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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L HOMME. Communiqué du Greffier PREMIER AVIS CONSULTATIF DE LA COUR

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99 12.2.2008 Communiqué du Greffier

PREMIER AVIS CONSULTATIF DE LA COUR

La Cour européenne des droits de l’homme (Grande Chambre) a rendu aujourd’hui son premier avis consultatif.

Elle y conclut, à l’unanimité, que le rejet d’une liste de candidats à l’élection aux fonctions de juge à la Cour au seul motif qu’aucune femme n’y figure n’est pas conforme à la Convention européenne des droits de l’homme.

La Cour en appelle par ailleurs à ce que des exceptions au principe suivant lequel chaque liste doit comporter au moins un candidat du sexe sous-représenté à la Cour soient définies dès que possible.

C’est en vertu de l’article 471 (avis consultatif) de la Convention européenne des droits de l’homme que la Cour avait été invitée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, branche exécutive de l’Organisation, à émettre son avis sur certaines questions juridiques relatives à l’équilibre entre les sexes dans la composition des listes de candidats présentées en vue de l’élection des juges de la Cour européenne des droits de l’homme (voir ci-dessous pour plus de détails).

Cette demande d’avis consultatif était la deuxième à avoir été adressée à la Cour par le Comité des Ministres. La première concernait la coexistence de la Convention des droits de l’homme et des libertés fondamentales de la Communauté d’Etats indépendants et de la Convention européenne des droits de l’homme. La Cour avait rendu sa décision sur cette question le 2 juin 2004. Elle y avait conclu, à l’unanimité, que la demande d’avis consultatif ne relevait pas de sa compétence telle que définie par l’article 47 de la Convention.

Le communiqué de presse et le texte de la décision (disponibles en français et en anglais) peuvent être consultés sur le site internet de la Cour (http://www.echr.coe.int).

1. Le contexte et les questions

En vertu de l’article 22 § 1 de la Convention, les juges de la Cour européenne des droits de l’homme sont élus par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au titre de chaque Haute Partie contractante2, à la majorité des voix exprimées, sur une liste de trois candidats présentés par la Haute Partie contractante. L’article 21 § 1 de la Convention précise qu’ils

1. L’article 47 dispose que la Cour peut, à la demande du Comité des Ministres, donner des avis consultatifs sur des questions juridiques concernant l’interprétation de la Convention et de ses protocoles. Ces avis ne peuvent porter ni sur les questions ayant trait au contenu ou à l’étendue des droits et libertés définis au titre 1 de la Convention et dans les protocoles ni sur les autres questions dont la Cour ou le Comité des Ministres pourraient avoir à connaître par suite de l’introduction d’un recours prévu par la Convention.

2 C'est-à-dire au titre de chaque Etat ayant ratifié la Convention.

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doivent « jouir de la plus haute considération morale et réunir les conditions requises pour l’exercice de hautes fonctions judiciaires ou être des jurisconsultes possédant une compétence notoire ». Les candidats ne doivent pas obligatoirement être des ressortissants du pays concerné, mais c’est généralement le cas.

Dans ses Résolutions 1366 (2004) et 1426 (2005), l’Assemblée a décidé de ne pas prendre en considération les listes de candidats ne comportant pas au moins un candidat de chaque sexe, excepté lorsque les candidats appartiennent tous au sexe sous-représenté à la Cour, c'est-à- dire au sexe représentant moins de 40% du nombre total des juges. En pratique, cela signifie que toutes les listes ne comportant que des candidats du sexe masculin sont rejetées.

En application de cette politique, la liste de candidats – tous de sexe masculins – soumise au titre de Malte le 17 juillet 2006 fut rejetée par l’Assemblée. Le gouvernement maltais protesta contre la décision, faisant valoir en particulier qu’il avait satisfait à ses obligations découlant de l’article 21 § 1 de la Convention et que la Convention elle-même ne comportait aucune disposition relative à l’équilibre des sexes. La question suscita un large débat, tant au sein de l’Assemblée qu’ailleurs.

C’est dans ce contexte que, le 17 juillet 2007, le Comité des Ministres, faisant application de l’article 47 de la Convention, invita la Cour à rendre un avis consultatif sur les deux questions suivantes :

1. Une liste de candidats au poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme satisfaisant aux critères énumérés dans l’Article 21 de la Convention peut-elle être refusée du simple fait de considérations de sexe ? et

2. La résolution 1366 (2004) et la résolution 1426 (2005) vont-elles à l’encontre des responsabilités que la Convention confère à l’Assemblée en vertu de l’article 22 de considérer une liste ou un nom figurant sur ladite liste en se fondant sur les critères énumérés à l’article 21 de la Convention ?

2. Procédure

La demande d’avis consultatif a été attribuée à la Grande Chambre de la Cour.

Des observations écrites ont été soumises par l’Assemblée et par les gouvernements de 13 pays (l’Autriche, l’Espagne, la France, la Géorgie, Malte, Monaco, le Portugal, la République tchèque, le Royaume-Uni, la Slovaquie, la Slovénie, la Suisse et la Turquie). 37 gouvernements ont également fait parvenir à la Cour dans le délai que celle-ci avait fixé des observations sur la question de savoir si leurs pays avaient adopté des règles destinées à assurer la présence des femmes (ou du sexe sous-représenté) au sein de leurs Cours suprême et/ou constitutionnelle.

La décision de ce jour a été rendue par une Grande Chambre de 17 juges ainsi composée : Jean-Paul Costa (Français), président,

Christos Rozakis (Grec), Nicolas Bratza (Britannique), Boštjan M. Zupančič (Slovène), Peer Lorenzen (Danois),

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Françoise Tulkens (Belge), Loukis Loucaides (Chypriote), Ireneu Cabral Barreto (Portugais), Corneliu Bîrsan (Roumain),

Nina Vajić (Croate),

Mindia Ugrekhelidze (Géorgien), Anatoly Kovler (Russe),

Vladimiro Zagrebelsky (Italien), Antonella Mularoni (Saint-Marinaise), Elisabet Fura-Sandström (Suédoise), Egbert Myjer (Néerlandais),

Dragoljub Popović (Serbe), juges, et Erik Fribergh, Greffier,

3. Résumé de la décision3

La Cour relève que la première question posée porte sur les droits et obligations de l’Assemblée parlementaire dans la procédure d’élection des juges, tels qu’ils résultent de l’article 22 en particulier et du système de la Convention en général. Elle revêt donc, quelles que soient ses implications, un caractère juridique qui la fait entrer dans le champ de compétence de la Cour conformément à l’article 47 § 1 de la Convention. Compte tenu ensuite de la réponse donnée par elle à cette première question (voir ci-dessous), la Cour estime qu’il ne s’impose pas de répondre à la deuxième question.

En ce qui concerne la première question, la Cour observe que rien n’empêche les Parties contractantes de chercher, par exemple, à réaliser un certain équilibre entre les sexes ou les professions juridiques représentées par une liste ou au sein de la Cour. Toutefois, malgré leur légitimité, des considérations de ce type ne sauraient dispenser une Partie contractante d’avoir à présenter des candidats qui chacun remplissent toutes les conditions visées à l’article 21 § 1, lesquelles concernent exclusivement les qualités morales et les qualifications professionnelles des candidats. La Cour fait observer à cet égard que le respect de cette exigence représente également un enjeu majeur pour elle dans la mesure où il est essentiel pour son autorité et la qualité de sa jurisprudence qu’elle soit composée de membres jouissant des plus hautes qualifications juridiques et qualités morales.

Par ailleurs, s’il est clair que l’Assemblée est tenue de procéder à l’élection des juges dans les conditions fixées par l’article 22 de la Convention, elle dispose également d’une certaine latitude dans la fixation de la procédure devant mener à l’élection des juges, même si dans l’exercice de cette fonction elle est tenue d’abord et avant tout par l’article 21 de la Convention.

Il va de soi aussi que l’Assemblée peut se laisser guider par des critères additionnels qu’elle estime pertinents pour déterminer son choix parmi les candidats présentés par une Partie contractante et, comme elle l’a fait dans un but de transparence et de prévisibilité, reprendre ces critères dans ses résolutions et recommandations. En effet, aucune limitation explicite ne

3 Rédigé par le Greffe, ce résumé n’engage pas la Cour.

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se dégage de l’article 22 ou du système de la Convention quant aux critères en fonction desquels l’Assemblée parlementaire fait son choix parmi les candidats proposés.

La Cour relève que la présence d’un membre du sexe sous-représenté n’est pas le seul critère que l’Assemblée applique sans qu’il soit explicitement prévu par l’article 21 § 1 de la Convention. Il en va de même de la « connaissance suffisante d’au moins une des langues officielles » du Conseil de l’Europe. La Cour fait toutefois observer que la connaissance suffisante d’au moins une des langues officielles est nécessaire pour pouvoir contribuer utilement au travail de la Cour, dès lors que celle-ci ne s’exprime que dans l’une de ces deux langues. Ce qui différencie le critère fondé sur le sexe des candidats, c’est son absence de lien implicite avec les critères généraux de compétence visés à l’article 21 § 1 de la Convention.

La Cour note que ce critère procède d’une politique de reconnaissance de l’égalité des sexes, laquelle politique reflète l’importance de cette égalité dans la société contemporaine et le rôle que jouent l’interdiction de la discrimination et les mesures de discrimination positive en vue d’atteindre cet objectif. On observe par ailleurs un large consensus sur la nécessité de favoriser l’équilibre des sexes au sein de l’Etat et dans les emplois publics nationaux ou internationaux, y compris dans l’appareil judiciaire. Même si les Etats qui ont adopté des règles spécifiques tendant à assurer un certain équilibre entre les sexes dans les cours et tribunaux constituent une minorité, nombreux sont ceux qui favorisent un tel équilibre par des politiques appropriées. Une même tendance est perceptible au niveau des juridictions internationales et se trouve d’ailleurs reflétée dans le règlement de la Cour européenne des droits de l’homme.

Pareille politique ne saurait toutefois avoir pour conséquence de rendre plus difficile pour les Parties contractantes la tâche de présenter des candidats satisfaisant par ailleurs à toutes les exigences de l’article 21 § 1, lesquelles doivent être considérées comme prioritaires. Les Parties contractantes ont certes accepté en principe de présenter des candidats du sexe sous- représenté à la Cour, mais pas sans qu’il puisse être dérogé à cette règle. Il s’agit donc d’une obligation de moyens, pas d’une obligation de résultats.

Pareille situation peut se présenter en particulier pour des Etats où les titulaires de professions juridiques représentent un groupe restreint. Ces Etats ne sauraient, en effet, pour satisfaire au critère du sexe des candidats, se retrouver dans l’impossibilité de nommer des candidats réunissant les critères de l’article 21 § 1, sauf à choisir des non-nationaux. On ne saurait admettre qu’un Etat soit forcé de recourir à des candidats étrangers dans le seul but de satisfaire aux critères du sexe des candidats, lequel critère n’est pas inscrit dans la Convention. De plus, cela risque d’entraîner que le candidat élu ne dispose pas de la même connaissance du système juridique, de la langue, voire même des traditions culturelles et autres de l’Etat concerné qu’un candidat originaire de celui-ci. Or la règle de la présence obligatoire du juge national dans les formations de jugement a précisément pour raison d’être principale d’assurer que lesdites formations soient pleinement informées du droit national pertinent de l’Etat défendeur et de son contexte. En conséquence, il ne serait pas compatible avec la Convention d’obliger un Etat à présenter un candidat d’une autre nationalité dans le seul but de réaliser l’équilibre des sexes.

Il en résulte que même si l’objectif consistant à vouloir assurer une certaine mixité dans la composition des listes de candidats est légitime et généralement accepté, il ne saurait être poursuivi sans des exceptions destinées à permettre à chaque Partie contractante de

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sélectionner des candidats nationaux satisfaisant à toutes les exigences de l’article 21 § 1.

Certes, la nature et l’étendue exacte de telles exceptions n’ont pas encore été déterminées.

La Cour conclut qu’en ne permettant aucune exception à la représentation du sexe sous- représenté, la pratique actuelle de l’Assemblée parlementaire n’est pas conforme à la Convention : là où une Partie contractante a pris toutes les mesures nécessaires et adéquates en vue d’assurer la présence du sexe sous-représenté sur sa liste mais sans succès, et à plus forte raison quand elle a suivi les recommandations de l’Assemblée préconisant une procédure ouverte et transparente avec appel à candidatures, l’Assemblée ne saurait rejeter la liste en question pour la seule raison que cette présence n’est pas réalisée. Il est dès lors nécessaire que des exceptions au principe de la présence obligatoire d’un candidat du sexe sous-représenté soient formulées dès que possible.

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La Cour européenne des droits de l’homme a été créée à Strasbourg par les Etats membres du Conseil de l’Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.

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