Pierre Bon lorsqu’il affirme que la simple

proclamation des droits et libertés « les laisse à l’état de virtuel. Pour qu’il s’agisse de droits

réels et effectifs et non pas de droits formels et virtuels, il faut que la Constitution définisse un certain nombre de règles juridiques et mette sur pied un certain nombre de mécanismes destinés à en garantir le respect »181. D’un tel constat, il s’ensuit que « les libertés ne valent en pratique que ce que valent leurs garanties »182.

76. Diverses et variées, ces garanties peuvent être regroupées en deux grandes catégories.

179 Sur ce point, v. entre autres : G. Burdeau, Les libertés publiques, L.G.D.J., Paris, 1972, p. 35 ; M. Dran, Le contrôle juridictionnel et la garantie des libertés publiques, op. cit., pp. 3, 6 et 8 ; M. Levinet, Théorie générale des droits et libertés, op. cit., p. 410 ; L.F. Fernández-Villaverde, La protección de los derechos fundamentales en el ordenamiento español, Editorial Montecorvo, S. A., Madrid, 1981, p. 28 ; J. García Morillo, La protección de los derechos fundamentales, Tirant lo blanch, Valencia, 1994, pp. 18 et 20 ; A. Weber, Les mécanismes de contrôle non contentieux du respect des droits de l’homme, op. cit., p. 17.

180 L’Histoire révèle, en ce sens, un trop grand nombre de déclarations de droits violées par le pouvoir politique faute de mécanismes de garantie susceptibles d’en garantir l’effectivité. L’exemple du Fuero de los españoles, adopté par le régime franquiste le 17 juillet 1945, en est une illustration éclatante (Sur le Fuero de los españoles, le lecteur pourra utilement se référer à A. Sánchez de la Torre, Comentario al Fuero de los Españoles, Instituto de Estudios Políticos, Madrid, 1975). Prenant part à un corpus de sept lois fondamentales faisant office de

« cosmétique constitutionnelle de l’autoritarisme » (A. Bachoud et M-F. Mourier-Martinez, España, una democracia joven, MASSON, Coll. « Español moderno », Paris, 1990, p. 27), cette Charte des droits et libertés, à la dénomination profondément « archaïsante et médiévale » (R. Morodo, La transición política, op. cit., p. 53), ne fut jamais véritablement respectée par la dictature franquiste compte tenu de l’absence de voie de recours en mesure de sanctionner les atteintes susceptibles d’y être portées (En ce sens, v. : Á. Carmona Soto, « Aislamiento y consolidación del régimen : 1945-1957 », in Diaz Gijon, D. Fernández Navarrete, M.J. González González, P.A. Martínez Lillo et Á. Carmona Soto, Historia de la España actual, 1939-1996, Autoritarisme y democracia, Marcial pons, Madrid, 1998, p. 55). Et ce n’est pas le mécanisme du contrafuero, consacré par la loi organique du 10 janvier 1967, qui permet d’affirmer le contraire. Prévoyant la mise en place d’un contrôle de conformité des lois aux lois fondamentales, cette voie de droit ne permettait pas de répondre à l’exigence d’impartialité indispensable à l’efficacité de tout contrôle de constitutionnalité des lois. En effet, le recours en Contrafuero, dont l’initiative appartenait exclusivement au Conseil national ou à la Commission permanente des Cortès, était intenté devant le Conseil du royaume qui se contentait de proposer une solution au

Caudillo, seul compétent pour adopter la décision finale (en ce sens, v. G. Burdeau, Traité de science politique, tome V, Les Régimes politiques, L.G.D.J., Paris, 3ème éd., 1985, p. 496). En somme, le Fuero de los españoles ne constituait, pour reprendre les mots de Roxanne Garnier, qu’une « vitrine démocratique destinée à masquer la réalité du pouvoir personnel et dictatorial »(R. Garnier, La démocratie portugaise, op. cit., p. 33).

181 P. Bon, « La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen »,

op. cit., p. 223.

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77. D’une part, les garanties juridiques ou normatives, c'est-à-dire les règles de

compétence, de procédure ou de fond, à l’instar de la réserve de loi, qui doivent jouer dès lors

que les droits fondamentaux sont en cause183.

78. D’autre part, les garanties institutionnelles, à savoir la possibilité de demander à des

organes, spécialement aménagés pour ce faire, d’assurer le respect des garanties juridiques précédemment évoquées et, par là-même, des droits fondamentaux.

79. Or, c’est précisément à l’aune de cette seconde catégorie de garanties que doit être

appréhendé le caractère indispensable de la protection offerte par l’ombudsman spécialisé. La transition démocratique désormais achevée au sein de la péninsule ibérique, l’ombudsman spécialisé trouve, en effet, une raison d’être contemporaine, en France aussi bien que de l’autre côté des Pyrénées, à travers sa capacité à combler les carences affectant les mécanismes institutionnels, tant juridictionnels que non juridictionnels, classiques de garantie. En ce sens que les traditionnelles voies de recours que sont le juge, le Parlement et les autorités non juridictionnelles disposant d’une seule compétence sectorielle, en dépit d’un perfectionnement constant, ne sauraient à elles seules satisfaire l’ensemble des exigences des droits fondamentaux et, ce faisant, justifient le recours à un organe favorisant, en raison de ses caractéristiques propres, l’émergence d’un système institutionnel de garantie des droits et libertés complet.

80. Evidemment, cette vertu de complémentarité de la protection offerte par les

mécanismes classiques de garantie n’est pas propre au modèle de l’human rights ombudsman.

Ainsi que le rapporte le professeur Álvaro Gil-Robles, les raisons qui ont justifié la réception

de l’ombudsman par l’Espagne « sont les mêmes qui ont justifié son introduction au sein des

autres pays européens depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, à savoir lutter contre le déficit d’efficacité des traditionnels systèmes de contrôle des décisions adoptées par les différentes administrations publiques »184. Une telle justification prend toutefois une dimension renouvelée s’agissant de l’ombudsman spécialisé en ce qu’elle s’exprime sur le terrain des droits fondamentaux.

81. Afin de rendre compte d’un tel renouvellement, un « état des lieux » des principales

imperfections affectant les traditionnelles voies de protection des droits fondamentaux se présente comme un préalable nécessaire. S’inscrivant en réaction aux insuffisances du système institutionnel de garantie des droits et libertés, l’ombudsman spécialisé ne peut effectivement être compris indépendamment des carences qui sont celles des mécanismes

ordinaires de protection (TITRE I). Les insuffisances des traditionnelles voies de recours

identifiées, il sera envisageable de s’intéresser à l’apport de l’ombudsman spécialisé au

système institutionnel de garantie des droits fondamentaux (TITRE II).

183 P. Bon, « La protection constitutionnelle des droits fondamentaux : aspects de droit comparé européen », op. cit., p. 243.

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TITRE I

L’INSUFFISANCE DU SYSTEME INSTITUTIONNEL CLASSIQUE DE

GARANTIE DES DROITS FONDAMENTAUX

82. « Le développement de l’ombudsman en quelques années est un bon exemple de mode juridique […]. Mais, contrairement aux modes vestimentaires, les modes juridiques ne s’expliquent pas par les caprices de quelques créateurs, elles ont des raisons plus profondes »185. De toute évidence, ces quelques mots empruntés au Professeur Jean Rivero

conduisent à s’interroger sur la justification contemporaine du recours à un human rights

ombudsman.

83. A la vérité, la raison d’être actuelle de l’ombudsman spécialisé ne saurait être

comprise indépendamment des carences affectant le système institutionnel classique de garantie. En ce sens que, si le contexte de transition démocratique propre à l’Espagne et au Portugal de la fin des années 1970 est susceptible d’expliquer l’apparition de l’institution de l’autre côté des Pyrénées, la nécessité contemporaine de cette forme de protection non juridictionnelle des droits fondamentaux, en France aussi bien que sur la péninsule ibérique, doit être appréhendée au regard de l’insuffisance des mécanismes traditionnels de protection. A savoir que la protection des droits et libertés ne serait pas pleinement assurée par les mécanismes classiques de garantie si bien qu’il resterait un domaine d’intervention où l’human rights ombudsman, compte tenu de sa capacité à proposer une protection différente de celle des traditionnelles voies de recours, aurait un rôle spécifique à jouer.

84. Attestant de l’idée selon laquelle la spécificité du contexte de mise en place de

l’ombudsman spécialisé en Espagne et au Portugal ne saurait permettre de conclure à l’inopportunité d’introduire une institution similaire en France, cette justification contemporaine peut, évidemment, de prime abord surprendre. Tandis que les garanties

juridictionnelles demeurent, aux yeux de beaucoup, « le rempart des libertés le plus

efficace »186, l’action du juge se trouve suppléée par des organes non juridictionnels de défense des droits fondamentaux, en tête desquels figurent le Parlement et certaines autorités indépendantes sectorielles. Plus largement, il convient de constater, avec Virgilio Zapatero

Gómez, que « dès l’instant où l’ensemble des pouvoirs publics ont pour mission ultime et

suprême la défense des droits de l’homme, il est censé de s’interroger sur la justification d’un organe spécialisé tel que le Défenseur du Peuple »187.

185

J. Rivero, « La loi et les droits fondamentaux », in J. Rivero, Le Conseil constitutionnel et les libertés, Economica, P.U.A.M., coll. droit public positif, Paris 1991, p. 166.

186 G. Lebreton, Libertés publiques et droits de l’homme, Dalloz, Sirey université, Paris, 8ème éd., 2009, p. 214. 187

V. Zapatero Gómez, in Reunión Intercontinental Unión Europea/América Latina-Caribe. Tutela de los Derechos Humanos, op. cit., p. 122.

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85. Il faut pourtant « se méfier des prétendues évidences »188. A priori surprenante

(Chapitre 1), l’insuffisance du système institutionnel classique de garantie des droits fondamentaux est, en réalité, avérée. Les traditionnelles voies de recours, aussi indispensables soient-elles, souffrant d’imperfections de nature à préjudicier à l’effectivité des droits fondamentaux (Chapitre 2).

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Chapitre 1 – Une insuffisance a priori surprenante

86. Loin de faire l’unanimité au sein de la doctrine, l’institution de l’ombudsman est

parfois décriée par certains auteurs en raison de son caractère superfétatoire189. Selon ses

détracteurs, cette institution d’origine scandinave n’apporterait rien de plus à nos systèmes

institutionnels de garantie, lesquels se distinguent, à l’inverse de la Suède190 ou du Québec191,

en raison d’une protection de l’individu reposant essentiellement sur la figure du juge.

Relayées par une partie de la classe politique192, ces positions doctrinales conduisent, de toute

évidence, à s’interroger sur la pertinence de la justification contemporaine de l’ombudsman à l’aune de l’insuffisance des mécanismes classiques de protection des droits fondamentaux.

87. Car, si l’on comprend que le besoin historique d’ancrage de l’Etat de droit à la sortie

des dictatures franquiste et salazariste ait rendu nécessaire la mise en place d’une institution nouvelle, dépourvue de tout lien avec les régimes autoritaires précédents, il convient de

189 On songera notamment à la célèbre prise de position du professeur Roland Drago selon laquelle : « Le meilleur ombudsman, c’est le Conseil d’Etat » (in Préface de la thèse d’A. Legrand, L’Ombudsman Scandinave. Etudes comparées sur le contrôle de l’administration, op. cit., 1970). Mais également à Nicole Questiaux, considérant qu’« un ombudsman serait non seulement incompatible avec l’organisation de la justice française mais, de plus inutile : les citoyens recoivent la meilleure protection possible, ils ne peuvent espérer mieux » (cité par J. Frayssinet, J.-P. Guin et R. Blum, Administration et justice administrative face aux administrés, P.U.F., Paris, 1972, p. 37). Ou, encore, au professeur José Luis Carro Fernandez-Valmayor, qui, sans nier l’utilité tirée de la mise en place d’un ombudsman en Espagne, considère néanmoins que, face aux carences du système judiciaire, « la solution doit venir en premier lieu de sa réforme en profondeur » (J.L. Carro Fernandez-Valmayor, « Defensor del Pueblo y la Administración Pública », in Homenaje al profesor Eduardo Garcia de Enterria, Estudios sobre la Constitución española. La Corona, las Cortes Generales, del gobierno y de la administración pública, tomo III, Editorial civitas, Madrid, 1991, p. 2671). Sans oublier le professeur Carlos Giner de Grado, lequel se demande « A quoi peut bien servir l’adjonction d’un organe nouveau quand les trois pouvoirs basiques de l’Etat – le législatif, l’exécutif et le judiciaire – n’ont pas d’autre raison d’être que de protéger les citoyens contre quiconque prétend leur porter atteinte ? » (El Defensor del Pueblo en la teoría y en la práctica, Editorial Popular, coll. "Papel de prueba" 23, Madrid, 1986, p. 7).

190 Alors que l’ombudsman est apparu à un moment où il n’existait pas de contrôle juridictionnel de l’administration, désormais cette institution « pallie, dans une large mesure, à la mauvaise organisation de la justice administrative, du contentieux administratif, en suède » (H. Puget, « Le contrôle de l’administration : les systèmes classiques, l’Ombudsman et la Prokuratura », op. cit., p. 8).

191 Daniel Jacoby et Patrick Robardet soulignent, en effet, que lorsque fut mis en place le Protecteur du citoyen, en 1968, il n’existait pas au Québec de juridictions administratives comparables au Conseil d’Etat et aux tribunaux administratifs français (« Le Protecteur du citoyen du Québec comme agent de changement »,

R.F.A.P., 1992, p. 611).

192 A l’occasion des débats constituants relatifs au Projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, le député M. Goulard a déposé un amendement de suppression de l’article 31, portant création du Défenseur des droits, au motif que la protection des droits et libertés « appartient aux juridictions, et instaurer une nouvelle autorité aux contours au demeurant vagues viendrait affaiblir en réalité leur pouvoir en la matière » (Amendement n° 196 du 19 mai 2008, [en ligne]. Disponible sur [www.assemblee-nationale.fr]). De même, en Espagne, lors de la discussion devant le Sénat de l’introduction du Défenseur du Peuple, le professeur Ollero affirme : « […] quand il existe une justice administrative et une justice constitutionnelle qui protègent juridiquement le citoyen, avec un système de recours adapté pour faire face aux éventuels abus du pouvoir, la création d’une institution intermédiaire manque de fondement » (Diario de sesiones del Senado, 31 août 1978, n° 47, p. 2129). L’existence de mécanismes juridictionnels de garantis des libertés est également la raison avancée par le député Luís Catarino pour justifier l’abstention de son parti, le MDP-CDE, lors du choix opéré par le constituant portugais, à l’occasion de l’adoption de la Constitution du 2 avril 1976, de constitutionnaliser l’institution du Provedor de Justiça (M. Eduarda Ferraz, O Provedor de Justiça na defesa da Constituição, Provedoria de Justiça, Divisão de Documentação, 2008, p. 14).

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reconnaître que les voies de recours traditionnelles, à l’origine d’importantes suspicions lors des transitions démocratiques espagnole et portugaise, compte tenu de leur collaboration avec les régimes antérieurs, se révèlent désormais efficaces et ont prouvé leur attachement non équivoque aux droits de la personne humaine. De même, les lacunes affectant le modèle français de justice constitutionnelle et administrative ont progressivement été balayées par une série de réformes.

88. Ce faisant, la France et les pays ibériques semblent actuellement disposer d’un

système de garantie des droits fondamentaux relativement complet au sein duquel le juge, principal acteur (Section 1), voit son action relayée par l’existence de mécanismes non juridictionnels classiques de protection (Section 2). Partant, le maintien du Défenseur du

Peuple et du Provedor de Justiça sur la péninsule ibérique, une fois la transition démocratique

achevée, et la récente introduction d’un Défenseur des droits en France ne manquent pas de

surprendre193.

Section 1 – Le juge, gardien privilégié des droits fondamentaux

89. Pierre angulaire de l’Etat de droit, le juge, eu égard à son indépendance, son

impartialité et, surtout, sa capacité à prononcer l’annulation des actes portant atteinte aux

droits fondamentaux, est classiquement appréhendé comme « le mode de contrôle le plus

abouti et le plus efficace »194. Parce que, sans sa présence, les droits et libertés sont menacés de rester platoniques, le juge est ainsi érigé au rang de pièce maîtresse du système institutionnel de garantie. Loin de demeurer purement théorique, cette conception du juge gardien privilégié des libertés fondamentales est largement corroborée par le droit positif français et ibérique. Tandis que la garantie juridictionnelle constitue un élément déterminant de la « fondamentalité », sans lequel les droits et libertés fondamentaux ne sauraient véritablement exister (§ 1), cette modalité de protection a fait l’objet de développements constants, traduction d’une recherche d’effectivité toujours plus grande des droits de la personne humaine (§ 2). En outre, le juge, à travers son discours, se révèle profondément attaché à la problématique des droits fondamentaux (§ 3).

§ 1. La garantie juridictionnelle, condition d’existence des droits fondamentaux

90. Selon le professeur Véronique Champeil-Desplats, « le fait que l’effectivité des droits

ne puisse être dans tous les cas assurée par le juge ne réduit – contrairement à ce qui est parfois soutenu –, ni la « juridicité » (ou « normativité ») des droits, ni la possibilité d’obtenir leur effectivité par d’autres moyens. La qualité de norme juridique ne dépend pas de la possibilité d’invoquer la norme devant le seul juge. Elle dépend bien plus de l’adoption de la

193 Certains auteurs se sont d’ailleurs risqués à paraphraser le professeur Roland Drago en affirmant que, en France, « le meilleur défenseur des droits ou, en tout cas, ''du'' droit, c’est le juge administratif mais aussi, et surtout, judiciaire » (S. Denaja, « Le Défenseur des droits », op. cit., p. 514).

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norme par une autorité compétente dans un système juridique donné »195. L’affirmation ne semble souffrir d’aucune contestation. En effet, il est classiquement admis en droit positif

qu’une norme, entendue comme « la signification d’une proposition indiquant un modèle de

conduite sur un mode impératif »196, obtient la qualité de règle de droit en raison de sa seule

appartenance au système juridique197. Soit que cette norme ait été directement édictée par

l’Etat, en vertu de son pouvoir normatif, soit que, bien qu’extérieur à l’Etat, elle ait été

adoptée sur le fondement d’une norme Etatique198

.

91. Il n’en demeure pas moins vrai que « le droit et la loi n’acquièrent leurs véritables

signification et force qu’à l’instant où ils trouvent à leur disposition un juge en vue de leur réalisation. En son absence ils ne resteront que trop souvent lettre morte. Il manque le nécessaire lien entre eux et la vie »199. Or, ce lien étroit entre le juge et le droit s’exprime avec une acuité particulière dans le domaine des droits fondamentaux. En tant que permissions juridiques de valeur supralégislative, les droits fondamentaux ne sauraient par définition exister sans la présence d’un organe juridictionnel habilité à sanctionner les atteintes qui leur

sont portées200, leur caractère fondamental résidant précisément « dans l'existence d'un

contrôle juridictionnel permettant de faire prévaloir le droit sur la loi »201. Plus qu’un

corollaire indispensable202, la justiciabilité se présente, dès lors, comme un élément constitutif

des droits fondamentaux. La doctrine n’est toutefois pas unanime sur ce point.

195

V. Champeil-Desplats, « Effectivité des droits de l’homme : approche théorique », in V. Champeil-Desplats et D. Lochak (Dir.), A la recherche de l’effectivité des droits de l’homme, Presses universitaires de Paris X, 2008, p. 25.

196

D. de Béchillon, Qu’est-ce qu’une règle de droit ?,éd. Odile Jacob, Paris, 1997, p. 174. Dans le même sens, v. E. Millard, « Qu’est-ce qu’une norme juridique ? », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Etudes et doctrines, 2006, n° 21, p. 59.

197 Sur la notion de système, v. F. Ost et M. Van de Kerchove, in, D. de Béchillon, op. cit. pp. 261-262. Sur celle de système juridique, v. M. Virally, « Le phénomène juridique », R.D.P., 1966, pp. 13 et ss.

198 Pour une approche approfondie du concept de norme juridique, v. entre autres : P. Amselek, « Norme et loi »,

A.P.D., 1980, p. 89 ; J. Chevallier, « La normativité », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Etudes et doctrines, 2006, n° 21, p. 56 ; D. de Béchillon, Hiérarchie des normes et hiérarchie des fonctions normatives de l’Etat, Economica, Paris, 1996 ; Qu’est-ce qu’une règle de droit ?, op. cit. ; H.L.A. Hart, Le concept de droit, trad. Michel Van de Kerchove, Facultés universitaires de Saint Louis, Bruxelles, 2ème éd., 2005 ; H. Kelsen,

Théorie pure du droit, trad. Ch. Eisenmann, Dalloz, Paris, 2ème éd., 1962 ; X. Labbée, Les critères de la norme juridique, Presse universitaires de Lille, 1994 ; E. Millard, op. cit. ; E. Picavet, Kelsen et Hart : la norme et la conduite, P.U.F., Paris, 2000.

199

Otto Bähr, Der Rechtsstaat. Eine publicistische Skizze, réimpr. de la 1ère éd. de 1864, Aalen, Scienta, 1961, cité par L. Heuschling, Etat de droit, Rechtsstaat, Rule of Law, Dalloz, coll. Nouvelle Bibliothèque des thèses,

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