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Regles de l'OMC - Effet direct - Invocabilité (Note de jurisprudence)

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Cour de justice, Ordonnance du 2 mai 2001, OGT Fruchthandelsgesellschaft mbH et Hauptzollamt Hamburg-St. Annen, aff. C-307/99

et

Tribunal de première instance, 20 mars 2001, Cordis, aff. T-18/99 ; Bocchi, aff. T-30/99 et T. Port, aff. T-52/99.

BANANES - RÈGLES DE L'OMC/GATT - EFFET DIRECT - INVOCABILITÉ

par Jörg GERKRATH, Professeur à l'Université d'Avignon et des pays de Vaucluse

L'ordonnance de la Cour du 2 mai 2001 ainsi que les trois arrêts du Tribunal du 20 mars 2001 s'insèrent dans une série d'arrêts rendue par les juges communautaires dans le contentieux de la banane et celui de l'effet direct des règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Loin de remettre en cause les résultats d'une jurisprudence opposée à l'invocabilité du GATT et des accords de l'OMC, laquelle est désormais bien établie et a déjà été abondamment commentée 1, les prises de position de la Cour et du Tribunal dans les affaires présentes en constituent en quelque sorte le point culminant.

En confirmant les solutions des arrêts antérieurs tout en y apportent quelques précisions utiles et en levant en passant les dernières incertitudes, les juges communautaires font en effet savoir, qu'ils considèrent désormais la question de l'invocabilité des accords OMC dans l'ordre juridique communautaire comme étant définitivement tranchée. Si l'on peut certainement s'en réjouir au nom de la sécurité juridique 2, il reste que l'actuelle tendance jurisprudentielle n'est pas sans poser de problèmes quant à la "systématique des voies de droit communautaire" et quant aux exigences d'une Communauté de droit 3.

Avant de présenter quelques observations à cet égard, il convient d'exposer brièvement le contexte factuel et réglementaire des affaires commentées. Cela permettra également de faire apparaître des analogies quant aux problèmes juridiques soulevés et de justifier ainsi le commentaire conjoint.

Pour ce qui est, premièrement, des trois affaires soumises au Tribunal, on constate l'existence d'un cadre factuel largement similaire. Les requérantes, trois sociétés importatrices de bananes établies en Allemagne, estimaient avoir subi un préjudice du fait de la réduction

1 Pour un aperçu général voir notamment: F. Berrod, La Cour de justice refuse l'invocabilité des accords OMC:

essai de régulation de la mondialisation, RTD eur. 2000, p. 419 ; A. Desmedt, European Court of Justice on the Effect of WTO Agreements in the EC Legal Order, Legal Issues of Economic Integration, 2000, p. 93 ; P.

Eeckhout, The domestic Legal Status of the WTO Agreement : Interconnecting Legal Systems, CML Rev.

1997, p. 11 ; E.-U. Petersmann, Darf die EG das Völkerecht ingnorieren ?, EuZW 1997, p. 325 ; G. A.

Zonnekeyn, The Status of WTO Law in the EC Legal Order, Journal of World Trade, 2000, p. 111.

2 Voir par anticipation M. Hilf et F. Schorkopf, WTO und EG: Rechtskonflikte vor den EuGH?, EuR 2000, p.

3 87.Voir F. Berrod, La systématique des voies de droit communautaires, thèse, Strasbourg, janvier 2002 et La Cour de justice refuse l'invocabilité des accords OMC: essai de régulation de la mondialisation, préc. p. 436.

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des quantités de référence qui leurs avaient été attribuées en application des règles de l'organisation commune des marchés (OCM) de la banane résultant de la réforme de 1998.

On se souviendra, en effet, que l'OCM de la banane, mis en place initialement par le règlement n° 404/93 du Conseil 4, avait substitué un système commun d'importation de bananes aux différents régimes nationaux. Il avait été complété par un règlement de la Commission, portant modalités d'application du régime d'importation de bananes dans la Communauté 5, lequel définissait, notamment, les critères de détermination des types d'opérateurs qui pouvaient présenter des demandes de certificats d'importation, selon l'activité que ces opérateurs avaient exercée au cours de la période de référence. Ce régime d'importation avait cependant fait l'objet, en 1997, d'une procédure de règlement des différends, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), à la suite de plaintes déposées par certains pays tiers. Procédure, qui a donné lieu à des rapports du groupe spécial de l'OMC et à un rapport de l'organe d'appel permanent qui a été adopté par l'organe de règlement des différends par décision du 25 septembre 1997. Par cette décision, l'organe de règlement des différends a déclaré incompatibles avec les règles de l'OMC plusieurs aspects du système communautaire d'importation de bananes.

Afin de se conformer à cette décision, le Conseil a alors adopté le règlement n°

1637/98 6, et, par la suite, la Commission a adopté le règlement n° 2362/98 7, portant modalités d'application du règlement n° 404/93 en ce qui concerne le régime d'importation de bananes dans la Communauté. C'est ce règlement de la Commission, qui était en cause dans les affaires présentes. Les recours en indemnité introduites par les requérantes visaient en effet à obtenir la condamnation de la Commission à réparer le préjudice que celle-ci leur a causé en adoptant le règlement n° 2362/98 et en amenant les autorités nationales à diminuer leurs quantités de référence. Ainsi, elles donnent au juge communautaire l'occasion de se prononcer sur la responsabilité de la Communauté pour violation d'un accord de l'OMC 8.

A l'appui de leurs recours, les requérantes ont invoqué une violation de certains accords figurant à l'annexe 1 de l'accord instituant l'OMC en soutenant que les dispositions du GATT constituent des règles supérieures de droit dont les interdictions de discrimination et la

4 Règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JOCE n° L 47, p. 1).

5 Règlement (CEE) n° 1442/93 de la Commission, du 10 juin 1993, portant modalités d'application du régime d'importation de bananes dans la Communauté (JOCE n° L 142, p. 6).

6 Règlement (CE) n° 1637/98, du 20 juillet 1998, modifiant le règlement n° 404/93 (JOCE n° L 210, p. 28).

7 Règlement (CE) n° 2362/98, du 28 octobre 1998, (JOCE n° L 293, p. 32).

8 Il semblerait en effet que la Cour ne se soit pas encore prononcée sur la question de la responsabilité des Etats membres ou de la Communauté en cas de violation du droit communautaire conventionnel. Voir en ce sens, F. Berrod, préc., p. 448 et J. Lotarski, Le contrôle de la conventionnalité des droits nationaux par la Cour de justice des CE, Europe, mars 2000, chron. n° 3.

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clause de la nation la plus favorisée doivent être considérées comme des règles protégeant les particuliers. Elles considèrent par ailleurs que l'accord OMC et ses annexes constituent un véritable ordre commercial mondial doté de son ordre juridique et de sa compétence juridictionnelle propres.

Les requérantes estimaient qu'en adoptant les nouvelles dispositions de l'OCM de la banane, la Commission s'était rendu coupable d'un détournement de pouvoir d'un nouveau type en ce sens qu'elle n'avait pas suivi les décisions de l'OMC ayant force de chose jugée qu'elle s'était pourtant engagée à respecter. Ce faisant elle aurait violé le principe selon lequel nemini licet venire contra factum proprium.

Comme on pouvait s'y attendre, le Tribunal ne les a pas suivi. Déduisant de la jurisprudence de la Cour que les règles de l'OMC n'ont pas, en principe, pour objet de conférer des droits aux particuliers, il décide que "leur violation éventuelle n'est pas susceptible d'engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté" 9. Le Tribunal n'admet pas non plus l'existence d'une nouvelle catégorie de détournement de pouvoir et rappelle la jurisprudence Fediol-Nakajima 10 confirmée par l'arrêt Portugal/Conseil du 23 novembre 1999 11 selon laquelle "ce n'est que dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre de l'OMC, ou dans le cas où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords inclus dans les annexes de l'accord OMC, qu'il appartient à la Cour et au Tribunal de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC" 12.

Au delà de leur argumentation principale, qui retiendra l'intérêt ici, les trois entreprises requérantes ont tenté, sans plus de succès, d'invoquer la violation de diverses principes généraux du droit communautaire pour soutenir leur action en responsabilité 13.

Pour ce qui est, deuxièmement, du litige à l'origine de l'ordonnance de la Cour du 2 mai 2001, il opposait la société OGT, importateur traditionnel de bananes en provenance de pays tiers, à l'administration douanière allemande au sujet du recouvrement de droits de douane exigés pour l'importation de bananes. Dans le cadre du contingent prévu à l'article 18, paragraphe 1, du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n° 1637/98, OGT avait en effet importé, en janvier 1999, 43,010 tonnes de bananes fraîches en provenance de

9 Point 51 des arrêts T-Port et Cordis, point 56 de l'arrêt Bocchi.

10 CJCE 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, points 19 à 22 et CJCE 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 31.

11 CJCE 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C-149/96, Rec. p. I-8395, point 47.

12 Point 58 des arrêts T-Port et Cordis, point 63 de l'arrêt Bocchi.

13 Voir F. Berrod, Europe, mai 2001, comm. n° 158.

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l'Équateur et l'administration douanière allemande avait alors appliqué le droit de douane prévu par ce même article 18.

Après avoir vainement introduit une réclamation contre l'avis de recouvrement des droits dus, la requérante a saisi le Finanzgericht Hamburg d'une demande tendant à l'annulation de l'exécution de l'avis de recouvrement litigieux.

Jugeant pertinentes les conclusions auxquelles un groupe spécial de l'OMC était parvenu dans son rapport du 12 avril 1999 quant à l'incompatibilité de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, telle que modifiée en 1998, avec les articles Ier et XIII du GATT de 1994, le Finanzgericht a estimé que cette illégalité pourrait, sous réserve de l'effet direct desdites dispositions, entraîner l'inapplicabilité de l'article 18, paragraphe 1, second alinéa, du règlement n° 404/93, tel que modifié par le règlement n°

1637/98. Il a donc posé, en vertu de l'article 234 CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation des articles Ier et XIII de l'accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994.

Comme le lui permet son règlement de procédure suite à la modification du 16 mai 2000, la Cour a décidé de répondre à la question préjudicielle par la voie d'une ordonnance motivée estimant "que la réponse à ladite question peut être clairement déduite de la jurisprudence" 14. Invoquant ses arrêts Portugal/Conseil et Dior 15, la Cour rejette "par identité de motifs" l'invocabilité des dispositions du GATT de 1994. Elle écarte ensuite rapidement l'application de la jurisprudence Fediol-Nakajima dont on apprend qu'elle doit être réservée à une "situation exceptionnelle". Par ailleurs, elle répond au juge allemand qu'aucun effet direct des dispositions du GATT de 1994 ne saurait non plus être déduit de l'article 234, premier alinéa, du traité.

A la lecture des trois arrêts du Tribunal et de l'ordonnance de la Cour il apparaît que les juridictions communautaires considèrent que la question de l'invocabilité des accords de l'OMC ne se pose plus (I). Le raisonnement qui justifie cette position tranchée met cependant en cause certains principes du système contentieux de la Communauté (II).

14 Sur les modifications du règlement de procédure de la Cour voir F. Berrod et D. Simon, Europe, juillet 2000, comm n° 188.

15 CJCE 14 décembre 2000, Dior e.a., C-300/98 et C-392/98, Rec. p. I-11344, point 44.

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I. Le refus de principe de l'invocabilité des règles de l'OMC acquiert un

caractère définitif

Il ressort clairement tant de l'ordonnance que des trois arrêts, que non seulement le refus de l'invocabilité des règles de l'OMC doit désormais être considéré comme étant général et définitif (A), mais aussi qu'il n'y aura à l'avenir que des exceptions très circonscrites (B).

A. Un refus définitif et général

Deux séries d'éléments semblent indiquer que la jurisprudence relative à l'invocabilité des règles de l'OMC est définitivement fixée. Il s'agit, d'un côté, du choix de la Cour de répondre à la question préjudicielle qui lui est soumise par la voie de l'ordonnance motivée et, de l'autre côté, du fait que la Cour et le Tribunal lèvent les dernières incertitudes qui pouvaient encore subsister quant à la portée exacte de la jurisprudence antérieure.

Le choix de recourir à la procédure prévue par l'article 104, § 3 de son règlement de procédure et de statuer par voie d'ordonnance, témoigne de la volonté de la Cour de signifier aux juges nationaux qu'à ses yeux la question de l'invocabilité des règles de l'OMC ne se pose plus. Depuis les modifications de son règlement de procédure datant du 16 mai 2000, la Cour peut en effet répondre à une question préjudicielle par voie d'ordonnance motivée, lorsque la question est identique à une question sur laquelle elle a déjà statué, ou que la réponse peut être clairement déduite de la jurisprudence ou qu'elle ne laisse place à aucun doute raisonnable. La Cour doit seulement en informer la juridiction de renvoi, inviter les intéressés visés à l'article 20 de son statut à présenter leurs observations éventuelles à ce sujet et entendre l'avocat général 16.

Si cet aménagement du règlement de procédure est certainement à saluer, on peut éprouver quelques hésitations quant à l'opportunité d'y recourir dans l'affaire présente, compte tenu notamment des incohérences de la jurisprudence antérieure. Certains commentateurs ont d'ailleurs fait remarquer que lorsque la Cour constate dans son ordonnance que la réponse à la question qui lui est soumise "peut être clairement déduite de la jurisprudence", elle fait preuve d'une interprétation trop généreuse de son règlement de procédure et d'une vision un peu raccourcie des choses 17.

La Cour se borne en effet à se référer, dans un premier temps, à son arrêt Portugal/Conseil, dont il ressort que "compte tenu de leur nature et de leur économie, l'accord OMC et les accords et mémorandums figurant dans ses annexes ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions

16 Voir JOCE n° L 122, 24 mai 2000, p. 43 et F. Berrod et D. Simon, préc.

17 Cf. E. Stieglitz, Anmerkung zum Beschluss des EuGH vom 2. Mai 2001, EuZW 2001, p. 530.

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communautaires" et, dans un deuxième temps, à son arrêt Dior e.a., dans lequel elle a considéré que, pour les mêmes raisons que celles qu'elle avait exposées dans l'arrêt Portugal/Conseil, "les dispositions de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (TRIPS) ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit communautaire". Dans un troisième temps, elle constate laconiquement qu'il "en découle qu'il doit en aller de même, par identité de motifs, des dispositions du GATT de 1994" 18.

Ce raisonnement du genre "a + b = c" n'est pas entièrement convaincant. L'arrêt Portugal/Conseil, portait en effet sur la question de l'invocabilité de l'accord OMC dans un recours en annulation tandis que l'arrêt Dior portait sur la question de l'invocabilité de l'accord TRIPS, lequel fait partie des accords mixtes, dans un recours préjudiciel devant le juge national. Dans ces conditions, la réponse à la question du Finanzgericht, laquelle porte pour la première fois sur l'invocabilité du GATT de 1994 dans un recours préjudiciel, pouvait elle vraiment être "clairement" déduite de la jurisprudence ?

Au delà de cet interrogation d'ordre procédural, on constatera que les présentes affaires ont permis au juge communautaire de lever quelques unes des dernières incertitudes qui subsistaient quant à sa position en matière d'invocabilité des règles du GATT et de l'OMC. Si la Cour s'était en effet clairement opposée à l'invocabilité du GATT de 1947, de l'accord OMC de 1994 et de l'accord TRIPS de 1994 19, elle n'avait pas encore eu à statuer ni sur le GATT de 1994 ni sur le statut des décisions des groupes spéciaux et de l'Organe d'appel.

Avec les arrêts du Tribunal du 20 mars 2001 et l'ordonnance ce la Cour du 2 mai 2001, c'est désormais chose faite.

On peut certes déplorer, que ni la Cour ni le Tribunal semblent vouloir tirer des conséquences des différences qui existent indéniablement entre le GATT de 1947 et les accords de l'OMC de 1994. S'agissant des décisions rendues dans le cadre de la procédure de règlement des différends de l'OMC, le Tribunal avait cependant récemment conclu que ces décisions ne pouvaient s'appliquer à un individu que s'il existait un lien juridique entre elle et lui 20. Faut-il aller au delà et reconnaître aux décisions de l'organe d'appel de l'OMC un effet obligatoire au sein de l'ordre juridique communautaire, comme certains le suggèrent 21 ? Peut-

18 Point 26 de l'ordonnance.

19 Voir CJCE 12 décembre1972, International Fruit Company (III), 21/72 et 24/72, Rec. p. 1219 ; CJCE 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-5042 ; CJCE 23 novembre 1999, Portugal/Conseil, C- 149/96, Rec. p. I-8395 ; CJCE 14 décembre 2000, Dior e.a., C-300/98 et C-392/98, Rec. p. I-11344.

20 TPI 28 septembre 1999, Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz, T-254/97, Rec. p. II-2743. Cf. D.

Simon, Europe, novembre 1999, comm. n° 394.

21 Voir G. A. Zonnekeyn, The latest on indirect effet of WTO law in the EC legal order. The Nakajima case law misjudged?, JIEL 2001, p. 597.

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être conviendrait-il au moins de maintenir certains exceptions au principe de la non- invocabilité que la Cour de justice a pu affirmer dans le passé.

B. Le principe de non-invocabilité ne fléchit que dans des situations (très) exceptionnelles Dans ces arrêts Nakajima du 7 mai 1991 et Fediol du 22 juin 1989, la Cour de justice avait accepté de contrôler la légalité d'un acte communautaire au regard des règles du GATT dans l'hypothèse où la Communauté a entendu donner exécution à une obligation particulière assumée dans le cadre du GATT, ou dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie à des dispositions de celui-ci 22.

En ce qui concerne la première hypothèse, celle d'une "transposition" d'une obligation découlant d'un accord OMC, on a pu se demander si une référence explicite était nécessaire pour déterminer si l'acte communautaire constitue l'application de l'obligation internationale

23. Le Tribunal, dans ses arrêts du 20 mars a considéré, lui, que, " ni les rapports du groupe spécial de l'OMC du 22 mai 1997, ni le rapport du 9 septembre 1997 de l'organe d'appel permanent de l'OMC, adopté le 25 septembre 1997 par l'organe de règlement des différends, ne contenaient des obligations particulières auxquelles la Commission, dans le règlement n°

2362/98, aurait «entendu donner exécution» au sens de la jurisprudence" 24.

Cette position peut apparaître excessivement restrictive et constitutive d'un rétrécissement de la jurisprudence Nakajima. Des considérations figurant dans un rapport adopté par un groupe spécial de l'OMC le 12 avril 1999 ainsi que le préambule du règlement 1637/98, lequel confère à la Commission la tâche d'élaborer une OCM de la banane compatible avec les règles de l'OMC, semble en effet d'indiquer que le règlement 2362/98 a bien été adopté afin d'exécuter des obligations découlant des accords de l'OMC 25.

Pour ce qui est de la deuxième hypothèse, celle qui résulte de l'arrêt Fediol, on remarquera que la Cour avait déjà procédé à une interprétation restrictive de cette exception dans son arrêt Portugal/Conseil. Elle avait en effet jugé que ce n'est que "dans l'occurrence où l'acte communautaire renvoie expressément à des dispositions précises des accords OMC, qu'il appartient à la Cour de contrôler la légalité de l'acte communautaire en cause au regard des règles de l'OMC". Cette position est confirmée à la fois par l'ordonnance de la Cour et les arrêts du Tribunal.

22 CJCE 22 juin 1989, Fediol/Commission, 70/87, Rec. p. 1781, points 19 à 22 et CJCE 7 mai 1991, Nakajima/Conseil, C-69/89, Rec. p. I-2069, point 31.

23 Cf. F. Berrod, La Cour de justice refuse l'invocabilité des accords OMC: essai de régulation de la mondialisation, préc., p. 442.

24 Point 59 des arrêts T-Port et Cordis, point 64 de l'arrêt Bocchi.

25 Voir en ce sens notamment les développements de G. A. Zonnekeyn, The latest on indirect effet of WTO law in the EC legal order. The Nakajima case law misjudged ?, préc. at p. 600.

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Dans le cas où toute référence explicite à des obligations résultant de l'appartenance à l'OMC est omise et où aucun renvoie exprès à des dispositions précises des accords OMC n'est opéré par les institutions communautaires, l'invocabilité des règles de l'OMC deviendra alors pratiquement impossible. Dès lors il est intéressant de noter que le tout nouveau régime d'importation de bananes dans la Communauté, lequel est entré en vigueur le 1er juillet 2001 ne contient aucune référence à des obligations en vertu du droit de l'OMC 26.

Il ne reste alors guère que l'obligation d'interprétation conforme du droit communautaire ou national laquelle peut encore assurer aux accords OMC une "invocabilité minimale permettant de mettre en œuvre de manière effective leur primauté de principe" 27. Si l'invocabilité des règles de l'OMC sera donc limité à des situations tout à fait exceptionnelles, ce résultat d'une véritable politique jurisprudentielle n'a pas été obtenu sans porter atteinte à la cohérence du "système contentieux communautaire".

II. Une certaine remise en cause du système contentieux de la

"Communauté de droit"

Il avait déjà été souligné dans la doctrine que la jurisprudence de la Cour sur la non- invocabilité des règles du GATT et de l'OMC dans le contentieux de la légalité des actes communautaires constituait une certaine "remise en cause du système des voies de droit du traité" et laissait apparaître des "lacunes de la Communauté de droit" 28. Ceci se confirme avec l'ordonnance de la Cour du 2 mai 2001. Les arrêts du Tribunal du 20 mars 2001 apportent par ailleurs un éclairage intéressant sur la question de l'invocabilité de ces mêmes règles dans le contentieux de la responsabilité.

A. Invocabilité du droit de l'OMC et contrôle de la légalité

Dans le domaine du contentieux de la légalité, l'ordonnance du 2 mai 2001 laisse perdurer certaines incohérences de la jurisprudence qui ont été introduites dès l'arrêt International Fruit de 1972. Concernant tout d'abord l'invocabilité des règles du GATT et de l'OMC devant la Cour de justice, il subsiste en effet aujourd'hui ce qu'on a pu appeler "une double déformation des voies de droit" 29. Dans un premier temps, la Cour a en effet introduit une condition supplémentaire de recevabilité en ce qui concerne les questions préjudicielles en appréciation de la validité en jugeant que dans le cas où l'invalidité est invoquée devant

26 Voir Règlement (CE) n° 896/2001 de la Commission du 7 mai 2001 portant modalités d'application du règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, JOCE n° L 126, 8 mai 2001, p. 6. Cf. aussi F. Mariatte, Europe, juillet 2001, comm. n° 236.

27 Cf. en ce sens F. Berrod, La Cour de justice refuse l'invocabilité des accords OMC: essai de régulation de la mondialisation, préc., p. 447.

28 Ibid, p. 433 ss.

29 Selon les termes employés par F. Berrod dans son article.

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une juridiction nationale, il faut en outre que la disposition invoquée du GATT "soit de nature à engendrer pour les justiciables de la Communauté le droit de s'en prévaloir en justice" 30.

Dans un second temps, elle a par ailleurs estimé que la grande souplesse des règles du GATT tout comme celle du système de règlement des différends non seulement impliquent qu'un justiciable de la Communauté ne peut pas se prévaloir des règles du GATT en justice afin de contester la légalité d'un acte communautaire, mais "s'opposent également à ce que la Cour prenne en considération les dispositions de l'accord général pour apprécier la légalité d'un règlement dans le cadre d'un recours [en annulation] introduit par un État membre" 31. D'une certaine manière elle a donc assimilé la situation d'un Etat membre dans un recours en annulation à celle d'un particulier devant son juge national.

Ces contradictions de la jurisprudence ont provoqué la perplexité de l'avocat général Saggio dans l'affaire Portugal/Conseil lequel fut d'avis "qu'une règle issue d'une convention internationale peut éventuellement ne pas être d'application directe sans que cela justifie qu'on lui dénie tout effet obligatoire à l'égard des institutions communautaires et, par conséquent, la fonction de paramètre (communautaire) de légalité" 32.

Ainsi que l'a fait remarquer Frédérique Berrod, "une telle immunité introduit une lacune dans l'effectivité du contrôle de la légalité des actes communautaires, contraire à la complétude des voies de droit postulée par l'arrêt Les Verts" 33.

Le raisonnement suivi par la Cour dans son ordonnance du 2 mai 2001 confirme entièrement cette jurisprudence. C'est en effet suite à la double prémisse que, premièrement,

"l'accord OMC et les accords et mémorandums figurant dans ses annexes ne figurent pas en principe parmi les normes au regard desquelles la Cour contrôle la légalité des actes des institutions communautaires en vertu de l'article 230, premier alinéa, CE" et que, deuxièmement, "les dispositions de l'accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, ne sont pas de nature à créer pour les particuliers des droits dont ceux-ci peuvent se prévaloir directement devant le juge en vertu du droit communautaire" que la Cour arrive à la conclusion "qu'il doit en aller de même, par identité de motifs, des dispositions du GATT de 1994". L'immunité juridictionnelle s'étend donc également à ces dernières.

Pour ce qui est de l'invocabilité des règles de l'OMC devant le juge national, on remarquera que l'argumentation de la Cour est nécessairement plus complexe en ce qui

30 CJCE 12 décembre1972, International Fruit Company (III), préc., point 9.

31 CJCE 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, préc., point 109.

32 Cf. point 18 de ses conclusions.

33 Cf. F. Berrod, La Cour de justice refuse l'invocabilité des accords OMC: essai de régulation de la mondialisation, préc., p.435.

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concerne l'accord TRIPS, lequel a été conclu en tant qu'accord mixte à la fois par la Communauté et par ses Etats membres. Dans l'affaire Dior, la Cour fut ainsi amené à distinguer selon qu'il s'agit d'un domaine dans lequel la Communauté a déjà légiféré ou pas encore.

Dans le second cas de figure, elle fut ainsi amené à reconnaître que "s'agissant d'un domaine dans lequel la Communauté n'a pas encore légiféré et qui, par conséquent, relève de la compétence des États membres, la protection des droits de propriété intellectuelle et les mesures prises à cette fin par les autorités judiciaires ne relèvent pas du droit communautaire.

Dès lors, le droit communautaire ne commande ni n'exclut que l'ordre juridique d'un État membre reconnaisse aux particuliers le droit de se fonder directement sur la norme prévue par l'article 50, paragraphe 6, du TRIPS" 34.

Il paraît regrettable que les particuliers risquent de perdre ce droit dès le moment et pour la simple raison que la Communauté décide de légiférer dans ce domaine.

B. Invocabilité du droit de l'OMC et contentieux de la responsabilité

Concernant la possibilité pour un particulier d'invoquer les règles de l'OMC dans un recours en indemnité contre une institution communautaire, les trois arrêts du Tribunal de première instance en date du 20 mars 2001 apportent un éclairage intéressant. Le Tribunal commence en effet à rappeler l'arrêt Bergaderm 35, dans lequel la Cour a jugé qu'un droit à réparation présuppose que la règle de droit violée ait notamment pour objet "de conférer des droits aux particuliers". S'agissant de cette condition, il a ensuite constaté "qu'il ressort de la jurisprudence communautaire que l'accord OMC et ses annexes ne visent pas à conférer des droits aux particuliers dont ils pourraient se prévaloir en justice" 36.

On notera que cette condition est désormais identique à celle requise en matière d'engagement de la responsabilité d'un Etat membre pour violation du droit communautaire.

La formule de l'arrêt Zuckerfabrik Schöppenstedt selon laquelle il était nécessaire que l'on soit en présence "d'une règle supérieure de droit protégeant les particuliers" a en effet été abandonné. Cela est conforme à la jurisprudence Brasserie du Pêcheur III selon laquelle "les conditions de mise en œuvre de la responsabilité de l'Etat pour les dommages causés aux particuliers, en raison de la violation du droit communautaire, ne doivent pas, en l'absence de justification particulière, différer de celles régissant la responsabilité de la Communauté dans des circonstances comparables. En effet, la protection des droits que les particuliers tirent du

34 CJCE 14 décembre 2000, Dior e.a., préc., point 48.

35 CJCE 4 juillet 2000, Bergaderm e.a./Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291.

36 Point 46 des arrêts T-Port et Cordis, point 51 de l'arrêt Bocchi.

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droit communautaire ne saurait varier en fonction de la nature nationale ou communautaire de l'autorité à l'origine du dommage" 37.

Les arrêts du Tribunal ont cependant pour effet d'introduire une variation dans la protection des droits des particuliers. Faut-il rappeler en effet qu'en matière de responsabilité des Etats membres pour violation du droit communautaire, cette responsabilité est indépendante de l'effet direct de la disposition litigieuse, qu'elle est même "justement destinée à compenser l'impossibilité d'invoquer directement certains dispositions devant le juge national, en raison de leur caractère insuffisamment précis et inconditionnel" 38 ?

En jugeant que "les règles de l'OMC n'ayant pas, en principe, pour objet de conférer des droits aux particuliers, leur violation éventuelle n'est pas susceptible d'engager la responsabilité non contractuelle de la Communauté", le Tribunal ne semble pas attacher beaucoup d'importance aux principes dégagés par la Cour dans son arrêt Brasserie du Pêcheur III.

37 CJCE 5 mars 1996, Brasserie du Pêcheur et Factortame, C-46/93 et C- 48/93, Rec. p. I-1029, point 41.

38 Voir D. Simon, Le système juridique communautaire, PUF, 3° éd., p. 430 citant l'arrêt Brasserie du Pêcheur et Factortame III.

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