• Aucun résultat trouvé

Le comitat impérial : des dona militaria au consulat iterum

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "Le comitat impérial : des dona militaria au consulat iterum"

Copied!
30
0
0

Texte intégral

(1)

Revue pluridisciplinaire du monde antique

 

27 | 2011

Le rêve et les rêveurs dans l’Antiquité

Le comitat impérial : des dona militaria au consulat iterum

Nathalie Queneau

Édition électronique

URL : http://journals.openedition.org/kentron/1270 DOI : 10.4000/kentron.1270

ISSN : 2264-1459 Éditeur

Presses universitaires de Caen Édition imprimée

Date de publication : 1 novembre 2011 Pagination : 101-130

ISBN : 978-2-84133-398-1 ISSN : 0765-0590 Référence électronique

Nathalie Queneau, « Le comitat impérial : des dona militaria au consulat iterum », Kentron [En ligne], 27 | 2011, mis en ligne le 02 mars 2018, consulté le 10 décembre 2020. URL : http://

journals.openedition.org/kentron/1270 ; DOI : https://doi.org/10.4000/kentron.1270

Kentron is licensed under a Creative Commons Attribution-NonCommercial-NoDerivatives 3.0 International License.

(2)

DES DONA MILITARIA AU CONSULAT ITERUM

Suétone, dans son De uita Caesarum, rappelle qu’« en fait de récompenses militaires, Auguste décernait beaucoup plus facilement les décorations, les colliers et tous les autres insignes d’or ou d’argent, que les couronnes obsidionales et murales, dont la valeur était purement honorifique. Ces dernières, il les accordait on ne peut plus rarement, sans rechercher la popularité, et souvent même à de simples soldats » 2.

Déjà sous la République, pour récompenser les soldats valeureux, les géné- raux victorieux et les officiers décernaient des promotions et des décorations 3. Sous Auguste, si le Princeps a distribué parfois de l’or et de l’argent, il a surtout distribué des dona militaria, mais avec discernement. Ainsi, dès les débuts du Principat, l’octroi de telles récompenses restait avant tout une pratique militaire.

Néanmoins, sous l’Empire, cet usage revêtit un caractère nouveau. Seul l’empereur conférait ces récompenses 4. Un caractère plus personnel pouvait, donc, émaner de ces décorations militaires 5.

1. Le comitat impérial désigne le compagnonnage exercé par les comites Augusti auprès du Princeps lors de ses expéditions militaires.

2. Cf. Suétone, Aug. 25, 3 (traduction Ailloud 1931, 82).

3. Les décorations militaires sont les coronae (couronnes), les armillae (bracelets), les torques (colliers), les phalerae (phalères), les fibulae (chaînes, agrafes) et le corniculum (aigrette en métal). Les officiers qui recevaient des décorations, sous le Haut-Empire, les obtenaient en règle normale seulement pour leur participation à une campagne, et non en récompense d’un exploit. L’itération d’une décoration représente un honneur. Au nombre des honneurs de ce genre qu’il leur était parfois donné de rapporter chez eux après une expédition figurait la haste pure. Voir Le Bohec 1998, 27-29.

Dans cet article, l’auteur stipule que les mentions de dona militaria disparaissent pratiquement de l’épigraphie et ne dépassent pas le règne de Caracalla. Pourtant, des textes littéraires (cf. Hist.

Avg., Alex. 40, 5 ; Aurelian. 13, 3 ; Prob. 5, 1 ; Ps.-Modestus, Libellus de vocabulis rei militaris, 6) en font état pour les règnes de Sévère Alexandre, Valérien, Tacite et Probus. Voir Speidel 1996 et 1997.

4. Cf. Flavius Josèphe, La Guerre des Juifs, VII, 1, 3, 14.

5. Voir Le Bohec 2002, 65 sq. Les décorations présentent une grande diversité. La distinction fonda- mentale oppose celles qui sont décernées à des militaires non gradés en récompense d’un exploit (ob uirtutem) et celles qui le sont à des officiers. On tient compte de la place du bénéficiaire dans la hiérarchie : plus il est haut placé, plus il obtient d’honneurs. Ensuite, il semble bien que l’on puisse distinguer deux niveaux par grade, et c’est là qu’intervient peut-être le mérite personnel.

(3)

Dans l’ouvrage qu’elle leur a consacré, V.A. Maxfield 6 a recensé le nombre de militaires décorés sous le Principat. Il s’élève à 216 personnages d’Auguste à Sévère Alexandre, incluant aussi bien les comites et les gouverneurs de province que l’ensemble des officiers 7 et des soldats 8 de l’armée romaine 9.

Notre propos se concentre sur une catégorie plus restreinte de personnes : les membres de l’entourage impérial, les comites Augusti 10. Après la dynastie fla- vienne, les Antonins sont confrontés à des situations militaires plaçant parfois le monde romain en position de conquérant, parfois en situation défensive délicate.

Cela explique en partie le nombre conséquent de comites au cours du IIe siècle, en particulier sous le règne de Trajan et sous le règne conjoint de Marc-Aurèle et de Lucius Verus. Notre réflexion s’est ainsi portée sur douze comites Augusti 11.

Nous avons recensé six comites qui ont été décorés par l’empereur 12. Il s’agit pour nous de comprendre les raisons et les critères qui amenèrent l’empereur à accorder les dona militaria à ces comites Augusti. Nous avons relevé ensuite quatre comites Augusti 13 qui ont bénéficié d’un consulat bis sans avoir reçu les dona militaria.

Enfin, il faut établir des distinctions chronologiques, certains empereurs, comme Trajan, étant plus généreux que d’autres, comme Marc-Aurèle.

6. Voir Maxfield 1981, 129.

7. Voir Le Bohec 2002, 37 sq. Par le terme « officiers », nous entendons tout homme supérieur à un centurion. Ce sont eux qui assurent l’encadrement supérieur de l’armée romaine.

8. Voir Lassère 2005, 767 sq. Les récompenses sont indiquées dans les textes par la formule donis donatus suivie de la désignation de la récompense matérielle, à l’ablatif.

9. Voir Maxfield 1981, 146-150. Le barème des récompenses pour les sénateurs se présente de la façon suivante : tribun-questeur : deux coronae (muralis, uallaris), deux hastae, deux uexilla ; préteur : trois coronae (muralis, uallaris, aurea), trois hastae, trois uexilla ; consul : quatre coronae (muralis, uallaris, aurea, classica), quatre hastae, quatre uexilla. On constate une constante hiérarchie des décorations et un nombre invariable de couronnes selon le rang et, en revanche, une flexibilité pour les hastae et les uexilla. Ainsi, sans ce paramètre, l’empereur pouvait reconnaître le mérite personnel. Jusqu’aux Sévères, il n’y a pas de fluctuation de récompenses à l’échelon consulaire. Le seul changement provient de leur nombre, qui passe de quatre à huit puisque le sénateur peut être récompensé une seconde fois.

10. Voir Queneau 2006. L’objet de cette recherche a été de présenter des membres de l’entourage impérial sous le Principat, de définir leur statut d’amicus Augusti et leur titre de comes Imperatoris.

L’étude prosopographique a permis d’établir leur profil social et leur origine géographique. Une étude comparée de ces personnages a révélé la confusion entre ces deux catégories de membres de l’entourage impérial ; elle a défini pour chacun son rôle auprès du Princeps et la conjoncture qui a occasionné l’octroi du statut d’amicus ou du titre de comes.

11. Cf le tableau 1.

12. Les six comites Augusti décorés sont P. Aelius Hadrianus (PIR2 A 184), D. Terentius Scaurianus (PIR T 68), C. Iulius Quadratus Bassus (PIR2 I 508), C. Cilnius Proculus (PIR2 C 732), M. Pontius Laelianus Larcius Sabinus (PIR2 P 806) et M. Claudius Fronto (PIR2 C 874) : cf. le tableau 2.

13. Les quatre comites impériaux qui ont géré un second consulat sont L. Fulvius [--- C.] Bruttius Praesens (PIR2 B 165), L. Fabius Cilo Septimius Catinus Acilianus Lepidus Fulcinianus (PIR2

(4)

Enfin, deux 14 comites ont reçu les dona militaria et ont géré un second consulat. Le consulat bis a été accordé à 68 sénateurs entre 70 et 235 15.

En quoi l’analyse et le croisement de ces deux critères, les dona militaria et l’itération du consulat, nous permettent-ils de définir plus précisément le profil du comes Augusti sous les Antonins et les Sévères ?

Aussi notre principal objectif est-il de déterminer l’incidence de la fonction de comes Augusti sur la composition et le déroulement du cursus honorum sénatorial.

Dans cette perspective, la confrontation des carrières de ces comites impériaux avec celles de sénateurs qui ont bénéficié soit des dona militaria, soit du consulat bis nous permettra d’apprécier les particularités de la fonction de comes Augusti.

C’est dans ce cadre que nous analyserons, tout d’abord, le cursus honorum des compagnons de l’empereur récompensés. Ensuite, l’étude se concentrera sur les comites Augusti qui furent consul bis. Enfin, notre recherche mettra en valeur la singularité de ces comites bénéficiaires des dona militaria et de l’itération des faisceaux consulaires.

Au terme de ce travail, il sera possible d’établir avec précision le contexte mili- taire de cette fonction, de souligner son caractère plus personnel et administratif et, partant, plus politique. En fait, être le comes de l’empereur signifie-t-il seulement appartenir à l’état-major du Prince lors de ses campagnes ou bien ce titre révèle- t-il les fidèles du Princeps, qui a favorisé la carrière de ses comites tout en recevant, tout au long de sa vie, le témoignage de leur dévouement et du service rendu à la personne impériale ?

Comes Augusti et dona militaria

Une étude et une comparaison détaillées des carrières des six comites impériaux et des sénateurs qui ont seulement bénéficié des dona militaria ont permis de mettre en valeur des différences entre ces deux types de personnages.

La constatation la plus évidente est la corrélation entre le comitat et l’octroi de décorations militaires. Pour chacun des six comites Augusti, nous avons relevé que c’est au moment où ils exerçaient la fonction de comes que ces sénateurs ont été récompensés. Ainsi, d’après l’inscription athénienne 16 qui dresse le cursus honorum

F 27), C. Fulvius Plautianus (PIR2 F 554) et C. Octavius Appius Suetrius Sabinus (PIR2 O 25) : cf. le tableau 3.

14. Ces deux comites Augusti sont C. Aufidius Victorinus (PIR2 A 1393) et T. Pomponius Proculus Vitrasius Pollio (PIR2 P 747) : cf. le tableau 4.

15. Voir Martin-De Royer 2002, 396.

16. CIL III 550 = ILS 308 (lignes 3-4) : quaestori Imperatoris / Traiani et comiti expeditionis Dacicae donis militaribus ab eo donato bis.

(5)

du futur empereur Hadrien, le jeune comes 17 est également questeur de Trajan 18 et il accompagne l’empereur lors de l’expédition contre les Daces en 101. C’est à l’issue de cette campagne militaire qu’il a reçu, à deux reprises, diverses décorations militaires.

En ce qui concerne D. Terentius Scaurianus, une inscription de Narbonnaise 19 révèle son titre de comes et legatus propraetore Imperatoris Caesaris Neruae Traiani Optimi Augusti Germanici Dacici Parthici expeditione Dacica prima. C’est donc en tant que comes et legatus 20 qu’il reçoit des décorations militaires durant la première guerre dacique.

Une inscription asiatique 21 indique la qualité de comes de C. Iulius Quadratus Bassus auprès de l’empereur Trajan lors de la seconde guerre dacique, en 106. Ce sénateur présente une dénomination particulière puisqu’il est adlectus inter comites Augusti expeditione Dacica II ab Imperatore Caesare Nerua Traiano Augusto Ger- manico Dacico Parthico. C’est à l’occasion de ce comitat que ce descendant d’une famille royale d’Ancyre fut décoré.

Pour C. Cilnius Proculus, une inscription 22 d’Arretium révèle son titre de comes diui Traiani et Imperatoris Caesaris Hadriani Augusti. Lors de son comitat, ce sénateur italien reçut des décorations militaires. Le titre et les décorations font référence à l’année 117, année charnière où Trajan meurt et Hadrien lui succède lors de la guerre contre les Parthes.

17. Hist. Avg., Hadr. 3, 2. Cf. Crook 1955, 149, n. 9 ; Pflaum 1980, 307, n. 8 ; Halfmann 1986, 248, n. 45 ; Lassère 2005, 644 sq. ; Queneau 2006, 315, n. 10.

18. Hist. Avg., Hadr. 1, 2.

19. CIL XII 3169 = AE 1982, 678 (lignes 1-4) (Nîmes, Nemausus). [comiti et leg(ato) / pro pr(aetore) Imp(eratoris) Caes(aris) Neruae Traiani Optimi Aug(usti) Germ(anici) Dacici Parthici / in expeditione Dacica prima qua donatus est ab eodem Imperatore coronis IIII murali uallari classica aurea] / hastis puris IIII u[exill(is) IIII argenteis]. Voir Crook 1955, 186, n. 320 ; Queneau 2006, 329, n. 14.

20. Il convient de noter la rareté d’une telle dénomination, comme l’a déjà fait Suspène 2004, 241-247. Ce titre de comes et legatus a également été porté par Ti. Plautius Silvanus Aelianus, qui appartient au groupe des comites impériaux qui ont géré un second consulat. Ces personnages, en accompagnant le prince dans un déplacement et, plus encore, dans une campagne, augmentent leur prestige. Ils se placent au premier plan à la cour impériale.

21. AE 1934, 177 (lignes 4-8) (Heliopolis). [ad / lec]to inter co[mite]s Au[g(usti) exped(itione) Dacic(a) II ab Imp(eratore) / Caes(are)] Nerua Traiano [Aug(usto) Germ(anico) Dacico Parthico praeposi / to a]b eod(em) Imp(eratore) Parti[hico bello leg(ionis) III Gall[- - -] XIII Gem[- - -] / et] donis militarib(us) do[nato bis ? leg(ato) pro pr(aetore) Imp(eratoris) Caes(aris) Neruae]. Voir Crook 1955, 169, n. 183 ; Halfmann 1986, 248, n. 46 ; Queneau 2006, 324, n. 12.

22. AE 1987, 392 = CIL XI 1833 + AE 1926, 123 (lignes 1-4) : C(aio) Cilnio C(aii) f(ilio) [Po]m(ptina) Procul[o]

leg(ato) diui Traiani Parth(ici) pro praet(ore) prouinc(iae) Moesiae sup(erioris) / item prouin[c(iae) D]almatiae c[o(n)s(uli)] donis militaribus ab eadem donato hastis IIII puris uexillis] / IIII argente[is]

corona mu[rali uallari classica aurea comiti diui Traiani et Imp(eratoris) Caesaris] / Hadriani Au[g(usti)]. Voir Halfmann 1986, 249, n. 48, et Queneau 2006, 322, n. 11.

(6)

Des services rendus dans la partie orientale de l’Empire 23 ont valu à M. Pontius Laelianus d’être désigné comme comes 24 de Lucius Verus pendant la guerre contre les Arméniens et les Parthes de 161 à 166, où il se distingua et fut décoré par Marc- Aurèle et Lucius Verus. Faisant partie de l’état-major des deux corégents, il participa également à la guerre contre les Germains de 167 à 169. Auprès de Marc-Aurèle seul, il combattit les Germains et les Sarmates jusqu’en 175. Pendant la guerre contre les Germains, l’empereur Marc-Aurèle le garda comme comes après la disparition de Lucius Verus en 169 25.

La carrière et le titre de comes diui Veri Augusti de M. Claudius Fronto sont connus par deux inscriptions 26. Celles-ci mentionnent son comitat 27 et ses décora- tions militaires. Après avoir revêtu le consulat en 165, il porta le titre de comes de l’empereur Lucius Verus en 168 juste avant la mort de celui-ci. Il accompagna le Princeps lors de la guerre contre les Marcomans 28 en Norique et fut décoré.

23. AE 1939, 179 (Palmyra, Syrie). Il a administré la province de Syrie de 150 à 153.

24. CIL VI 1497 (lignes 1-12) (Rome). M(arco) Pontio M(arci) f(ilio) Pup(inia) / Laeliano Larcio Sabino co(n)s(uli) pon / tifici sodali Antoniniano Veriano / fetiali leg(ato) Aug(usti) pr(o) pr(aetore) prou(inciae) Syriae leg(ato) Aug(usti) / pr(o) pr(aetore) prou(inciae) Pannon(iae) super(ioris) leg(ato) Aug(usti) pr(o) pr(aetore) Pan / non(iae) infer(ioris) [comiti diui Veri Aug(usti) donato donis / militarib(us) bello Armeniaco et Parthico / ab Imp(eratore) Antonino Aug(usto) et a diuo Vero Aug(usto) / coron(is)] mu[rali uallari clas]sica aur[ea / hastis puris IIII uexillis IIII comiti Imp(eratoris) Anto / n]ini Aug(usti) et diui Veri bello Germanic(o) / item comiti Imp(eratoris) Antonini Aug(usti) Germanici Sar / matici, et CIL VI 1549 (lignes 1-3) (Rome). Voir Crook 1955, 171, n. 203 ; Pflaum 1980, 308 ; Halfmann 1986, 249, n. 53 ; Queneau 2006, 357, n. 23.

25. Dabrowa 1998, 106, suggère que M. Pontius Laelianus fut comes Aug. bello Armeniaco et Parthico en 162-166 et comes Augg. bello Germanico en 167-173.

26. CIL VI 1377 = ILS 1098 (lignes 7-13) (Rome). Comiti Diui Veri / Aug(usti) donato donis militarib(us) bello Ar / meniaco et Parthico ab Imperatore An / tonino Aug(usto) et a diuo Vero Aug(usto) corona / murali item uallari item classica item / aurea item hastis puris IIII item uixillis (sic) / IIII, et CIL III 1457 = ILS 1097 (Sarmizegetusa, Dacie).

27. Voir Crook 1955, 158, n. 92 ; Pflaum 1980, 308, n. 15 ; Halfmann 1986, 249, n. 55 ; Queneau 2006, 363, n. 25.

28. Pour un exposé clair et détaillé de la question, voir Charneux 1957, 131 sq. et n. 4. Il est difficile de se décider entre la guerre parthique et l’expédition en Germanie (167-169), au retour de laquelle Lucius Verus mourut. Marc-Aurèle accompagnait Lucius Verus en Germanie, et dans des campagnes de ce genre, le comes était [comes imp. Anton]ini Aug. et diui Veri. En conséquence, M. Claudius Fronto était donc bien le comes de Lucius Verus lors de l’expédition contre les Parthes. Toutefois, l’indication précédente, dans l’inscription romaine CIL VI 1377, se rapporte aussi à l’expédition en Orient : donato donis militarib(us) bello Armeniaco et Parthico ab Imperatore Antonino Aug(usto) et a diuo Vero Aug(usto). Marc-Aurèle était absent, mais les récompenses sont tout de même distribuées en son nom. De même, il partagea à l’issue de la campagne le triomphe de Lucius Verus. Un seul empereur présent pouvait donc représenter les deux. Mais lorsqu’ils se déplaçaient ensemble, le comes était à la fois le compagnon de l’un et de l’autre, comme T. Pomponius Proculus Vitrasius Pollio : comes de Marc-Aurèle et de Lucius Verus, puis comes de Marc-Aurèle et de Commode, il figure ci-dessous parmi les comites impériaux qui reçurent les dona militaria et un consulat bis.

(7)

L’analyse de ces comitats démontre que les comites de l’empereur avaient claire- ment droit à recevoir les dona militaria. Pour V.A. Maxfield, il n’est pas surprenant qu’ils soient les plus décorés 29. Ils sont les yeux et les oreilles de l’empereur. Souvent de rang consulaire 30, ces sénateurs agissent comme compagnons et sont aussi des conseillers militaires.

Il n’est pas nouveau de relever que les comites ont bénéficié de dona militaria ; cependant, nous constatons qu’ils représentent, avec les gouverneurs de province, les sénateurs consulaires les plus décorés 31.

Pour mieux saisir la spécificité des dona militaria accordés aux comites Augusti, il convient d’observer les carrières de sénateurs décorés sans avoir été compagnons de l’empereur.

Parmi ces sénateurs décorés, citons le cas de L. Roscius Aelianus Maecius Celer 32. De famille sénatoriale, ce tribunus militum legionis IX Hispanae reçut les dona militaria 33 en récompense de sa conduite pendant l’expédition en Germanie contre les Chattes en 83-84. Il bénéficia ensuite de la commendatio impériale puisqu’il fut le questeur de Domitien entre 86 et 90. L. Minicius Natalis 34, homo nouus 35, fut légat de la IIIe légion Auguste pendant la première guerre dacique et reçut des décorations militaires 36. Ce grand homme de guerre de Trajan obtint le consulat en 106 et la légation de la Pannonie supérieure de 115 à 118.

29. Voir Maxfield 1981, 140. L’absence de gouverneurs provinciaux recevant des décorations à la même période n’est pas une coïncidence. On peut suggérer que les comites ont supplanté les gouverneurs par leurs capacités militaires durant le temps de la guerre. Quand l’empereur était présent en tant que commandant en chef, accompagné des hommes choisis pour leurs capacités militaires, le gouverneur de la province où la campagne se déroulait n’était pas nécessairement appelé pour conduire l’armée. Envoyé de l’empereur, il avait surtout en charge la province pendant son absence.

30. Parmi les six comites relevés, seul P. Aelius Hadrianus a été décoré en tant que quaestor Imperatoris Traiani et comes expeditionis Dacicae. Sa parenté avec l’empereur régnant explique certainement ce comitat impérial précoce. Tous les autres comites ont déjà géré un consulat. C’est ainsi que – pour ne citer que ceux-là – C. Cilnius Proculus et D. Terentius Scaurianus reçoivent IIII hastae purae et IIII uexilla.

31. Voir Maxfield 1981, 139. L’auteur a comptabilisé les légats d’Auguste propréteurs de provinces impériales. Ils sont huit à recevoir des décorations : trois sous les Flaviens, cinq de Nerva à Hadrien, puis plus rien. Les autres soldats décorés sont des centurions et des milites : vingt-neuf centurions et vingt-quatre milites ont été récompensés. La plupart le furent sous les Julio-Claudiens et leurs successeurs jusqu’à Hadrien.

32. PIR2 C 65.

33. CIL XIV 3612 = ILS 1025 (lignes 9-13) (Tibur, Italie). In expeditione Germanica / donato ab Imp(eratore) Aug(usto) / militarib(us) donis corona / uallari et murali uexillis / argenteis II hastis puris II.

34. PIR2 M 619.

35. Voir Chastagnol 1980, 271, n. 6. L. Minicius Natalis reçut le latus clauus de Domitien.

36. CIL II 4509 = ILS 1029 (lignes 7-9) (Barcino, Espagne citérieure). [doni]s donatus expeditione Dacic[a] / prima a[b eodem imperatore] corona uallari murali aurea / has[tis puris III uexillis III].

(8)

La confrontation de ces carrières de sénateurs décorés à celles des comites Augusti révèle que l’attribution des dona militaria s’effectuait dans le cadre d’une fonction : un tribunat militaire, une légation de légion ou encore un comitat. Cela permet d’établir que le titre de comes Imperatoris recouvre une fonction à part entière, même si elle est rarement attestée dans les sources épigraphiques.

La fonction de comes appartient bien au domaine militaire. Elle juxtapose trois éléments : le comitat impérial, le nom de l’expédition et les dona militaria, selon un barème hiérarchisé et respecté durant tout l’Empire. Le cursus honorum de ces comites Augusti montre que ce sont de grands militaires 37. L’étude de leur carrière met en valeur leurs capacités militaires au service de l’empereur. Ils occupent des commandements de légions et ils gouvernent des provinces dans lesquelles l’armée est concentrée. Ces provinces sont la Bretagne, les Germanies, les Pannonies, la Dacie et la Syrie.

P. Aelius Hadrianus présente, dès sa jeunesse, une exceptionnelle préparation militaire grâce à son tuteur Trajan. Dès 107-108, il combat les Sarmates en tant que légat propréteur de la Pannonie inférieure.

Le caractère militaire de la carrière de D. Terentius Scaurianus se remarque en particulier à l’issue de son comitat puisque, ayant participé à l’ensemble des expé- ditions et étant sur place en 106, il était à même de prendre en charge la nouvelle Dacie. L’empereur le nomme à la tête de la nouvelle province, dont il assura le gouvernement jusqu’en 111-112. Il en fut le premier gouverneur 38.

En ce qui concerne C. Iulius Quadratus Bassus, c’est certainement après son comitat en 106, pendant la seconde guerre dacique, qu’il succéda à Licinius Sura comme chef d’état-major de l’empereur. Il termina la guerre et organisa le pays.

C. Iulius Quadratus Bassus utilisait sa connaissance du terrain puisqu’il avait déjà été envoyé en Dacie en 101-102 à la tête de la legio XI Claudia. Ce sont donc ses qualités militaires et son expérience qui amenèrent l’empereur à faire entrer ce sénateur dans son état-major. Comme le souligne l’inscription de Pergame 39, il fut gouverneur de trois provinces entre 114 et 117 : la Syrie, la Phénicie-Commagène et la Dacie 40. En fait, C. Iulius Quadratus Bassus dut sa brillante carrière à ses qualités

37. Voir Maxfield 1981, 150. C’est ainsi que les deux comites C. Aufidius Victorinus et T. Pomponius Proculus Vitrasius Pollio reçurent huit hastae purae et huit uexilla.

38. Comme le fait remarquer Piso 1982, 383, les gouverneurs consulaires de la Dacie furent choisis sans exception, semble-t-il, parmi les généraux qui avaient combattu dans les guerres daciques.

La raison en était la nécessité de bien connaître tant la province – à peine pacifiée, dont la défense allait être organisée – que ses turbulents voisins.

39. AE 1933, 268.

40. Voir Piso 1993, 23 : il gouverna la Dacie en 117. Pour une étude de sa carrière, voir Rémy 1989, 204 : « Il mourut en combattant sur le front nord de la Dacie, nouvelle province envahie par les Sarmates et les Iasyges, en 117. Ayant servi à deux reprises pendant les guerres daciques à des postes importants, nul n’était sans doute plus qualifié que lui pour mener la campagne ».

(9)

militaires, lesquelles, dans un empire fragilisé sur ses frontières, firent de ce comes Augusti l’un des grands généraux de Trajan.

Avant son comitat auprès de Trajan et d’Hadrien en 117, C. Cilnius Proculus, consul en 87, géra des postes à responsabilité dans des provinces impériales. De 95 à 98, il fut légat de la province de Dalmatie. L’année suivante, il reçut la légation en Mésie supérieure 41. Étant à proximité de la Dacie, C. Cilnius Proculus participa à la première guerre dacique en 101-102 auprès de l’empereur Trajan. Après son proconsulat d’Afrique 42 vers 103-104, il s’engagea dans la guerre contre les Parthes en 117 en Syrie.

Déjà en faveur auprès de l’empereur puisqu’il fut recommandé par Hadrien 43 pour le tribunat de la plèbe et qu’il avait occupé le poste d’ab actis senatus 44, M. Pontius Laelianus Larcius Sabinus mena une partie de sa carrière dans la partie orientale de l’Empire. Il administra la province de Syrie 45 de 150 à 153. Ses services dans cette province lui valurent d’être désigné comme comes de Lucius Verus pendant la guerre contre les Arméniens et les Parthes 46 de 161 à 166. Il se distingua et fut décoré par Marc-Aurèle et Lucius Verus. Comme le remarque très justement F. Jacques, « ce sont ses aptitudes militaires, comme le montrent les légations en Pannonie supérieure et inférieure et en Syrie, provinces importantes stratégiquement sous Antonin le Pieux et Marc-Aurèle, qui le firent intégrer les états-majors de Lucius Verus et de Marc-Aurèle en qualité de comes lors de la guerre germanique. Sa bravoure et ses loyaux services furent récompensés par des décorations obtenues en Orient et sur le Danube » 47.

M. Claudius Fronto occupa lui aussi le poste d’ab actis senatus, puis il mit ses capacités militaires au service des empereurs Lucius Verus et Marc-Aurèle. Il participa aux combats en Orient ou en Occident. C’est ainsi qu’en 162, il dirigea la legio I Mineruia dans une expédition contre les Parthes, puis de 162-163 à 165, il fut legatus Augustorum pro praetore exercitus legionarii et auxiliorum. M. Claudius Fronto partit pour l’Orient dans les provinces d’Arménie, d’Osrhoene et en Mésopotamie 48. Après avoir revêtu le consulat en 165, il porta le titre de comes de

41. AE 1956, 223, et AE 1968, 554 = AE 1955, 123 (Carthago, Afrique proconsulaire).

42. Voir Fitz 1968.

43. CIL VI 1549 (Rome).

44. Cette charge – c’est-à-dire la responsabilité des comptes rendus des séances du Sénat – était accordée à un homme investi de la confiance du Princeps : par cette entremise, celui-ci pouvait, même s’il n’assistait pas à la séance, être renseigné exactement sur tout ce qui s’était dit dans la Haute Assemblée.

45. AE 1939, 179 (Palmyra, Syrie).

46. Voir Fitz 1993-1995, 482.

47. Voir Jacques 1983, 217-218, n. 107.

48. Voir Christol 1986, 36, n. 2. L’auteur souligne que M. Claudius Fronto exerça un commandement autonome. Il fait remarquer que la composition habituelle des conseils de guerre est mal connue

(10)

l’empereur Lucius Verus en 168, juste avant la mort de celui-ci. Ses capacités militaires et gouvernementales avaient déjà été appréciées dans des provinces frontalières sujettes aux troubles. Durant les deux années suivantes, jusqu’en 170, M. Claudius Fronto assura le gouvernement de la Mésie supérieure, de la Dacie Apulens, puis des trois Dacies 49 jusqu’en 170. Ce grand militaire mourut au combat, au cours de la guerre contre les peuples germaniques et les Iazyges.

Ces grandes carrières militaires démontrent que la nomination de ces séna- teurs à la fonction de comes Augusti était somme toute normale. Devant de telles capacités, le Princeps ne pouvait que s’entourer des meilleurs lors des expéditions militaires. La combinaison du comitat impérial et des décorations militaires appa- raît logique. Ces comites ont participé aux combats dans une mesure qui nous est inconnue, mais il convenait qu’ils fussent récompensés pour leurs conseils et leur protection de la personne impériale. Leur carrière après les combats se poursuit avec des gouvernements de provinces jugées dangereuses, car frontalières, comme la Dacie ou les Pannonies.

Le second élément qui souligne l’étroite corrélation entre la fonction militaire de comes et la réception de dona militaria est mis en évidence en comparant les six comites décorés avec d’autres comites Augusti qui n’ont pas été récompensés.

Pour ces derniers, leur fonction est d’être aux côtés de l’empereur lors de ses voyages. À partir du règne d’Hadrien, ces déplacements à travers l’Empire sont de plus en plus fréquents. Même si Rome conserve son statut de capitale, les besoins gouvernementaux et administratifs exigent une nouvelle façon de gouverner, laquelle explique la place des comites auprès de l’empereur. Conseillers et hommes de confiance du Princeps devaient donc, à l’instar de l’empereur, revêtir leur fonction lors de ces voyages.

Pour preuve, nous pouvons citer le cas de T. Caesernius Statius Quinctius Macedo Quinctianus 50, qui porte à deux reprises le titre de comes d’Hadrien 51. En 128, il a été comes Hadriani, lors de ses voyages per Siciliam Africam Mauretaniamque.

L’empereur l’a recommandé quand il a brigué le tribunat de la plèbe. Après la préture, il a été comes Imperatoris per Orientem en 131 et comes per Illyricum en 132.

faute de renseignements nombreux. Parmi les exemples les plus significatifs de responsables sénatoriaux, on peut citer le cas de M. Claudius Fronto.

49. Voir Piso 1993, 94.

50. PIR2 C 182. Voir Crook 1955, 155, n. 69 ; Pflaum 1980, 307, n. 11 ; Halfmann 1986, 249, n. 50 ; Queneau 2006, 333, n. 15.

51. AE 1957, 135 (lignes 1-12) (Aquileia, Italie). T(ito) Caesernio Statio / Quinctio Macedoni / Quinctiano consuli / sodali Augustal(i) curat(ori) / uiae Appiae et alimentorum / legato leg(ionis) X Gem(inae) Piae Fidel(is) / comiti diui Hadriani per / Orientem et Illyric(um) praet(ori) / inter ciues et peregrinos / trib(uno) pleb(is) candidat(o) comiti / per Siciliam Afric(am) Mauret(aniam) / quaestori candidato.

(11)

T. Caesernius Statius était donc le compagnon d’Hadrien pendant ses voyages. Ses débuts ont été brillants puisqu’il a été triumuir monetalis. Hadrien lui a accordé sa recommandation pour la questure en 126 52. Conservant la confiance manifeste d’Hadrien, T. Caesernius a été nommé légat de la legio X Gemina en Pannonie 53 en 136. Puis, il devint curateur de la uia Appia et, simultanément, préfet des alimenta.

Il a obtenu les faisceaux consulaires 54 au début du règne d’Antonin, vers 138.

Un autre sénateur, Q. Hedius Rufus Lollianus Gentianus 55, fut le comes de Septime Sévère et de Caracalla 56. Une inscription de Tarragone 57 énumère l’essentiel de son cursus honorum. Ce patricien bénéficia de la faveur impériale antonine pour l’exercice de la questure et de la préture en étant le candidat impérial. Il revêtit le consulat vers 188, et sa légation d’Espagne citérieure pourrait se placer sous le principat de Commode, vers 190. Le recensement de la Lyonnaise suivit la défaite d’Albinus en 197. Le titre de comes Seueri et Antonini Augustorum ter se rapporte aux expéditions précédant le recensement de la Lyonnaise. Ce titre révèle que Q. Hedius Rufus Lollianus Gentianus accompagna l’empereur Septime Sévère à travers l’Empire, « quand ce dernier le parcourut en tous sens pour conquérir le pouvoir sur ses compétiteurs, entre 193 et 197 » 58.

Les carrières de ces deux comites impériaux montrent que la fonction présente un autre caractère. L’empereur appelle auprès de lui des hommes de confiance et d’excellents administrateurs. Ces sénateurs portent le titre de comes puisqu’ils intègrent l’entourage impérial, mais leur comitat n’est pas de la même nature que celui des comites Augusti qui reçurent les dona militaria.

En définitive, la fonction de comes Augusti peut être attribuée à des sénateurs de rang questorien, prétorien ou consulaire. Comme les autres fonctions, elle permet de recevoir les dona militaria.

Le profil du comes impérial est celui d’un homme de guerre et de terrain intégré à l’état-major impérial. Il participe à la guerre aux côtés de l’empereur. C’est dans

52. Cf. Cébeillac 1972, 179.

53. Cf. Fitz 1993-1995, 594 sq., n. 337.

54. CIL XIV 2253 (Albanum, Italie).

55. PIR2 H 42.

56. Voir Crook 1955, 172, n. 211 ; Halfmann 1986, 250, n. 67 ; Queneau 2006, 368, n. 26.

57. CIL II 4121 = ILS 1145 (lignes 1-8) (Tarraco, Espagne citérieure). Q(uinto) Hedio L(ucii) f(ilio) Pol(lia) / Rufo Lolliano / Gentiano auguri co(n)s(uli) / proco(n)s(uli) Asiae censitori / prou(inciae) Lugd(unensis) item Lugdu / nensium comiti Seueri et / Antonini Augg(ustorum) ter leg(ato) Augg(ustorum) / prou(inciae) H(ispaniae) c(iterioris) item censit(ori) / H(ispaniae) c(iterioris).

58. Christol 1981, 77-79, souligne que le titre de comes Seueri et Antonini Augg. ter se rapporte aux fonctions exercées entre 193 et 197, c’est-à-dire qu’il fait allusion aux trois grandes expéditions de Septime Sévère, l’expédition contre Pescennius Niger, la première expédition en Orient et l’expédition de Gaule.

(12)

ce contexte qu’il bénéficie de décorations militaires. Il occupe des postes à respon- sabilité dans des provinces difficiles à l’issue de son comitat. La fonction de comes Augusti, combinée avec la mention de dona militaria, a en fait servi de révélateur et de confirmation de leurs aptitudes militaires.

Faut-il, devant un tel constat, considérer le titre de comes Imperatoris comme une fonction relevant essentiellement du domaine militaire et de la défense de l’Empire, lorsque le sénateur concerné reçoit des dona militaria ? C’est en nous appuyant sur le cursus honorum des comites qui ont bénéficié d’un second consulat que nous souhaitons apporter des éléments qui présentent une nouvelle facette de ce titre.

Comes Augusti et consulat bis

Nous avons relevé quatre comites Augusti qui ont revêtu un second consulat. Le premier est L. Fulvius C. Bruttius Praesens, qui fut le comes de Marc-Aurèle et de Lucius Verus lors de l’expeditio Sarmatica de 153. Le dernier est C. Octavius Appius Suetrius Sabinus, comes de Caracalla lors de l’expédition germanique en 214. Au-delà de l’analyse de l’intégration dans l’état-major impérial lors des campagnes militaires en tant que comes Augusti, notre objectif est de découvrir si cette fonction a une incidence sur l’obtention du consulat bis.

La carrière et le titre de comes de L. Fulvius C. Bruttius Praesens 59 sont connus grâce à une inscription italienne 60. Deux mots caractérisent cette carrière : éclat et rapidité. Son père, Bruttius Praesens, bénéficiait déjà de la faveur impériale d’Antonin le Pieux 61. Ce traitement privilégié rejaillit sur le fils puisqu’il devint questeur de l’empereur 62, certainement en 145. En tant que patricien, il est immédiatement promu préteur en qualité de candidat de l’empereur. En 153, L. Fulvius C. Bruttius Praesens partage le consulat éponyme 63 avec A. Iunius Rufinus. C’est ensuite qu’il fut membre de l’état-major de deux empereurs en qualité de comes 64. Il participa à

59. PIR2 B 165.

60. CIL X 408 = ILS 1117 (lignes 1-9) (Capua). L(ucio) Fuluio C(aii) f(ilio) Pom(ptina) / Bruttio Praesenti Min[- - -] / Valerio Maximo Pompeio L(ucio) / Valenti Cornelio Proculo [- - -] / Aquilio Veientoni co(n)s(uli) II pr[aef(ecto) Vrbi ou procos Asiae ( ?) p(a)t(ri) / C]r[i]spinae Aug(ustae) so[ce]ro Imp(eratoris) [Caes(aris) Commodi Aug(usti) sodali] / Hadrianali sodali Antonin[iano Veriano] / Marciano comiti Impp(eratorum) Ant[onini et Veri Augg(ustorum) ou Ant[onini et Commodi Augg(ustorum)] / expeditionis Sarmaticae.

61. L’empereur le désigna comme son collègue au consulat en 139. La carrière du père de ce comes Augusti figure dans une inscription d’Afrique proconsulaire (AE 1950, 66, Mactar) ; voir Rémy 1989, 208-211, n. 166.

62. Voir Cébeillac 1972, 146, n. LXVI.

63. CIL VI 1984 (Rome) ; CIL VI 10234 (lignes 23 sq.) (Rome), et CIL XVI 101 (Castra Regina, Rhétie) ; voir Vidman 1982, 122 ; 132.

64. Cf. Crook 1955, 155, n. 62 ; Halfmann 1986, 250, n. 63 ; Queneau 2006, 341, n. 18.

(13)

une expeditio Sarmatica avec un empereur appelé Antoninus 65. Après la mention de son appartenance à la confrérie des sodales Antoniniani, l’inscription italienne énonce les liens de parenté qui rattachent Praesens à la dynastie des Antonins.

En effet, Commode épousa sa fille Bruttia Crispina 66. C’est pourquoi L. Fulvius C. Bruttius Praesens est qualifié de père de l’impératrice Crispina et de beau-père de l’empereur Commode. Avant d’accèder en 180 à un second consulat 67, C. Bruttius Praesens devint préfet de la Ville, prédécesseur de C. Aufidius Victorinus. Ainsi, lorsque Marc-Aurèle choisit Bruttia Crispina, cette jeune patricienne, « pour épouser son fils Commode, en fait il aurait associé le sénateur le plus prestigieux à la dynastie régnante » 68.

En ce qui concerne L. Fabius Cilo Septiminus Catinius Acilianus Lepidus Fulcinianus 69, ce comes Augusti appartient à une famille sénatoriale, originaire de Bétique 70. Trois inscriptions 71 nous apprennent qu’il fut le comes Imperatoris Caesaris Lucii Septimi Seueri Pertinacis Augusti in expeditione Orientali 72. Le Digeste 73 mentionne son statut d’amicus de l’empereur. Son ascension, survenue à l’avènement de Septime Sévère, est certainement due aux services rendus à l’élu des armées du Danube. Après être passé par tous les échelons de la carrière séna- toriale 74, L. Fabius Cilo est un des partisans les plus décidés de Septime Sévère.

65. Pflaum 1966, 34 sq., considère que cette expédition s’inscrit dans la guerre de Marc-Aurèle et de Lucius Verus contre les Germains, connue sous le nom d’expeditio prima Germanica, vers 167.

66. Hist. Avg., Aur. 27, 8.

67. Hist. Avg., Comm. 12, 7.

68. Pflaum 1966, 36 ; Cébeillac 1972, 146.

69. PIR2 F 27.

70. Voir Étienne 1982, 525.

71. AE 1926, 79 (lignes 1-6) (Antochia, Pisidie). [L(ucio) Fabio M(arci) f(ilio) Gal(eria) Ciloni Septimino Catinio] / Aciliano Lepido / Fulciniano co(n)s(uli) co / miti Imp(eratoris) Caes(aris) L(ucii) Septimi / Seueri Pertinacis Aug(usti) / in expeditione Orientali ; CIL VI 1408 = ILS 1141 (lignes 1-5) (Rome), et CIL VI 1409 = ILS 1142 (lignes 1-7) (Rome).

72. Cf. Crook 1955, 163, n. 141 ; Pflaum 1980, 308, n. 24 ; Halfmann 1986, 250, n. 66 ; Queneau 2006, 441, n. 2.

73. Dig. 1, 15, 4.

74. Après avoir géré la préture urbaine au début du règne de Commode, il reçut le commandement de la legio XVI Flauia Firma à Samosate en Syrie du Nord. Proconsul de la Gaule Narbonnaise en 185, il géra la préfecture du trésor militaire vers 187-189 et, comme dernier poste prétorien, le gouvernement de la Galatie de 190 à 192, suivi du consulat suffect, en 193. Le début de sa carrière prétorienne n’a rien d’insolite. Il exerça deux curatelles italiennes ainsi que celle de Nicomédie.

La curatelle bithynienne fut exercée au moment de la légation de la province en 193-194. L. Fabius Cilo fut certainement dans un premier temps curateur de Grauiscae, en Étrurie, puis d’Interamna Nahars dans le sud de l’Ombrie. Ces deux curatelles, vers 180-183, ne l’éloignèrent pas de Rome. Les fonctions administratives et financières confiées à L. Fabius Cilo avant la guerre civile s’accordent avec sa nomination comme curateur des deux cités italiennes à proximité de Rome.

(14)

Celui-ci lui confia, dès 193, le commandement des détachements tirés des armées de l’Illyricum, c’est-à-dire des Pannonies et des Mésies, qui devaient se diriger sur Périnthe, en Thrace. Là, L. Fabius Cilo résista victorieusement aux attaques des troupes de l’usurpateur C. Pescennius Niger 75. Il fut comes de l’empereur durant la guerre en Orient contre Niger avec le titre de comes Imperatoris Caesaris Lucii Septimi Severi Pertinacis Augusti in expeditione Orientali. Dès la défaite de Niger, il géra la province de Pont-Bithynie récemment reconquise. « C’était un poste de transition pour ce brillant soldat, et sa légation a dû être de courte durée » 76 puisqu’il fut mis à la tête de la Mésie supérieure vers 195 77. Il commanda des corps expéditionnaires en tant que dux uexillationum per Italiam. Puis, certainement pendant son gouvernement de la Pannonie supérieure avec ses trois légions de 197 à 201-202 78, il revêtit pour la seconde fois le titre de comes Imperatoris Lucii Septimi Seueri. C’est en tant que comes Augustorum que L. Fabius Cilo assura son troisième comitat 79. Au terme de sa carrière, il fut consul ordinaire bis 80 en 204, et il géra la préfecture de Rome 81 jusqu’en 211.

Pour C. Fulvius Plautianus 82, ce sont deux inscriptions – une romaine et une africaine 83 – qui mentionnent le titre de comes per omnes expeditiones et de comes et necessarius dominorum nostrorum Imperatorum Augustorum. Hérodien, en quelques phrases, résume bien le parcours de ce célèbre préfet du prétoire 84. De nombreuses inscriptions mentionnent sa préfecture du prétoire 85 à partir de 197. Seul, en 200, Plautien conserva sa préfecture jusqu’à son assassinat le 22 janvier 205. Auparavant,

75. Hist. Avg., Sept. Seu. 8, 12 sq.

76. Rémy 1989, 106.

77. Voir Stein 1940, 52 sq.

78. Voir CIL III 4622, et Fitz 1993-1995, 508.

79. CIL VI 1409 = ILS 1142.

80. Hist. Avg., Carac. 4, 5 sq.

81. CIL VI 1409, et Dig. 1, 12, 1, 1 ; 48, 22, 6, 1.

82. PIR2 F 554.

83. CIL VI 1074 = ILS 456 (lignes 1-8). [Fuluiae Plautillae Aug(ustae) conuigi] / Imp(eratori) M(arci) Aureli Antonini Aug(usti) / Pii Felicis pontificis cons(ulis) / Imp(eratoris) L(uci) Septimi Seueri Aug(usti) Pii Felicis / pontificis et Parthici maximi cons(ulis) III nurui / filiae / [[[C(ai) Fuluii Plautiani c(larissimi) u(iri)]]] / pontificis nobilissimi pr(aefecti) pr(aetorio) necessarii / Augg(ustorum) et comitis per omnes expeditiones eorum /, et AE 1988, 1099 (lignes 1-8). Lepcis Magna. [[C(aio) Fuluio / Plautiano / pr[a]ef(ecto) praet(orio) / c(larissimo) u(iro) co(miti) et / necessario]] domi / norum nostro / rum Imperato / rum Auggg(ustorum).

84. Hérodien, 3, 10, 6.

85. CIL XI 1337 = ILS 1328 (Luna, Italie). C(aio) Fulu[io] / C(aii) f(ilio) Qui[r(ina)] / Plautian[o] / praef(ecto) p[raet(orio)] / ac ne[cessario] / dom[inorum nn(ostrorum)] / ex con[sensu ord(inis)] / plebisq[ue Lunens(is)].

(15)

il entra par adlectio au Sénat, et il fut honoré des ornamenta consularia 86 en 197.

C’est en 203 qu’il fut consul bis 87 ordinaire avec P. Septimius Geta. Son ascension dans l’ordre sénatorial ne s’acheva pas là puisqu’il fut adsumptus inter patricias familias 88. Une telle ascension sociale allait de pair avec une alliance matrimoniale 89. Comme le confirme Dion Cassius 90, son admission au Sénat précédait le mariage de sa fille Publia Fulvia Plautilla avec le fils aîné de Septime Sévère, Caracalla, qui eut lieu avant le 17 septembre 202, date à laquelle elle était déjà Augusta 91. Ainsi, Plautien devenait le beau-père du futur empereur. Il appartenait maintenant à la famille régnante. Il se rendit indispensable aux Sévériens puisqu’il assura un comitat durant toutes leurs expéditions. Pendant la guerre en Syrie contre les Parthes qui venaient d’envahir la Mésopotamie, entre 197 et 199, Plautien accompagna Septime Sévère et Caracalla. À la suite de cette expédition, l’empereur effectua un voyage en Égypte de 199 à 200. L’année suivante, il regagna la Syrie. Enfin, pendant les années 202 et 203, les deux empereurs Septime Sévère et Caracalla, toujours accompagnés de Plautien, se rendirent en Afrique. En fait, toute la domus Augusta était aux côtés de l’empereur : Julia Domna et ses deux enfants. C’est au cœur de cette politique dynastique que Plautien trouvait sa place auprès de l’empereur en tant que membre de la famille régnante et en tant que comes per omnes expeditiones eorum.

Le dernier comes sévérien est celui de Caracalla. Il s’agit de C. Octavius Appius Suetrius Sabinus 92. Dion Cassius 93 mentionne l’amitié qui liait ce sénateur italien à

86. Voir Rémy 1976-1977, 166-170, et Benoist 2000, 313-318. Sous les Sévères, l’octroi des ornamenta consularia permet d’entrer postérieurement à l’assemblée et de poursuivre un cursus honorum sénatorial. L’exemple de Plautien est tout à fait spécifique. Les ornamenta consularia lui sont octroyés dès 197, tandis que l’élection à ce fameux consulat ordinaire, en compagnie de l’empereur, en 203, un an après le mariage de sa fille avec Caracalla – sommet d’une carrière privilégiée que la faveur du prince a autorisée –, fut précédée par une adlectio inter praetorios qui prouve que les ornements demeurent à cette époque un privilège qui ne vaut nullement entrée effective dans l’assemblée et que le consulat a donc récompensé un sénateur qui était de surcroît toujours préfet du prétoire.

87. Dion Cassius, 46, 46, 4 ; Hérodien, 3, 11, 2 ; CIL XI 6712, 11 (Volaterrae, Italie). C(aii) F(ului) P(lautiani) pr(aefecti) pr(aetorio) / c(larissimi) u(iri) co(n)s(ulis iterum) ; CIL III 5802 (Augustae Vindelicum, Rhétie) ; CIL VIII 2557 (Lambaesis, Numidie) ; CIL XIV 324 (Ostia, Italie).

88. CIL XI 8050 = ILS 9003 (lignes 1-4) (Tuficum, Italie). C(aio) Fuluio C(aii) f(ilio) Quir(ina) Plau- tiano / pr(aefecto) pr(aetorio) c(larissimo) u(iro) co(n)s(uli) II ad / sumpto inter patr(icias) / famil(ias) necessario dd(ominorum) nn(ostrorum) Augg(ustorum).

89. Voir Corbier 1982, 694. L’ascension d’une famille ne modifie que lentement et partiellement ses horizons matrimoniaux. Le cas est particulièrement net lorsque deux familles, engagées à l’avance dans un réseau d’alliances, s’élèvent ensemble : Caracalla épouse une Fulvia de Lepcis, comme son grand-père, et pas seulement la fille du préfet du prétoire Fulvius Plautianus.

90. Dion Cassius, 75, 15, 2 ; 76, 1, 2.

91. Voir Christol 1986, 102.

92. PIR2 O 25.

93. Dion Cassius, 78, 13, 2.

(16)

l’empereur, et quatre inscriptions mentionnent son titre de comes Augusti 94. Questeur candidat vers 201, tribun de la plèbe candidat vers 203 et préteur de liberalibus causis vers 206, il exerça ensuite huit fonctions prétoriennes civiles et militaires 95. Consul ordinaire 96 en janvier 214, il devint au cours de cette même année iudex ex delegatione cognitionum Caesarian(arum) in prouincia [- - -] inferiore, puis en 215 praefectus ali- mentorum. En 215-216, il fut electus ad corrigendum statum Italiae 97. Enfin, en 216-217, il reçut le gouvernement de la Pannonie inférieure, puis le proconsulat d’Afrique de 228 à 233. En fait, il accédait à de très hautes responsabilités, tant militaires qu’admi- nistratives. Il termina sa carrière comme consul ordinaire iterum en 240 98 et resta un personnage de tout premier plan sous le principat de Sévère Alexandre. Nous consta- tons que, dès le début de sa carrière, C. Octavius Appius Suetrius Sabinus bénéficia de la faveur de l’empereur puisqu’il obtint les deux premières magistratures, la questure et le tribunat de la plèbe, avec la commendatio impériale. Entretenant des liens d’amitié avec Caracalla, il fut son comes pendant l’expédition germanique en 213 99.

Quel bilan pouvons-nous faire de l’analyse des cursus honorum de ces quatre comites Augusti honorés d’un consulat bis ?

La première constatation concerne le laps de temps qui sépare les deux consulats.

L’intervalle est de 26 et 27 années. Sous Marc-Aurèle et Lucius Verus, L. Fulvius C. Bruttius Praesens attend 27 ans. Avec Caracalla, l’intervalle reste stable puisqu’il faut 26 ans à C. Octavius Appius Suetrius Sabinus pour revêtir son second consulat.

Pour L. Fabius Cilo et C. Fulvius Plautianus, les deux comites de Septime Sévère et de Caracalla, nous relevons entre les deux consulats un intervalle respectif de onze et six années.

94. CIL X 5398 = ILS 1159 (ligne 9) (Aquinum, Italie). Germ(anicae) expedit(ionis) comit(i) Aug(usti) n(ostri) ; CIL X 5178 (lignes 1 sq.) (Casinum, Italie). [C(aio) Octauio App(io) Suetrio Sabino c(larissimo) u(iro) co(n)s(uli) ordina]rio pontifici / [auguri comiti Aug(usti) n(ostri) electo a]d corrig[end]um statum Italiae ; CIL IX 2848 = AE 1985, 332 (Histonium, Italie), et CIL VI 1551 + 1477 = AE 1985, 37 (Rome). Voir Crook 1955, 185, n. 312 ; Pflaum 1980, 309, n. 28 ; Halfmann 1986, 251, n. 71 ; Queneau 2006, 476, n. 6.

95. CIL VI 1551 + 1477 = AE 1985, 37 (Rome). Il fut successivement legatus prouinciae Africae regionis Hipponiensis vers 207, curator rei publicae à Ocriculum vers 208-209. Il reçut la curatelle de la uia Latina noua vers 209-210, le juridicat per Aemiliam et Liguriam vers 210-211, avant d’être légat de la legio XXII Primigenia à Mogontiacum (Mayence), en Germanie supérieure, de 211 à 213, puis le gouvernement de la Rhétie. Enfin il participa comme praepositus (dux) des détachements des légions I Italica (?) et XI Claudia à l’expédition de l’été 213 contre les Alamans, en Germanie. C’est à ce moment-là qu’il devint le comes de Caracalla. Il fut nommé au cours de la même année légat impérial propréteur de la province de Rhétie.

96. CIL VI 31338a = ILS 452 (Rome).

97. Voir Christol 1986, 55.

98. Ibid., 223 sq. ; cf. Rémy 1989, 106.

99. Voir Christol 1982, 159, n. 2.

(17)

À l’exception encore de ces deux derniers, les autres comites sont, dès le début de leur cursus honorum, très en faveur auprès de l’empereur. C. Bruttius Praesens est un sénateur patricien. Avec C. Octavius Appius Suetrius Sabinus, ils ont bénéficié de la recommandation impériale pour la questure et la préture.

Ces deux comites entretenaient des liens d’amitié et de proximité avec le Princeps.

En ce qui concerne L. Fulvius C. Bruttius Praesens, son père avait déjà été désigné comme collègue d’Antonin le Pieux pour le consulat en 139. De plus, sa fille Bruttia Crispina épousa Commode. De cette façon, ce comes était étroitement lié à la dynastie des Antonins. Des liens d’amitié liaient C. Octavius Appius Suetrius Sabinus à l’empereur Caracalla.

Sans revenir en détail sur sa carrière, notons que C. Bruttius Praesens, comes Augusti patricien, termina son cursus honorum par la préfecture de Rome et l’ité- ration du consulat.

À l’issue de ces observations, nous sommes tentée d’affirmer que l’obtention d’un second consulat pour ces sénateurs était, somme toute, normale. Nous ne pouvons pas encore apprécier si leur comitat a été décisif pour leur cursus honorum.

Néanmoins, il apparaît que la faveur impériale, dont ces sénateurs bénéficiaient, trouvait sa consécration avec cet honneur exceptionnel à la fin de leur carrière.

L. Fabius Cilo et C. Fulvius Plautianus présentent un autre cas de figure. Com- ment, en effet, expliquer un laps de temps si court entre les deux consulats ? À la diffé- rence des autres comites Augusti, ni l’un ni l’autre n’est issu d’une famille patricienne et n’a bénéficié de la faveur impériale au début de sa carrière. Pour L. Fabius Cilo, c’est à partir de 193 que son cursus devint exceptionnel. Ce sont, donc, les boulever- sements suscités par la guerre civile et le changement dynastique qui ont précipité sa carrière sénatoriale. Ce comes de Septime Sévère et de Caracalla a été propulsé jusqu’au cercle des intimes et des grands acteurs de l’entourage impérial. L. Fabius Cilo bénéficiait d’une complicité et d’un soutien sans égal de l’empereur et de son fils Caracalla, depuis sa prime jeunesse 100. « Compagnon des premiers jours, il n’eut pas à se plaindre de son choix, puisqu’il fut comblé d’honneurs et de richesses » 101.

C’est un autre statut que revêt C. Fulvius Plautianus. Appartenant à l’ordre équestre, ce préfet du prétoire devint le beau-père du futur empereur Caracalla.

« Éminence grise » de la dynastie des Sévères, il accéda au sommet de la carrière sénatoriale avec le consulat bis. Les raisons évoquées d’un tel destin rappellent l’origine géographique et familiale commune entre C. Fulvius Plautianus et Septime Sévère et la politique matrimoniale sévérienne désireuse d’asseoir solidement une nouvelle dynastie. Rappelons également les capacités militaires de ce préfet du

100. Dion Cassius, 77, 4, 2-5 ; 77, 5, 1.

101. Rémy 1989, 107.

(18)

prétoire, qui avait sa place dans le consilium principis et revêtit le titre de comes per omnes expeditiones de Septime Sévère et de Caracalla.

L’ensemble de ces observations nous amène à considérer que le comitat exercé auprès des empereurs sévériens par L. Fabius Cilo et C. Fulvius Plautianus a eu une incidence sur leur cursus honorum. C’est au cours des expéditions multiples que ces sénateurs devinrent les soutiens de la dynastie africaine. En récompense de leur fidélité, Septime Sévère leur accorda un consulat bis.

Pour apprécier l’impact de la fonction de comes Augusti pour l’obtention d’un second consulat, il faut étudier des carrières de sénateurs qui bénéficièrent de cet honneur sans avoir effectué un compagnonnage. Nous avons donc choisi des consuls dont le cursus honorum se déroulait sous les dynasties antonine et sévérienne.

Parmi ces sénateurs récompensés, citons le cas de Q. Iunius Rusticus 102. Des rapports intellectuels liaient le futur empereur Marc-Aurèle à ce sénateur. Celui-ci était « très estimé à la guerre comme dans la paix et très versé dans la doctrine stoïcienne » 103, ce qui ne pouvait qu’être apprécié par ce prince philosophe. En 133 104, il reçut le consulat suffect avec Q. Flavius Tertullus. La faveur impériale lui permit de gérer un second consulat en 162 avec L. Titius Plautius Aquilinus 105. Vers 167-168 106, il parvint au sommet de la carrière sénatoriale puisqu’il succéda à Q. Lollius Urbicus à la préfecture de Rome. Le Digeste nous informe que Q. Iunius Rusticus est qualifié d’amicus noster 107. Il entretenait ainsi des liens d’amitié avec Marc-Aurèle et Lucius Verus 108.

Le second exemple d’un sénateur honoré d’un consulat bis est Appius Claudius Iulianus 109. Ce sénateur patricien fut consul suffect entre 197 et 210 110. Clarissimus uir, il reçut le proconsulat d’Afrique sous Caracalla ou Elagabal et, en 224, il fut consul bis 111. C’est durant le principat de Sévère Alexandre qu’il devint préfet de Rome 112.

102. PIR2 I 814.

103. Hist. Avg., Aur. 3, 2-4 (traduction Chastagnol 1994, 123).

104. CIL XVI 76 (Arrabona, Pannonie supérieure), et AE 1962, 255 (Gherba, Dacie) ; voir Christol 1986, 26.

105. CIL XI 3936 = ILS 6588 (lignes 14 sq.), Capena, Italie. Iunio Rustico [II / Plautio] Aquilino [co(n) s(ulibus)] ; ILS 4201b (Ostia, Italie) et AE 1948, 115 (Banasa, Maurétanie Tingitane).

106. Cf. Alföldy 1977, 287.

107. Cf. Dig. 49, 1, 1, 3.

108. Voir Pflaum 1966, 74-76.

109. PIR2 C 901.

110. Voir Jacques 1983, 111 sq., n. 45a ; Christol 1986, 31. Pour Rémy 1989, 106, son premier consulat fut géré avant 210, puis il reçut le proconsulat d’Afrique, et c’est en 224 qu’il bénéficia d’un second consulat.

111. CIL XI 2702 = ILS 7217 (lignes 1-3) (Volsinii, Italie). Ap(pio) Claudio Iuliano II co(n)s(ulibus) / L. Brut- tio Crispino / X kal(endas) Feb(ruarias), et CIL XIV 125 = ILS 2223 (Ostia, Italie). Voir Chastagnol 1992, 225.

112. Dig. 31, 87, 3.

(19)

Nous observons que ces deux carrières sénatoriales présentent le même intervalle d’années entre les deux consulats. En effet, nous comptons un laps de temps de 27 à 29 ans. C’est un premier point commun que nous relevons avec les comites Augusti honorés d’un consulat bis. Mais au-delà de cette constatation, trop de divergences se dessinent. En effet, la carrière de ces consulaires se déroule principalement à Rome. Or, les comites impériaux présentent des cursus honorum combinant à la fois des charges extraordinaires à Rome et en Italie, mais aussi des gouvernements de provinces impé- riales. Leur comitat les amène, en effet, hors de Rome. Enfin, et cela concerne avant tout les comites patriciens, la faveur impériale dont ils jouirent dès leurs débuts n’existe pas dans le cas de ces sénateurs, même patriciens comme Appius Claudius Iulianus.

S’ils eurent des liens de proximité et d’amitié avec les empereurs, ces sénateurs ne pouvaient cependant pas intégrer l’entourage impérial au même titre que L. Fabius Cilo et C. Fulvius Plautianus, qui le firent en tant que comites Augusti.

En définitive, à l’issue de cette comparaison entre des comites impériaux et des membres de l’ordre sénatorial honorés d’un consulat bis, nous pouvons avancer que la fonction de comes Augusti a un effet d’accélérateur sur le déroulement d’une carrière. Les cas de L. Fabius Cilo et de C. Fulvius Plautianus le prouvent. L’itération du consulat devenait une récompense impériale accordée pour le soutien et la fidélité envers la dynastie régnante. Devons-nous généraliser cet effet à tous les comites honorés d’un second consulat ? En fait, il convient de rester prudent. L’étude des carrières de ces comites impériaux révèle, en fin de compte, bien peu de différences puisque l’intervalle entre les deux consulats est identique et que leur cursus s’achève par la même charge sénatoriale : la préfecture de Rome. Ces observations nous permettent, néanmoins, de mieux cerner le titre et la fonction de comes Augusti, en croisant l’ensemble de ces informations avec l’analyse des carrières des comites impériaux qui ont bénéficié à la fois des dona militaria et d’un consulat bis.

Comes Augusti, dona militaria et consulat bis

Deux comites Augusti, C. Aufidius Victorinus et T. Pomponius Proculus Vitrasius Pollio, ont bénéficié de récompenses militaires, mais aussi d’un second consulat. La conjonction de ces deux honneurs nous amène à analyser leurs carrières.

Comme les autres comites Augusti déjà étudiés, C. Aufidius Victorinus et T. Pom- ponius Proculus Vitrasius Pollio reçurent des dona militaria, mais cette fois au nombre de huit. Entre l’intitulé du comitat et l’énumération des récompenses a été gravée la formule : bis donis donatus. C’est une inscription romaine 113 qui présente

113. AE 1934, 155 = AE 1957, 121 (lignes 1 ; 4-12). [C(aio) Aufidio C(aii) f(ilio) Mae]c(ia) Victorino (…) [co(n) s(uli) II praef(ecto) urbi / quindecemuir]o sacris [faciund]is sodali fetia[li Hadrianali Antoni / niano]

Veriano [Ma]rciano leg(ato) Augg(ustorum) [pr(o) pr(aetore) [- - -] prouinciae Syriae / proco(n)s(uli) p]rou[inci]ae Africae leg(ato) A[ug(usti) pr(o) pr(aetore) prouinciarum / Hispania]e cite[rior]is et

(20)

le cursus honorum de C. Aufidius Victorinus 114 et son titre de comes imperatorum diuorum Augustorum Antonini et Veri in expeditione Germanica prima 115. Ayant accompagné les empereurs Marc-Aurèle et Lucius Verus lors de la guerre contre les Chattes sur le front germanique entre 162 et 166, il bénéficia des décorations militaires.

Il reçut huit hastae purae et huit uexilla. Après son consulat en 155, l’accumulation de ses expériences militaires et stratégiques et de ses missions auprès de Marc-Aurèle facilita son ascension. Il devint proconsul d’Afrique 116 entre 172 et 175 et finalement préfet de Rome à partir de 179, avant son consulat bis ordinaire de 183 117. Le profil militaire de cette carrière est démontré par les légations dans des provinces aux limites de l’Empire 118 et le comitat. Mais elle fut également exceptionnelle puisque honorée par les deux plus prestigieuses magistratures de la carrière sénatoriale 119.

L’itération du consulat de C. Aufidius Victorinus s’explique entre autres par les rapports d’amitié 120 qui ont lié ce sénateur à Marc-Aurèle. Cette proximité est confirmée par Dion Cassius. Par ses origines, il était étroitement lié à la famille impériale 121. C’est ainsi qu’il a fait partie du consilium principis, dont les membres étaient des conseillers et des proches de l’empereur. Le dévouement de ce comes Augusti envers la dynastie antonine se vérifie avec l’avènement des Sévères. Si ses fils, M. Aufidius Fronto et C. Aufidius Victorinus, furent consuls, en revanche,

Baeticae [simul comiti imp(eratorum) / diuorum Au]gg(ustorum) Ant[onini]i et Veri in [expeditione Germa / nica prima] qua bis don[atus est do]nis mil[itaribus coronis / aureis II c]oroni[s uallaribus II coronis muralibus II / coronis n]aua[libus II hastis puris IIII uexillis IIII].

114. PIR2 A 1393.

115. Cf. Crook 1955, 153, n. 43 ; Pflaum 1980, 308, n. 17 ; Halfmann 1986, 249, n. 56 ; Queneau 2006, 337, n. 17.

116. Cf. Fitz 1993-1995, 517, n. 306.

117. Voir Christol 1986, 28, et CIL VI 2099 (Rome) ; CIL VI 3741 (Rome) ; CIL VI 36874 (Rome) ; CIL XIV 4505 (Ostia, Italie) ; CIL XV 7362 (Rome) et ILS 8723a (Simitthus, Numidie).

118. C. Aufidius Victorinus fut légat de Germanie supérieure, des Dacies, d’Espagne citérieure et de Bétique, puis de Bretagne. Voir Mathieu 1999, 89 sq. L’auteur souligne la position privilégiée qu’occupait C. Aufidius Victorinus auprès de Marc-Aurèle. Ce comes Augustorum est exemplaire, comme homme et par sa carrière, des liens qui pouvaient unir l’aristocratie sénatoriale à un empereur.

Consul en 155, il devint membre du conseil du prince. Les différentes fonctions exercées par ce sénateur manifestent la confiance de l’empereur dans ses compétences, lorsqu’il prit en 163-165 le gouvernement de Germanie supérieure, puis en 171-172 celui des provinces d’Espagne citérieure et de Bétique réunies en raison du début des incursions maures. Cf. Hist. Avg., Aur. 21-22 ; Sept. Seu. 2.

119. Voir Dabrowa 1998, 197 : avec le consulat suffect et un consulat bis ordinaire, C. Aufidius Victorinus appartient au cercle des personnages les plus importants sous les derniers Antonins.

120. Hist. Avg., Aur. 3, 8. Comme le fait remarquer Dabrowa 1998, 197, C. Aufidius Victorinus est, par son mariage avec Cornelia Cratia (voir Raepsaet-Charlier 1987, 250, n. 282), le gendre de M. Cornelius Fronto, le précepteur de Marc-Aurèle et de Commode, dont il avait lui aussi suivi l’enseignement dans sa jeunesse.

121. Voir Mathieu 1999, 88-91 : c’est en Ombrie que se trouvent les racines du groupe le plus important d’Aufidii des deux ordres et de l’aristocratie municipale au IIe siècle.

Références

Documents relatifs

Bonaparte, devenu Napoléon Ier en 1804, instaure de nombreuses réformes pendant le Consulat et l’Empire : un Concordat est signé en 1801, qui apaise les esprits, la Banque de

Kenitra, sur le Sebo, a l'espoir de deve- nir un port important, mais pour le mo- ment, elle est en période d'éclosion ; il en est de même de Mazagan, San, Mogador, Meknès. Rabat,

Professeur à la Faculté de droit de l’UPEC, Victor-André Masséna, prince d'Essling, Président de la Fondation Napoléon,.. Le jeudi 26 janvier 2012 à l’amphithéâtre B1 de

de l'industrie au 2 ,ue trimestre de 1927. .Le relevé statistique, effectué par l'Office fédéral du travail au sujet de la situation de l'industrie au 2e trimestre de 1927,

Bien que non ratifié, le projet de rectification de la limite entre l’Empire et le royaume d’Italie le long de la rivière Enza inquiète le préfet du Taro car les

Manche en corne, décorée d’incrustations de bois de cerf, à mitres en laiton, décoré.. Ressort

le montant, soit cinq fr., qu'il en retirera lui sera acquis, de sorte qu'en réalité il n'aura déboursé que 1 fr. 11 enverra alors à la maison les noms et adresses exactes

Al subtema cosificació englobem els refranys que comparen la dona amb un objecte o que la consideren igual a un objecte; al d’animalització englobem els que consideren