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Analyse de livre. <i>La pulsion de peindre, la toile et son inconscient </i>, de Jean Nadal

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1935 Date: March 26, 2019 Time: 3:2 pm

Livres

L’Information psychiatrique 2019 ; 95 (3) : 223-4

Analyse de livre

Jean Nadal

La pulsion de peindre,la toile et son inconscient

Paris : L’Harmattan, 2018

Coll.«Psychanalyse et civilisations»

Ce livre est celui d’un psycha- nalyste, d’un homme de culture...

qui aussi pratique la peinture.

Jean Nadal a été fondateur en 1985 du Collège international de psycha- nalyse et d’anthropologie (CIPA). Il dirige à L’Harmattan la collection

«psychanalyse et civilisations».

Dire pulsion de peindre, est-ce en ajouter une à celles fondatrices de Freud (1914), de Lacan (pul- sion invoquante, 1964) voire à Hans Prinzhorn [1] qui prolonge le besoin fondamental d’expression (Gestal- tung) par des pulsions de jeu, de parures, d’invention de symboles.

Dès le début de la première par- tie «Le peintre et sa peinture»,la pulsion de peindre est immédiate- ment référée à la couleur et à sa matérialité : odeur, matière épaisse ou mince, afin qu’elle puisse être touchée, fractionnée, étalée, estom- pée : ainsi sont devenus célèbres les sfumato de Léonard de Vinci.

À partir de la poussée pulsionnelle (la«piction »disait Jean Oury) qui mêle dans son inconscient le souve- nir archaïque d’odeurs, de cris, de tacts, de voix, d’espaces, le peintre laisse émerger à travers les formes et les couleurs un monde représenté figuratif ou pas. Peuvent s’évoquer pour les psychanalystes la recherche dela chosefreudienne voire despic- togrammes(Pierra Aulagnier).

Ensuite, l’œuvre s’« origine » à partir des impulsions de la main [2] et des vibrations du corps tout entier, et met en acte le travail sur la toile (nommée subjectile jusqu’au XVIIIe siècle) afin que la poussée pulsionnelle risque des traces plus ou moins figuratives de l’humain et du monde ambiant (cosmos).

Le peintre Pierre Christin dit :«La couleur est en moi et me propulse».

Après la grande peinture figu- rative européenne et l’invention de la perspective (Renaissance ita- lienne, peinture flamande, période classique en France jusqu’à la révo- lution) et suite à l’impressionnisme, certains peintres plus contem- porains (avec l’entrée en scène d’Américains dont Rothko, Pollock et Basquiat) s’expriment par une peinture violente, crue, selon une vibration intimiste ou plus orches- trée tel Nicolas de Staël (d’origine russe) dont la fin tragique embléma- tise la démesure de cette époque ; comme l’anglais Francis Bacon, étudié par Anzieu, et qui selon G. Deleuze « peint des forces ».

Rappelons aussi que vers 1885 Cézanne revendiquait une peinture

«couillarde».

D’une manière opposée certains peintres tentent d’effacer toutes traces pulsionnelles. Malevich, peintre russe, est inventeur des carrés blancs sur fond blanc et du suprématisme (1918). S’agit-il de la recherche d’un narcissisme absolu sans déperdition, avec fan- tasme d’auto-engendrement ? Jean Nadal avance l’idée qu’au plan de l’inconscient il s’agirait d’une scène primitive irreprésentable.

Bien sûr, Soulages et sa pein- ture tout au noir dès ses premiers tableaux est une référence majeure.

Depuis une vingtaine d’années il a évolué vers de très grandes surfaces suspendues dans l’espace faisant appel corporel – à tourner, voire à danser autour... Soulages nomme cette évolution«outre-noir»; Alain Badiou [3] écrit que«comme l’outre- mer c’est le paysage pictural d’un monde sans frontières. . .»

Dans la deuxième partie,«Pein- ture et psychanalyse », il est rap- pelé que de nombreux peintres (avec d’autres artistes) ont beau- coup excité la sagacité des psycha- nalystes et en premier lieu celle de Freud pour Léonard de Vinci. Jean Nadal nous incite aussi à lire ou relire Daniel Arasse et ses subtiles recherches à partir des Annoncia- tions à la vierge Marie, celles de la Renaissance italienne [4].

Passionnante dans l’œuvre de Léonard de Vinci est sa liberté de tirer profit de l’intempestif, de l’inattendu, d’y trouver impulsion pour ensuite construire, représen- ter, tendre vers l’intelligible.

Puis l’auteur souligne l’impor- tance de la surface qui rec¸oit pro- jection de la pulsion de peindre, pour une surface – objet à atteindre, qui fait butée, ou bien s’agit-il d’un objet creux, virtuel, voire même contourné par la pulsion (Lacan) pour revenir comme un boomerang sur le corps du peintre.

Mais ce peut être aussi un medium malléable, mis à la mode par Roussillon et l’École lyonnaise, tenant lieu de cadre et de dispositif pour uneaire de jeu(Winnicott).

Je suis un peu au regret que l’auteur ne nous livre pas quelques séquences de peintres qu’il aurait accompagnées dans une relation psychanalytique ou psychothéra- pique. Sans doute discrétion oblige.

Je pense aussi que les potentia- lités pulsionnelles, dans des cadres et dispositifs qui permettent la formation de formes (traduction de gestaltung par H. Maldiney),

doi:10.1684/ipe.2019.1935

Rubrique coordonnée par Joséphine Caubel

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Pour citer cet article : Analyse de livre.L’Information psychiatrique2019 ; 95 (3) : 223-4 doi:10.1684/ipe.2019.1935

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1935 Date: March 26, 2019 Time: 3:2 pm

médiatisées par de nombreux lan- gages : corporel, vocal, plastique...

et par le jeu de la parole, peuvent aider à la thérapeutique des patients difficiles, avec en premier lieu les personnes psychotiques. L’art- thérapie est toutefois citée avec mention des ateliers thérapeutiques proposés à des adolescents par le Pr J.L. Sudres à Toulouse.

En conclusion, il s’agit d’un livre passionnant, où un psychanalyste se laisse bousculer par des artistes peintres, de toutes époques, qui gardent pour beaucoup le secret de leur indomptable énergie. La

pulsion de peindre, si bien mise en relief par Jean Nadal, ne prétend pas cependant donner toutes les clés du mystère des œuvres humainement créées. Van Gogh a écrit :«À ce jeu- là j’y risque ma peau.»

Jean Broustra jeanbroustra@yahoo.fr

Liens d’intérêt

l’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

∼Références

1.Prinzhorn H. Les productions plas- tiques des malades mentaux. Berlin, 1922. (Trad. Franc¸aise :Expressions de la folie. Paris : Gallimard, 1974.).

2.Focillon H (1934). Éloge de la main.

Paris : Livrets d’art, 2015.

3.Badiou A. Le noir, éclats d’une non- couleur. Paris : Autrement, 2013.

4.Arasse D. L’annonciation italienne.

Paris : Hazan, 1999.

224 L’Information psychiatriquevol. 95, n3, mars 2019

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