LA CLASSE INTERNATIONALE – FLE
Vivre ici !
NIVEAU B1-B2 / Podcasts de parcours de vie
https://www.histoire-immigration.fr/ressources/histoire-de-l-immigration/histoires-singulieres
Vivre ici ..après être parti
Au Musée Nationale de l’Histoire de l’immigration, trois réalisateurs (I.BERELOWITCH, M.FANTINI et X.BAUDOIN) ont réalisé une série de portraits multimédia à lire, à écouter et à regarder.Des rencontres pour montrer la richesse et la diversité
de l’immigration en France. Ces portraits reflètent les vagues successives, politiques aussi bien qu’économiques, qui ont fait l’histoire depuis le XIXème siècle.
Il s’agit d’écouter trois témoignages, de les comprendre et d’évoquer son propre parcours migratoire.
Guy Etienne Ahizi Elliam
Né en 1924 à Grand-Bassam, Côte d’Ivoire
"Alors je suis parti à la guerre..."
1924 : Naissance à Grand-Bassam, Côte d’Ivoire
1942 : Engagement volontaire dans les Forces françaises libres 1944 : Entrée à la Faculté de Droit de Toulouse
1951 : Mariage à Toulouse avec une Française 1961 : Poste de magistrat en Côte d’Ivoire
1968 : Départ en retraite et installation à Toulouse
L’engagement
Quand la Deuxième Guerre mondiale a éclaté, j’avais 16 ans. Je voulais m’engager dans l'armée, mais on m’a dit : "Non, vous êtes trop petit, revenez quand vous serez majeur". A l’époque, la Côte d’Ivoire était une colonie française. Je suis né le 21 juillet 1924 à Grand-Bassam, à côté d’Abidjan, la première capitale de la Côte d’Ivoire, où les Français ont débarqué pour la première fois.
Moi je me sentais Français. Quand la France a été envahie, j’ai dit : "Les pauvres, il faut aller à leur secours". Alors à mes 19 ans, je venais de finir mes études d’instituteur à l’Ecole normale et je suis parti à la guerre. Il y avait d'autres volontaires, mais on était rare. Certains même avaient fui le pays parce que parfois, on prenait les gens d’office, s'ils étaient costauds et avaient le bon âge. C’était un idéal d’aller en France. Ceux d’avant, qui avaient fait 14-18, racontaient le soir et nous étions émerveillés. Nous aussi, on voulait voir comment c'était, là-bas. Je voulais m’engager pour la vie, jusqu’à ma mort, mais le règlement, c'était seulement cinq ans renouvelables. Si l'armée ne m’avait pas pris, j’aurais pleuré. Chacun a son destin et moi, j’étais trop porté à venir ici.
Ecouter Etienne-Guy Ahizi-Elliam (2min30) Podcast à télécharger
Etienne-Guy Ahizi-Elliam, le tirailleur © Atelier du Bruit
NIVEAU B1-B2 / Podcasts de parcours de vie
https://www.histoire-immigration.fr/ressources/histoire-de-l-immigration/histoires-singulieres
Vivre ici ..après être parti
Au Musée Nationale de l’Histoire de l’immigration, trois réalisateurs (I.BERELOWITCH, M.FANTINI et X.BAUDOIN) ont réalisé une série de portraits multimédia à lire, à écouter et à regarder.Des rencontres pour montrer la richesse et la diversité
de l’immigration en France. Ces portraits reflètent les vagues successives, politiques aussi bien qu’économiques, qui ont fait l’histoire depuis le XIXème siècle.
Il s’agit d’écouter trois témoignages, de les comprendre et d’évoquer son propre parcours migratoire.
Monique Bordry
Née en 1931 à Paris de père chinois et de mère française
Bordry, les huîtres de Tai-Shan © Atelier du Bruit
Les huîtres de Tai-Shan
1917 : Arrivée en France de Chang-Yong Yung, son père 1931 : Naissance à Paris de Mei-Laine Monique
1959 : Études de chinois aux Langues orientales 1962 : Mariage avec Paul Bordry
1967 : Naissance de Laurence Mei-Len Carla, leur fille 1981 : Voyage en famille en Chine
Je m’appelle... je m’appelais, plutôt, Monique Mei-Laine Yung. Mon père était chinois et ma mère française, ils s’étaient rencontrés à Paris, dans le milieu des restaurants chinois, qui à l’époque étaient très peu nombreux. Mon père a passé sa vie à monter des restaurants chinois, mais il n’est jamais devenu patron, peut-être faute d’avoir la nationalité française. Il n’a pas voulu la demander, contrairement à certains de ses amis. Il me disait : "De toute façon, même si je deviens Français sur un papier, on ne verra pas la différence sur mon visage." Je ne pense pas qu’il imaginait retourner un jour dans son pays ; simplement, il se sentait chinois et il ne voyait pas pourquoi il ne le resterait pas jusqu’à la fin de sa vie. Je crois, surtout, qu’il a été très heureux et très fier d’avoir pu conquérir une femme française, de vivre avec elle, de nous avoir eues, ma sœur et moi. Et ma mère, qui était toute jeune quand elle l’a rencontrée, est restée très amoureuse de mon père, jusqu’à sa mort je pense. Il était quelqu’un d’extrêmement doux, calme, rassurant, qui représentait aussi peut-être pour elle l’exotisme d’un pays lointain.
Ils ont travaillé ensemble une grande partie de leur vie et par amour pour lui, je pense, elle a appris à parler le chinois du sud, le cantonais – quand ils prononçaient le mot siao haitse, "enfant", nous savions qu’ils parlaient de nous. Quelquefois, elle aimait aussi s’habiller en Chinoise.
Ecouter Monique Bordry (2min) 00:00/02:03
Monique Bordry, "J’ai deux amours…" © Atelier du Bruit
Nouredine Hagoug Né en 1963 à Marseille
Nouredine Hagoug, le marcheur de fond © Atelier du Bruit
Le marcheur de fond
1963 : Naissance à Marseille
1977 : Second cycle au Lycée Thiers
1983 : Marche contre le racisme et pour l’égalité, de Marseille à Paris 1987 : Mariage avec Nasséra Benmarnia
2001 : Élu municipal des 13e et 14e arrondissements de Marseille, liste Jean-Claude Gaudin
Comme toute ma génération, j’ai été élevé dans le mythe du retour. Nous, les enfants, on était là pour gagner des diplômes, et puis on rentrerait dans notre pays, l'Algérie, pour aider à le reconstruire. Ce discours officiel des parents, j’y ai cru jusqu’à 14, 15 ans, jusqu’à ce que je commence à comprendre, confusément, qu’ils n’y croyaient pas forcément eux-mêmes. Quand j'ai eu 16 ans, je suis allé au Bureau des Étrangers pour faire ma carte de résident. On m’a répondu :
"Monsieur, vous êtes Français, vous n’avez pas à avoir de carte de séjour." J’ai fait tout un foin, j'ai crié que j’étais algérien comme mon papa, comme ma maman, et au final, je suis resté quelques mois sans papiers – c'était moins vital, à l’époque. Un jour, sur une question de mon père, j’ai expliqué mon refus, très fier. Il m'a regardé dans les yeux et il m'a dit : "Arrête tes conneries et va faire tes papiers français au commissariat." Il n’était pas dupe de ses propres rêves. Il avait compris qu’il n’y aurait pas de retour pour lui, et encore moins pour ses enfants.
C'est comme ça qu'on a tous immigré
Mon père s’appelle Bachir Hagoug, et ma maman se nommait Fatima Zohra Ben Addouche. On est originaire de la région de Tlemcen, dans l'Ouest algérien, pas loin de la frontière marocaine. Avec un de ses cousins, mon père a été le premier à débarquer ici, à Marseille, en 1953 – il avait 17 ans.
C'est comme ça qu'on a tous immigré. Fin 1961, il est retourné en Algérie pour se marier et ramener ma mère ici, directement au bidonville de la Timone. Je suis né à Marseille, un peu plus d’un an après, en février 1963. Il n’était pas tout à fait le premier. Avant, il y avait eu mon grand-père paternel, réquisitionné pour la guerre de 14-18 et revenu gravement blessé de Verdun ; alcoolique, aussi, parce que pour tenir le coup dans les tranchées, il s’était mis à boire. Il est mort en 1957, bien avant ma naissance – paix à son âme ; je me suis souvent demandé ce qui lui était passé par la tête, pendant toute cette odyssée. On ne le saura jamais.
Françoise Nova
Née en 1923 à Sidamunt, dans la Catalogne espagnole
Françoise Nova, "on est parti le jour des Rois"
© Atelier du Bruit
"On est parti le jour des Rois"
1918 : Naissance à Sidamunt, dans la Catalogne espagnole 1936 : Victoire du Front populaire, début de la guerre civile 1939 : Fuite devant l’armée franquiste et arrivée en France 1943 : Mariage à Rouverac (Aude)
1981 : Départ en retraite
L’année dernière, dans mon petit jardin, j’ai fait venir des tomates et elles étaient belles... Chaque jour, j’avais mes tomates mûres devant la porte. C’est l’instinct de chacun. Nous, là-bas, on a l’instinct de planter parce que tout le monde est agriculteur. On a changé de pays et de terre mais ça, c’est inné. Vous faites venir une plante dans un vase, n’importe où. Je suis attachée à la terre, j’y suis née. Mon père était un propriétaire, son père aussi, il a donné sa terre à ses trois enfants et chacun avait son morceau de terrain. Tous ont travaillé la terre. Quand on part, on ne le réfléchit pas, on n’a pas le choix ; c’est après que ça vous manque et quand on meurt, c’est fini. Au village, c’était gai, la vie nous a changés. Sidamunt était un tout petit village de la province de Lérida, où on allait à l’école, le peu de temps que j’y suis allée... D’un côté, les garçons et de l’autre, les filles, d’un côté la señorita Flora, l’institutrice, et de l’autre, l’instituteur, le señor Paco, qu’on disait. Mes parents travaillaient la propriété - on avait des terres et des bêtes - et mon père, quand il avait avancé chez nous, allait travailler à Calput, qui était une grande propriété, pour gagner un peu plus parce qu’on était quatre à la maison. Parfois, il allait arroser la nuit parce qu’il fallait prendre le tour de rôle, d’autres fois, dans la journée.
La révolution
Ils ont voté et la droite n’a pas supporté que le Front populaire passe, elle s’est révoltée et puis il y a eu la Révolution. On voyait des camions. On racontait ce qui se passait en Espagne. On écoutait la radio. "A Barcelone, ils ont pris les mitrailleuses des fascistes sans armes, sans rien...", ils disaient au poste radio. La Révolution, nous autres, on ne se figurait pas que c’était quelque chose comme ça. Au village, il y a eu des terres qui ont été collectivisées. Celui qui n’en n’avait pas assez, il en prenait, et mon père avait pris un morceau parce qu’il touchait à son terrain. Il y en a aussi qui se sont servis, mais enfin… Mon père n’a jamais été comme ça. Ceux-là étaient d’un autre parti. C’est ce qui s’est passé en Espagne. Au moment de la Révolution, on a compris qu’on était pas tous du
même avis. Les autres, en face, étaient plus unis. Pendant que la guerre se passait en Aragon, que c’était loin, on voyait les avions passer, ensuite le front s’est rapproché. A côté du front, il y avait une compagnie qui venait en repos. On les connaissait, tous des jeunes. Mon père était devant la porte avec le porrón, pour les faire boire. "Le vin, il est dans la cuve et il faut le boire."
Ecouter Françoise Nova (5m25) 00:00/05:25
Françoise Nova, "on ne peut pas vivre sans fleurs". Françoise parle de son enfance paysanne en Espagne, de la vie qui a passé, et une chanson oubliée resurgit © Atelier du Bruit