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Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ?

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sociales ?

Myriam Catusse, Aude Signoles, François Siino

To cite this version:

Myriam Catusse, Aude Signoles, François Siino. Révolutions arabes : un événement pour les sci- ences sociales ?. Revue des Mondes Musulmans et de la Méditerranée, Université de Provence, 2015, Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ?, pp.13-26. �10.4000/remmm.9184�.

�halshs-01574400�

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138 | 2015

Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ?

Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ?

Myriam Catusse, Aude SIGNOLES et François Siino

Édition électronique

URL : http://remmm.revues.org/9184 DOI : 10.4000/remmm.9184 ISSN : 2105-2271

Éditeur

Publications de l’Université de Provence Édition imprimée

Pagination : 13-26 ISSN : 0997-1327

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Référence électronique

Myriam Catusse, Aude SIGNOLES et François Siino, « Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ? », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée [En ligne], 138 | décembre 2015, mis en ligne le 29 février 2016, consulté le 14 août 2017. URL : http://remmm.revues.org/9184 ; DOI : 10.4000/remmm.9184

Ce document a été généré automatiquement le 14 août 2017.

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Révolutions arabes : un événement pour les sciences sociales ?

Myriam Catusse, Aude Signoles et François Siino

1 Plusieurs publications récentes (Bessin, Bidard, Grosseti, 2009) ou plus anciennes (Bensa, Fassin, 2002 ; Neveu, Quéré, 1996) s’accordent sur un point : pour les sciences sociales, l’événement pose problème par sa contingence, son imprévisibilité, sa valeur de fondation ou d’exemplarité. La sociologie s’est construite dans la recherche de lois sociales générales, l’anthropologie s’est attachée à rendre compte de quotidiennetés et de leurs éventuelles structures sous-jacentes ; et en histoire, l’école des Annales ou le courant de la micro-storia se sont posées comme des alternatives fortes à une histoire événementielle et positiviste (Noiriel, 1998). Le malaise et la difficulté d’inscrire l’événement dans un discours scientifique, détaché du présentisme et de la singularité du cas d’étude, est d’autant plus perceptible que d’autres récits, journalistiques et médiatiques notamment, paraissent plus volontiers s’en saisir et le construire. Les tentatives sont néanmoins nombreuses pour résoudre cette tension qu’éprouvent les sciences sociales face à l’irruption évènementielle. On pense, bien sûr, à celles qui ont essayé d’en saisir la signification, sinon la causalité – soit en tant que turning point imprévisible (Abbott, 2001 ; Hugues, 1996), soit comme processus latents (la sociologie historique des révolutions s’est consacrée à cette question), soit encore comme construction médiatique exponentielle des sociétés modernes (Nora, 1974) ou « crise » de systèmes complexes (Dobry, 2009). Mais, on pense également aux bifurcations qu’ont pu connaitre les métiers d’historien (Bloch, 1949), et plus généralement de social scientists, pris dans la tourmente de guerres, de conflits (Nordstrom, Robben, 1995) ou d’événements moins dramatiques, qui cassent les routines, transforment les dispositifs de travail et inaugurent de nouveaux champs du possible et d’intelligibilité. Ainsi en est-il, par exemple, de la façon dont la sociologie des mobilisations s’est faite plus soucieuse de la rationalité des acteurs, avec les mouvements estudiantins et universitaires des années 1960, auxquels participaient ceux qui s’attachèrent à les comprendre (Pagis, 2014). Un autre exemple, largement débattu, fut l’influence des luttes nationales sur le développement des post-colonial et subaltern studies (Maurel, 2013).

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2 À ce titre, la vague de soulèvements populaires que les sociétés du sud et de l’est de la Méditerranée ont connue depuis décembre 2010 a fait événement. Sans précédent comparable depuis les mouvements d’indépendance des États du monde arabe, elle a pu être lue, avec ses prolongements qui n’en n’ont pas fini, comme un tournant, une accélération de l’histoire, voire pour certains une « revanche » (Badie, 2011), ou un

« réveil » (Nabli, 2012) des sociétés, donnant l’impression discutable que ces dernières renaissaient d’un long sommeil sous le joug de dictatures et de fléaux variés. En témoignent les métaphores de « printemps », « d’automne », mais aussi « d’hiver » arabes abondamment mobilisées (Bozarslan, 2015) pour signifier l’entrée de ces sociétés dans un nouveau cycle. Si l’on s’en tient à l’inventaire des postures de recherche devant l’événement proposé par M. Bessin, C. Bidard et M. Grossetti (2010 : 33), les lectures des récents mouvements sociaux dans le monde arabe se sont rangées tant parmi les analyses subjectivantes, où prime le sens porté par les acteurs, que parmi les analyses objectivantes : en en écrivant l’histoire, l’événement se construit et prend sens. Ainsi, peut-être, faut-il entendre les références et comparaisons mobilisées pour décrire ces situations, les inscrire dans des temporalités et des « séries » (N. Dot-Pouillard, dans ce numéro) : révolution ou pas ? guerre civile ? nouveau printemps des peuples ? contre- révolution1 ? En tout état de cause, la demande sociale de compréhension de ces moments protestataires et crise des régimes s’est intensifiée : les preuves en sont le traitement médiatique qui en fut proposé, mais également, du côté de la recherche, le dégagement de fonds dédiés à l’étude des dynamiques politiques dans la région2.

3 Dans ce concert d’expertises et de questionnements, les sciences sociales ont été mises à contribution ; et à l’épreuve. En 2001, les attentats du 11 septembre aux États-Unis avaient fait le lit d’un débat sur l’utilité des sciences sociales et des études orientales, à qui l’ancien rédacteur en chef de Middle East Quartely, Martin Kramer (2001), reprochait de s’être depuis longtemps retranchées dans une « tour d’ivoire ». Après 2011, c’est plutôt le sentiment d’une tour de Babel qui prévaut, tant les discours sur l’actualité régionale se multiplient, non sans brouillage ni cacophonie. Ceci n’est pas le fait unique de la multiplication « d’événements » imprévisibles. C’est aussi largement tributaire de la mise sur la sellette des sciences sociales elles-mêmes, et de leur contribution à l’action collective (Burawoy 2005) – en Europe et en France en particulier3, comme dans le monde arabe4. Dans ce contexte, ce dossier se propose d’examiner, à partir d’expériences concrètes et comparées, comment cette phase historique a pu bousculer, sinon révolutionner, le travail des chercheurs en sciences sociales.

4 À court terme, ceux-ci ont pu paraître débordés et désorientés. L’une de nos premières interrogations, au moment où ce numéro était conçu, a concerné les pratiques et différenciations disciplinaires. Si l’étude menée par l’équipe de l’American University of Beirut (AUB) sur la base du traitement bibliométrique des publications dans des revues sur les « soulèvements arabes » en anglais, arabe et français, a attesté d’une domination incontestable des disciplines des sciences politiques et relations internationales sur les autres sciences sociales (Al Maghlouth, Arvanitis, Cointet, Hanafi, 2015 : 423), ces dernières sont néanmoins loin d’être les seules à être sollicitées ou à avoir pris la parole pour s’emparer du temps présent. Il semble que les soulèvements récents dans la région ont débouché sur un moment de déspécialisation des savoirs, d’échanges interdisciplinaires, et parfois sur un relâchement des pratiques disciplinaires5. Ceci s’exprime d’abord dans les programmes collectifs qui se mettent en place dans le but de croiser l’expertise scientifique sur des dynamiques complexes6 ou dans des publications

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collectives qui réunissent politistes, sociologues, historiens, anthropologues, démographes, géographes, mais aussi linguistes ou islamologues (par exemple : Oualdi, Pagès-el Karoui, Verdeil, 2014 ; Burgat et Paoli, 2013). Ces tendances se donnent à voir, ensuite, dans l’inflation des publications dans des revues de vulgarisation ou en ligne, sur des blogs, au détriment de publications dans des revues disciplinaires7. C’est sans doute parce que les chercheurs sont aussi des citoyens qu’ils sortent de leur zone de compétences et de confort habituelle et qu’ils utilisent des tribunes publiques pour mettre leur expertise au service du débat, voire des politiques publiques (M. A. Adraoui, dans ce numéro). Leurs initiatives interrogent, en tous cas, les relations et fécondations entre différents milieux de savoirs (scientifiques, médiatiques, experts, diplomatiques), et en retour, les logiques propres et distinctives aux champs académiques – autant dans le contexte des soulèvements récents, que dans celui des interventions militaires qui se succèdent depuis l’opération américaine de 2003.

5 Par ailleurs, le travail des chercheurs en sciences sociales a pu paraître désorienté et ce, à plusieurs titres : comme nous le verrons dans les pages qui suivent, il l’a été par leurs difficultés à prédire, voire à faire travailler des outils éprouvés dans des pratiques de recherche et d’enseignement qui privilégient des lectures continuistes. Mais surtout, il l’a été au sens premier du terme – se retrouvant soudainement comme « privé d’Orient ». Un court moment, en effet, les regards portés sur les processus sociaux dans la région ont abandonné leurs lentilles orientalistes pour les considérer, sinon comme banals (Camau, 1996), du moins comme comparables et non irréductiblement singuliers. Pour reprendre les termes d’O. Roy (2013), « l’Orient disparaissait » et, avec lui, le « présupposé majeur de l’orientalisme : l’exceptionnalisme musulman ». La région, si souvent exclue des entreprises comparatistes (Picard, 2006 : 8), est ainsi devenue une destination prisée par les non spécialistes du Proche-Orient et du Maghreb. Toutefois, alors que les soulèvements d’abord décrits comme pacifistes, laïques, trans-sectoriels et interclassistes ont mué en Libye, Syrie et au Yémen, en mouvements armés et affrontements civils, les catégories d’analyses se sont réorientalisées rapidement, et avec elles, l’atavisme peut- être moins des sociétés observées à la loupe, que du monde des sciences sociales.

6 Partant, en posant la question des sciences sociales face aux « révolutions arabes » et des possibles effets en retours de celles-ci sur celles-là, nous avons souhaité éviter l’écueil d’une généralisation hâtive qui pourrait ne déboucher que sur des remarques finalement assez banales. Trois questions nous ont animé, auxquelles ce dossier se propose d’apporter quelques éléments de réponse. La première concerne les « traces disciplinaires » (Audoin-Rouzeau, 2008) laissées par ces mouvements sociaux ; la seconde interpelle les sources mobilisées dans la production de savoirs, à un moment où des voix et des langages inédits se font entendre ; la troisième questionne les rapports aux savoirs des chercheurs comme des acteurs sociaux.

Confusion dans les disciplines

7 On l’a déjà évoqué, les champs disciplinaires sont différemment interpellés par

« l’événement » en général et les révolutions arabes en particulier – raison pour laquelle l’un des objectifs de départ de cette entreprise collective était de ne pas limiter la réflexion au champ du politique, et plus généralement aux spécialistes de l’époque contemporaine. De fait, sont rassemblées ici des contributions émanant de sociologues, historiens, politologues, spécialistes d’études littéraires, socio-linguistes, urbanistes,

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anthropologues8, tous confrontés à des situations différentes selon leur rapport au terrain et/ou aux sources écrites, leur accès aux acteurs et aux archives, la nécessité plus ou moins impérieuse d’immersion dans les sociétés étudiées, en fonction aussi des paradigmes, méthodes et outils qu’ils mobilisent et, dans tous les cas, des possibilités de les adapter aux aléas de la période. Certains des auteurs réunis dans ce dossier ont d’ailleurs croisé leurs regards, lectures et expériences d’un même terrain, en écrivant à plusieurs mains et en faisant dialoguer leurs approches disciplinaires.

8 Au-delà, l’une des interrogations qui les rassemblent très largement est celle de la transformation des formes d’enquête et du rapport au terrain, dans des contextes de guerres multiformes et donc, de violences physiques parfois extrêmes. En effet, certains terrains se ferment aux chercheurs (comme en Syrie, en Irak, au Yémen ou encore en Libye) ou, du moins, à la recherche collective institutionnalisée et/ou aux enquêtes de longue durée. Les missions de terrain, même courtes, deviennent risquées – soit parce qu’elles sont réalisées sans autorisation officielle de la part des institutions d’origine, soit parce que les risques humains paraissent réels. De ce fait, les chercheurs déploient de plus en plus des formes d’« anthropologie à distance » (T. Boissiere dans ce numéro), via notamment les réseaux sociaux, mais aussi – pour ceux qui en ont la possibilité – en contactant, par mail ou téléphone, leurs propres réseaux de connaissances déjà constitués par l’accumulation de terrains passés. Toutefois, ces pratiques rendent délicate la contextualisation des discours recueillis et contraignent à la circonspection. C’est l’une des raisons pour lesquelles, sans doute, le regard est de plus en plus porté sur les

« marges » et/ou les populations de réfugiés – notamment pour le cas syrien. Les contributeurs de ce dossier en soulignent deux conséquences : d’une part, la nécessité pour les disciplines « de terrain » d’inventer de nouveaux dispositifs de recherche (collecte de données, mais aussi administration de la preuve) ; d’autre part, le risque d’appauvrissement, voire d’uniformisation, des techniques d’investigation (et par là, de déspécialisation disciplinaire).

9 Une autre interrogation qui parcourt les textes qui suivent est celle de la temporalité en sciences sociales, c’est-à-dire des représentations du temps sous-jacentes aux différentes disciplines. Les contributeurs au dossier parlent de pertes de repères temporels, du fait de la rupture brutale entre un « avant » et un « après » l’événement, que les lectures réalisées sur celui-ci soient subjectivantes ou objectivantes (Ch. Hassabo et M. Rey, T. Boissière dans ce numéro). Pour les chercheurs travaillant sur le très contemporain, la question est ainsi de savoir que faire avec les résultats d’une recherche engagée avant les révolutions, dès lors que l’observation du « présent » récent renvoie à un « passé » déjà lointain. Cette question fait écho de façon presque symétrique à celle que se posent les historiens travaillant sur des périodes plus anciennes, pour qui le présent explose littéralement dans leur « passé » et menace parfois d’en détruire les traces matérielles (archives, institutions patrimoniales, voire des villes elles-mêmes (Boissière, David, 2014 ; V. Guéno, dans ce numéro). Ces allers-retours et télescopages entre temporalités sont d’autant plus intéressants à souligner qu’il s’agit d’une dimension peu visible d’ordinaire, lorsque le contemporanéiste considère que les éléments du passé récent prennent naturellement leur sens au regard d’une « histoire en cours » qu’il observe, tandis que l’historien considère que le présent s’explique en partie par le passé qu’il étudie. Au-delà donc de la difficulté de se saisir de « l’événement », ce sont ces relations passé-présent, peu pensées en temps normal, qui sont rendues problématiques (L. Dakhli, dans ce numéro).

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Retour aux sources

10 Ces questionnements disciplinaires ouvrent ou réactualisent une réflexion sur le rapport aux sources en sciences sociales. Celle-ci a, dans le passé, été largement balisée par le travail des historiens (Grangaud, 2008). Néanmoins, tant empiriquement qu’analytiquement, les soulèvements dans le monde arabe soulèvent plusieurs interrogations sur les pratiques de la recherche et leurs incidences sur le savoir produit, dont rendent compte de façon croisée plusieurs des contributions qui suivent. Deux ordres de préoccupations sont ici discutés : d’une part, celui de l’accès aux sources, des portes qui s’ouvrent ou se referment ; d’autre part, dans le concert de prise de parole dont ces sociétés sont le théâtre, depuis le « peuple » (ach-chaab) dont se revendiquent les manifestants jusqu’aux « parlers musulmans »9 en passant par le développement des

« arabités numériques » (Gonzalez-Quijano, 2012), c’est aussi l’enjeu de la prise en compte de sources plurielles, méconnues, peu audibles dont il est question.

11 Nous l’avons déjà dit, depuis la Tunisie où plusieurs actes de violence n’ont pu empêcher le déroulement d’échéances électorales libres, jusqu’à la Syrie, le Yémen ou la Libye, déchirées depuis plus de quatre ans par des conflits sanglants, les pays de la région offrent une palette incertaine d’accès aux terrains, aux archives, et aux acteurs. La possibilité même que des chercheurs puissent y travailler se pose donc en des termes radicalement différents selon les endroits. C’est sur les terrains les plus difficiles et à propos des situations les plus dramatiques que les conditions de production du savoir – et l’accès aux sources – sont les plus radicalement remises en cause aujourd’hui, alors que le besoin d’une analyse scientifique y est plus que jamais nécessaire. Si de nouveaux matériaux se découvrent – libération de la parole ou d’archives aidant –, d’autres se constituent, qu’il s’agisse d’archives en ligne de la révolution10 ou encore, de données électorales inenvisageables sous les précédents régimes (Gana, Van Hamme, 2016 ; Rougier et Lacroix, 2015). Cependant, comment analyser les enjeux du moment et leur donner sens, au-delà des faits de conjoncture, quand ce qui prime est l’altération du quotidien pour le chercheur… et pour ses interlocuteurs, qui peuvent sinon disparaitre, en tous cas, se raidir, s’éloigner, et développer tantôt confiance, tantôt méfiance ? À partir de quelles données travailler, quand le présent s’applique à détruire toute trace du passé et que le futur demeure incertain ? Quel type de sources peut fonder une connaissance savante de l’expérience de la violence vécue et des souffrances endurées par les populations enquêtées ? (J.B. Pesquet, dans ce numéro).

12 Un second niveau d’interrogation concerne la façon dont ces « événements » rappellent que les sources sont, elles-mêmes, construites socialement. En l’occurrence, il s’agit autant d’analyser le travail conduit par l’activisme en ligne (Lecomte, 2011) et, plus généralement la guerre médiatique qui se mène au cœur des révolutions, que de prendre au sérieux les différentes voix entendues. Non seulement se confrontent des discours d’autorités contradictoires appelant à des sources variées, celles des prédécesseurs (salaf), celles de référents religieux (marja’), ou encore, celle des « lanceurs d’alertes », des témoins11, etc., mais ce sont des langages différents qui s’expriment aussi : arts contestataires (Alviso, 2013 ; Boëx, 2013 ; Bonnefoy et Catusse, 2013), dialectes locaux, parlers multiples (Miller, El-Wer, Caubet, 2007 ; C. Miller, dans ce numéro). C’est pourquoi ce dossier a fait place aux études culturelles (R. Jacquemond, dans ce numéro) et linguistiques, mais aussi à des travaux d’anthropologie, qui étudient la manière dont

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l’événement a pu, sinon révolutionner les approches, du moins contribuer à déplacer les points de vue, et faire, par exemple, des dialectes, des histoires locales ou de voix ténues des sources, des objets non seulement légitimes, mais aussi innovants de savoirs. Si ces mouvements étaient au travail dans les pratiques de la recherche bien avant 2010, il semble néanmoins qu’ils s’inscrivent désormais plus clairement au cœur de disciplines, qui s’écrivent majoritairement en anglais, au masculin, dans les villes et depuis des points de vue surplombants.

Ordres académiques

13 Enfin, les effets en retour des révolutions arabes sur les sciences sociales s’observent dans les ordonnancements des mondes académiques.

14 La question se pose différemment en fonction des champs académiques d’appartenance des chercheurs, selon qu’ils sont ancrés dans les pays concernés par les soulèvements ou qu’ils leur sont plus extérieurs. Ce point n’est pas le plus facile à documenter dans le cadre de ce dossier dans la mesure où, malgré une très large diffusion de l’appel à contributions (en français et en anglais) et la grande quantité de propositions reçues, force est de constater que peu de chercheurs du monde arabe y ont répondu. On peut, à titre d’hypothèse, supposer qu’en raison même de la force de l’événement, il y ait pu avoir pour ceux-ci un effet de « sidération » plus ou moins durable de la recherche, y compris là où l’activité universitaire et scientifique n’était pas matériellement compromise (L. Chouikha, dans ce numéro). Un temps dans lequel la production académique classique a laissé la place à d’autres types d’expressions intellectuelles induites par le contexte social immédiat – notamment l’expertise, venant en accompagnement des transitions politiques (J.-B. Le Moulec, dans ce numéro). Ce peut être aussi l’engagement citoyen, ou encore des formes de réflexion exprimées au travers de nouvelles façons d’écrire, plus réactives ou personnelles12, perçues comme mieux adaptées à des situations de crise éminemment évolutives. Ceci s’observe aussi dans le cas de pays où les mouvements sociaux n’ont pas immédiatement débouché sur des bouleversements politiques majeurs, mais qui n’ont pas manqué d’en être affectés d’une façon ou d’une autre ; ainsi, par exemple, les cas paradoxaux de l’Algérie (K. Chachoua, dans ce numéro) et de la Palestine (Romani, 2015 ; A. El Sakka, dans ce numéro), deux pays qui ont pu incarner historiquement la « Révolution » et à propos desquels chercheurs et intellectuels ont désormais à penser le pourquoi d’un apparent statu quo.

15 Une autre hypothèse que l’on peut formuler renvoie à l’étroitesse des espaces partagés entre les communautés scientifiques. Dans le contexte d’un mouvement d’internationalisation des sciences sociales, le défi de faire entendre des voix francophones face à l’espace académique anglophone13 ne doit pas masquer l’égale nécessité de construire plus solidement le débat avec les sciences sociales arabes, qui se redéploient autour de nouveaux réseaux de recherche, comme par exemple le Doha Institute (2010), l’Arab Council for the Social Sciences (2011) ou encore le journal électronique Jadaliyya, édité par l’Arab Studies Institute. En effet, ces initiatives sont investies par des universitaires « locaux », dans le but de ne pas laisser aux seuls chercheurs étrangers le soin de dire et analyser « ce qui se passe ». Bien évidemment, il ne s’agit pas là d’une tendance nouvelle, mais l’événement vient accentuer la volonté des universitaires sur place de ne pas se faire exclure du récit de leur propre histoire. L’enjeu, pour eux, est de se (ré)approprier la lecture et les discours portés sur les trajectoires –

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spécifiques – des sociétés dont ils proviennent, avec les mots et les outils de l’universel auquel prétendent les sciences sociales. Et ceci, dans un contexte où des travaux récents soulignent l’exacerbation de la périphérisation des modes de production du savoir (« publish locally, perish globally / publish globally, perish locally » (Hanafi, 2012) – les chercheurs « locaux » étant mobilisés pour leur regard au plus près de la réalité empirique, mais restant souvent dépositaires d’un savoir « local » peu visible, tandis que les chercheurs « étrangers » affirment dans le champ international de la recherche un savoir « global », comparatif et théorique, plus conforme aux standards des publications académiques14.

16 Le dernier élément qui nous est apparu central dans les rapports au savoir est celui de la position statutaire des chercheurs. Le bouleversement radical d’un terrain et l’éventualité de devoir réviser ses grilles de lecture ne prennent pas le même sens selon que l’on est un jeune chercheur (en cours de doctorat) ou un chercheur confirmé jouissant d’une situation académique plus stable. Les textes qui suivent font état d’expériences différentes. Lorsqu’on est engagé dans une recherche à la fois déterminante pour une future carrière et inscrite dans une temporalité contrainte (les trois ans théoriques d’une thèse), tout changement majeur de la société sur laquelle on travaille pose un véritable problème. Ne plus rien voir d’autre que l’événement en cours, c’est risquer de perdre de vue l’objet même de sa recherche et donc, de l’allonger indéfiniment. Choisir de n’y accorder, à l’inverse, qu’une attention minimale, c’est s’exposer à présenter des analyses perçues (même à tort) comme périmées à peine terminées. C’est aussi encourir le péril très concret de la fermeture du terrain, de l’impossible accès aux acteurs, aux lieux, aux archives, au moment même où le jeune chercheur est en train de réaliser l’« accumulation primitive » sur laquelle va se construire son capital scientifique (L. Debout, G. Du Roy, C. Steuer, dans ce numéro)15. Risque évidemment bien moindre à une étape plus avancée de la carrière académique où, à l’inverse, le regain d’intérêt public pour une région en pleine mutation et la demande sociale qui en découle peuvent offrir de nouvelles opportunités, notamment sous forme de financements pour la recherche. Cette inégalité des statuts face aux chamboulements du terrain d’enquête recoupe partiellement la distinction relevée plus haut, qui distinguait chercheurs « locaux » – installés durablement sur le terrain, qu’ils soient ressortissants du pays ou non – et chercheurs

« distants » qui y effectuent de courtes missions. Néanmoins, les textes réunis ici soulignent qu’en particulier dans les milieux universitaires français, la familiarité au terrain a pu, au contraire, servir de terreau original à des discussions dont l’ambition théorique est fermement assumée16.

17 Les contributions présentées dans ce dossier, qui mêlent donc les pratiques, les terrains, les générations de chercheurs et les disciplines, sont organisées en trois temps. Dans une première partie, il s’agit de questionner la recherche en action, mais aussi de réfléchir à la façon dont il est possible d’écrire et de décrire l’événement lorsqu’il a lieu. Quelles méthodes, quels outils conceptuels et quelles grilles et échelles d’analyse pour penser le changement rapide, pour traiter de la relation passé-présent sans se cantonner à une lecture régressive en terme de causalités ? Un deuxième temps, plus centré sur les disciplines, donne à voir à travers les expériences personnelles de chercheurs comment, entre les risques du vide et du trop plein d’informations, ceux-ci tentent de faire la part des choses entre des phénomènes inédits directement liés aux révolutions, des évolutions sociales plus anciennes que celles-ci ont soudain rendu visibles, et la permanence de structures sociales sous-jacentes. Enfin, une troisième partie s’intéresse plus

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particulièrement aux champs académiques non directement concernés par les bouleversements, mais indirectement affectés par eux. La réflexion porte notamment sur la place et la spécificité des savoirs produits par les sciences sociales par rapport à d’autres types de producteurs et de discours qui sont ceux de l’expertise, du politique et des médias.

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NOTES

1. Voir Jeanpierre (2011) et les contributions à la section thématique 47 du Congrès de l’Association Française de Science Politique (AFSP) 2015 sous la dir. de M.Aït Aoudia et J.Heurtaux : «  révolutions  », «  crises politiques  », «  transitions démocratiques  »,

«  changements de régime  »… Enjeux et usages des qualifications politiques et savantes.

2. A titre d’exemple, du côté de l’Union Européenne, en 2011, l’appel d’offre SSH.2013.4.1-2 du 7

ème PCRD «  Facing Transition in the South and East Mediterranean Area: Empowering the Young Generation  » et, en 2013, l’appel d’offre INT-07-2015 du programme Horizon 2020 «  Towards a New Geopolitical Order in the South and East Mediterranean Region  ».

3. Coll., 2004 ; Calhoun et Wieviorka, 2013 ; et notamment dans les études «  orientales  », au sujet desquelles le Livre blanc du GIS Moyen-Orient et mondes musulmans débute par un point de vue alarmant : «  ces études fragiles sont en crise, une crise d’une inégale gravité  » (Mayeur-Jaouen, 2014 : 5).

4. C. Raymond rappelle qu’en 1996, les coordinatrices du numéro de la revue Bâhithât consacré à la recherche en sciences humaines dans le monde arabe (Fayad et Nasr, 1996) affirmaient, non

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sans provocation, que les sciences sociales arabes en étaient encore à leur phase de formation, une phase «  pré-scientifique  », et dans le même temps qu’elles étaient déjà menacées de disparaître (C. Raymond, Introduction à la journée d’études Sciences sociales en guerre. Dispositifs et pratiques des sciences sociales en contexte de conflit (LabexMed/IREMAM/Ifpo, 19/06/2015, Aix-en- Provence). Voir aussi Colonna, 1991.

5. Ce constat est également fait sur la production de sciences sociales en contexte de guerre, cf.

P. France, «  Les carrières de la guerre : trajectoires personnelles, lieux et temporalités de l’écriture de la guerre au Liban  », communication à la journée d’étude Sciences sociales en guerre.

Dispositifs et pratiques des sciences sociales en contexte de conflit (LabexMed/IREMAM/Ifpo), 19/06/2015, Aix-en-Provence.

6. A l’instar des programmes européens issus des appels d’offres mentionnés en note 2.

7. On peut souligner quelques exceptions : en France, dès décembre 2012, la Revue française de science politique éditait un numéro spécial sur les «  révolutions arabes  » (Bennani-Chraïbi, Fillieule, 2012), et les deux congrès successifs de l’Association française de science politique de 2013 et 2015 leur ont également consacré plusieurs débats et tables-rondes (http://

www.afsp.info/congres2013/ et http://www.congres-afsp.fr/sessions.html).

8. On regrettera des manques, notamment ceux de l’islamologie et de la géographie, qui tiennent plus aux aléas d’une publication collective qu’au manque d’intérêt de ces disciplines pour l’approche réflexive proposée ici, comme l’ont prouvé plusieurs échanges qui ont accompagné la construction de ce dossier, ainsi que des publications récentes de géographes (Bennafla, 2015 ; Stadnicki, 2015).

9. Voir notamment Burgat (2006) et les travaux actuellement menés dans le cadre du programme soutenu par le Conseil européen de la recherche «  When Authoritarianism Fails in the Arab World  » (Burgat, dir.).

10. Voir Dakhli, 2011 ; voir aussi par exemple les archives ouvertes par le CEDEJ «  l’Égypte en révolution  » et en Tunisie, les expériences telles que http://archiverevolution.com/ ou, en Égypte, le travail des collectifs Mosireen ou Askar kazeboon pour constituer des archives filmées.

11. On pense par exemple aux débats qu’ont pu susciter les Carnets du romancier Jonathan Littell (2012), rédigés après deux semaines passées dans la ville de Homs assiégée.

12. La rédaction de blogs, par exemple, qui peut être interprétée - entre autres - comme la volonté de participer à une commune recherche de sens, plus rapide que sur les supports habituels de diffusion de la recherche, et dont le rythme, les thèmes et les angles sont laissés au libre choix et à l’entier contrôle de l’auteur/chercheur (Bendana, 2012).

13. Le défi de la «  French touch  » a été questionné par la politologue Nonna Mayer lors de la conférence plénière du Congrès de l’Association française de science politique (Université de Lausanne/IEPI/06/02/2015).

14. Voir le témoignage, sur ce point, de Florian Kohstall, organisateur en Égypte, à partir d’avril 2011, des Cairo Talks on Transformation and Change (Kohstall, 2014 et Kohstall et alii 2016).

15. Voir, à ce sujet, l’atelier organisé par des doctorants lors du 12ème Congrès de l’Association Française de Science Politique (AFSP) en juillet 2013 à Paris (AD13) : «  Faire face au bouleversement soudain du terrain de l’enquête. A l’épreuve du ‘Printemps arabe’  »,

16. Et ceci a été notamment reconnu lors de soutenances (récentes) de thèses et par des recrutements sur des postes de chercheurs CNRS et/ou d’enseignants-chercheurs.

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AUTEURS

MYRIAM CATUSSE

Directrice du département des études contemporaines, Institut français du Proche-Orient, UMIFRE 6, USR3135

AUDE SIGNOLES

Maître de conférences en science politique à l’Institut d’Etudes Politiques d’Aix-en-Provence et chercheure associée à l’IREMAM

FRANÇOIS SIINO

Aix Marseille Université, CNRS, IREMAM UMR 7310, 13094 Aix-en-Provence, France

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