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Pour une équipotence psychiatres-magistrats dans les soins psychiatriques

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Journal Identification = IPE Article Identification = 1782 Date: April 20, 2018 Time: 11:9 am

Tribune des lecteurs

L’Information psychiatrique 2018 ; 94 (4) : 243-6

Pour une équipotence psychiatres-magistrats dans les soins psychiatriques

Georges Jovelet

Psychiatre des hôpitaux, Praticien contractuel CH de Laon, 38, rue Marguerite Clerbout, 02000 Laon, France

Cet écrit est une réponse à l’article de C. Hazif-Thomas et E. Pechillon,«La recherche de liberté dans le soin psy- chiatrique : de l’équipotentialité des soins aux programmes de soins»[1]. L’article, publié dans un récent numéro de la revue m’amène à une rectification et à des remarques. Cette réaction est d’abord une réponse à la citation erronée d’une vignette clinique extraite de mon livre«Ces psychotiques qui vieillissent »[2], qui en altère le sens et la perception de l’unité de soin ou était hospitalisé le patient. L’usage du termehostileen place d’agitépeut laisser penser que le ser- vice manifestait une hostilité à l’égard du patient, alors qu’il s’agissait de qualifier les conditions de vie dans un service agité, accueillant des malades en phase aiguë. La prolon- gation de l’hospitalisation, du fait de l’impossibilité d’un retour à domicile, constituait pour ce sujet nonagénaire poly- pathologique une indication d’orientation en Ehpad. Au-delà de cette malencontreuse coquille ou d’un lapsus scriptae étonnant, l’emprunt à ce seul cas clinique illustratif du pro- pos est au service d’un réquisitoire contre une modalité de soin, considérée par les auteurs comme plus liberticide que restrictive des droits, insupportable. . . une caricature de soin psychique qui témoignerait selon eux d’une«psy- chiatrie de plus en plus autoritaire usant et abusant. . .de la contrainte». Critique qui surplombant la citation, conduit à cette polémique. Ce texte s’inscrit comme un droit de réponse, qui permet par ailleurs de préciser notre position par rapport aux soins sans consentement, d’ajouter des élé- ments de réflexion issus d’une lecture critique des auteurs et de participer au débat actuel sur l’influence croissante des magistrats sur notre pratique. Le regard critique des instances judiciaires, dont la visée est au service et au bénéfice des patients révèle aussi une incompréhension de notre spécialité et une logique d’emprise que l’on peut ou doit questionner. Si l’article est consacré à une moda- lité de soin qui prolonge congé et sortie d’essai, il vient

plus largement interroger sans les contextualiser la montée des droits des patients, la posture de la psychiatrie vis-à- vis des libertés et conduit à une réflexion sur les liens à la fois essentiels et impossibles psychiatrie-justice. Ce der- nier point introduit le propos des auteurs : «s’il est une question sur laquelle les juristes et les psychiatres n’ont pas fini de débattre c’est bien celle de la liberté et de ses limites». La controverse est ancienne comme en atteste ce passage deL’éloge de la Foliecité dans un article sur

«L’acte en psychiatrie»[3] qui reprenait les fondements de notre discipline, les soubassements cliniques, les évolutions juridiques et institutionnelles. Érasme épingle les relations médecins magistrats dans un souci de protocole.«Après les médecins marchent immédiatement les légistes et juris- consultes. Je ne sais si les suppôts de Thémis ne devraient pas avoir l’honneur du pas sur les princes d’Esculape : entre eux le débat ». Seule la première partie de la citation est restituée, l’autre comportant une moquerie à l’adresse des docteurs en droit. Dans le résumé de présentation d’un article fondateur sur le sujet écrit en 2005 et appelant à la création de soins ambulatoires sous contrainte, indis- pensableschez les patients violents étant passé à l’acte, J.-L. Senon [4] évoquait«un difficile rééquilibrage entre jus- tice et psychiatrie ». Cette question est ici centrale, riche d’actualité, et le terme d’équipotentialitéou d’équipotence, même si elle s’écarte de l’usage qu’en propose H. Ey cité par R. Palem [5] pour évoquer«une égale valeur des soins auxquels ont droit tous ceux qui sont frappés par la maladie mentale»peut être utile à notre réflexion. L’intérêt porté à l’article est exhaussé par la lecture de différents numé- ros de l’Information Psychiatrique en particulier celui sur

«Contraintes et libertés en psychiatrie»d’août-septembre 2007 et sur« La fonction contenante en psychiatrie »de décembre 2017 ou d’autres contributions traitants du sujet dont celle de C. Guibet Lafaye [6] ou de G. Vidonet al.[7]. Ce dernier auteur a fait dans une communication1aux journées

1 Dont l’intitulé était la reprise du titre de l’article précité.

doi:10.1684/ipe.2018.1782

Correspondance :G. Jovelet

<georges.jovel@wanadoo.fr>

Pour citer cet article : Jovelet G. Pour une équipotence psychiatres-magistrats dans les soins psychiatriques.L’Information psychiatrique2018 ; 94 (4) : 243-6 243

doi:10.1684/ipe.2018.1782

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G. Jovelet

de Toulouse, sur un mode vibrant, engagé, un plaidoyer pour l’usage du protocole de soins sans consentement qui équi- libre les points de vue. Les auteurs font un rappel historique des sorties et congés d’essai et de leurs conditions qui ont évolué avec les modifications de la loi dite d’internement du 30 juin 1838, puis 27 juin 1990 suivie de la loi modificative du 5 juillet 2011.

Un contrôle renforcé du pouvoir judiciaire

Cette dernière loi«introduirait une judiciarisation de la psychiatrie»2. Y. Hémery [8] a dans un écrit rappelé les procé- dures de contrôle dévolues aux magistrats qui datent de la loi de 38, il convient conjointement de citer le rôle des commis- sions départementales des hospitalisations psychiatriques (CDHP) créés par la loi du 27 juin 90, devenues commissions départementales des soins psychiatriques (CDSP) en 2011.

Notre collègue M. Horassius qui en a été le président au plan national, a témoigné de l’utilisation qui pouvait être faite de cette commission mixte souvent présidée par un magistrat membre de droit. Dans ce panorama il est utile d’adjoindre, l’actualité nous l’impose, l’influence des décisions du JLD sur la forme, mais aussi de plus en plus sur le fond avec un glissement du contrôle des conditions du soin à celui des soins eux-mêmes. Le rôle croissant des rapports annuels ou thématiques du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui mobilisent notre corps professionnel, renforce l’empreinte des pouvoirs croisés des magistrats. Il convient de témoigner de la complexité croissante du droit appliqué à notre exercice et des procédures administratives qui contribuent avec une gestion inadaptée à étouffer le soin et à générer une altération du service aux patients.

On peut s’étonner que les auteurs passent sous silence d’autres modalités de soins ambulatoires sous contrainte que sont les injonctions ou les obligations de soins ordon- nées par des magistrats dont le JLD. Ces dernières peuvent émaner d’un procureur sans le préalable d’une expertise psy- chiatrique. Ces procédures échapperaient-elles à l’étiquette de liberticide? Les auteurs abordent dans leurs premières pages la question de la responsabilité des patients et des praticiens qui est très documentée. Rappelons la dissocia- tion de la responsabilité d’un patient en matière pénale et civile. Même reconnu non punissable pénalement le patient peut être tenu responsable civilement d’exactions.

Concrètement, durant les permissions ou le programme de soin, le patient est sous notre responsabilité, et celle assurantielle de l’établissement. Quant à la responsabilité pénale et civile du psychiatre, elle a été mise en lumière par l’instruction puis le procès fait à des collègues tenus

2On rappellera que le membres du SPH réunis en assemblée générale en 2010 ont voté une motion de soutien à l’introduction d’un magistrat dans une instance de contrôle des hospitalisations sous contrainte et ont demandé après l’instauration de la nouvelle loi que le JLD ait une compétence élargie aux soins ambulatoires sans consentement, ce qui n’a pas été retenu !

responsables de passage à l’acte de leurs patients, qui viennent s’ajouter à la souffrance morale dans des situa- tions souvent dramatiques. Cette responsabilisation est un poids supplémentaire sur nos épaules, qui contribue à consi- dérer l’influence croissante, le pouvoir des juges sur notre exercice, conformément à la formule à sens unique : contrô- ler, dénoncer, juger, punir. Les psychiatres sont tour à tour trop laxistes ou trop autoritaires c’est-à-dire sécuritaires, pris en tenaille entre la libération à l’excès des patients en programme de soin et la sommation de faire disparaître la contrainte en psychiatrie !

Regards croisés de la justice

et de la psychiatrie sur les libertés

Venons au cœur du débat à savoir de l’adossement des termes citoyen-malade, aliénation-libéralisation, hôpital- domicile. Tout dialogue avec des magistrats ou des juristes, sur le respect de la liberté attaché à notre exercice risque de«tourner à vide»si nous ne nous appuyons pas nous- même sur nos fondamentaux. Il y a en effet au regard du soin contraint deux regards différents, deux approches qui se respectent. Le magistrat est le gardien des libertés, du libre arbitre, quant aux psychiatres en particulier de service public, ils sont les garants du droit aux soins des malades mentaux, psychotiques, handicapés psychiques, les dénominations ont varié, les plus fragiles, les plus vulnérables y compris au plan juridique. Ce qui nous fonde, discipline, lieu de soin et statut confondus et nous distingue du régime commun, dont celui des disciplines médicales, c’est cette«science spéciale »décrite par P. Pinel. Le passage de l’insensé à l’aliéné est à l’origine d’une individualisation et d’une diffé- renciation clinique, d’une nosographie, et d’une«méthode spéciale»d’approche thérapeutique, le traitement moral. La création d’un lieu de soins privatif de liberté, l’asile, pensé par les premiers aliénistes, P. Pinel et J-E Esquirol a été la conséquence de la reconnaissance de la possibilité de soins y compris imposés tout autant que de garantir la société.

Th. Trémine [9] dans l’article « Fureurs antiques, terreurs modernes»a rappelé le rôle d’Esquirol qui fonde le«roman des origines de la psychiatrie, aidé en cela pour la postérité par Hegel et l’hagiographe Scipion Pinel, le fils ». Il ajoute en appui d’une citation de l’aliéniste qui«renverse le sens de l’accouplement fou-furieux»:«On reste admiratif devant l’humanité profonde de ce texte, tiré du traité d’Esquirol mais on demeure inquiet de son actualité persistante». Cet acti- visme thérapeutique a fait progressivement place avec les théories de l’hérédo-dégénérescence à un délaissement du soin pour de l’assistance. Le souci dans l’après-guerre de ces patients considérés incurables, durablement internés, a été à l’origine de la psychiatrie de secteur avant qu’elle ne se dilue dans la santé mentale à toute forme de souffrance psychique. Nous sommes missionnés par le ministère de la Santé pour nous occuper de ces patients, il s’agit d’une minorité présentant une pathologie sévère qui a pour particu- larité de ne pas se reconnaître malade, de ne pas percevoir la

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légitimité de l’intervention des soignants ni l’intérêt des thé- rapeutiques par la parole ou les médicaments. Les éléments retrouvés sont un rapport différent à la vérité, la réalité, la rationalité communément partageables, qui amènent à une altérité, soit un rapport différent à soi-même et aux autres, la certitude en place de conviction et la possibilité de passages à l’acte auto et hétéro-agressifs favorisés selon J-L Senon [4] par«une précarisation et une marginalisation croissante». Cette altérité est à la source de la ségrégation et du mécanisme de l’essentialisation. Cette réfutation des soins, qui va au-delà d’une absence de demande, peut ame- ner le psychiatre à prioriser la protection et le soin sur la liberté. De quel libre-arbitre parle-t-on lorsqu’une personne présente une bouffée délirante3: d’une pétition de principe, d’une idée plus que d’une réalité ? Dans un régime démocra- tique une liberté sans responsabilité ni reconnaissance d’un ordre social contient en germe sa propre négativité. Le déni peut être temporaire ou durable, total ou partiel, mobilisable, rendant possible cette négociation préalable au programme de soin qui repose sur une base minimale d’alliance théra- peutique. La non-compliance chez ces patients est facteur de chronicisation s’ils restent à l’hôpital ; s’ils sortent ils échappent à leur prise en charge, avec les conséquences que cela comporte. Deux versants de la liberté s’affrontent, celle qui garantit des droits constitutionnels aux patients et celle qui dérange par les excès, par les passages à l’acte violents lors de poussées processuelles. Tout débat sur la liberté dans notre champ doit s’appuyer sur un rappel cli- nique, et sur la justification d’une loi spécifique qui vise à protéger patient et société. Le risque d’un discours de vérité sur le fait psychiatrique est selon H. Ey cité par R. Palem [3]«de porter son ombre sur l’ensemble de la pathologie mentale tout entière considérée comme une pathologie de l’aliénation dont le modèle est l’image du«fou». J.-L Senon [4] cite sans chercher à les édulcorer les différentes patholo- gies qui conduisent aux soins contraints – hôpital ou prison.

En psychiatrie les personnes en soins sans consentement représentaient 13 à 15 des admissions en 2005, 21 % en 2015 soit 5,44de la file active des suivis. L’augmentation de ce pourcentage est en partie liée à l’inclusion des personnes en programme de soins. Nous souscrivons à l’affirmation de bon sens – clinique – de M. Azoulay et S. Raymond [10] :

«La tendance actuelle semble (alors) être un certain déni de la pathologie et oublier qu’un trouble psychiatrique sévère et décompensé est la première atteinte aux libertés et au libre arbitre de nos patients ». Cet énoncé fait écho à la formulation de Th. Trémine [9] qui souligne les pressions et les contradictions auxquelles nous sommes confrontés :

3Faudra-t-il désormais en plus de l’écrit dans son portefeuille demandant à ne pas être hospitalisé en cas d’urgence dans le service de chirurgie de l’hôpital où l’on exerce (exerc¸ait), recommander en cas d’épisode délirant, de trouble du comportement ou de menaces suicidaires, à être hospitalisé en psychiatrie y compris contre son gré !

4Coldefy. M. État des lieux de la contrainte en France. Présentation 14 mars 2017. www.ccomssantementalelillefrance.org/sites/ccoms.org/files/

pdf/Presentation14mars2017ColdefyGandre.pdf.

«...D’un côté on ignore la violence dans une santé mentale idéalisée et de l’autre on voudrait bien refiler au “psyquel- quechose” le terrorisme, la radicalisation et tout ce qui s’en suit».

Rappel des missions de la psychiatrie publique

Le déni de la pathologie amène à des réflexions qui justifieraient un développement sur la genèse de l’euphémisation actuelle de la psychiatrie dont témoigne l’usage lexicographique de substitution – santé mentale, handicapé psychique, usager, client, acteur de ses soins, codécision –, qui est adaptée pour une majorité de nos patients mais pas à ceux à qui s’adressent les soins ambu- latoires contraints. L’autre concerne le passage favorisé par les DSM5 du statut de l’être psychotique à une personne présentant des troubles psychotiques, ouvrant la voie à la neuro-biologisation et à la naturalisation de l’existence malade. Enfin la toile de fond de nos pratiques est tributaire duvirage ambulatoire, autre nom de l’entreprise managé- riale de dé-hospitalisation qui favorise cette délocalisation du soin. Pour le psychiatre, il y a unpatientqui a des droits, pour le magistrat, la ligue des droits de l’homme et les instances supranationales c’est avant tout uncitoyen objet de soin.

Ces deux représentations ont des connotations morales et des incidences politiques ; l’évolution vers une psychiatrie moderne soucieuse du respect des droits et de l’éthique, ayant une conscience juridique affinée, conduit à un rap- prochement. Ce qui est à craindre c’est que le collapsus souhaité par certains au nom d’un principe d’universalisation de la liberté érigée comme bien suprême, n’entrave dange- reusement les conditions de possibilité du soin6et amène la déconstruction de la psychiatrie dans ce qu’elle a de spé- cifique, d’exception. La conséquence en serait l’abandon des malades précédemment décrits, laissés sans soin ou confiés à des centres médico-judiciaires décentrés placés sous la responsabilité de la justice. Là réside le risque de perdre, non pas notre indépendance, puisque notre disci- pline a toujours été en interrelation avec la médecine, la justice, le politique, l’économie, les sciences humaines, les neurosciences, mais son autonomie c’est-à-dire sa capacité à penser son exercice, à faire reconnaître son savoir-faire, vis-à-vis de magistrats qui considèrent qu’en tant que psy- chiatres nous avons un pouvoir exorbitant7. Cette évolution

5 Traduit en franc¸ais par :Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux.

6 Par exemple dissocier comme au Québec et certains États américains, hospitalisation sans consentement et traitement médicamenteux contraint.

L’avis du juge est requis dans ces deux registres différenciés, pouvant aboutir à des situations d’hospitalisations prolongées sans recours possible aux psy- chotropes. Cette dissociation est introduite dans le programme de soin avec obligation de suivi mais sans contrainte de prise du traitement...

7 Cette formule traduit bien la difficulté d’échanger. L’art du psychiatre c’est d’arriver à dépasser l’antinomie apparente d’un soin imposé pour amener le patient à la conscience de la nécessité de soins et à s’engager dans un suivi

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G. Jovelet

vers un clivage est en germe si l’on compare les attributs d’une« soft psychiatrie », inscrite dans les préceptes de la loi de démocratie sanitaire du 4 mars 2002, qui coexiste avec les patients hospitalisés sans consentement voire en isolement, en unité pour malades difficiles (UMD), en unité d’hospitalisation spécialement aménagée (USHA), en prison où les psychotiques décompensés représentent un quart des présents ou à la rue ou le pourcentage en est d’un tiers. . .Le format de cette tribune des lecteurs ne permet pas d’argumenter la pertinence du cadre des soins ambula- toires sous contrainte appliquée à quelques patients. C’est un des outils de soin non généralisable qui peut être résumé par la formule en apparence paradoxale ducontrat de soins contraintset sera l’objet d’un travail complémentaire appuyé sur des situations concrètes. L’article recèle par ailleurs une posture antipsychiatrique en confondant mandat social du psychiatre de service public et contrôle social des popula- tions dans«un projet biopolitique»,«une gouvernance du contrôle soignant», et a-sectorielle plus qu’anti-sectorielle puisque s’agissant de réinsertion au domicile, de continuité des soins, d’engagement auprès du patient, de son entou- rage, il n’y pas de référence aux missions de politique de santé mentale. La nouvelle territorialisation a contribué à gommer le secteur comme référence sanitaire périmétrique mais aussi ses valeurs, son esprit ? Il n’est pas fait référence aux proches-aidant, les proches familiaux qui se sont impli- qués dans cette procédure dont la visée est la garantie d’un suivi qui s’exerce plus sur le centre médico-psychologique (CMP) qu’en hospitalisation à domicile (HAD) ! Faute d’un appui sur des considérations d’une clinique de terrain, à qui s’adresse cette modalité, qu’en attendre, quelles en sont les difficultés, quel changement de positionnement du patient, du psychiatre peut-elle induire, la vision n’est pas binocu- laire amenant du relief en croisant psychiatrie et justice mais monoculaire d’où la description d’une méthode«insuppor- table». Le risque en est une dérive vers un juridisme savant mais coupé des réalités. Dans notre champ, l’arsenal juri- dique doit être au service du soin et non le contraire, au risque de complexifier la pratique au détriment des patients et de l’attractivité de la psychiatrie publique8.

Défendre la spécificité de la psychiatrie

Veillons à ne pas confondre démocratie et démagogie. . . sanitaire, à ne pas contribuer à la déconsidération de nos outils de soin et de notre discipline. La controverse avec les juristes porte sur la compétence, la capacité mais aussi sur des enjeux de pouvoir ce qu’indique l’origine du motpotencepouvoir, puissance, plus usité dans son anto- nyme l’impotence. Loin de succomber au chant des sirènes d’une libéralisation de principe, notre corps professionnel

thérapeutique. Le soin ambulatoire sans consentement peut y contribuer, en constituer une étape décisive !

8L’appel à une libéralisation doit-il être entendu comme à plus de liberté dans les soins ou plus de libéralisme dans leur organisation ?

se doit de protéger la santé de nos patients, leur sécu- rité, les conditions de notre exercice et de se protéger de l’inféodation aupouvoir judiciaire. Les psychiatres ont su se défaire à une autre époque de l’emprise de la neurologie, ou plus récemment se défier d’une intimation politique à un tout sécuritaire, d’où l’intitulé de ce commentaire prônant l’équidistance dans le soin entre psychiatrie et justice.

Conclusion

Cet argumentaire n’a d’autre prétention que d’être une pièce versée au débat sur les soins ambulatoires sans consentement. M. David [11] reprend dans son éditorial à propos du choc des positions et des représentations le mot dispute, extrait de la scolastique médiévale –disputatio–, confrontation«contradictoire des idées qui est un principe de base d’une démarche scientifique, refusant les amal- games, les simplismes et les positions dogmatiques». Cet auteur questionne sous la forme d’une « provocation » :

« Ne faudrait-il pas demander l’abrogation des soins psy- chiatriques sous contrainte pour satisfaire l’antipsychiatrie ambiante ? ». Notre commentaire est un élément de réponse, lui-même exposé à la réflexion juridique, politique, éthique tout autant que clinique des lecteurs.

Liens d’intérêts l’auteur déclare en pas avoir de lien d’intérêt en rapport avec cet article.

Références

1.Hazif-Thomas C, Péchillon E. La recherche de liberté dans le soin psychia- trique : de l’équipotentialité des soins au programme de soins. L’information psychiatrique2018 ; 94 : 19-25.

2.Jovelet G. Ces psychotiques qui vieillissent. Montrouge : John Libbey Euro- text, 2017, pp. 64-5.

3.Jovelet G. L’acte en psychiatrie aujourd’hui. L’information psychiatrique 2006 ; 82 : 105-20.

4.Senon JL. Soins ambulatoires sous contrainte : une mise en place indispen- sable pour préserver une psychiatrie moderne. L’information psychiatrique 2005 ; 81 : 627-34.

5.Palem R.« L’action sociale et l’activité syndicale. Ey le “Civilisateur”

(Lacan)». In :H. Ey psychiatre et philosophe. Paris : Rive Droite, 1997. pp 127-32.

6.Guibet Lafaye C. Au cœur du débat sur les soins sans consentement en ambulatoire. L’information psychiatrique2014 ; 90 : 575-82.

7.Vidon G, Hardy-Baylé MC, Younès N. Quelle place pour les soins sans consentement en ambulatoire ? À propos de l’enquête IDF sur les pro- grammes de soins. L’information psychiatrique2015 ; 91 : 602-7.

8.Hemery Y. Polichinelle, ou le secret du tiers dans la loi du 5 juillet 2011.

L’information psychiatrique2015 ; 91 : 574-82.

9.Tremine T. Fureurs antiques, terreurs modernes. L’information psychia- trique2017 ; 93 : 817-23.

10.Azoulay M, Raymond S. La contention physique, un outil de soins ? L’information psychiatrique2017 ; 93 : 841-5.

11.David M. La psychiatrie sous contraintes. L’information psychiatrique 2017 ; 93 : 535-42.

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