Il est minuit moins le quart !
L’élection présidentielle de 2022 est demain, mais avant cela il nous faut préparer les élections régionales et cantonales, si elles ont lieu.
Le PCF dont la stratégie définie au dernier congrès était de lui rendre de la visibilité : résumée en une formule bien de chez nous « PCF is back ». Pourtant nous allons pragmatiquement et sérieusement faire des alliances à géométrie variable selon les régions. Il y a fort à parier que nos alliés d’un jour ne nous laisserons la tête de liste que là où la gauche, même unie, est sûre et certaine de perdre.
En quoi le choix d’une écologiste dans les Hauts de France, d’une insoumise sans carte en île de France et d’un socialiste en Bretagne nous garantit que NOS idées, NOTRE programme sera l’ossature de cette alliance ? Rien. Et pourtant je fais confiance aux camarades dans chaque région pour trouver le meilleur accord avec le meilleur contenu surtout pour faire reculer le danger de l’extrême droite et ne pas laisser les régions aux mains de la droite.
Après une année de pandémie et son cortège de drames sanitaires, sociaux, culturels et économiques, nous devons faire de chaque parcelle du territoire un bouclier pour que la population se sente protégée et que l’on mette ainsi un coup à la pensée dominante qui ne cesse de répéter : « il n’y a pas d’autres choix. »
Cette crise est pourtant lumineuse, elle a mis à jour tout ce que nous
dénonçons depuis des années : une mondialisation échevelée et l’abandon de l’industrie nationale et européenne. Elle a fait la démonstration qu’on ne peut laisser les entreprises pharmaceutiques et leurs actionnaires s’engraisser sur les drames humains. Elle a remis au goût du jour la notion de bien commun et de partage.
Nous sommes à un carrefour. Soit c’est la solidarité et la fraternité qui gagnent soit c’est l’égoïsme et l’entre soi qui prennent la main.
Quand un peuple est en colère il a deux manières de réagir soit il se prend en main et il construit les réponses comme il a su le faire aux pires moments de notre histoire, soit il attend et espère un « sauveur suprême ».
Le chaos dans lequel ce gouvernement nous a précipité et que nous avons raison de sanctionner dans les luttes, comme dans les urnes, peut amener en
France comme ailleurs en Europe ou dans le monde la pire des réponses : l’extrême droite au pouvoir.
On riait de Trump, on se moquait de Bolsonaro, le PIS en Pologne n’était qu’une version locale de la démocratie chrétienne, Orban un clown, Erdogan un géant aux pieds d’argile etc etc….
Et pourtant tous ces dirigeants ont été élus démocratiquement, pour des raisons différentes, mais en grande partie par lassitude voire désespoir des électrices et électeurs de gauche.
De ce que je lis dans les post sur les réseaux sociaux, je suis atterré de voir que certains y compris chez mes camarades ne font plus la différence entre les auteurs et les complices. Entre ceux qui préparent le lit de l’extrême droite et l’extrême droite elle-même.
Je sais que l’idée majoritaire des membres du Conseil national est d’aller vers une candidature communiste au premier tour. Je comprends cette volonté de fierté retrouvée, l’envie de soutenir un homme honnête et généreux et qui certainement, est le meilleur candidat de gauche parmi les 5 6 7 ou 8 que nous aurons à départager. Là n’est pas la question.
Le Figaro ne s’y trompe pas, il souligne le courage de Fabien Roussel qui ose affronter Mélenchon. Mais cette élection présidentielle de 2022 n’a comme enjeu qu’un nécessaire reclassement du Top 50 des forces politiques de Gauche ?
Quand le quotidien de la bourgeoisie nous loue, c’est qu’il est ravi de voir s’éloigner le danger pour le capital d’une majorité qui puisse enfin s’attaquer à ses privilèges.
Plus il y aura de candidat.e.s à gauche plus la droite et l’extrême droite se
frotteront les mains. En sous mains la droite est prête à gérer l’alternance entre Macron et Le Pen. Il y a des elu.e.s de droite qui sont résolus à faire le grand saut. Si Macron est devant ils le soutiendront, si Le Pen est devant ils nous expliqueront, qu’être avec elle, permettra de gommer ses positions les plus extrêmes.
La Le Pen a compris beaucoup de choses de son « échec » de 2017 (échec relatif car en deux semaines elle engrange 3 millions de voix supplémentaires et frôle les 34%) : Arrondir les angles, ne pas effrayer les électrices et électeurs de plus de 60. L’extrême droite de 2022 ce sera l’ordre et la sécurité. Elle a
aussi appris à se taire sur les grands sujets économiques et sociaux : les
retraites, la réforme du chômage et tant d’autres. Ce qui compte c’est la prise du pouvoir, mais une fois qu’elle l’obtient l’extrême droite ne le rend jamais volontairement.
Je sais ce qu’a fait Macron et les lois liberticides qu’il a fait voter. La le Pen n’aura pas grand-chose à inventer, un exemple : les fichiers S sont à jour et elle n’aura qu’à piocher dedans pour faire des exemples.
Mais est-ce le plus grave ? Non ce qui est grave c’est la pensée dominante, écoutons le pays et regardons les thèmes rabâchés par les chaines de télévision en continu. Les boucs-émissaires sont tout trouvés, les arabes, tous musulmans donc tous potentiellement intégristes….
Les jeunes des cités organisés en bande qui ne respectent plus l’autorité….
Alors que la délinquance en cols blancs a table ouverte dans les émissions de télévision !
Imaginez-vous qu’un jeune de Seine Saint Denis qui a fauté une fois ne peut travailler sur la plateforme de Roissy alors que madame Balkany ou Monsieur Zémour condamnés à de multiples reprises ont leur rond de serviette dans des émissions à heures de grandes écoutes, et pas pour le même salaire !
Mais revenons à notre sujet, pendant ce temps-là, la gauche se cherche appelle au rassemblement sans y croire, sans le vouloir vraiment….
Avec Le Pen ou Macron il y a-t-il un avenir pour la planète, qu’en pensez-vous mes amis écologistes ?
Avec Le Pen ou Macron va-t-on vers une société plus juste, plus humaine et plus démocratique, qu’en disent mes amis socialistes ou Insoumis et mes camardes communistes ?
Nous sommes à minuit moins le quart et nous regardons ailleurs. Nous pensons qu’il va y avoir en 12 mois un « choc démocratique », une prise de conscience que le communisme est l’avenir du monde ? Nous ne sommes pas dans les années 60 ou 70 quand les idées de progrès et de justice étaient majoritaires même dans un pays gouverné par la droite.
Les réformes sociétales de Giscard étaient toutes des revendications de gauche : majorité à 18 ans, IVG etc…..
Est-ce le cas aujourd’hui ? La droite, le centre ne regardent plus de ce côté-là mais font la course avec l’extrême droite sur tous les thèmes. Déjà Sarkozy avait fait de même. Et Darmanin trouve La Le Pen molle… Tout est dit.
Alors oui je crois au sursaut de l’ensemble de la gauche et de sa composante communiste mais à une condition que nous ne participions pas nous-mêmes à cette mascarade qui est de dire que le ou la candidate va à la rencontre du peuple….
C’est la conception gaulliste de la 5ème qui a gagné, puisque nous, plus
tardivement que les autres, transformons notre parti en écurie présidentielle.
Si on veut que le peuple français ouvre les yeux sur cette mascarade
démocratique qu’est l’élection présidentielle, il faut lui dire la vérité. C’est la réforme de nos institutions qu’il faut mettre à l’ordre du jour. La 6ème
République oui, sans l’élection du Président au suffrage universel, c’est le parlement souverain élu à la proportionnelle et une démocratie plus directe qu’il faut inventer et surtout ne pas reproduire les schémas anciens du sauveur suprême, même si nous sommes pétris des meilleures intentions du monde.
Tenir compte aujourd’hui du rapport de force en France en Europe et dans le monde, s’interroger sur les urgences et sur les mesures qui redonneront confiance aux ouvriers, aux employés, aux paysans, aux précaires, aux
autoentrepreneurs et aux cadres. Notre projet est communiste parce qu’il est global et qu’il prend en compte tous les aspects de l’exploitation, de la
domination, du patriarcat et des dangers qui pèsent sur notre planète.
Sachons comme en 1936 nous accorder sur des réformes simples et fortes : « le pain, la paix, la liberté. » tel était le slogan scandé par Thorez, Blum et Daladier.
Je ne veux pas vivre une soirée électorale du 1er tour ou l’addition des 5 6 7 ou 8 candidats de gauche ne soit que 25 à 28%, car nous devrions d’ores et déjà savoir que nous payerons cher notre division.
L’électorat de gauche ne nous le pardonnera pas et ne se déplacera pas au premier cette fois ci et encore moins au second tour….
Nous verrons la victoire de la Le Pen et nous pleurerons. Car nous devrons expliquer que nous en sommes en partie responsables, par cécité politique.
Nous nous féliciterons certainement d’avoir fait une très belle campagne, la fierté des communistes retrouvée, c’est une bonne chose : mais ceci sera balayé par la presse bien-pensante qui pointera du doigt ceux qui n’ont rien su
faire pour empêcher cela. Oubliant d’un même élan leur responsabilité d’avoir banalisé les idées d’extrême droite.
Au moment où j’écris ces lignes je pense aux générations de communistes pour qui l’extrême droite était le mal absolu. Je crois me souvenir d’une phrase mais je ne l’ai pas retrouvée alors je la mets au conditionnel. Georges Marchais interrogé au moment des élections de Dreux en 1983, aurait dit à la télévision
« je m’allierai au diable pour battre Le Pen. » Je reste sur cette ligne.
Alors peu importe le candidat ou la candidate de toute la gauche. Battons-nous sur un programme avec des lignes de force claires, c’est ce qu’attend encore une partie de notre peuple qui souffre.
Battons-nous pour que dans chaque circonscription il y ait cette fois ci un accord qui permettra à chaque composante de la gauche d’avoir non seulement un groupe mais de pouvoir se présenter uni pour peut-être envisager une victoire aux législatives.
Sachons être ce parti qui à chaque grand moment de l’histoire a su « s’effacer » (je choisis ce mot à dessein) devant les intérêts des classes populaires qui ne seront jamais défendus par un gouvernement d’extrême droite ou de droite.
Sinon à minuit en mai 2022 on entendra le tocsin et il sera trop tard. Nous serons partis pour 10 ans voire plus de résistance, dans des conditions sociales, économiques, sociétales et environnementales mais surtout démocratiques abimées, déchiquetées par l’extrême droite. Car même si la droite gagne elle ne fera pas la même politique avec un Rassemblement national a plus de 40 ou 45%.
S’il n’y a pas d’accord à gauche, bien entendu je voterai pour le candidat ou la candidate présenté.e ou soutenu.e par mon parti, mais pour la première fois j’irai les larmes aux yeux, car comme Cassandre dans la Guerre de Troie de Giraudoux, je sais que la guerre aura bien lieu.
Gilles Garnier
