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Audience publique du 16 novembre 2006

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GRAND-DUCHE DE LUXEMBOURG

COUR ADMINISTRATIVE

Numéro du rôle : 21358 C Inscrit le 3 mai 2006

--- Audience publique du 16 novembre 2006

Recours formé par Monsieur XXX XXX, XXX

contre un acte du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg

en matière de taxation d’honoraires - Appel –

(jugement du 23 mars 2006, n° 19888 du rôle)

---

Vu la requête d’appel, inscrite sous le numéro 21358C du rôle et déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2006 par Maître Marco Fritsch, avocat à la Cour, au nom de Monsieur XXX XXX, avocat à la Cour, demeurant à L-XXX, dirigée contre le jugement rendu par le tribunal administratif le 23 mars 2006, sous le numéro 19888 du rôle, par lequel le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître de son recours introduit contre la taxation d’une note de frais honoraires par lui érigée le 24 mars 2005 avec condamnation du demandeur aux frais ;

Vu l’exploit de l’huissier de justice Jean-Lou Thill, demeurant à Luxembourg, du 10 mai 2006 portant signification de cette requête d’appel à l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg ;

Vu le mémoire en réponse déposé au greffe de la Cour administrative le 9 juin 2006 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, au nom de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en réponse à Maître Marco Fritsch ;

Vu le mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2006 par Maître Marco Fritsch au nom de Monsieur XXX XXX ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du 6 juillet 2006 portant notification de ce mémoire en réplique à Maître Marc Thewes ;

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Vu le mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 septembre 2006 par Maître Marc Thewes au nom de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg ;

Vu l’acte d’avocat à avocat du même jour portant notification de ce mémoire en duplique à Maître Marco Fritsch ;

Vu les pièces versées au dossier et notamment le jugement entrepris ;

Ouï le premier conseiller en son rapport, ainsi que Maîtres Marco Fritsch et Marc Thewes en leurs observations orales respectives à l’audience publique du 9 novembre 2006.

---

Par requête déposée au greffe du tribunal administratif le 2 juin 2005, Monsieur XXX XXX, avocat à la Cour, a fait introduire un recours tendant à l’annulation, sinon à la réformation d’un acte du Conseil de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg du 27 avril 2005, lui communiqué par courrier du 6 mai 2005, portant taxation d’une note d’honoraires et de frais par lui établie le 24 mars 2005 dans le sens d’une diminution des montants d’honoraires et de frais par lui respectivement mis en compte.

Par jugement du 23 mars 2006, le tribunal administratif, deuxième chambre, statuant à l’égard de toutes les parties, s’est déclaré incompétent pour connaître du recours au motif que l’acte par lequel le Conseil de l’Ordre des avocats porte taxation d’un mémoire de frais et honoraires d’un avocat a pour objet des droits civils, tout en écartant comme étant non justifiée la demande tendant à l’allocation d’une indemnité de procédure au profit de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg et en condamnant le demandeur aux frais.

Par requête d’appel déposée au greffe de la Cour administrative le 3 mai 2006 par Maître Marco Fritsch, avocat à la Cour, Monsieur XXX XXX a fait entreprendre le jugement prédit du 23 mars 2006. Il conclut d’abord à la compétence des juridictions de l’ordre administratif pour connaître des décisions de taxation du Conseil de l’Ordre des avocats portant sur un mémoire de frais et honoraires d’un avocat. En ordre principal, il demande le renvoi de l’affaire devant le tribunal administratif autrement composé pour y voir statuer sur la régularité et la validité de la décision déférée au fond.

A titre subsidiaire et par voie d’évocation, il sollicite l’annulation de ladite décision.

A titre plus subsidiaire, pour le cas où la Cour s’estimerait être compétente pour statuer en réformation, il conclut au caractère recevable et fondé de son recours en réformation dans le sens d’une taxation de son mémoire de frais et honoraires conformément au montant y émargé. Enfin, il sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a débouté l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure.

A l’appui de sa requête d’appel concernant la compétence des juridictions de l’ordre administratif, Monsieur XXX XXX fait valoir qu’en rendant une décision de taxation et en assortissant, par le biais de son règlement intérieur, ladite décision d’une

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éventuelle sanction disciplinaire, le Conseil de l’Ordre exercerait une prérogative de puissance publique, en ce qu’il imposerait de véritables « sujétions à ses membres ».

Si la compétence des juridictions judiciaires était incontestable en matière de litige entre l’avocat et son client, quant au recouvrement des honoraires notamment, tel ne serait pas le cas dans les relations entre l’avocat et l’Ordre des avocats concernant précisément une décision de taxation d’honoraires d’avocat. Décider le contraire reviendrait à priver l’avocat du droit à un recours effectif, dès lors que ni la loi, ni le règlement intérieur ne prévoiraient un recours contre une décision de taxation des honoraires d’un avocat.

A travers son mémoire en réponse déposé le 9 juin 2006 par Maître Marc Thewes, avocat à la Cour, l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg conclut en premier lieu à la confirmation du jugement entrepris, par substitution de motifs, au considérant que la taxation opérée par le Conseil de l’Ordre des avocats ne serait pas une décision de nature à faire grief.

Ainsi, en taxant un dossier, le Conseil de l’Ordre ne trancherait pas la contestation entre l’avocat et son client, mais rendrait un avis sur les honoraires qu’un avocat idéal, parfaitement respectueux des principes régissant sa profession, pouvait réclamer. De la sorte, le Conseil de l’Ordre n’interviendrait pas comme juge, mais bien davantage comme « sage ».

Ainsi que l’auraient retenu les juridictions de l’ordre judiciaire, l’avis en question ne lierait ni l’avocat, ni le client, ni la juridiction saisie, laquelle, en étant saisie par l’avocat en vue d’obtenir un titre exécutoire, apprécierait souverainement la demande en prenant en considération, notamment, l’importance de l’affaire, le degré de difficulté et le résultat obtenu pour, le cas échéant, réduire le montant des honoraires réclamé. Sous cet aspect l’avis du Conseil de l’Ordre serait un élément supplémentaire pour apprécier la demande en paiement de l’avocat.

L’Ordre des avocats de reprocher aux premiers juges d’avoir préféré aborder les questions qui se posent dans un ordre illogique. Ce ne serait qu’en posant la prémisse, fausse selon l’intimé, que la taxation serait à considérer comme une « décision » que le tribunal aurait pu en venir à la conclusion qu’il s’agirait d’une décision portant sur un droit de nature civile.

Toujours suivant l’intimé, le législateur n’aurait donné aucune prérogative au Conseil de l’Ordre pour imposer la taxation. Ce ne serait dès lors qu’en ordre subsidiaire qu’il y aurait lieu à confirmation du jugement entrepris par adoption des motifs des premiers juges.

Quant à l’aspect disciplinaire soulevé par l’appelant, l’Ordre des avocats de faire valoir que suivant l’article 2.4.6.7 du règlement d’ordre intérieur invoqué, le manquement déontologique ne se situerait pas au niveau du non-respect de la décision de taxation du Conseil de l’Ordre, mais bien dans le fait d’exiger des honoraires excessifs. Dès lors, il n’y aurait poursuite que si, par une décision séparée fondée sur des critères différents de ceux qui président à la taxation, le Conseil de l’Ordre estimerait qu’il y a infraction ou manquement à la discipline. Dès lors, l’intérêt invoqué par l’appelant ne serait pas né et actuel mais purement hypothétique. Si une

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poursuite était effectivement engagée, rien n’empêcherait l’avocat poursuivi à tort, de faire valoir devant le Conseil disciplinaire et administratif, une cause de justification, à savoir que la taxation serait erronée et de soumettre ainsi le dossier dans son ensemble au contrôle du juge.

En ordre subsidiaire, l’Ordre des avocats conclut à l’irrecevabilité du recours en réformation, seul le recours en annulation étant recevable.

L’intimé conclut plus loin au caractère non fondé des moyens développés dans le recours sans prendre position quant à la question d’une éventuelle évocation de l’affaire par la Cour.

L’Ordre des avocats sollicite encore l’allocation d’une indemnité de procédure de l’ordre de 1.000,-€ pour frais non inclus dans les dépens en se basant sur l’article 240 du Nouveau code de procédure civile. Enfin, il demande la condamnation de l’appelant à tous les frais et dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Thewes affirmant en avoir fait l’avance.

L’intimé demande encore à la Cour de dire que le « jugement » à intervenir serait exécutoire par provision nonobstant toute voie de recours et sans caution.

A travers son mémoire en réplique déposé au greffe de la Cour administrative le 7 juillet 2006 par Maître Marco Fritsch, l’appelant d’insister que le nouveau règlement intérieur de l’Ordre des avocats, adopté en 2005, expose l’avocat qui n’accepte pas la

« taxation » à des sanctions disciplinaires, ce qui n’aurait pas été le cas auparavant.

Il signale en outre que l’article 2.4.6.7 dudit règlement intérieur qualifierait l’intervention du Conseil de l’Ordre de « décision » et non pas d’avis ou de recommandation.

L’appelant en conclut qu’il serait aujourd’hui privé de tout recours effectif contre une telle décision lui faisant grief au mépris même des dispositions protectrices de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme.

La décision de taxation du Conseil de l’Ordre ferait précisément grief en ce qu’elle priverait en fait l’avocat concerné d’un droit subjectif, en l’occurrence celui d’être

« justement » rémunéré pour son travail.

Au fond, l’appelant d’étayer son argumentaire pour conclure au caractère justifié de son recours initial. Suivant lui, une annulation de la décision déférée au fond, améliorerait indubitablement sa situation puisqu’il bénéficierait de la sorte, d’une circulaire de l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg n° 01-2005/2006 du 13 octobre 2005 ayant modifié la procédure de taxation du mémoire d’honoraires d’avocat en garantissant mieux le caractère contradictoire de celle-ci. Dans la mesure où le recours sous analyse ne serait que la conséquence des lacunes et imperfections de la procédure de taxation telle que mise en place à l’époque de la prise de la décision déférée, le Conseil de l’Ordre serait à débouter de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure.

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A travers son mémoire en duplique déposé au greffe de la Cour administrative le 18 septembre 2006 par Maître Marc Thewes, l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg reprend à l’identique ses conclusions contenues dans son mémoire en réponse, tout en étayant les moyens devant les sous-tendre. Tout d’abord la question de savoir quel est le règlement d’ordre intérieur applicable dans le temps relativement à la taxation des honoraires litigieux serait sans impact pratique, étant donné que la teneur de l’article 2.4.6.7 du nouveau règlement serait rigoureusement identique à celle du règlement antérieur.

L’intimé d’insister encore que lorsqu’il exerce la compétence de taxation, le conseil de l’Ordre interviendrait comme, « sage », chargé de déterminer l’importance des honoraires selon des « normes raisonnables ». Ainsi la taxation serait un exercice abstrait et ne s’analyserait pas en fixation concrète et définitive des honoraires.

L’intimé d’insister encore que s’agissant d’un avis, la taxation ne constituerait point une décision susceptible de faire grief sous le double aspect des droits civils de l’avocat et de sa situation disciplinaire, étant donné que l’avocat « s’exposerait » à des sanctions disciplinaires sans que pareille sanction ne soit automatique. Tout comme l’avocat aurait un recours devant le conseil disciplinaire et administratif si une sanction était prononcée, il pourrait contester devant ledit conseil une taxation, en sorte que ses droits seraient en toute occurrence saufs.

L’intimé de souligner encore que la lettre précitée du 7 juin 2005 serait dûment motivée et que des motifs supplémentaires auraient été fournis à travers le mémoire en réponse.

Au niveau des informations recueillies par le conseil de l’Ordre, il appartiendrait à l’avocat qui remet le dossier pour taxation de renseigner plus en avant l’instance de taxation, étant entendu, pour l’intimé, qu’il s’agirait en l’espèce d’un « banal dossier divorce ». Si le dossier taxé restait déficitaire dans les comptes de l’étude de l’appelant, ce ne serait pas un motif de critique valable par rapport à la « décision » intervenue, étant donné qu’il serait de tradition que l’avocat exerce parfois son art sans être payé. A la différence des dépens ou débours que l’avocat a dû avancer pour la défense des intérêts de ses clients et qui ne seraient pas taxés, les frais que le conseil de l’Ordre peut taxer seraient les frais de fonctionnement du cabinet de l’avocat mis en compte au client en sus des honoraires.

L’intimé de préciser enfin que sa demande en allocation d’une indemnité de procédure est fondée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives et non pas sur le nouveau code de procédure civile.

Considérant que l’appel est recevable pour avoir été introduit suivant les formes et délai prévus par la loi ;

Considérant qu’au fond la question litigieuse est celle de la compétence d’attribution des juridictions de l’ordre administratif par rapport à une taxation d’une note d’honoraires et de frais d’avocat, en sorte que la qualification de pareille taxation s’impose avant tout autre progrès en cause ;

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Considérant que la loi modifiée du 10 août 1991 sur la profession d’avocat dispose en son article 18 que « les attributions du Conseil de l’ordre comprennent en outre l’administration de l’ordre et notamment l’établissement du tableau des avocats, les devoirs requis par l’assistance judiciaire, la taxation des honoraires et des frais des avocats, la rédaction des avis en matière de législation et de justice et plus généralement l’examen de toutes les questions intéressant l’exercice de la profession et la défense des droits des avocats. ... » ;

Que suivant l’article 38 de la même loi « (1) L’avocat arrête ses honoraires et met en charge ses frais professionnels. Dans la fixation des honoraires, l’avocat prend en compte les différents éléments du dossier, tels l’importance de l’affaire, le degré de difficulté, le résultat obtenu et la situation de fortune du client. (2) Dans les cas où cette fixation excéderait des normes raisonnables, le Conseil de l’ordre les réduit, eu égard aux différents éléments du dossier mentionnés au paragraphe (1) précédent » ;

Considérant que la loi du 10 août 1991 a pris la relève en la matière du décret impérial du 14 décembre 1810 portant règlement sur l’exercice de la profession d’avocat et la discipline du barreau, abrogé à travers elle ;

Considérant que suivant l’article 43 du décret impérial du 14 décembre 1810 « à défaut de règlement, et pour les objets qui ne seraient pas prévus dans les règlements existants, voulons que les avocats taxent eux-mêmes leurs honoraires et frais avec la discrétion qu’on doit attendre de leur ministère. Dans le cas où la taxation excéderait les bornes d’une juste modération, le conseil de discipline la réduira, eu égard à l’importance de la cause et de la matière du travail ; Il ordonnera la restitution, s’il y a lieu, même avec réprimande. En cas de réclamation contre la décision du conseil de discipline, on se pourvoira au tribunal » ;

Considérant qu’appelée à qualifier la taxation d’honoraires et de frais d’avocat opérée par le Conseil de l’ordre suivant l’article 18 de la loi modifiée du 10 août 1991, dans l’hypothèse d’une réduction de ceux-ci sur base de son article 38, la Cour est amenée à constater que le terme « taxation » est sujet à malentendement au regard des acceptions plurales qu’il est susceptible de revêtir, compte tenu notamment du contexte et de l’époque ;

Considérant que l’acception du terme « taxation » prévu par l’article 18 de la loi modifiée du 10 août 1991 n’étant pas clair dans le contexte légal actuel, il convient d’en dégager la signification, étant entendu que la réduction prévue par l’article 38(2) de la même loi s’opère dans le cadre de l’opération de taxation visée par l’article 18 ;

Considérant que si suivant l’ancien droit, du moins dans les provinces belges, le Grand Conseil de Malines et la plupart des conseils provinciaux, contrairement à la plupart des parlements français, donnaient une action pour les honoraires d’avocat dont le règlement s’opérait d’après des tarifs spéciaux à chaque juridiction et étaient soldés par la partie condamnée aux frais, il convient de ne pas perdre de vue que dans ce système c’était le greffier de la juridiction qui était, dans un premier stade, le taxateur et, en cas de contestation par la partie, le greffier en référait au magistrat rapporteur de la cause ;

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Que dans ce système ancien la taxe de greffe n’avait pas force d’arrêt et on en pouvait revenir par simple requête à la Cour ;

Considérant que le propre de la taxation, à tous niveaux, consistait dans son lien nécessaire avec un tarif existant à sa base ;

Que l’honoraire une fois fixé, l’avocat avait action en justice, comme en France, pour le réclamer (cf. Duchaine et Picard, manuel pratique de la profession d’avocat en Belgique, Paris et Bruxelles, 1869, n°s 136 et suivants) ;

Considérant que depuis 1810 ce sont les avocats qui « taxent eux-mêmes leurs honoraires avec la discrétion qu’on doit attendre de leur ministère » (article 43 du décret impérial du 14 décembre 1810 précité) ;

Qu’actuellement l’article 38 de la loi modifiée du 10 mai 1991 a maintenu ce principe en prévoyant à travers son paragraphe (1) que « l’avocat arrête ses honoraires et met en charge ses frais professionnels » tout en qualifiant cette opération de « fixation des honoraires » à travers son paragraphe (2);

Considérant qu’il convient de souligner que l’opération de taxation effectuée par le Conseil de l’ordre ne doit pas être confondue avec la taxation des dépens d’avocat que les différentes juridictions sont appelées à faire suivant les tarifs respectivement applicables, étant entendu que ces dépens d’avocat relèvent d’une tarification issue de la loi, sinon de la réglementation publique, tandis que pour le surplus, au niveau du barreau, aucune tarification prise en conformité avec les dispositions de l’article 11(6) modifié de la Constitution n’apparaît comme ayant été arrêtée ;

Considérant que d’un point de vue historique la taxation des dépens d’avocat s’apparente à la même opération ayant valu pour les honoraires d’avocat sous l’ancien régime, tandis que parallèlement, depuis l’article 43 du décret impérial du 14 décembre 1810 prérelaté, la fixation des honoraires d’avocat est opérée par le professionnel intéressé lui-même soumise à une opération de « contrôle » afférente du Conseil de l’ordre dont il relève ;

Considérant que d’un point de vue économique les dépens d’avocat, tarifés, constituent actuellement la part mineure, tandis que les honoraires d’avocat, non tarifés, représentent de loin la pars major ;

Considérant qu’il est patent que dans les relations entre l’avocat et son client l’opération de fixation des honoraires, contrepartie du travail intellectuel du professionnel libéral concerné, de même que celle de la mise en charge des frais professionnels exposés, relèvent de droits civils et que les contestations afférentes, une fois devenues d’ordre contentieux, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, le tout conformément à l’article 84 de la Constitution ;

Considérant que reste la question litigieuse en l’espèce de la compétence juridictionnelle en cas de recours contre la taxation des honoraires et frais d’avocat opérée par le Conseil de l’ordre ;

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Considérant que le solutionnement de cette question comporte d’abord celui de la qualification de la taxation dans le contexte législatif actuel ;

Considérant que le terme « taxation » comporte classiquement deux acceptions, l’une étant celle d’une imposition revêtant à la fois l’action d’imposer une taxe et le résultat de cette action, tandis que l’autre s’analyse en fixation autoritaire d’un prix et se réfère nécessairement à un tarif, de sorte à pouvoir être qualifiée de façon synonyme de tarification (cf. Gérard Cornu, vocabulaire juridique, association Henri Capitant, première édition, 1987) ;

Considérant qu’il est manifeste que la taxation à laquelle se réfère l’article 18 de la loi modifiée du 10 août 1991 ne correspond point à une imposition ;

Considérant qu’à défaut de tarif en vigueur concernant les honoraires et frais d’avocat, la taxation ne correspond non plus à une tarification, sens deuxième du mot ;

Considérant que force est ici à la Cour de constater que le terme « taxation » a été maintenu à mauvais escient depuis l’ancien droit par le relais du décret impérial du 14 décembre 1810 et en l’absence précisément à l’heure actuelle d’un tarif afférent des honoraires et frais des avocats au Grand-Duché de Luxembourg ;

Que dès lors la qualification de fixation autoritaire dans le chef de la « taxation » opérée par le Conseil de l’ordre ne se trouve point vérifiée sous cet aspect ;

Considérant qu’il était admis sous l’empire de l’article 43 du décret impérial du 14 décembre 1810 que si le règlement des honoraires y prévu entrait parmi les attributions du conseil de discipline ainsi désigné, le conseil agissait suivant une double qualité : que d’un côté il pouvait, à l’occasion, invoquer son pouvoir disciplinaire pour reprendre l’avocat dont les prétentions seraient blâmables, tandis qu’en règle générale et d’un autre côté toute question de répression écartée, le conseil agissait comme pouvoir gracieux, comme juge conciliateur ou appréciateur (cf.

Duchaine et Picard précité, n° 133) ;

Considérant que la loi modifiée du 10 août 1991 ayant maintenu parmi les attributions du conseil de l’Ordre précisément désigné, la taxation des honoraires d’avocat, y compris des frais professionnels, force est à la Cour administrative, entendant expressément rejoindre dans cet aspect la qualification faite à cet escient par les juridictions de l’Ordre judiciaire, de retenir qu’au-delà de la terminologie impropre maintenue, la taxation des honoraires et frais, emportant le cas échéant une réduction de ceux-ci, ne comporte aucun élément décisionnel à proprement parler, mais s’analyse en avis du Conseil de l’ordre appelant à la sagesse des parties concernées et tendant à la conciliation de celles-ci dans les limites des normes raisonnables, tel que prévu par l’article 38(2) de la loi modifiée du 10 août 1991 prérelaté ;

Considérant que dès lors pareille « taxation » du Conseil de l’ordre, si elle n’atteint pas son but conciliateur, ne constitue point un élément décisionnel dans le chef des parties concernées à la base – avocat et client – ni a fortiori un titre exécutoire, en sorte que pareille taxation, au-delà de son poids inhérent, dans la mesure où elle

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s’appuie sur des critères de sagesse et de raison, d’un point de vue strictement juridique, ne lie ni l’avocat, ni le client, ni la juridiction saisie ;

Considérant qu’au-delà du caractère non décisionnel de la « taxation » d’honoraires et de frais opérée par le Conseil de l’ordre ci-avant retenu, il convient encore de préciser que pareille « taxation » ne relève pas non plus d’une prérogative de puissance publique dudit Conseil ;

Considérant que bien que s’étant vu attribuer des prérogatives de puissance publique par la loi afin de réglementer la profession des avocats de son ressort, compte tenu des dispositions de l’article 11(6) de la Constitution tel que modifié à travers la loi de révision du 19 novembre 2004, le Conseil de l’ordre n’agit pas en vertu de pareille prérogative lorsqu’il procède à la « taxation » d’honoraires et de frais d’un avocat de son ressort ;

Considérant que la taxation d’honoraires et de frais d’un avocat par le Conseil de l’ordre ne revêtant point de caractère décisionnel, elle ne saurait, en tant que telle constituer une base suffisante à une action disciplinaire ;

Considérant que si certaines réductions d’honoraires et de frais peuvent être révélatrices d’une fixation par l’avocat excédant de façon caractérisée les normes raisonnables, une action disciplinaire est susceptible d’être parallèlement entamée au regard de pareille fixation ;

Que dans le cas d’espèce aucun élément du dossier soumis aux juridictions de l’ordre administratif ne permet cependant de conclure que pareille action ait été ne fût-ce qu’envisagée par les autorités compétentes ;

Considérant qu’il résulte de l’ensemble des développements qui précèdent que l’appel n’est justifié en aucun de ses volets, en sorte qu’il y a lieu d’en débouter l’appelant, le jugement entrepris étant à confirmer sur base des motifs qui précèdent ensemble ceux déjà développés par les premiers juges, en ce qu’il a été retenu que la « taxation » déférée au fond n’était pas à considérer comme décision administrative individuelle susceptible de faire l’objet d’un recours devant les juridictions de l’ordre administratif ;

Considérant que l’Ordre des avocats du barreau de Luxembourg ne formule pas d’appel incident à l’encontre du chef du premier jugement l’ayant débouté de sa demande en allocation d’une indemnité de procédure, mais sollicite devant la Cour une indemnité de procédure finalement basée sur l’article 33 de la loi modifiée du 21 juin 1999 portant règlement de procédure devant les juridictions administratives ;

Considérant qu’à défaut d’appel incident il n’y a pas lieu pour la Cour de statuer plus en avant quant à la demande d’une indemnité de procédure formulée en première instance par l’Ordre des avocats ;

Considérant qu’eu égard aux éléments d’interprétation exigés en vue de toiser les moyens soumis à la Cour, il n’apparaît pas comme étant inéquitable de laisser les frais d’appel non inclus dans les dépens à charge de la partie intimée ;

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Qu’il y a dès lors lieu de rejeter la demande en allocation d’une indemnité de procédure formulée par l’intimé concernant lesdits frais d’appel ;

Considérant que la distraction des frais au profit de l’avocat en ayant fait l’avance n’étant point prévue devant les juridictions de l’ordre administratif, il n’y a pas lieu de donner suite à la demande afférente du mandataire de l’intimé ;

Considérant que l’intimé demande encore à la Cour de dire que « le jugement » à intervenir soit exécutoire par provision renonçant à toute voie de recours et sans caution ;

Considérant que la Cour statue par voie d’arrêt ;

Considérant que d’après l’article 95bis (3) de la Constitution « la Cour administrative constitue la juridiction suprême de l’ordre administratif » ;

Considérant que par voie de conséquence, une fois notifié, l’arrêt à intervenir de la Cour administrative, statuant contradictoirement, est exécutoire en sorte que la demande de l’intimé concernant l’exécution provisoire est à déclarer sans objet.

Par ces motifs,

la Cour administrative, statuant contradictoirement ; reçoit l’appel en la forme ;

au fond, le dit non justifié ; partant en déboute l’appelant ; confirme le jugement entrepris ;

écarte la demande de l’intimé en allocation d’une indemnité de procédure pour les frais d’appel ;

condamne l’appelant aux dépens d’appel.

Ainsi délibéré et jugé par :

Marion Lanners, présidente,

Francis Delaporte, premier conseiller, rapporteur, Henri Campill, conseiller,

et lu par la présidente en l’audience publique à Luxembourg au local ordinaire des audiences de la Cour à la date indiquée en-tête, en présence du greffier en chef de la Cour Erny May.

le greffier en chef la présidente

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