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Presse locale, il est minuit moins le quart
AMEZ-DROZ, Philippe René
Abstract
Politique fédérale en matière d'aide indirecte à la presse écrite imprimée. Situation de la presse régionale et locale de Suisse romande dans le contexte de la baisse accélérée des revenus publicitaires, de déclin du lectorat abonnés. Mise en perspective des solutions: tout numérique et nécessité d'une réflexion en matière directe pour maintenir à flot les petits journaux locaux voire hyperlocaux.
AMEZ-DROZ, Philippe René. Presse locale, il est minuit moins le quart. La Tribune de Genève , 2019
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:113919
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Date: 15.01.2019
Tribune de Genève 1211 Genève 11 022/ 322 40 00 www.tdg.ch
Genre de média: Médias imprimés Type de média: Presse journ./hebd.
Tirage: 36'100
Parution: 6x/semaine N° de thème: 377.116
Ordre: 1094772 Page: 2
Surface: 22'748 mm²
Référence: 72193603
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Presse locale, il est min' uit moins le quart
Médias
Philippe Amez-Droz Medi@LAB,
Université de Genève
Le 9 janvier dernier, à Zurich, à l'occasion de la traditionnelle fête des Rois des éditeurs
alémaniques, Pietro Supino, président de Schweizer Medien et du conseil d'administration de Tamedia, déclarait: «Les médias imprimés restent la source la plus importante pour la formation de l'opinion dans notre État fédéral et le resteront encore dans un avenir prévisible.» Et de réclamer une hausse massive de l'aide indirecte à la presse, de 30 à 120 millions de francs, afin de réduire les coûts de distribution des journaux. Comme en écho, des parlementaires issus du PS et du PDC ont déposé une initiative pour accroître cette aide indirecte.
Osons l'affirmer, pour les titres de la presse romande, qu'ils s'affichent en termes de titres régionaux ou locaux, il est minuit moins le quart. Les ressources publicitaires ne financent plus que
30% des coûts et le report de charge sur les abonnés et ventes au numéro atteint ses limites.
Dans une formidable inertie liée à la croyance que les lecteurs numériques, en hausse, viendront compenser l'érosion des ventes papier, la plupart des titres cherchent à monétiser les contenus numériques autres qu'informationnels. L'utilisation des techniques de placement de produits pollue la plupart des plateformes numériques favorisant l'usage des adblocks (applications qui bloquent la publicité) ou, pire, le transfert de l'utilisateur vers les réseaux sociaux qui s'affirment comme les concurrents directs des éditeurs traditionnels. La révision de la loi sur les médias
électroniques, pour y inclure la presse écrite imprimée, s'impose comme une évidence. Sauf à considérer que l'autorégulation du marché, dans un système libéral des médias, est la caractéristique de l'écosystème médiatique suisse, comme en attestent plusieurs décennies d'observation: de 1939 à 2019, le nombre de titres d'information est passé d'environ 400 à moins de 200. Ce qui est encore considérable rapporté au nombre d'habitants. Et vu le nombre croissant d'initiatives en matière de sites d'information tout numérique (Heidi.news
prochainement en Suisse romande, Bon pour la tête,
Republik, etc.), il est absurde d'évoquer une érosion de la diversité médiatique pour justifier une aide généralisée.
La presse dite de qualité dispose en effet de nombreux soutiens prêts à consentir de substantiels efforts pour la maintenir à flot. Le crowdfunding et un certain engagement pour un
«slow journalisme» qui dispose de temps pour approfondir les sujets viennent opportunément s'opposer à la massification de l'information sur les réseaux sociaux. À l'opposé, la presse gratuite, dominée en Suisse par un seul titre, capte une audience de près de deux millions de lecteurs garantissant encore de substantiels revenus publicitaires. C'est donc bien entre ces deux extrêmes - presse pour une élite et presse de masse - que se situe le coeur du problème. La presse régionale et locale, voire hyperlocale, imprimée, ne tiendra plus longtemps puisque le taux de réabonnement va déclinant et que les revenus publicitaires stagnent voire reculent. À l'image de l'initiative de l'éditeur du «Journal de Morges», Cédric Jotterand, fédérer les petits journaux locaux participe de la prise de conscience que ces titres locaux sont en danger. Leur disparition serait, à coup sûr, une perte identitaire pour les régions concernées. Face aux lourdeurs de la machine parlementaire fédérale, les cantons doivent monter au créneau et affirmer qu'une aide directe, à travers des mandats de prestation, est urgente et fondée.